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(Delépine).

Le nommé Dury, forçat évadé, qui avait été condamné à deux reprises sous le nom de Delépine, qu'il avait usurpé, pour des délits de coups et blessures et de complicité de vol par lui commis, ayant été arrêté à raison d'un délit d'insoumission imputé à Delépine, s'est laissé condamner pour ce délit, le 31 mai 1910, par le conseil de guerre de Bourges, à 15 jours d'emprisonnement, sans révéler sa véritable identité. Cltérieurement, à l'occasion de nouvelles poursuites dirigées contre lui pour un meurtre, son identité ayant été révélée, une procédure en rectification de casier judiciaire, dans les termes de l'art. 14 de la loi du 5 août 1899, modifié par la loi du 11 juill. 1900. a été introduite devant le conseil de guerre de Bourges, qui, par jugement du 30 avril 1912, a décidé que la condamnation par lui prononcée, le 31 mai 1910, contre un individu ayant pris le nom de Delépine, ne s'appliquait pas audit Delépine, que le bulletin n. 1, qui avait été la suite de cette condamnation, serait détruit, et que mention de cette rectification serait faite sur la minute du jugement du 31 mai 1910.

POURVOI en cassation par le commissaire du gouvernement près le conseil de guerre de Bourges. A l'appui de ce

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avait été examinée, ni ses moyens de défense qui avaient été entendus; la condamnation lui était inapplicable: elle était imméritée.

Quant à l'objection qu'en substituant le nom véritable du condamné, le conseil de guerre de Bourges était amené à annuler son jugement, contrairement au principe fondamental de droit pénal qui exige pour cet effet l'intervention d'une juridiction supérieure, il n'y avait pas à s'y arrêter elle n'était qu'apparente. En droit, la rectification de l'identité du condamné ne produisait pas l'effet de l'annulation du jugement qui avait été prononcé contre lui. Ce dernier subsiste comme décision judiciaire, avec les effets attachés en cette qualité à la charge du condamné. V. Cass. 20 juill. 1866 (S. 1870.2.65, ad notam. . P. 1870.328, ad notam). Ce qui est modifié, c'est la présomption de vérité, résultant de cette décision. Il est devenu manifeste qu'une erreur judiciaire a été commise, et que l'on a condamné un innocent. Mais la manifestation de cette erreur ne fait point tomber par elle-même le jugement, qui reste debout, tant que n'a pas prononcé la juridiction qui est compétente pour l'annuler.

C'est au reste la procédure qui avait été suivie, sous l'empire des art. 518 et 8., C. instr. crim., dans cette affaire du tirailleur Taïeb-ben-Amar, condamné par le conseil de guerre d'Alger sous le nom et pour le délit du tirailleur Chaïeb-benAmar. Le conseil de guerre d'Alger procéda à la reconnaissance de l'identité du condamné, et déclara que l'individu qu'il avait condamné sous le nom de Chaïeb-ben- Amar était en réalité le nommé Taïeb-ben-Amar, auquel il déclara applicable la condamnation prononcée, en attendant qu'il soit pris telles mesures que de droit pour l'annulation de cette condamnation ». Ce qui veut dire que, sans toucher au fond de son jugement, le conseil de guerre rectifiait l'erreur d'attribution que ce jugement renfermait, quoiqu'il fût désormais manifeste que la nouvelle attribution, si elle était conforme

pourvoi, il a été soutenu que l'erreur commise par le conseil de guerre, dans le jugement du 31 mai 1910, ne pouvait être réparée que par la voie de la revision, et que c'était donc à tort que le conseil de guerre avait admis, par son jugement du 30 avril 1912, la demande en rectification de casier judiciaire portée devant lui, demande qui aurait dû être déclarée irrecevable.

ARRÈT.

LA COUR; Sur la recevabilité du pourvoi - Attendu que l'art. 144, C. just. milit.. qui détermine les conditions dans lesquelles l'annulation des jugements peut être poursuivie par le commissaire du gouvernement, se réfère uniquement aux art. 409 et 410. C. instr. crim., dans le cas d'acquittement de l'accusé, de son absolution ou de sa condamnation; - Or. attendu que le jugement attaqué s'est borné à décider, conformément aux dispositions de l'art. 14 de la loi du 5 août 1899. modifiée par la loi du 11 juill. 1900. que la condamnation prononcée, le 31 mai 1910, par le conseil de guerre de Bourges, ne s'appliquait pas audit Delépine, que le bulletin n. 1, qui en avait été la suite, serait détruit, et que la mention de cette rectification serait faite sur la minute du jugement en date du 31 mai 1910; - Attendu

à ce qui s'était passé à l'audience du tribunal, imputait à un innocent un délit qu'il n'avait pas commis. Par cette rectification, il ouvrait la voie à une procédure ultérieure, mais il n'accomplissait pas, il ne réalisait pas celle-ci. Les art. 518 et suiv., C. instr. crim., auxquels on doit ajouter aujourd'hui l'art. 14 de la loi du 5 août 1899, n'ont ni la même portée ni les mêmes effets que l'art. 443,C. instr. crim. Entre les deux opinions qui viennent d'être exposées, la Cour de cassation n'a pas eu à se prononcer. Elle a écarté, par une fin de non-recevoir tirée de l'art. 16, ajouté à la loi de 1899 par la loi du 11 juill. 1900, le pourvoi dont elle était saisie par le commissaire du gouvernement contre le jugement de rectification du conseil de guerre de Bourges. Ce pourvoi, ouvert seulement dans les termes du droit commun par ce texte, était en effet irrecevable, en vertu des dispositions du Code de justice militaire pour l'armée de terre qui délimitent les cas dans lesquels le commissaire du gouvernement peut se pourvoir en cassation (C. just. milit., 144, 180). C'était, en réalité, un pourvoi en revision que le commissaire du gouvernement avait adressé directement à la Cour de cassation, et qui, à ce titre, était non recevable, le ministre de la justice étant l'intermédiaire nécessaire pour transmettre à la Cour de cassation les requêtes de cette nature. V. Cass. 23 févr. 1901 (S. et P. 1902. 1.477). Comp. Cass. 30 déc. 1910 (Bull. crim., n. 682). Impuissante, d'un autre côté, à transformer d'office le pourvoi en cassation en pourvoi en revision, la Cour de cassation ne pouvait que rendre un arrêt d'irrecevabilité, comme elle l'a fait.

