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sions qui s'effectuent par décès est déterminée, pour la liquidation, et le paiement du droit proportionnel, par l'évaluation qui sera faite et portée à vingt fois le produit des biens, ou le prix des baux courants;- Qu'il ne s'agit évidemment dans cet article que des produits constants et réguliers de l'immeuble; Attendu que le droit de chasse inhérent à la qualité de propriétaire, en ce qu'il ne peut être exercé que par lui ou avec son autorisation, ne doit pas être considéré comme un fruit du fonds, mais comme un droit, dérivant, il est vrai, du droit de propriété, plutôt personnel que réel; - Que la concession de ce droit, même à prix d'argent, pour un temps déterminé, ne constitue pas une augmentation régulière et constante du revenu de l'immeuble, dans le sens de la loi, ce produit, temporaire et anormal, devenant nul et ne souffrant pas d'évaluation lorsque le droit de chasse reste inerte aux mains du propriétaire ou que celui-ci l'exerce personnellement; Déclare nulle la contrainte, etc.

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Du 20 juill. 1866. Trib. civ. de Melun.

TRIB. DE LA SEINE 9 mars 1867. ENREGISTREMENT, MUTATION PAR DÉCÈS, ESTIMATION DES BIENS, INVENTAIRE. L'estimation d'objets mobiliers, et notamment d'objets d'art, faite par un commissairepriseur dans un inventaire après décès dressé par un notaire, doit servir de base pour la perception du droit de mutation par décès, bien que ces mêmes objets figurent pour une somme bien plus élevée dans un acte de liquidation ultérieur, alors que la seconde évaluation peut s'expliquer par des motifs de convenances personnelles, et que d'ailleurs l'exactitude et la sincérité de l'inventaire ne sont pas contestées (1). (L. 22 frim. an 7, art. 14, n. 8, et art. 27.)

(Escudier C. Enregistr.)- JUGEment.

LE TRIBUNAL;— Attendu qu'aux termes de l'art. 14, n. 8, de la loi du 22 frim. an 7, la valeur des biens meubles, quant à la liquidation et au paiement du droit proportionnel, pour les transmissions par décès, est déterminée par la déclaration estimative des parties; que, d'après l'art. 27 de la même loi, cette déclaration est remplacée par l'inventaire dressé par un notaire, avec l'esti

(1) V. en ce sens, Cass. 11 fév. 1867 (P.1867. 180.-S.1867.1.89), et la note. Il est à remarquer cependant que, dans l'espèce de cet arrêt, la seconde évaluation plus élevée provenait d'une vente publique aux enchères, tandis que, dans l'espèce de la décision que nous rapportons, cette seconde évaluation était le fait des parties ellesmêmes.

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mation du commissaire-priseur dans les lieux où il en existe; Attendu que cette estimation, émanée d'un officier public assermenté, doit servir de base à la perception ;Attendu, en fait, qu'après le décès d'Escudier, son mobilier a été prisé par un officier public dans un inventaire dressé le 25 fév. 1864, et que la prisée s'est élevée à la somme de 70,539 fr.; que le mobilier a été compris pour cette somme dans la déclaration de succession passée le 3 août suivant; - Attendu que si, dans la liquidation à laquelle il a été procédé le 18 juin de la même année, le mobilier dont il s'agit figure à la masse active pour une somme de 131,217 fr., et a été attribué en entier pour cette somme à la veuve Escudier, cette seconde évaluation, si différente de la première, peut s'expliquer par des motifs de convenances personnelles, à raison, soit de la valeur artistique d'un grand nombre d'objets, soit des Souvenirs qui s'y rattachaient, ainsi que l'ont déclaré les parties, mais ne prouve pas que l'estimation faite par le commissaire-priseur dans l'inventaire n'indique pas la véritable valeur du mobilier au moment du décès, alors surtout que l'exactitude et la sincérité de cet inventaire ne sont pas contestés; Qu'il n'est pas établi qu'il y ait eu insuffisance dans la déclaration de succession faite par la veuve et par les héritiers Escudier, et que, par suite, la contrainte décernéé contre eux le 23 juill. 1866 soit motivée; Déclare nulle la contrainte, etc.

