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(les biens hypothéqués à la dette) ne sont plus dans la possession du débiteur, il ne serait pas nécessaire qu'il y eût acte translatif de propriété, et qu'il suffirait que le débiteur en eût perdu la simple possession, pour que le cautionnement non solidaire fût transformé en cautionnement solidaire, et peut-être par l'effet d'une collusion entre le débiteur et le nouveau possesseur.

Remarquez encore que le débiteur pourrait seulement échanger l'immeuble hypothéqué à la dette : cet immeuble ne serait plus dans la possession du débiteur, il ne pourrait plus être indiqué au créancier par la caution poursuivie, et, dans ce cas, la caution non solidaire serait encore privée du bénéfice de la discussion.

On a prétendu justifier cette disposition, d'abord parce que l'aliénation pourrait donner lieu à un état d'ordre auquel le créancier ne peut être obligé de figurer, et enfin parce que le créancier, la caution et le débiteur, étant déjà en instance, il y aurait de l'inconvénient à amener en cause l'acquéreur, qui serait une quatrième partie dont la défense compliquerait l'affaire principale.

La solution de ces objections se présente d'elle-même.

Le créancier hypothécaire ne peut empêcher que, dans le cas d'une expropriation forcée, il y ait un état d'ordre, qui aurait également lieu quand le débiteur serait encore possesseur du bien hypothéqué à la dette. Tout ce qui l'intéresse, c'est d'être employé dans cet état à un rang utile. L'aliénation ne lui porte aucun préjudice, si son hypothèque a conservé sa date et son privilége.

Quant à la seconde objection: si la caution a renvoyé le créancier discuter le débiteur dans ceux de ses biens que la loi l'autorise à indiquer, elle n'est plus en cause, et l'instance n'est liée qu'entre le créancier et le débiteur; la circonstance de l'aliénation est indifférente. L'acquéreur viendra-t-il justifier sa qualité, et même la transcription de son titre? I prouvera en même temps l'existence de l'hypothè

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que; car cette transcription n'aura pu, sous la responsabilité du conservateur, être faite qu'à la charge des hypothèques

inscrites.

Je ne veux rien préjuger sur le régime hypothécaire qui sera consacré dans nos lois : mais, quel qu'il soit, on peut être assuré qu'il présentera les moyens, et qu'il prescrira les formes pour établir et conserver les hypothèques.

L'action hypothécaire est foncière par sa nature, et, pour l'exercer, il n'importe quel est le propriétaire actuel de l'immeuble hypothéqué.

Vous trouverez peut-être, mes collègues, qu'il y a de ma part de la témérité à combattre à la fois, et le projet de loi, et l'opinion de la majorité de votre section de législation, opinion qu'elle vient de vous faire manifester par son rappor

teur.

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Les noms recommandables des sages qui ont rédigé ce projet de loi et de ceux qui l'ont discuté auraient peut-être dû me faire abandonner le projet que j'avais formé de le combattre.

Je me suis dit plus d'une fois qu'on pourrait m'accuser de tenir avec opiniâtreté à une première opinion; mais il n'est pas au pouvoir de celui qui est de bonne foi de renoncer à ce qu'il croit intimement juste et bon.

Je vote le rejet du projet de loi.

RÉPONSE FAITE PAR LE TRIBUN CHABOT (de l'Allier),

A L'OPINION DU TRIBUN GOUPIL-PRÉFELN.

Tribuns, l'article 13 du projet de loi sur le cautionnement a été combattu par deux motifs.

On a dit 1° que la caution qui forçait le créancier à discuter le débiteur dans ses biens ne devait pas être tenue d'avancer les fonds nécessaires pour cette discussion; 2° qu'elle devait être autorisée à requérir la discussion des biens hypo

théqués à la dette, quoiqu'ils ne fussent plus en la possession du débiteur.

Je répondrai en peu de mots aux moyens sur lesquels on a essayé d'établir cette double critique.

Le cautionnement a pour objet d'assurer l'exécution de l'obligation principale ; mais pour que l'obligation principale soit exécutée comme elle doit l'étre, il faut que la dette soit acquittée à son échéance ; la caution est donc tenue, non pas seulement de payer la dette lorsque le débiteur n'y satisfait pas lui-même, mais encore de la payer à l'échéance du terme fixé par l'obligation: autrement elle ne serait pas effectivement obligée à l'exécution de tout ce qui a été promis par le débiteur.

Il en résulte qu'à l'instant de l'échéance du terme, si le débiteur ne paie pas, le créancier devrait avoir le droit de contraindre la caution au paiement.

Telle était la disposition du droit romain: elle était conforme à la nature et à l'esprit du cautionnement.