Mais, si nous abordons la difficulté que son arrêt a laissée de côté, il nous semble que la question, assez compliquée en apparence, comportait une réponse très simple. En réalité, non pas une voie, mais deux voies étaient ouvertes pour réparer l'injustice commise, et remettre tout en ordre. On pouvait agir par application de l'art. 443, C. instr. crim., ou en vertu de l'art. 14 de la loi du 5 août

que, suivant l'art. 16 de la même loi, les pourvois en cassation contre les décisions de cette espèce ne peuvent être formés que suivant les règles ordinaires du droit;" Attendu, d'autre part, que le jugement attaqué ne saurait être considéré comme un jugement dit de reconnaissance d'identité, au sens de l'art. 180, C. just. milit.. conférant au commissaire du gouvernement le droit de se pourvoir en cassation, puisque la procédure suivie a eu uniquement pour but et pour effet l'annulation d'un bulletin n. 1. dressé au nom d'une personne sous l'état civil de laquelle une condamnation avait été indument prononcée, c'est-à-dire la rectification d'un casier judiciaire, prévue par l'art. 14 de la loi de 1899, susvisée. et non l'applicabilité de cette condamnation à un autre individu;

Attendu, dès lors, que le pourvoi du commissaire du gouvernement, fondé sur une prétendue violation des règles de la compétence, ne rentrant dans aucun des cas prévus par les art. 144 et 180. C. just. milit., doit être déclaré non recevable;

Déclare non recevable le pourvoi, etc. Du 24 mai 1912. Ch. crim.- MM. Bard, prés.; Roulier, rapp.; Séligman, av. gén.

CASS.-CRIM. 14 avril 1910. CASSATION, ARRÊT, GREFFIER, SIGNATURE,

1899, sauf à former ensuite une demande en revi sion. La cause, en effet, avait deux aspects, ou, si on peut dire, deux côtés. Pour le forçat condamné pour un délit qu'il n'avait pas commis, il s'agissait d'une erreur judiciaire, dont la réparation ne pouvait être poursuivie qu'au moyen de l'art. 443, C. instr. crim. Pour l'insoumis, dont le nom avait été usurpé, il s'agissait simplement d'une erreur d'inscription à son casier, dont la rectification pouvait être immédiatement obtenue au moyen de l'art. 14 de la loi de 1899. Les deux voies ne s'excluaient pas l'une l'autre, parce que les intérêts qu'elles servaient à protéger ne se confondaient pas. Si le condamné pouvait se plaindre de l'erreur judiciaire dont il avait été victime, il ne pouvait pas, et on ne pouvait pas en son nom relever l'erreur d'inscription d'une condamnation qui ne figurait pas à son casier. Et, si l'individu, dont le nom avait été pris, pouvait protester contre la mention portée à son casier, il ne pouvait pas se plaindre de l'erreur judiciaire. Les deux domaines de la revision et de la rectification du casier judiciaire, habituellement distincts, se pénétraient donc dans l'hypothèse actuelle : ce qui en faisait la difficulté, ou plutôt la complexité, et ce qui aurait pu faire prendre au procureur général près la Cour de Dijon une initiative différente : celle d'une demande à fin de revision, adressée au ministre de la justice. Mais le conseil de guerre de Bourges, ayant été saisi par lui d'une requête en rectification de nom, ne pouvait faire autrement que de l'accueillir, quoiqu'elle ne dût pas tout remettre en ordre, mais découvrir et laisser irréparée l'erreur judiciaire. Il ne pouvait pas la rejeter, sous prétexte qu'il y avait une autre rectification à opérer qui dépassait sa compétence : car il n'y avait pas d'indivisibilité entre les deux erreurs. Le conseil de guerre devait admettre la requête du procureur général; c'est ce qu'il a fait ; et son jugement est irréprochable.

J.-A. ROUX.

OMISSION, RÉPARATION, COMPÉTENCE, NULLITÉ (ABSENCE DE), DÉLAI DE RIGUEUR, REQUÈTE DU PROCUREUR GÉNÉRAL, INTERVENTION, FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., vo Cassation [mat. crim.], n. 888; Pand. Rép., v Cassation criminelle, n. 1677).

1° Lorsqu'une omission purement materielle existe dans un arrêt de la Cour de cassation, il appartient au procureur général de la signaler, et à la chambre où elle s'est produite de la réparer (1) (Décr., 30 mars 1808, art. 37 et 38).

Il en est ainsi spécialement dans le cas où le greffier a omis de signer un arrêt (2) (Id.).

La compétence de la chambre que tient le premier président n'existerait alors, par analogie avec les dispositions de l'art. 38 du décret du 30 mars 1808, que s'il y avait impossibilité de donner la signature voulue par la loi (3) (Id.).

Les prescriptions de l'art. 41 de l'ordonn. du 15 janv. 1826 n'édictant aucune nullité, leur inobservation, et spécialement celle relative à la signature du greffier, ne saurait mettre en cause l'existence méme des décisions judiciaires, qui, du moment où elles ont été régulièrement rendues et publiquement prononcées, sont acquises aux parties, et ne peuvent être infirmées par des vices de forme intervenus après coup (4) (Ordonn., 15 janv. 1826, art. 41).

Il n'en serait autrement que si le défaut de signature rendait incertaine l'existence même de la décision de justice (5) (Id.).

Mais tel n'est pas le cas, lorsque l'arrêt de la Cour de cassation, sur lequel a été omise la signature du greffier, a été signé par le rapporteur, qui l'a écrit de sa main, et par le président (6) (Id.).

