de la machine à vapeur et du jeu admirable de toutes les parties de ce moteur; M. Arago est véritablement l'historien de la science. 11. Cour d'assises de la Seine. Affaire de la Tribune. M. Bichat, gérant de la Tribune, était traduit devant la cour d'assises comme prévenu, to du délit d'offense envers la personne du roi; 2o du délit d'excitation au mépris et à la haine du gouvernement du roi, par suite de la publication d'un article: Du voyage du roi à Compiègne, inséré dans le numéro de ce journal du 14 septembre dernier. Cette affaire avait attiré un nombreux auditoire. On remarque sur l'un des bancs placés dans l'enceinte du prétoire, MM. le général Bugeaud, César Bacot et Georges Lafayette, et en face sur un banc, MM. Jacques Laffitte et Janvier, tous membres de la Chambre des députés. Après les questions d'usage au prévenu, qui assume, en sa qualité de gérant, la responsabilité de l'article incriminé, le greffier donne lecture de l'arrêt de renvoi et de l'article en question, dans lequel se trouvent les passages suivans: ..... « Ces ingrats sont sans doute MM. Lafayette, Dupont (de l'Eure) et Laffitte. Ce dernier, en effet, après avoir sacrifié à Louis-Philippe son immense fortune et presque sa popularité, n'a-t-il pas été abreuve de dégoûts, d'avanies, et poursuivi à outrance par des créanciers ciers qui qui n'étaient que les prête-noms d'un puis sant personnage? n'est-ce pas aux instigations de ce même personnage qu'il faut attribuer le funeste duel qui, en privant Dulong de la vie, a fait une incurable blessure aux plus chères affections de Dupont (de l'Eure) et conduit Lafayette au tombeau? etc., etc. >>> M. Germain Sarrut, rédacteur en chef de la Tribune et l'un des défenseurs de M. Bichat, s'adressant à la cour: M. Bichat a fait citer comme témoins MM. Jacques Laf Bacot, Georges Lafayette, le général Bugeaud et Armand Carrel; je prie la cour de les entendre. M. Plougoulm, avocat-général, s'oppose vivement à l'audition demandée, en rappelant qu'en matières d'offense et de diffamation la loi n'admet la preuve des faits articulés que dans un seul cas, celui où il s'agit des fonctionnaires publics lorsqu'ils ont été injuriés dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. Or, la per sonne du roi étant sacrée, inviolable, ainsi que le dit la Charte ellemême, on ne saurait ni l'assimiler à celle d'un simple fonctionnaire public, ni prouver les faits diffamatoires qu'on lui reproche. M. Germain Sarrut commence par annoncer que la Tribune a acquis aussi le droit de connaître la jurisprudence des cours d'assises elle qui, par un phénomène incroyable, a subi depuis la révolution de juillet 102 procès, qui en a perdu 17 et qui par suite a été condamnée à 17 ans de prison, et à 120,000 fr. d'amende. En droit, il combat la doctrine du ministère public; le roi, dit-il, et c'est M. le garde-des-sceaux qui l'a dit à la tribune, le roi étant irresponsable, le roi ne parlant pas, n'agissant pas par lui-même, le roi n'étant luimême, passez-moi le mot, dit-il, qu'un porte-voix, lorsqu'il débite le discours de la couronne, j'ai le droit, s'il commet une erreur, de la relever, et en cela, ce n'est pas le roi c'est le ministère que j'attaque et non la personne royale. La Tribune a cité des faits, les tenez-vous pour avérés? alors la preuve est inutile; les contestezvous? alors la preuve est nécessaire; et si vous reculez devant elle, c'est apparemment que vous redoutez la puissance de la vérité. La Cour, après en avoir délibé ré, rend un arrêt par lequel elle dit qu'il n'y a lieu d'entendre les témoins cités, et ordonne qu'il sera passé outre à l'examen du fond, M. l'avocat-général Plougoulm, fitte, Dupont (de l'Eure), César abordant le fond du procès, exa mine et commente avec soin les passages les plus saillans de l'article incriminé, et notamment celui que nous avons transcrit. Il y voit les délits signalés, qu'il trouve surabondamment dans une autre partie de l'article où on lit cette phrase: « Il vous a fallu livrer Lyon à un sac affreux, épouvanter la capitale par d'exécrables boucheries, et faire supporter à tout le pays le poids d'une occupation de quatre cent mille hommes. >>> Ma Ledru-Rollin