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2023

la caution, il en résulte évidemment que le créancier ne doit poursuivre le débiteur principal que lorsqu'elle le requiert. Mais quand doit-elle le requérir? Sera-ce en tout état de cause? Non; cette réquisition devra être faite sur les premières poursuites dirigées contre elle.

Il ne suffit pas que le fidejusseur requière la discussion; il doit encore indiquer au créancier les biens du débiteur principal et avancer les deniers suffisans pour faire la discussion; mais il ne doit indiquer ni des biens situés hors l'arrondissement du tribunal d'appel du lieu où le paiement doit être fait, ni des biens litigieux, ni ceux hypothéqués à la dette qui ne sont plus en la possession du débiteur.

Telle est la disposition littérale de l'article 13.

Cet article a été combattu par un de nos collégues, qui a cru y voir une double injustice, en ce qu'il soumet le créancier à faire l'avance des frais de la discussion, et en ce qu'il ne lui permet pas d'indiquer au créancier les biens du débi– teur hypothéqués au paiement de la dette, quand ils sont possédés par des tiers.

Je n'ai ni le temps ni la faculté d'analyser ici l'opinion qu'il a émise à cet égard. D'ailleurs cette opinion a déjà été si victorieusement réfutée, que je puis me dispenser de la réfuter une seconde fois.

J'observerai seulement que l'obligation imposée au fidéjusseur par cet article, d'avancer les frais suffisans pour poursuivre le débiteur n'est point une innovation; que cela se pratiquait déjà parmi nous, et que d'ailleurs cette obligation résulte de la nature même du cautionnement.

Au surplus, si la discussion est toute à l'avantage du fidéjusseur, s'il ne la requiert que pour éviter d'acquitter luimême une dette qu'il a garantie ou qu'on n'aurait pas consentie sans son cautionnement, n'est-il pas juste qu'il en avance les frais?

Quant à l'objection prise de la prohibition faite au fidéjusseur d'indiquer les biens hypothéqués à la dette qui sont

possédés par des tiers, elle ne paraît ni plus solide ni mieux fondée.

Je conviens que l'hypothèque affectant le fonds, elle suit nécessairement l'immeuble qui en est grevé, en quelque main qu'il passe et quel qu'en soit le possesseur.

Je conviens encore que, si les biens qui y sont soumis, quoique aliénés, étaient indiqués au créancier, il pourrait exercer l'action hypothécaire contre le tiers détenteur, et obtenir par elle ou le paiement de la dette ou l'expropriation, et que par conséquent la prohibition de les indiquer peut lui soustraire ce gage de sa créance.

Mais il n'en est pas moins vrai qu'il faudrait, pour recourir sur ce gage, plaider non seulement contre le débiteur, mais encore contre l'acquéreur de l'immeuble hypothéqué; qu'un tel procès entraînerait des retards et des longueurs, et qu'il finirait peut-être par rendre le cautionneinent plus onéreux qu'utile.

Or ce n'est sûrement pas ce qu'ont entendu, ce qu'ont voulu, soit le créancier quand il a exigé un cautionnement sûr et solide, soit le fidejusseur quand il s'est soumis à lui garantir le prompt et facile remboursement de sa créance.

On s'est beaucoup appesanti sur les inconvéniens du mode d'exécution de la disposition relative aux avances à faire au créancier.

Il présente sans doute quelques difficultés; mais comme cette matière est étrangère au Code civil, et qu'elle doit étre réglée par le Code judiciaire, il serait prématuré de la discuter ici. D'ailleurs la sagesse du gouvernement, qui a surmonté tant et de si grands obstacles, saura bien faire disparaître aussi ceux qu'on paraît tant redouter.

Je croirais abuser de votre attention, législateurs, si j'insistais plus long-temps sur des objections qui n'ont fait aucune impression sur l'esprit des membres du Tribunat, et qui n'auront sûrement pas plus de succès auprès de vous.

Lorsque le fidejusseur aura satisfait à la double obligation 1024

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le débiteur sera

qui lui est imposée par l'article 13, et que
devenu insolvable par le défaut de poursuites de la part du
créancier, sur qui retomberont les suites de cette insolvabi-
lité? Ce sera sur le créancier ; et cela est d'autant plus juste,
qu'ayant négligé de le poursuivre, il aura à s'imputer d'avoir
occasioné cette insolvabilité, ou du moins de ne l'avoir pas
prévenue par les diligences qu'il devait faire?

D'après l'article 15, dont j'ai déjà rappelé la disposition, si plusieurs personnes se rendent caution pour une mème dette, chacune d'elles répond de la totalité de cette dette.