La loi n'édictant aucun délai de rigueur pour l'apposition des signatures, il échet, en conséquence, pour la chambre de la Cour de cassation compétente, d'ordonner que l'arrêt, sur lequel la signature du greffier a été omise, sera signé par le greffier qui as

(1 à 7) L'art. 41 de l'ordonn. du 15 janv. 1826, sur le service de la Cour de cassation, porte : « Leg rapporteurs remettront au greffe, chaque semaine, la rédaction des motifs et du dispositif des arrêts rendus sur leur rapport dans la semaine précédente. Ces motifs et ce dispositif seront écrits de leur main dans la minute des arrêts. La minute est signée du président, du rapporteur et du greffier. Ce texte ne spécifie pas quelles sont les conséquences de l'omission de l'une de ces formalités; il ne précise pas non plus dans quel délai les signatures doivent être apposées. Rarement cet article a donné lieu à des applications de jurisprudence; et c'est probablement la première fois qu'il soulève une question litigieuse celle-ci concerne la signature du greffier.

:

sistait la Cour lorsqu'il a été rendu (7) (Id.).

Fort justement, la chambre criminelle de la Cour de cassation a d'abord décidé qu'elle était compétente pour statuer sur l'incident soulevé par cette omission, et qu'il n'y avait pas lieu de le déférer, par application de l'art. 38 du décret du 30 mars 1808, « à la chambre que tient le premier président. Il s'agissait, en effet, d'une omission matérielle, que la chambre criminelle pouvait aisément réparer avec ses propres moyens, le greffier, dont la négligence avait occasionné la diffi

La partie contre laquelle cet arret a été rendu ne peut d'ailleurs être admise, en intervenant sur la requête du procureur général près la Cour de cassation, tendant à faire ordonner l'apposition de la signature du greffier, à demander la nullité de l'arrêt, à raison du défaut de mention sur la minute de l'assistance du greffier et des noms des magistrats qui ont statue; en effet, cet arrêt ne pouvant donner ouverture à aucun recours au profit de l'intervenant comme partie principale, celui-ci ne peut invoquer comme partie intervenante de pretendus moyens de nullité en lesquels il serait irrecevable comme partie principale (8).

(Lelong). ARRÈT.

LA COUR; Vu la requête présentée, le 22 mars 1910, par M. le procureur général, et tendant à ce que la Cour ordonne l'apposition de la signature du greffier aux minutes de deux arrêts du greffe 2364 et 2365, où elle a été omise; Vu les conclusions déposées par Lelong, partie en cause aux deux arrêts, lesquelles tendent notamment à voir dire que la chambre criminelle ne peut compétemment statuer sur les réquisitions précitées; qu'en tout cas, étant légalement inexistants, lesdits arrêts ne sauraient comporter aucune régularisation; Sur la compétence : Attendu que, lorsqu'une omission purement matérielle existe dans un arrêt de la Cour de cassation, il appartient au procureur général de la signaler, et à la chambre où elle s'est produite d'ordonner qu'elle soit réparée; que la compétence de la chambre que tient le premier président n'existerait, par analogie avec les dispositions de l'art. 38 du décret du 30 mars 1808, qu'en cas d'impossibilité de donner la signature voulue par la loi; que la chambre criminelle est donc compétente dans l'espèce;

Sur le défaut de signature du greffier:
Attendu que, aux termes de Tart. 41

culté, étant encore en excercice, et pouvant donner sa signature.

Elle a décidé, en outre, que l'omission de la signature du greffier, lorsque l'authenticité de la minute ne s'en trouvait pas atteinte, n'était pas une cause de nullité de l'arrêt. Elle a appliqué à ses propres jugements la jurisprudence qu'elle a établie pour les jugements des tribunaux de police, des tribunaux correctionnels et des Cours d'assises, donnant ainsi à l'art. 41 de l'ordonn. de 1826 la même signification qu'aux art. 164, 196, 211, 234 et 370, C. instr. crim. ce qui paraît, en somme, assez logique. V. Cass. 26 nov. 1825 (S. et P. chr.); 2 avril 1810 (S. 1841.1.257.

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P. 1842.1.278); Besançon, 11 août 1869 (S. 1871.2.33. - P. 1871.112), et les renvois; Cass. 23 mai 1874 (Bull. crim., n. 144); 9 juill. 1875 (Bull. crim., n. 216); 24 févr. 1905 (Bull. crim., n. 88); et notre Rep. gén. du dr. fr., v° Jugement et arrêt (mat. civ. et comm.), n. 2465; Pand. Rep., vis Greffe-Greffier, n. 184 et s., 860, Jugements et arrêts, n. 2722 et 2727. La Cour de cassation invoque d'ailleurs un motif d'ordre général, qui paraît assez juste les décisions judiciaires sont acquises aux parties du moment qu'elles ont été régulièrement rendues et publiquement prononcées; elles

de l'ordonn. du 15 janv. 1826, portant règlement pour le service de la Cour de cassation Les rapporteurs remettront au greffe, chaque semaine, la rédaction des motifs et du dispositif des arrêts rendus sur leur rapport dans la semaine précédente. Ces motifs et ce dispositif seront écrits de leur main dans la minute des arrêts. La minute est signée du président, du rapporteur et du greffier »; Attendu qu'il appert de la représentation des minutes visées dans la requête que deux arrêts, rendus le 14 août 1909 par la Cour de cassation, chambre criminelle, dans la cause de Lelong, alors partie civile, contre Russeil et Paré, visés pour timbre et enregistrés le 28 du même mois, et rejetant les pourvois formés par ledit Lelong contre deux arrêts de la Cour d'appel d'Angers, du 28 mai 1909, n'ont pas été signés par le greffier qui assistait là Cour de cassation; Attendu que, comme celles des art. 164, 196, 211, 234, 370, C. instr. crim., relatifs à la signature des jugements et arrêts des tribunaux et des Cours, les prescriptions de l'art. 41, sus-transcrit, de l'ordonn. du 15 janv. 1826 n'édictent aucune nullité; que leur inobservation ne saurait donc mettre en cause l'existence même des décisions judiciaires, qui, du moment où elles ont été régulièrement rendues et publiquement prononcées, sont acquises aux parties, et ne peuvent être infirmées par des vices de forme intervenus après coup; qu'il n'en serait autrement que si le défaut de signature rendait incertaine l'existence même de la décision de justice; qu'il n'en est pas ainsi en ce qui touche les arrêts visés, lesquels, dès l'origine, ont été revêtus des signatures du rapporteur, de la main duquel ils sont écrits, et du président; qu'ainsi, en l'espèce, n'affectant pas les arrêts eux-mêmes, l'omission de signature du greffier sur les minutes représente une irrégularité purement matérielle, qui peut, par mesure d'ordre, ètre ultérieurement réparée; - Attendu donc

ne peuvent pas dès lors être infirmées par des vices de forme, intervenus après coup, alors du moins qu'il s'agit d'irrégularités ne rendant pas incertaine l'existence même de la décision de justice. On peut observer, en effet, dans le Code d'instruction criminelle, que lorsque le législateur s'exprime sur ce point (art. 164), il sanctionne l'omission de la signature du greffier d'amende ou de prise à partie, suivant les cas, mais non de la nullité de la sentence intervenue.