présente la défense de M. Bichat. Il examine et combat l'accusation en invoquant divers documens d'où il conclut que les assertions de la Tribune ne sont pas calomnieuses, et que, si elles sont vraies, les jurés n'étant point des automates, il est de leur devoir d'acquitter. M. Plougoulm, qui avait été plusieurs fois interrompu dans son discours, interrompt à son tour le défenseur, et il en résulte une lutte de paroles pleines d'acrimonies. Après le résumé des débats, M. Sarrut demande à la cour la permission de remettre au jury: 1o la brochure de M. le général Vachereau; 2o le numéro acquitté de La Caricature représentant le duel du général Bugeaud; 3o la lettre adressée à ce sujet par M. Armand Carrel à M. le général Rumigny. La cour autorise la remise demandée. A une heure et demie le jury entre en délibération. A deux heures il rentre en séance et déclare le prévenu coupable sur les deux questions. La cour a condamné le gérant de la Tribune à un an de prison et 6,000 fr. d'amende. 11. Election académique. - L'Académie Française a procédé aujourd'hui à la nomination d'un secrétaire perpétuel, à la place de M. Ar nault. M. Villemain, neuf; M. Lemercier, trois; M. Lainé, une. Au second tour de scrutin, les voix se sont partagées entre les deux premiers concurrens, qui en ont obtenu chacun onze; les autres voix ont été données à MM. Lemercier et Lainé. Pour le troisième tour de scrutin, MM. Droz et Villemain, par un juste scrupule, ont déclaré qu'ils s'abstiendraient du scrutin; dès lors le nombre des votans était réduit à vingt-trois. M. Villemain a obtenu douze suffrages et M. Droz onze ; en conséquence le premier a été proclamé secrétaire perpétuel de l'Académie Française. 11. Paris, Théâtre Italien. Début de mademoiselle Brambilla. - Depuis l'année dernière on regrettait de ne pas entendre la Semiramide de Rossini. On attendait avec impatience que le théâtre italien eût l'occasion d'engager une femme douée d'une voix de contralto, pour remplir le rôle d'Arsace dans cet opéra. Mademoiselle Brambilla s'est présentée sous les habits du fils de Sémiramis, et a chanté ce rôle avec autant de goût que d'intelligence. Cependant cette virtuose qui, jeune encore, a déjà eu de longs et brillans succès sur le théâtre de la Scala à Milan, ne possède point une voix de contralto décidée. C'est un mezzo soprano soutenu par quelques cordes basses, juste et flexible, mais parfois voilé. Son timbre, doux et agréable, se prête particulièrement à exprimer avec grâce les sentimens tendres, et s'est montré insuffisant pour rendre les traits énergiques du rôle d'Arsace. Mademoiselle Brambilla est loin sans doute de faire oublier madame Pizarroni dans ce même rôle d'Arsace; toutefois sa venue devait rendre aux amateurs, outre Semiramide, quelques autres chefs-d'œuvres, tels que la Donna del lago et Tancredi, qu'on ne pouvait jouer faute de voix du genre de la sienne, et cette considération a fait passer par-dessus les imperfections de son talent. 13. Académie Française. Réception de M. Thiers, ministre de l'intérieur. Il y avait long-temps qu'une réception académique n'avait attiré autant de monde que celle de M. Thiers. Bien avant l'ouverture de la séance toutes les tribunes et l'enceinte circulaire de la salle réservée an public étaient remplies par une foule de femmes élégamment parées, d'hommes de lettres français, d'étrangers distingués par leur rang ou par leurs talens. A une heure précise les membres de l'Institut sont entrés dans la salle, mais en si grand nombre, qu'à peine si tous ont pu trouver place. Enfin tous étant assis, M. Thiers, invité par M. Viennet, directeur de l'Académie, a pris la parole. Le début du récipiendaire a été simple. L'orateur, en remerciant ses nouveaux collègues de l'avoir admis dans le sanctuaire des lettres, s'est appliqué à relever le prix de cette faveur, par de justes éloges d'un corps qui a possédé Corneille, Racine, Montesquieu et Voltaire, et qui naguère encore pouvait montrer à l'Europe La Grange, Laplace et Cuvier. de Alors, après avoir parlé convenablement du grand travail historique qui l'a fait entrer à l'Académie, M. Thiers abordant son sujet par une transition