Du 9 mars 1867.- Trib. civ. de la Seine.

SOLUT. 12 janvier 1867. ENREGISTREMENT, MUTATION PAR DÉCÈS, BANQUE (ACTIONS DE LA).

Pour l'évaluation d'actions immobilisées de la Banque de France, dans une déclaration de succession, les parties sont libres de fixer le revenu comme elles l'entendent, sauf le contrôle de l'administration; elles ne sont nullement tenues de prendre pour base le produit de l'année antérieure au décès (2). (L. 22 frim. an 7, art. 15, n. 7; Décr. 16 janv. 1808, art. 7.)

(2) Le cours moyen des actions de la Banque de France cotées à la Bourse ne fait règle, pour la perception du droit de mutation par décès sur ces actions, qu'autant qu'elles sont transmises comme valeurs mobilières (Instr. gén., 4 oct. 1816, n. 747; Championnière et Rigaud, Tr. des dr. d'enreg., t. 4, n. 3694). Mais il ne peut servir que comme élément de contrôle pour l'administration qui contesterait l'insuffisance de l'évaluation, par les parties, du revenu de ces mêmes actions immobilisées. V. Championnière, Rigaud et Pont, ibid., Suppl., t. 6, n. 119; Garnier, Rép. gén. de l'enreg,, vo Action, n. 1047.

Les actions immobilisées de la Banque de France sont sujettes aux règles établies pour les propriétés foncières (Décr. 16 janv. 1808). Il faut donc les évaluer comme s'il s'agissait d'immeubles proprement dits, c'està-dire déclarer leur produit et le capitaliser par vingt. Les parties sont libres de fixer le revenu comme elles l'entendent, sauf le contrôle de l'administration (art. 19 et 39, L. 22 frim. an 7), et l'on ne comprendrait pas qu'elles fussent forcées de prendre pour base de l'évaluation le produit de l'année antérieure au décès. Il est de principe, en effet, que les biens doivent être déclarés pour leur valeur au jour de la mort du propriétaire, et lorsqu'il s'agit d'actions ou d'obligations dans les compagnies d'industrie ou de commerce, la valeur du jour du décès peut différer sensiblement de celle que les mêmes biens avaient l'année précédente. La décision ministérielle du 4 oct. 1825 (Journ. de l'Enregistr., art. 8905), d'après laquelle le droit est perçu sur un capital formé par la multiplication de la somme que l'action a produite dans l'année immédiatement antérieure au décès, ne paraît pas conforme aux principes sur la matière.

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Du 12 janv. 1867. Solut. de l'admin. de l'enregistr.

DÉCIS. MIN. FIN. 4 novembre 1865. SOLUT. 16 novembre 1865. EnregistremenT, MUTATION PAR DÉCÈS, CRÉANCES, NON-PROPRIÉTÉ.

Le montant d'une obligation souscrite au profit du défunt doit être compris dans la déclaration de sa succession, encore bien qu'il résulte de notes, déclarations ou écrits émanés de lui que la créance ne lui appartenait pas (1). (L. 22 frim. an 7, art. 4.)

Dans la déclaration de la succession du sieur Mondot, curé à Calviac, décédé le 16 avril 1864, il a été compris une créance de 2,000 fr., résultant d'une obligation notariée consentie au profit du défunt le 20 fév. 1864 par le sieur Pierre Asfaux. · Postérieurement, on a demandé la restitution des droits perçus sur cette somme, attendu qu'il résultait d'une déclaration signée par M. Mondot sur le registre des délibérations du conseil de fabrique, à la date du 26 fév. 1864, que les 2,000 francs ne lui appartenaient pas.