La Cour de cassation a déclaré enfin qu'il n'existe aucun délai de rigueur pour l'apposition des signatures prescrites par l'art. 41 de l'ordonn. du 15 janv. 1826. On peut rapprocher de cette solution celle des arrêts (Cass. 21 mars 1885, Bull. crim., n. 98; 10 juill. 1896, Bull. crim., n. 231), qui ont décidé que le délai de vingt-quatre heures, fixé pour la signature des décisions de justice, en matière criminelle, correctionnelle et de simple police, n'est pas prescrit à peine de nullité.

(8) Il est certain que l'intervention ne saurait donner des droits plus étendus que la constitution de partie comme partie principale. Or, le pourvoi contre les arrêts de la Cour de cassation n'existe pas.

que, aucun délai de rigueur n'étant d'ailleurs édicté par la loi pour l'apposition des signatures, il échet d'ordonner que les arrêts précités du 14 août 1909 seront signés par le greffier qui assistait la Cour lorsqu'ils ont été rendus;

Sur les causes prétendues d'inexistence des mêmes arrêts, déduites, d'autre part, dans les conclusions de l'intervenant, du défaut de mention, sur les minutes, de l'assistance du greffier et des noms des juges qui ont statué : Attendu que les arrêts dont il s'agit, ne pouvant donner ouverture à aucun recours de la part de Lelong, celui-ci ne peut être admis à invoquer, comme partie intervenante, de prétendus moyens de nullité en lesquels il serait irrecevable comme partie principale ; Rejette, sur tous les chefs, les conclusions de l'intervenant, et faisant droit à la requète du procureur général;

Dit que le greffier, qui assistait la Cour à l'audience du 14 août 1909, signera et paraphera immédiatement les minutes des deux arrêts susvisés, et que mention en sera faite en marge desdits arrêts, etc.

Ch. crim.

Du 14 avril 1910. MM. Bard, prés.; Laurent-Atthalin, rapp.; Blondel, av. gén.

CASS.-CRIM. 23 décembre 1910.

TÉMOINS EN MATIÈRE CORRECTIONNELLE ET DE SIMPLE POLICE, REFUS DE DÉPOSER, CONDAMNATION, NOUVEAU REFUS, RÈGLE: (Rép., v Témoins,

« NON BIS IN IDEM D

n. 224 et s., 411 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 442 et s.).

Chaque fois qu'un témoin est cité devant la justice, il doit déposer sur les faits qui sont à sa connaissance (1) (C. instr. crim., 80).

Par suite, un témoin, déjà condamné pour refus de déposer devant le juge d'instruction dans une affaire, encourt une nouvelle condamnation, à raison d'un nouveau refus de déposer dans la même affaire devant le juge d'instruction (2) (Id.).

(Champion). ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen tiré de la violation de la chose jugée, et de la maxime non bis in idem, ainsi que des

(1-2) C'est la première fois, semble-t-il, que la Cour de cassation était appelée à résoudre la ques-. tion; si on doit approuver sa solution, le motif sur lequel elle l'appuie, paraît au contraire critiquable.

La Cour de cassation pose, en effet, en principe que chaque fois qu'un témoin est cité devant la justice, il doit comparaître, et déposer sur les faits qui sont à sa connaissance. Il commet donc autant de délits successifs et différents qu'il a reçu de citations, auxquelles il n'a pas satisfait : ce qui est donner au délit réprimé par l'art. 80, C. instr. crim., le caractère de délit instantané. Nous pensons, au contraire, qu'il est préférable de ranger ce délit d'abstention, ou d'omission, parmi les délits continus. Le témoin convoqué, qui ne rend pas à la justice l'aide que celle-ci lui demande pour découvrir la vérité, est un rebelle; il se constitue

art. 80, C. instr. crim., et 360 du même Code, en ce que la décision attaquée a prononcé une condamnation pour un fait déjà réprimé par une condannation antérieure: Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée que le demandeur, comparaissant, le 15 juill. 1909, devant le juge d'instruction de Vire, a été condamné par ce magistrat à une amende de 100 fr., pour refus de déposer ledit jour, et que, par une ordonnance précédente, il avait été condamné par la même juridiction à la même peine, pour refus de déposer dans la même affaire à l'occasion du même fait;

Attendu que le demandeur soutient à tort que le juge d'instruction de Vire, en prononçant une condamnation contre le demandeur pour un fait déjà réprimé par une condamnation antérieure, dans des conditions identiques, aurait violé les articles de loi visés au moyen; que, chaque fois qu'un témoin est cité devant la justice, il lui doit sa déclaration sur les faits qui sont à sa connaissance, et qu'il résulte de ce qui précède que Champion a commis deux fois l'infraction à lui imputée; que, par suite, le principe non bis in idem était sans application dans la cause; - Rejette le pourvoi contre l'ordonnance du juge d'instruction de Vire, en date du 15 juill. 1909, etc.

Du 23 déc. 1910. Ch. crim.-MM. Bard, prés.; Berchon, rapp.; Blondel, av. gén.; Le Marois, av.

CASS.-CRIM. 18 décembre 1908.