assez adroite, nous a entretenus de la jeunesse, des premiers travaux d'Andrieux, et surtout ce triumvirat littéraire qu'il forma de bonne heure avec Collin d'Harleville et Picard, que nous avons vus ses rivaux sur la scène et ses collègues à l'Académie. Tout ce qu'il a dit sur ces trois écrivains, portait l'empreinte de la raison et du goût. Mais un discours, consacré tout entier à l'éloge d'un homme de lettres d'un rang très-secondaire, aurait fini par manquer d'attraits pour un public de nos jours; M. Thiers a senti le besoin d'un intérêt plus vif, et profitant de l'oecasion offerte par la présence d'Andrieux au Tribunat, il a tracé l'époque des premiers temps du consulat. En rendant justice à ceux qui, comme Andrieux, résistèrent à Bonaparte, qui leur paraissait coupable d'usurpation eten révolte contre la liberté, M. Thiers fait cependant des excuses d'homme d'état pour Bonaparte; tout le monde ne les admettra pas, la morale et la liberté réclameront, mais personne ne refusera de convenir que ces excuses ont été habilement présentées. Cette partie du discours, prononcée avec chaleur, exprimée avec l'entraînement de l'improvisation, a fait éclater de vifs applaudissemens, qui s'adressaient surtout à tout ce qui regardait Bonaparte. Les opinions littéraires d'Andrieux ont ensuite fourni à son panégyriste l'occasion de dire des choses vraies, élevées sur notre langue, que nos grands écrivains des 17o et 18e siècles n'ont jamais accusée d'indigence, quoiqu'ils lui demandassent des expressions et des formes pour rendre des idées d'une nature si différente. Ici l'orateur, franchissant les limites de son sujet dont il sort un peu brusquement, trace un tableau rapide et hardi de notre révolution, et promet, en son nom, un magnifique avenir à tous les arts qui peuvent illustrer un peuple. « Quels temps! quelles choses! quels hommes! s'écrie-t-il! Quels temps, quelles choses, quels hommes, depuis cette mémorable année 1789 jusqu'à cette autre année non moins mémorable de 1830! La vieille société française du 18o siècle, si polie, mais si mal ordonnée, finit dans un orage épouvantable. Une couronne tombe avec fracas, entraînant la tête auguste qui la portait. Aussitôt, et sans intervalle, sont précipitées les têtes les plus précieuses et les plus illustres: génie, héroïsme, jeunesse, succombent sous la fureur des factions, qui s'irritent de tout ce qui charme les hommes. Les partis se suivent, se poussent à l'échafaud, jusqu'au terme que Dieu a marqué aux passions humaines, et de ce chaos sanglant sort tout à coup un génie extraordinaire, qui saisit cette société agitée, l'arrête, lui donne à la fois l'ordre, la gloire; réalise le plus vrai de ses besoins, l'égalité civile; ajourne la liberté qui l'eût gêné dans sa marche, et court porter à travers Je monde les vérités puissantes de la révolution française. Un jour sa bannière à trois couleurs éclate sur les hauteurs du Mont-Thabor, un autre jour sur le Tage, un dernierjour sur le Borysthène. Il tombe enfin, laissant le monde rempli de ses œuvres, l'esprit humain plein de son image; et le plus actif des mortels va mourir, mourir d'inaction, dans une île du grand Océan! >> Après tant et desi magiques événemens, il semble que le monde épuisé doive s'arrêter; mais il marche encore. Une vieille dynastie, préoccupée de chimériques regrets, lutte avec la France, et déchaîne de nouveaux orages: un trône tombe de nouveau: les imaginations s'ébranlent, mille souvenirs effrayans se réveillent, lorsque tout à coup cette destinée mystérieuse qui conduit la France à travers les écueils depuis quarante années, cherche, trouve, élève un prince qui a vu, traversé, conservé en sa mémoire tous ces spectacles divers; qui fut soldat, proscrit, instituteur; la destinée le place sur ce trône entouré de tant d'orages, et aussitôt le calme renait, l'espérance rentre dans les cœurs, et la vraie liberté com mence. » Voilà, messieurs, les grandeurs auxquelles nous avons assisté. Quel que soit notre âge, nous en avons vu une partie, et beaucoup d'entre nous les ont vues toutes. Quand on nous enseignait, dans notre enfance, les annales du monde, on nous parlait des orages de