Dans l'ancien droit romain, les cofidejusseurs qui s'étaient engagés pour un seul et mème débiteur étaient solidairement responsables de la dette. Mais l'empereur Adrien jugea à propos de modifier cette solidarité en leur accordant le bénéfice de division, c'est-à-dire la faculté de répartir entre eux la dette, pour n'eu payer chacun que sa part et portion.

Le projet de loi admet encore cette exception en faveur des cautions: ainsi chacune d'elles, à moins qu'elle n'y ait renoncé, pourra exiger que le créancier divise préalablement son action et la réduise à la part et portion de chaque caution. Si cependant il y avait précédemment des cautions insolvables, cette caution serait tenue proportionnellement de ces insolvabilités; mais elle ne pourrait être recherchée pour celles qui seraient survenues postérieurement.

Par la même raison, si le créancier a jugé à propos de diviser lui-même son action, il ne pourra revenir contre cette division, et toutes les insolvabilités antérieures devront tomber à sa charge; ce qui paraît d'autant plus raisonnable, que, pouvant antérieurement en rejeter le poids sur les cofidėjusseurs, et n'ayant pas usé de cette faculté, il est censé y avoir formellement renoncé.

De l'Effet du cautionnement entre la caution et le débiteur. lci le projet distingue trois hypothèses: 1° le cas où la caution aura payé sur les poursuites dirigées contre elle;

2o celui où elle aurait payé sans avertir le débiteur ou sans être poursuivie; 3° celui où des circonstances impérieuses la forceraient à agir contre le débiteur, même avant d'avoir payé.

Dans le premier cas, soit que le cautionnement ait été 2018-2029 donné au su ou à l'insu du débiteur, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, et ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais, depuis qu'elle a dénoncé au débiteur les poursuites dirigées contre elle, et enfin pour les dommages et intérêts, s'il y a lieu.

Qui ne voit que ce recours est d'une justice évidente? Comment en effet ne pas accorder à la caution le droit de répéter contre le débiteur tout ce qu'elle a été contrainte de payer à sa décharge?

Mais il est tout aussi juste de le lui refuser lorsqu'elle a 2031 bénévolement payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal; car ce débiteur pouvait avoir des exceptions à faire valoir, des compensations à opposer, en un mot des moyens quelconques de faire déclarer la dette éteinte; et il lui a été impossible de les proposer, si la caution lui a laissé ignorer les poursuites dirigées contre elle.

Il était juste encore de refuser ce recours à la caution, dans le cas où, ignorant un premier paiement par elle fait, le débiteur aurait payé une seconde fois. Mais dans l'un et l'autre cas, le projet a dû réserver et réserve en effet au fidéjusseur l'action en répétition contre le créancier.

Le projet donne aussi à la caution, même avant d'avoir 2032 payé, la faculté d'agir contre le débiteur principal, pour être par lui indemnisée,

1. Lorsque la caution est poursuivie en justice pour le paiement;

2°. Lorsque le débiteur a fait faillite ou est en déconfiture; 3°. Lorsque le débiteur s'est obligé de rapporter sa décharge;

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2013

4. Lorsque la dette est devenue exigible par l'échéance du terme sous lequel elle avait été contractée ;

5. Enfin, au bout de dix années, lorsque l'obligation n'a point un terme fixe d'échéance, à moins que l'obligation principale ne soit pas de nature à pouvoir être éteinte avant un temps déterminé.

Tel serait, par exemple, le cautionnement contracté en faveur d'un tuteur. Celui qui dans ce cas consent à être caution doit connaître la nature et l'étendue des obligations qu'il contracte. Il a dû savoir que l'engagement qui résulte de l'administration de la tutelle ne peut finir même avec elle, mais uniquement lorsque le tuteur s'est libéré.

S'il y a plusieurs débiteurs principaux, solidaires d'une même dette, le projet veut que le fidejusseur, qui les a tous cautionnés, ait contre chacun d'eux le recours pour la répétition d'u total de ce qu'il a payé.

Cette disposition, qui n'aggrave nullement le sort des différens débiteurs, est fondée sur la justice due à la caution. Elle a acquitté ce que chacun d'eux s'était obligé de payer. La loi pourrait-elle lui refuser le droit de choisir celui contre lequel elle voudra diriger sa demande ?

Par une de ces subtilités qu'on regrette de trouver si souvent dans les lois romaines, elles décidaient que la caution ne pouvait, sans une subrogation expresse, ou sans que le juge l'eût prononcée, répéter de ses cofidejusseurs ce qu'elle avait payé à leur décharge.

Le projet de loi est beaucoup plus sage; il veut, dans l'article 23, que, lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur, la caution qui a acquitté la dette puisse avoir recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion, pourvu toutefois qu'elle n'ait payé que dans l'un des cas énoncés en l'article 22, c'est-à-dire quand elle y aura été contrainte.

Je viens maintenant au chapitre III, qui détermine les causes qui éteignent le cautionnement.

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