1° CASSATION, POURVOI, DÉCLINATOIRE, JONCTION AU FOND, ARRÊT PRÉPARATOIRE, FIN DE NON-RECEVOIR, ARRET SUR LA COMPÉTENCE, RECEVABILITÉ (Rép., vo Cassation [mat. crim., n. 660; Pand. Rép., vo Cassation criminelle, n. 260 et s., 355). 2o DÉCLINATOIRE, MATIÈRE CRIMINELLE, COMPÉTENCE, JONCTION AU FOND, APPEL, EXCES DE POUVOIR (Rép., vo Déclinatoire, n. 154 et s. Pand. Rép., v Compétence, n. 547). 3 ETRANGER, DÉLIT COMMIS EN FRANCE AU PRÉJUDICE D'UN ÉTRANGER (Rép., vo Etranger, n. 574 et s., 831 et s.; Pand. Rép., vo Instruction criminelle, n. 349 et s.).

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4o ESCROQUERie, Lieu du déLIT, COMPÉTENCE, ETRANGER, MANOEUVRES FRAUDULEUSES, MINE, MINERAI, ECHANTILLONS,

en état de révolte et de rébellion contre l'autorité judiciaire. Tant que persiste cet état, le délit se continue. Comp. notre C. pén. annoté, par Garçon, sur l'art. 1er, n. 57. On arrive à la même analyse, si on attache l'unité d'infraction, comme le font d'autres auteurs, à l'unité de dessein. V. la note de M. Roux, sous Cass. 29 mars 1900 (S. et P. 1902.1.297). Le délit sera alors, ou un délit continu, ou, ce qui est indifférent pour la peine, un délit continué. Le témoin récalcitrant, qui refuse son témoignage dans une affaire, réalise extérieurement une volonté criminelle unique; les citations réitérées du juge d'instruction ne font que le faire persévérer dans l'exécution de cette volonté unique; il a décidé de ne pas témoigner; il ne témoignera pas !

Mais, ceci posé, on arrive, tout au moins dans l'espèce actuelle, quoique par une autre voie, à la

SUBSTITUTION, REMISE DES FONDS (Rép., vo Escroquerie, n. 396 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 593 et s.).

1° L'arrêt portant confirmation d'un jugement correctionnel qui avait joint une exception d'incompétence au principal et décidé qu'il serait statué en même temps par deux décisions distinctes sur la compétence et sur le fond, constitue une décision préparatoire, qui ne peut être utilement frappée d'un pourvoi en cassation avant l'arrêt définitif (3) (C. instr. crim., 416).

De même, lorsque le tribunal correctionnel ayant, par un premier jugement, joint au fond l'exception d'incompétence soulevée par les prévenus, pour être statué sur l'une et sur l'autre, par deux jugements distincts et séparés, sur les appels interjetės tant de cette décision que du jugement ultérieurement rendu sur la compétence, la Cour, saisie de conclusions tendant à ce qu'il fut statue tout d'abord sur l'appel interjeté contre le jugement qui a ordonné la jonction, a déclaré joindre l'incident au fond, tous droits des parties demeurant réservés, par le motif qu'il n'était pas nécessaire aux droits de la défense de connaître, avant d'aborder le débat sur la question de compétence, la décision de la Cour sur l'appel du premier jugement, cet arrêt, qui ne contient aucun préjugé sur le fond, et par lequel d'ailleurs la Cour a rendu une décision qui rentrait dans ses pouvoirs, doit être range dans la classe des arrêts préparatoires et d'instruction, contre lesquels le pourvoi n'est ouvert qu'après l'arrêt définitif sur le fond (4) (Id.).

Toutefois, un pourvoi peut être forme contre cet arrêt, en même temps que le pourvoi qui est dirigé contre l'arret rendu sur la compétence, ce dernier pourvoi impliquant pour les demandeurs le droit de se prévaloir des nullités qui vicieraient la procédure sur laquelle cet arrêt est intervenu (5) (Id.).

En effet, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les dispositions de l'art. 416, C. instr. crim., doivent être entendues en ce sens que le pourvoi formé contre un arrêt rendu sur la compétence, qui, sur ce point, est définitif, ouvre le recours contre les décisions préparatoires et d'instruction qui ont précédé ledit arrêt (6) (Id.).

même solution que la Cour de cassation. Il est, en effet, généralement reconnu que le délit continu, et aussi le délit continué, donne lieu à des répressions multipliées, lorsque les actes matériels répétés sont séparés entre eux par une condamnation pénale. V. not., Alimena, Diritto penale, p. 408. Ce que la seconde condamnation réprime, dans ce cas, c'est la portion du délit qui s'est écoulée après la première condamnation, et que celle-ci n'a pu atteindre, puisqu'elle lui est antérieure. On respecte ainsi la règle non bis in idem; et on respecte aussi le principe: un délit, une peine, parce que la poursuite du coupable suppose de sa part, s'il retourne sur la voie du délit, une nouvelle et plus énergique volonté criminelle. V. Alimena, op. et loc. cit.

(3 à 6) Il est de principe que le pourvoi en cassation contre les arrêts préparatoires ou d'ins

2° Si l'art. 172, C. proc., applicable à l'instruction criminelle, dispose que toute demande en renvoi doit être jugée sommairement, sans pouvoir être reservée ni jointe au principal, cette règle reçoit exception, lorsque l'examen du fond est indispensable pour apprécier la valeur de l'exception d'incompétence soulevée (1) (C. proc., 172; C. instr. crim., 416; L. 20 avril 1810, art. 7).

En ce cas, le juge peut joindre le déclinatoire au principal, et statuer en même temps sur l'une et l'autre question, mais par deux décisions distinctes et séparées, aucune disposition de loi ne l'obligeant à surseoir à statuer sur le fond jusqu'à l'expiration des délais accordés au prévenu pour user, à l'encontre de la décision intervenue sur la compétence, des voies de recours qui lui sont ouvertes par la loi (2) (Id.).

Mais il y aurait, de sa part, excès de pouvoir et atteinte portée aux droits de la défense, si, la décision rendue sur la compétence ayant été frappée d'un appel, il passait outre, au mépris de cet appel, dument porté à sa connaissance, au jugement du fond (3) (Id.).