(1) Décidé, dans le même sens, que l'immeu ble dont le défunt était propriétaire apparent comme l'ayant acquis personnellement, avec inscription ultérieure de son nom sur les rôles des contributions et paiement de l'impôt, doit être compris dans la déclaration de la succession, encore bien qu'un jugement postérieur à son décès ait déclaré qu'il avait acquis cet immeuble pour le compte d'un autre: Trib. de la Seine, 26 janv.

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Cette demande a été rejetée par les décisions suivantes :

« S. Exc. le ministre des finances a décidé en principe, le 4 nov. 1865, que le droit de mutation par décès doit être perçu sur les valeurs, telles que rentes sur l'Etat, actions ou obligations de sociétés ou compagnies, nominativement inscrites sur le grand-livre de la dette publique, ou sur les registres des sociétés ou compagnies, comme étant la propriété d'une personne décédée, encore bien qu'il résulte de notes ou déclarations émanées du défunt que ces valeurs ne lui appartenaient pas. Cette décision est fondée sur ce que ces notes, déclarations ou écrits. restés secrets, ne peuvent, bien qu'émanés du défunt, prévaloir contre le contenu même des titres auxquels on les oppose; qu'ils sont insuffisants, en effet, pour opérer un dessaisissement au profit d'un tiers qu'ils désignent, puisqu'ils ne constatent pas le consentement de ce tiers; qu'ils ne sauraient, d'ailleurs, être opposés à l'administration, parce que, ayant pour but de révoquer des déclarations publiques, ils ont le caractère de la contrelettre, qui, suivant l'art. 1321, C. Nap., n'a pas d'effet à l'égard des tiers, et que l'administration est un tiers à l'égard des héritiers; que trois jugements ont été rendus dans cet ordre d'idées par les tribunaux de Bordeaux et de Dinan, les 4 fév. 1854, 5 fév. 1858 et 8 avril 1862; que si l'administration ne percevait pas le droit de mutation lors du décès du propriétaire apparent, elle ne pourrait pas l'exiger non plus lors de la mort du tiers; que les tiers échapperaient ainsi complétement à l'impôt, et que l'on ne saurait abandonner la ligne tracée par les principes, sans ouvrir la porte aux plus graves abus. >>

En présence de cette décision, et des jugements qui l'ont motivée en partie, il y a lieu de reconnaître que la demoiselle Mondot a compris avec raison, dans la déclaration du 29 sept. 1864, une créance de 2,000 francs montant d'une obligation souscrite au profit du sieur Blaise Mondot, suivant acte notarié du 20 février précédent. Cette créance doit, en effet, être considérée comme la propriété du sieur Mondot, nonobstant la déclaration inscrite le 26 fév. 1864, par ce dernier, sur le registre de la fabriqué de l'église de Calviac, et portant que la somme de 2,000 fr. dont il s'agit ne lui appartenait pas.

1842 (Journ. de l'enreg., art. 12920). V. MM. Garnier, Répert. gén. de l'enreg., v° Succession, n. 13051, et Molineau, Man. des décl. de succ., n. 343.-Sur l'effet, en droit civil, des déclarations de non-propriété trouvées dans les papiers du défunt et jointes à des titres de créances, V. un arrêt de la Cour de Paris du 26 janvier 1867 (aff. Moussard), que nous rapporterons prochainement.

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SOLUT. 27 octobre 1866.

ENREGISTREMENT, BILLET A DOMICILE. Bien qu'un billet à domicile puisse emporter remise d'argent d'un lieu sur un autre, il ne saurait être assimilé à une lettre de change, et, dès lors, il est passible du droit de 50 c. p. 100, et non pas seulement de celui de 25 c. p. 100 (1).(LL. 22 frim. an 7, art. 69, § 2, n. 6; 28 avril 1816, art. 50.)