Cependant le projet de loi admet l'exception introduite par l'empereur Justinien: il autorise la caution à requérir que le créancier discute le débiteur dans ses biens, et, pendant que dure cette discussion, la caution ne peut être poursuivie.

Elle obtient donc un délai que n'a pas le débiteur, et se trouve ainsi dégagée de l'une des obligations principales du contrat cautionné, le paiement à l'échéance du terme ; c'est là, sans doute, une faveur très-considérable.

Aussi ce privilége accordé à la caution fut appelé par l'empereur Justinien, bénéfice de discussion, et il conserve la mème dénomination dans le projet de loi.

C'est un bénéfice! il doit donc être restreint dans de justes limites, et la loi qui l'accorde peut y mettre telles conditions qu'elle juge convenables.

C'est une dérogation au droit que devrait avoir le créancier de réclamer l'exécution au moment de l'échéance, tant

contre la caution que contre le débiteur. Veillons du moins à ce que la dérogation ne soit pas plus onéreuse au créancier que l'équité ne le permet.

Tels furent les motifs qui firent adopter généralement dans l'ancienne jurisprudence que la caution avancerait les fonds nécessaires pour la discussion, et ne pourrait demander qu'une discussion qui fût de nature à ètre prompte et facile.

Le projet de loi n'introduit pas, à cet égard, un droit

nouveau.

En faveur de qui est faite la discussion des biens du débiteur? Ce n'est pas en faveur du créancier, puisqu'elle éloigne le paiement de la dette, et qu'elle le force à des poursuites désagréables, lorsqu'il pourrait, à l'instant même, contraindre la caution au paiement.

La discussion n'est donc faite que pour le fidejusseur, puisqu'elle n'a d'autre objet que de l'exempter du paiement: elle ne profite qu'à lui, puisqu'elle lui procure sa décharge, ou au moins un délai. N'est-il donc pas juste qu'il avance les fonds nécessaires pour une discussion qui n'est admise que pour ses propres intérêts? Et ne serait-il pas beaucoup trop dur pour le créancier, à qui elle porte un double préjudice par le retard qu'elle lui fait éprouver, et par les embarras qu'elle lui cause, qu'il fût encore forcé à faire l'avance des sommes nécessaires pour la soutenir?

Cette réflexion seule répond pleinement à toutes les observations qui ont été présentées en faveur de la caution.

Il y aura lieu, a-t-on dit, à des contestations sans nombre entre les créanciers et la caution pour la fixation et la remise des sommes nécessaires pour la discussion.

Mais, en proposant l'objection, on a fait en même temps la réponse: Il sera pourvu à cet objet dans le Code judiciaire.

Ici le principe est établi : c'était sa place. Le mode de discussion se trouvera où il doit être, au Code de la procédure. Sera-t-il si difficile d'ordonner que la caution remettra la

somme qu'elle croira suffisante, et qu'à l'instant où le créancier justifiera en avoir fait l'emploi, la caution sera tenue de remettre d'autres fonds pour continuer les poursuites, ou de payer la dette?

Si la caution craint que la discussion ne soit pas faite dans ses intérêts, elle aura le droit d'y intervenir.

La seconde objection faite contre l'article 13 se détruit par les mêmes motifs que la première : elle est également en opposition avec la nature et l'objet du cautionnement.

La discussion qu'il est permis à la caution de demander ne doit être ni longue ni difficile : l'équité le veut ainsi; les auteurs n'ont cessé de le réclamer; et les tribunaux l'ont décidé constamment.

Ne serait-ce donc pas exposer le créancier à une discussion longue et difficile, que de le forcer à discuter des biens qui ne seraient plus dans la possession du débiteur? N'aurait-il pas des contestations sans nombre à soutenir et avec les nouveaux détenteurs de ces biens, et avec les créanciers? Des demandes en désistement, des expropriations forcées des instances d'ordre, ne sont-ce pas là des procès? Et pourquoi forcerait-on le créancier à en subir toutes les longueurs et tous les désagrémens pour les intérêts de la caution? Ce serait lui faire acheter bien cher le bénéfice du cautionnement.

Il peut y avoir, a-t-on dit encore, une connivence entre le créancier et le débiteur.

Mais la caution n'est-elle pas subrogée à tous les droits du créancier, et n'est-elle pas déchargée lorsque cette subrogation ne peut avoir lieu par le fait du créancier?

Le contrat de cautionnement est un acte très-utile dans la société ; et le moyen le plus sûr d'en multiplier l'usage, c'est de l'organiser de manière à ce qu'il inspire une grande confiance au créancier, sans l'exposer à des contestations longues et pénibles.

Telles sont, tribuns, les raisons qui avaient déterminé

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