3o L'étranger, qui commet un délit en France, est passible des peines portées par le Code penal, bien que ce délit ait été

truction n'est ouvert qu'après l'arrêt définitif. V. not., Cass. 26 avril 1856 (S. 1856.1,833. P. 1857.488); 3 févr. 1888 (S. 1889.1.284. P. 1889.1.682); 7 févr. 1896 (Bull. crim., n. 52); 5 août 1898 (S. et P. 1900.1.473); 8 sept. 1898 (S. et P. 1900.1.204); 26 juill. 1902 (S. et P. 1904. 1.204; Pand. pér., 1903.1.387); 31 mai 1907 (Bull. crim., n. 248). C'est ce qui a été jugé spécialement pour l'arrêt qui joint le déclinatoire au fond. V. Cass. 26 avril 1856, précité. D'autre part, il est constant également que le pourvoi en cassation est immédiatement ouvert contre les arrêts interlocutoires. V. Cass. 14 déc. 1906 (S. et P. 1909.1.421; Pand. pér., 1909.1.421), et les renvois. - Mais, dérogeant à la première règle, l'arrêt recueilli décide avec raison, à propos d'arrêts préparatoires, que le pourvoi est ouvert avant l'arrêt définitif, lorsqu'un pourvoi est formé contre un arrêt sur la compétence, et qu'il s'agit d'arrêts préparatoires antérieurs à cet arrêt interlocutoire sur la compétence. Il est, en effet, d'une bonne administration, lorsqu'un pourvoi est formé sur un incident, de porter en même temps devant la Cour de cassation les autres griefs que les parties élèvent contre les différentes décisions déjà rendues. L'accès de la Cour de cassation étant ouvert aux parties, il ne peut être qu'avantageux pour la marche du procès qu'elle examine dès lors tous les points qui sont en état de lui être soumis.

(1-2-3) La signification de l'art. 172, C. proc., applicable en matière criminelle comme en matière civile (V. Cass. 26 juill. 1902, S. et P. 1904.1.204, et les renvois; Pand. pér., 1903.1.387), est controversée, lorsqu'il s'agit des juridictions du premier degré. On prétendait, en faveur des demandeurs, que le juge du premier degré, saisi d'un déclinatoire d'incompétence, ne pouvait en aucun cas joindre l'incident au principal, et statuer sur le tout par un seul jugement, même au moyen de dispositions distinctes; et on soutenait qu'il devait rendre deux jugements, séparés par un délai de huitaine, afin de permettre à la partie intéres

commis au préjudice d'un étranger (4) (C. instr. crim., 7, 63).

4° D'autre part, il suffit, à raison de la nature complexe du délit d'escroquerie, que les manœuvres frauduleuses qui en sont l'un des éléments essentiels aient été accomplies en France pour que les juges français soient compétents pour en connaître (5) (C. instr. crim., 5, 6, 7 et 63; C. pén., 405).

Spécialement, lorsque les propriétaires d'une mine, pour déterminer une société étrangère à faire l'acquisition de cette mine, ont remis à l'ingénieur chargé de l'analyse des minerais riches, substitues aux minerais pauvres tirés de la mine, la juridiction française est compétente pour connaître du délit d'escroquerie ainsi commis, encore bien que la remise des fonds ait eu lieu à l'étranger, cette remise n'étant que la conséquence de la manœuvre sus-énoncée, qui a été commise en France (6) (Id.).

Et, dans ces circonstances, le fait incriminé comme manœuvre frauduleuse ne saurait être considéré comme un simple acte préparatoire (7) (C. pén., 405).

(Simon et Laurent C. Fitch, Kemp
et autres).

MM. Albert Simon, Otto Simon et Auguste

sée de faire appel contre le jugement rendu sur la compétence. Cette opinion a été vivement défendue par les auteurs, et accueillie en jurisprudence par les Cours d'appel. V. les autorités citées en note sous Cass. 30 déc. 1884 (S. 1886.1.209.- P. 1886. 1.508). Adde, Garsonnet, Tr. de proc., 2° éd., par Cézar-Bru, t. 2, § 746. V. aussi, Cass. 3 avril 1895 (S. et P. 1897.1.127; Pand. pér., 1896.1. 399). Mais la Cour de cassation, non sans quelques hésitations, s'est ralliée depuis longtemps à une interprétation différente de l'art. 172, C. proc.

Elle admet 1° que, lorsque l'appréciation des moyens d'incompétence est indivisible avec l'examen du fond, le juge peut statuer sur la compétence et sur le fond par un seul et même jugement ou arrêt, pourvu que ce soit par des dispositions distinctes. (V. Cass. 26 juill. 1902, précité, et les renvois); 2° que, lorsque, sans que le jugement de l'incident soit indivisible avec le jugement du fond, il est nécessaire, pour apprécier le moyen de compétence, de joindre le déclinatoire au principal, la jonction peut être ordonnée, sous la réserve de statuer sur l'une et l'autre questions par deux décisions distinctes (V. Cass. 24 nov. 1887, S. 1888.1.96. P. 1888.1.193; Pand. per., 1888.1.284), et sans qu'il soit nécessaire de mettre un intervalle entre ces deux décisions. V. Cass. 26 avril 1856 (S. 1856.1.833. - P. 1857.488). — C'est ce que décide à nouveau l'arrêt ci-dessus rapporté, en déclarant qu'aucune disposition de loi n'oblige le juge, qui a statué sur une exception d'incompétence, à surseoir à statuer sur le fond jusqu'à l'expiration des délais accordés au prévenu pour user, à l'encontre de la décision rendue sur la compétence, des voies de recours qui lui sont ouvertes. Il ajoute de plus qu'il n'y aurait, de la part du juge, excès de pouvoir et atteinte aux droits. de la défense que si, la décision rendue sur la compétence ayant été frappée d'un appel, il passait outre au jugement du fond. V. sur ce dernier point, qui est certain, Turin, 27 flor. an 13 (S. et P. chr.).