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L'art. 69, § 2, n. 6, de la loi du 22 frim. an 7 soumet au droit de 50 cent. pour 100 « les billets à ordre, les cessions d'actions et coupons d'actions mobilières des compagnies et sociétés d'actionnaires, et tous autres effets négociables de particuliers ou de compagnies, à l'exception des lettres de change tirées de place en place. » L'art. 50 de la loi du 28 avril 1816, qui a soumis les lettres de change au droit proportionnel dont, jusque-là, elles étaient exemptes, porte de son côté : « Seront soumises au droit de 25 cent. pour 100, les lettres de change tirées de place en place, et celles venant de l'étranger ou des colonies françaises, lorsqu'elles seront protestées faute de paiement. »> Il résulte de ces dispositions que tout effet négociable qui n'est pas une lettre de change est passible du droit de 50 c. pour 100, et non de 25 c. pour 100. Or, les quatre effets de commerce qui sont l'objet de la réclamation du sieur D..., souscrits d'A... par le sieur D..., résidant dans cette ville, et stipulés payables au domicile de M. D..., notaire à M..., peuvent bien emporter remise d'argent d'un lieu sur un autre. Mais, en supposant même qu'ils aient ce caractère, ils ne seraient jamais que des billets à domicile et ne constitueraient pas des lettres de change, puisque la lettre de change, dont la forme est tracée par l'art. 110, C. comm., comporte nécessairement le concours de trois personnes, le tireur, le bénéficiaire et le tire, et que, par suite, on ne peut tirer une lettre de change sur soi-même. Les billets à domicile, différant de la lettre de change, tombent sous l'application du droit de 50 c. pour 100, édicté pour les effets négociables en général, autres que les lettres de change, par le § 2 de l'art. 69. La délibération invoquée par le réclamant a été prise dans des conditions particulières qui ne permettent

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VAINE PATURE, Nombre d'animaux,

Les conseils municipaux ne peuvent autoriser les habitants non propriétaires dans la commune à envoyer sur les terres labourables ou autres assujetties à la servitude de vaine pâture, un nombre d'animaux dépassant celui déterminé par l'art. 14, sect. 4, tit. 1er de la loi des 28 sept.-6 oct. 1791, à moins qu'il n'existe à cet égard un usage bien constaté.

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Le conseil municipal de *** a volé, pour l'exercice de la vaine pâture, un règlement approuvé par le préfet, et portant, entre autres dispositions, que les habitants non proprietaires pourront envoyer dix têtes de bétail sur les terres labourables assujetties à cette servitude, et quatre têtes sur les prairies; Les propriétaires de la commune ont déféré ce règlement au ministre de l'inrieur, comme contraire à l'art. 14 du titre 1er, sect. 4, de la loi des 28 sept.-6 oct. 1791, qui n'accorde aux habitants non propriétaires que six bêtes à laine plus une vache avec son veau, sans distinguer entre les différentes natures de terres. Le préfet, pour justifier sa décision, a expliqué que cette disposition de la loi lui avait paru établir simplement un minimum que les conseils municipaux sont toujours libres de dépasser, surtout lorsque, comme dans la commune de** les habitants ont été jusqu'à présent accoutumés à envoyer à la vaine pâture un nombre d'animaux illimité. Le ministre de l'intérieur n'a pas partagé cette manière de voir. Il a fait remarquer que l'article précité de la loi de 1791 doit être considéré, au contraire, comme ayant déterminé d'une manière absolue le nombre de têtes de bétail accordé par faveur aux habitants non propriétaires. Cet article n'admet d'exception que pour les communes où il existerait un usage bien constaté, remontant à un temps immémorial, et attribuant à cette catégorie d'habitants un avantage plus considérable. Or, on ne saurait reconnaître ce caractère aux abus plus ou moins anciens qui étaient tolérés à *** en l'absence de toute réglementation sur la vaine pâture. Son Excellence a décidé, par suite, que les réclamants étaient fondés à attaquer comme illégal le règlement voté par le conseil municipal, et elle a invité le préfet à retirer l'approbation donnée à ce règlement, qui devra faire l'ob

(1) V. dans le même sens, M. Garnier, Rép. gen. de l'enreg., v° Effet de commerce, n. 5397.-V. aussi MM. G. Demante, Princ. de l'enreg., t.1, n. 505, et Ed. Clerc, Tr. de l'enreg., t. 1, n. 910.-jet d'un nouvelle délibération du conseil.