l'antique Forum, des proscriptions de Sylla, de la mort tragique de Cicéron; on nous parlait des infortunes des rois, des malheurs de Charles ler, de l'aveuglement de Jacques II. de la prudence de Guillaume III; on nous - entretenait aussi du génie des grands -capitaines, on nous entretenait -d'Alexandre, de César; on nous charmait du récit de leur grandeur, des séductions attachées à leur génie, et nous aurions désiré connaitre de nos propres yeux ces hommes puissans et immortels. vu >> Eh bien, messieurs, nous avons rencontré, vu, touché nous-mêmes en réalité ces choses et ces hommes; nous avons vu un Forum aussi sanglant que celui de Rome; nous avons vu la tête des orateurs portée à la tribune aux harangues; nous avons des rois plus plus malheureux que Charles Ier, plus tristement aveuglés que Jacques II; nous voyons tous les jours la prudence de Guillaume, et nous avons vu César, César luimême! Parmi vous qui m'écoutez, il y a des témoins qui ont eu la gloire de l'approcher, de rencontrer son regard étincelant, d'entendre sa voix, de recueillir ses ordres de sa propre bouche, et de courir les exécuter à travers la fumée des champs de bataille. S'il faut des émotions aux poètes, des scènes vivantes à l'historien, des vicissitudes instructives au philosophe, que vous manque-t-il, poètes, historiens, philosophes de notre âge, pour produire des œuvrés dignes d'une postérité reculée? >> Si, comme on l'a dit souvent, des troubles, puis un profond repos, sont nécessaires pour féconder l'esprit humain, certes ces deux conditions sont bien remplies aujourd'hui. L'histoire dit qu'en Grèce les arts fleurirent après les troubles d'Athè nes, et sous l'influence paisible de Périclès; qu'à Rome ils se développèrent après les dernières convulsions de la république mourante et sous le beau règne d'Auguste; qu'en Italie, ils brillèrent sous les derniers Médicis, quand les républiques italiennes expiraient, et chez nous, sous Louis XIV, après la Fronde. S'il en devait toujours être ainsi, nous devrions espérer, messieurs, de beaux fruits de notre siècle!» Si M. Thiers se fût arrêté après ce passage, il ne se serait pas exposé à laisser languir un peu les témoignages de l'approbation unanime de ses auditeurs. Malgré ce reproche que nous croyons mérité, M. Thiers, 15. Cour d'assises de la Seine. Affaire de la Gazette de France. - M. Aubry-Foucault, gérant de la Gazette de France, figurait devant la cour d'assises, comme prévenu, 10 du délit d'attaque contre l'inviolabilité royale; 2o du délit d'attaque contre les droits que le roi tient de la Charte constitutionnelle et du vœu de la nation française; et 3o du délit d'excitation au mépris et à la haine du gouvernement du roi, par suite de la publication faite, dans le numéro du 2 mai dernier, d'un article intitulé : De la responsabilité constitutionnelle de Louis-Philippe; et, dans le numéro du 23 mai suivant, d'un second article sur le même sujet, ayant pour titre: De la responsabilité morale et constitutionnelle de Louis-Philippe. Après la lecture de l'arrêt de renvoi et des deux articles incriminés, Me Janvier demande à la cour d'entendre deux témoins que le prévenu a fait citer, pour établir qu'au moment de la publication des articles incriminés, M. Aubry-Foucault, alors détenu à Sainte-Pélagie, n'a pas matériellement communiqué avec les rédacteurs de ces articles; il invoque à ses concluque à l'appui de sions un précédent analogue dans un procès soutenu contre la Tribune. M. Plougoulm, avocat-général, s'oppose à l'audition demandée, qui est cependant ordonnée par la cour, et il en résulte effectivement que M. Aubry-Foucault n'a pu communiquer avec personne pour la rédaction du journal. Après de longs discours et des répliques fort animées de part et d'autre, M. le président résume les débats, et le jury entre en délibération. Il rentre à l'audience au bout d'une heure et demie, et déclare l'accusé non coupable quant au chef d'attaque contre la dignité royale, et le déclare coupable sur les deux autres chefs. La cour condamne M. AubryFoucault à trois mois de prison et 5,000 fr. d'amende. Nombre moyen des timbres employés chaque jour par les principaux journaux. |