Laurent ont été traduits devant le tribunal correctionnel de Foix sous la prévention d'escroquerie. Les prévenus ayant déposé des conclusions d'incompétence, le tribunal a rendu, le 5 juill. 1907, un jugement par lequel il a ordonné la jonction de cet incident au fond. Puis, le 9 août suivant, ont été rendus deux jugements, l'un par lequel le tribunal rejetait le déclinatoire, l'autre par lequel il statuait au fond et prononçait la condamnation des prévenus. Ceux-ci ont interjeté appel du jugement du 5 juill. 1907, et du jugement du 9 août sur la compétence. Ils ont saisi la Cour de conclusions tendant à ce qu'il fût statué tout d'abord sur l'appel interjeté contre le jugement du 5 juill. 1907. Par arrêt du 5 déc. 1907, la Cour a décidé de joindre cet incident au fond. Par un autre arrêt du 12 déc. 1907, la Cour a confirmé le jugement du 5 juill. 1907, et celui du 9 août 1907, qui était relatif à la compétence. Les prévenus, qui avaient fait défaut devant la Cour sur le chef de compétence, ont formé opposition. Le 26 févr. 1908, la Cour d'appel, statuant sur cette opposition, a rendu un nouvel arrêt, par lequel elle a maintenu sa décision sur la compétence.

Les prévenus se sont pourvus en cassa

(4 à 7) Si les actes préparatoires, non punissables par eux-mêmes, ne peuvent pas servir à déterminer le lieu d'un délit, et, par voie de conséquence, la juridiction territoriale compétente pour en connaître, il en est différemment des actes qui entrent, comme éléments constitutifs, dans la composition d'une infraction. Il s'ensuit, conformément à une opinion à peu près unanime en doctrine et en jurisprudence, que, dans les délits complexes, c'est-à-dire dans les délits dont la consommation suppose la réunion nécessaire de plusieurs éléments matériels, comme, par exemple, le délit d'escroquerie, qui exige le concours des manœuvres frauduleuses et le versement de fonds déterminé par ces manoeuvies, le lieu du délit est, indifféremment et cumulativement, l'endroit où s'est accompli l'un quelconque de ces éléments, dont l'ensemble forme le délit, si d'ailleurs cet ensemble s'est rencontré. V. Cass. 20 août 1852 (Bull. crim., n. 291); 9 déc. 1864 (Bull. crim., n. 281); 6 janv. 1872 (S. 1872.1.255. P. 1872.588); 11 mars 1880 (S. 1881.1.329. P. 1881.1.788); 11 août 1882 (S. 1885.1.184. P. 1885.1.419); Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 2o éd., t. 1er, n. 145. Adde, notre C. pen. annoté, par Garçon, sur l'art. 405, n. 159 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., v Escroquerie, n. 396 et s.; Pand. Rep., eod. verb., n. 593 et s. V. aussi, Cass. 2 août 1883 (S. 1885.1.509. P. 1885.1.1197), et la note. Contra, F. Hélie, Tr. de l'instr. crim., 2o éd., t. 2, n. 688. L'arrêt rapporté fait une exacte application de cette théorie aux manoeuvres fraudulenses accomplies en France, dans le but de faire croire à une richesse supérieure des minerais analysés, et en vue d'escroquer une société dont le siège social était à Londres. Ce n'était point la prépa ration en France d'un délit consommé à l'étranger, mais bien un commencement d'exécution de ce délit, à raison du lien visible et étroit qui rattachait ces manoeuvres à la soustraction que les prévenus voulaient perpétrer à l'égard de leurs victimes. V. Cass. 25 mars 1898 (S. et P. 1899.1. 102; Pand. pér., 1898.1.405).

tion contre les trois arrêts des 5 et 12 déc. 1907 et 26 févr. 1908.

ARRÊT (ap. délib, en ch. du cons.).

Sur

LA COUR; Vu la connexité, joint les pourvois formés contre trois arrêts de la Cour d'appel de Toulouse, des 5 et 12 déc. 1907 et 26 févr. 1908, et statuant par un seul arrêt; En ce qui concerne le pourvoi formé contre l'arrêt du 5 déc. 1907: la recevabilité du pourvoi : -- Attendu que, par jugement en date du 5 juill. 1907, le tribunal correctionnel de Foix, après avoir constaté que l'exception d'incompétence soulevée par les prévenus et ie fond étaient intimement unis, a déclaré joindre l'exception au fond pour être statué sur l'une et sur l'autre, en même temps, par deux jugements distincts et séparés; que, sur les appels interjetés tant de cette décision que du jugement rendu le 9 août 1907 sur la compétence, la Cour d'appel de Toulouse a été saisie de conclusions tendant à ce qu'il fut statué tout d'abord sur l'appel interjeté du jugement du 5 juil. 1907; qu'elle a déclaré joindre l'incident au fond, tous droits des parties demeurant d'ailleurs expressément réservés, par le motif qu'il n'était pas nécessaire aux droits de la défense de connaitre, avant d'aborder le débat sur la question de compétence, la décision de la Cour sur l'appel du premier jugement; Attendu que cet arrêt, qui ne contenait aucun préjugé sur le fond, doit être rangé dans la classe des arrêts préparatoires et d'instruction, contre lesquels le pourvoi n'est ouvert qu'après l'arrêt définitif sur le fond; que le pourvoi formé le 5 décembre contre cet arrêt devrait donc être déclaré irrecevable

comme prématuré; Mais attendu que,

dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les dispositions de l'art. 416, C. instr. crim., doivent être entendues en ce sens que le pourvoi formé contre un arrêt rendu sur la compétence, qui, sur ce point, est définitif, ouvre le recours contre les décisions préparatoires et d'instruction qui ont précédé ledit arrêt; qu'il en est ainsi dans l'espèce; que le pourvoi formé contre l'arrêt rendu sur la compétence, le 26 févr. 1908, sur lequel il va être statué, implique le droit pour les demandeurs de se prévaloir des nullités qui vicieraient la procédure sur laquelle cet arrêt est intervenu; qu'il échet, par suite, d'apprécier la valeur du moyen proposé;

Sur le moyen pris de la violation des art. 172, 450, 451, 452, 472, 473, C. proc., 416, C. instr. crim., 7 de la loi du 20 avril 1810, et de la violation des droits de la défense, en ce que la Cour de Toulouse a déclaré inutile, avant d'aborder le débat sur la compétence, de se prononcer sur l'appel d'un jugement déclarant y avoir lieu de statuer en même temps sur la compétence et sur le fond: Attendu qu'en décidant qu'il y avait lieu de joindre l'incident au fond, la Cour de Toulouse, qui a déclaré que tous les droits des parties demeuraient expressément réservés, a rendu une décision qui rentrait dans ses pouvoirs; qu'il n'y a eu ni violation des articles visés au moyen ni atteinte portée aux droits de la défense;