Sur le caractère commercial du billet à domicile, V. Rep. gen. Pal. et Supp., v° Billet à domicile, n. 3 et suiv.; Table gén. Devill. et Gilb., eod. v°, n. 6 et suiv.; Table décenn., ibid., n. 1 et suiv.

(Extr. du Bull. off. du minist. de l'int., 1867, n. 14.)

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(1-2) Il est incontestable que les compagnies de chemins de fer ne sont pas propriétaires des voies ferrées dont l'exploitation leur est concédée, et que la propriété de ces voies appartient à l'Etat: Cass. 15 mai 1861 (P.1861.911.-S.1861.1. 888), et le renvoi. Toutefois, ne doit-on voir, dans les actes de concession intervenus entre les compagnies et l'Etat que des baux régis par les principes du droit commun? Et, spécialement, faut-il dire que les compagnies sont sans qualité, comme le seraient de simples preneurs, pour faire réprimer par la voie de l'action possessoire les usurpations dont seraient l'objet les terrains affectés à leur exploitation ? - L'arrêt que nous recueillons décide la négative. Il semble certain, en effet, que les cahiers de charges, à raison même des droits qu'ils confèrent aux compagnies et des obligations qu'ils font peser sur elles, leur créent une situation toute particulière, qui ne permet pas de les assimiler à de simples preneurs. Chargées, sous leur responsabilité, de veiller à la conservation de la voie, il faut que les compagnies puissent exercer les actions qui ont précisément pour objet cette conservation; or, les actions possessoires sont du nombre, car, comme notre arrêt les qualifie très-justement, ces actions sont de véritables actes conservatoires». Vouloir que toutes les fois qu'un empiétement aura lieu sur une partie quelconque de la voie ferrée, la compagnie soit obligée de recourir à l'Etat avant d'agir, ou, mieux encore, vouloir qu'en ce cas, ce soit l'Etat qui agisse et non la compagnie, ce serait créer des difficultés et mème des impossibilités devant lesquelles le droit risquerait le plus souvent de se heurter. C'est donc avec raison que notre arrêt reconnaît aux compagnies qualité pour exercer les actions possessoires, et cela en leur propre nom et en vertu d'un droit qui leur est propre. Sous ce rapport, il se sépare, en la condamnant implicitement dans ses motifs, de la thèse adoptée par le jugement attaqué, suivant laquelle la compagnie, lorsqu'elle se pourvoit au possessoire, ne le ferait, bien qu'agissant directement et en son nom, qu'en vertu d'un mandat général de l'Etat. Cette

these se est périlleuse, car on pourrait lui opposer qu'en principe le mandataire ne peut agir qu'au nom de son mandant, et non en son nom propre, puisqu'il est de règle qu'en France nul ne plaide par procureur.—Il ne faudrait pas, néanmoins, forcer la portée de la décision actuelle et en conclure que les compagnies auraient qualité pour intenter ANNÉE 1867.11° LIVR.

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stacle à l'exercice de la complainte que lorsqu'elle a ce caractère envers l'auteur du trouble: elle ne s'oppose donc pas à ce que le possesseur exerce cette action contre ce dernier· lorsque la précarité n'existe qu'à l'égard d'une personne étrangère au débat et que la possession réunit d'ailleurs tous les caractères voulus vis-à-vis du défendeur.— Telle est la situation des compagnies de chemins de fer à l'encontre des tiers qui les troublent dans leur possession: ceux-ci ne sauraient exciper de ce que la possession des compagnies ne serait pas animo domini par rapport à l'Etat (2). (Ibid.)