En ce qui concerne le pourvoi formé

contre l'arrêt du 12 déc. 1907 : Sur la recevabilité du pourvoi : Attendu que l'arrêt du 12 déc. 1907, par lequel la Cour d'appel de Toulouse a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Foix qui avait déclaré joindre l'exception d'incompétence au principal, et décidé qu'il serait statué, en même temps, par deux décisions distinctes, sur la compétence et sur le fond, constitue uniquement une décision préparatoire; que cet arrêt ne pouvait donc être utilement frappé d'un pourvoi avant l'arrêt définitif sur le fond; mais que, la Cour étant actuellement saisie d'un pourvoi contre l'arrêt sur la compétence, rendu le 26 févr. 1908, il y a lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de statuer sur le moyen proposé;

Sur le moyen pris de la violation des art. 172, 450, 454, 455, C. proc., 173, 199, 203, C. instr. crim., 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a, à tort, décidé que l'art. 172, C. proc., permettrait de statuer, en même temps, par deux décisions distinctes, sur la compétence et sur le fond - Attendu que, si l'art. 172, C. proc., applicable à l'instruction criminelle, dispose que toute demande en renvoi doit être jugée sommairement, sans pouvoir être réservée ni jointe au principal, cette règle recoit exception, lorsque le juge estime que l'examen du fond lui est indispensable pour apprécier la valeur de l'exception d'incompétence soulevée ; qu'il peut, dans ce cas, joindre le déclinatoire au principal, et décider qu'il statuera, en même temps, sur l'une et l'autre question, mais par deux décisions distinctes et séparées; Attendu, en effet, qu'aucune disposition de loi n'oblige le juge, qui a statué sur une exception d'incompétence, à surseoir à statuer sur le fond jusqu'à l'expiration des délais accordés au prévenu pour user à l'encontre de la décision intervenue sur la compétence des voies de recours qui lui sont ouvertes par la loi ; qu'il n'y aurait, de sa part, excès de pouvoir et atteinte portée aux droits de la défense que si, la décision rendue sur la compétence ayant été frappée d'un appel, il passait outre, au mépris de cet appel dùment porté à sa connaissance, au jugement du fond; Attendu que le tribunal correctionnel de Foix, après avoir constaté que l'exception d'incompétence et le fond étaient intimement unis, ce qui impliquait l'obligation d'examiner le fond pour apprécier la valeur de l'exception, a décidé qu'il statuerait, en même temps, sur l'une et l'autre question, par deux jugements distincts et séparés; qu'en confirmant cette décision. l'arrêt attaqué n'a commis aucune violation des articles visés au moyen; D'où il suit que le moyen doit être rejeté;

En ce qui concerne le pourvoi formé contre l'arrêt du 26 févr. 1908: Sur le moyen pris de la violation des art. 3, C. civ., 1, 2.5, 7, C. instr. crim., 405, C. pén., 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la juridiction française compétente pour juger un délit d'eseroquerie commis à l'étranger au préju dice d'une personne morale étrangère, alors que le prétendu délit, ne s'étant manifesté en France que par des manœuvres

purement préparatoires, ne tombait pas sous l'application des lois pénales françaises, en ce qu'il a rejeté sans motifs les conclusions relatives à l'application de la loi étrangère, et en ce qu'il a refusé toutes réserves relatives à la constitution des parties civiles : Sur la première branche du moyen: Attendu que Simon (Albert), Simon (Otto) et Laurent (Auguste) étaient poursuivis pour avoir, dans l'arrondissement de Foix, « truqué» des échantillons de minerais, que Glasse, directeur de la Société Pyrénées Minerals, faisait prélever dans la mine d'Alzen, et avoir, à l'aide de cette manoeuvre frauduleuse, persuadé aux fondateurs de cette société que la mine était d'une richesse suffisante pour motiver certains apports et certaines remises de fonds; Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que deux des prévenus sont étrangers, que la Société Pyrénées Minerals» est une société anglaise, et que les fonds dont la remise aurait consommé l'escroquerie ont été versés en Angleterre; Mais attendu, d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'art. 3, C. civ., l'étranger, qui commet un délit en France, est passible des peines portées par le Code pénal, bien que ce délit ait été commis au préjudice d'un étranger; qu'il suffit, d'autre part, à raison de la nature complexe du délit d'escroquerie, que les manoeuvres frauduleuses, qui en sont l'un des éléments essentiels, aient été accomplies en France pour que les juges français soient compétents pour en connaitre;

a

Attendu que l'arrêt déclare que la remise des fonds, qui aurait consommé le délit d'escroquerie reproché aux prévenus, et qui aurait été effectuée en Angleterre, à la suite des analyses de minerai nécessairement inexactes auxquelles ont donné lieu les échantillons prélevés dans la mine d'Alzen, ne serait que la conséquence naturelle, et pour ainsi dire forcée, de la manœuvre frauduleuse qui aurait consisté à truquer les échantillons; que l'arrêt constaté, en effet, qu'avant de traiter avec les prévenus, Glasse, désireux de se renseigner, d'une manière certaine, sur la richesse de la mine d'Alzen, a envoyé un ingénieur, qui fut chargé de prélever les échantillons qui devaient plus tard être soumis à l'analyse; que le fait imputé aux prévenus est d'avoir substitué au minerai naturel un minerai plus riche, de telle sorte que les échantillons pris par l'ingénieur ne répondaient pas à la composition véritable de la mine »; Attendu que, dans les circonstances précisées par l'arrêt, le fait incriminé n'a pas été, comme le prétend à tort le pourvoi, un simple acte préparatoire; qu'il a constitué l'une des manoeuvres frauduleuses qui ont déterminé la remise des fonds effectuée en Angleterre, où, d'après la prévention, le délit d'escroquerie a été définitivement consommé; D'où il suit qu'en décidant que la juridiction française était compétente pour connaître du délit d'escroquerie imputé aux prévenus, l'arrêt attaqué, loin de violer les textes visés au moyen, en a fait une exacte application; - Sur la deuxième et sur la troisième branches du moyen: ... (sans intérêt); — Rejette, etc.

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