toutes les actions qui compéteraient à l'Etat comme propriétaire. L'arrêt, en effet, a soin de constater, ainsi que nous venons de le faire remarquer, que l'action possessoire est essentiellement un acte de conservation et d'administration. Mais, quant aux actions qui soulèveraient de véritables questions de propriété ou de démembrement de propriété, il semble que l'Etat aurait seul qualité pour les intenter. Aussi a-t-il été jugé: 1o que les compagnies de chemins de fer n'ont pas qualité pour intenter une action en suppression de servitudes (spécialement de vues et d'égout) qu'un propriétaire tenterait d'établir, dans l'intérêt de sa propriété, sur la voie ferrée, une telle action soulevant une véritable question de propriété ou de démembrement de la propriété, laquelle ne compète qu'à l'Etat, seul propriétaire des voies ferrées: Douai, 9 mars 1857 (P.1858.623.-S.1857.2.577); 2° que les compagnies n'étant pas propriétaires des voies ferrées, l'expropriation ne peut en être poursuivie contre elles Trib. de la Seine, 27 juill. 1850 (P.1858.623, note.-S.1850.2.599).

Au surplus (et cela suffisait pour que le pourvoi dans l'espèce dût être rejeté), on sait que la précarité de la possession, laquelle met obstacle à l'exercice de l'action possessoire, n'est, comme le dit M. Bugnet, dans ses annotations sur Pothier, t. 9, p. 295, note 3, qu'un vice relatif, et que ce vice, s'il est opposable par celui de qui le possesseur tient précairement, n'empêche pas qu'à l'égard de toutes autres personnes la possession ne soit parfaite. C'est ainsi qu'il a été jugé que celui qui est en possession de dériver, avec l'autorisation du génie militaire, une certaine quantité d'eau contenue dans les fossés d'une place de guerre, est recevable, bien que cette autorisation soit révocable, å former une action en complainte contre le proprićtaire supérieur qui diminue le volume de ces eaux Cass. 6 mars 1855 (P.1855.1.411.-S. 1855.1.507), et les notes sous cet arrêt. Le même principe, reproduit par trois autres arrêts des 9 nov. 1858 (P.1859.841.-S.1859.1.115), 24 juill. 1865 (P.1865.881. S.1865.1.346) et 18 déc. 1865 (P.1866.994.-S.1866.1.365), sert également de base à celui que nous recueillons. V. en outre quant au caractère (en ce qui concerne l'action possessoire) des terrains volontairement acquis par une compagnie pour les besoins de son exploitation, Cass. 4 juill. 1866 (suprà, p. 169).

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(Clertan C. Chemin de fer de Lyon.)

Il existe sur le territoire des communes de Montaigu et Lons-le-Saulnier un ruisseau, appelé Ruisseau des Quarts, qui traverse notamment les propriétés du sieur Clertan ; puis, au-dessous de ces propriétés, des terrains acquis par la compagnie du chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée pour l'établissement du chemin de Bourg à Besançon, déclaré d'utilité publique. Suivant la compagnie, ce ruisseau est principalement alimenté par des sources d'eau vive; suivant le sieur Clertan, il l'est exclusivement par les eaux pluviales. La compagnie, voulant utiliser ces eaux pour son service d'exploitation, a fait construire près le chemin public dit des Quarts, au point où finit la propriété du sieur Clertan, un canal de dérivation destiné a conduire les eaux dans un bassin créé à cet usage sur les fonds du chemin de fer.- Ultérieurement, la compagnie, prétendant que le sieur Clertan l'avait troublée dans la possession qu'elle prétendait avoir depuis plus d'un an des eaux du ruisseau des Quarts, en les empêchant, après s'en être servi, de suivre leur cours naturel et de se rendre dans le bassin de la compagnie, a intenté contre lui une action possessoire qui a été accueillie par une sentence du juge de paix du 28 nov. 1865.

Appel par le sieur Clertan, qui soutient l'action possessoire non recevable, attendu que la compagnie ne possède pas le chemin de fer animo domini, mais à titre de fermière de l'Etat, ou, plutôt, d'adjudicataire d'un service public de transports.

6 déc. 1865, jugement du tribunal de Lonsle-Saulnier qui déclare l'action possessoire recevable par les motifs suivants : — « Altendu que s'il est certain et non contesté que la compagnie n'est réellement pas propriétaire, on ne peut soutenir, non plus, qu'elle soit fermière de l'Etat ; Attendu, en effet, qu'on ne rencontre pas, dans les conditions des concessions, ni dans les cahiers des charges invoqués par les parties, les caractères réels du bail ordinaire; qu'on n'est pas plus heureux lorsqu'on soutient que ces marchés peuvent être considérés comme des baux emphytéotiques ou des contrats de superficie, surtout lorsqu'il s'agit, comme dans le cas particulier, d'une convention intervenue d'après la loi du 12 fév. 1852; Attendu que si, au premier abord, ces contrats semblent se rapprocher du bail par quelques-unes de leurs dispositions, du moins ces dispositions ne sont-elles pas de l'essence d'un pareil acte; qu'il n'y a, à proprement parler, aucun prix; que les obligations des concessionnaires ne sont pas, non plus, celles du preneur à bail; que l'Etat, enfin, peut faire cesser aussi sa concession; que l'on ne peut, non plus, comparer la jouissance d'une compagnie à un usufruit, puisqu'on ne lui a pas abandonné un droit réel sur la chose; Attendu qu'en se re

portant aux décrets et cahiers de charges sur la matière, on doit, en réalité, reconnaître qu'il s'agit d'un contrat innomé, pour lequel on ne peut invoquer ni les règles ordinaires du bail, ni toute autre concernant des actes de nature différente;—Que la concession aux compagnies par l'Etat est une véritable adjudication de travaux publics pour lesquels elles reçoivent, non une somme déterminée, mais le droit d'exploiter, à leurs risques et périls, la ligne, moyennant un péage temporaire; que, sous ce rapport, les compagnies de chemins de fer n'ont pas qualité pour intenter une action possessoire;

Mais attendu que, d'après les dispositions de l'art. 1988, C. Nap., sainement appréciées, le mandat conçu en termes généraux donne qualité au mandataire pour administrer, intenter ou répondre à une action possessoire; qu'en examinant avec attention les diverses clauses du cahier des charges, on reconnaît que l'Etat a voulu donner aux compagnies un pareil mandat; qu'on ne peut même supposer qu'il en soit autrement, puisque, d'une part, il a voulu faire tomber sur elles toutes les charges, et, d'autre part, que les compagnies ayant elles-mêmes un immense intérêt aux contestations qui peuvent survenir au possessoire, il ne doit rien avoir à craindre des suites d'un pareil mandat de nature à le lier; Attendu que c'est en vain que l'on s'est fondé sur des monuments de jurisprudence qui auraient décidé le contraire; que ces monuments, en définitive, ne sont intervenus qu'en matière pétitoire et dans des espèces autres que celle dont s'agit; - Rejette la fin de non-recevoir proposée, etc. »

POURVOI en cassation par le sieur Clertan, pour violation de l'art. 23, C. proc. civ. et de la maxime nul en France ne plaide par procureur, et fausse application de l'art. 1998, C. Nap.-On a dit : C'est un principe constant que, pour exercer la complainte possessoire, il faut justifier d'une possession à titre de maître, c'est-à-dire se rapportant soit à un droit de pleine propriété, soit à un démembrement de ce droit. -Ainsi, si l'usufruitier, le possesseur d'une servitude, l'emphytéote, le superficiaire, ont qualité pour agir au possessoire, il n'en est pas de même du fermier ou locataire qui ne détient que précairement, et à qui son titre ne confère qu'un droit personnel sans aucun mélange de réalité (Bioche, Tr. act. poss., n. 463, 583, 616 et s.). Or, les compagnies adjudicataires des travaux d'un chemin de fer, ou concessionnaires de l'exploitation de la ligne, ne sont propriétaires ni du sol de la voie ferrée, ni de ses dépendances. C'est ce qui a été jugé par de nombreux arrêts du Conseil d'Etat, rendus sur la question de savoir si les compagnies doivent être soumises à la taxe des biens de mainmorte. A défaut du droit de propriété, les compagnies ont-elles du moins, sur la voie ferrée,

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