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dise, sans réserve aucune, termine l'opération; la marchandise est reçue, le prix payé. La fin de non-recevoir est donc opposable. La comparaison de l'art. 105 avec les art. 435 et 436, confirmerait encore cette interprétation, si cela était nécessaire. Ces deux articles attachent la fin de non-recevoir à la réception, sans protestation, des marchandises, et ne se préoccupent nullement du paiement. N'est-ce pas là une preuve qu'aux yeux du législateur la réception, sans protestation, est la circonstance capitale à considérer? Cela étant, il importe peu que le paiement ait accompagné, précédé ou suivi la réception; il suffit que le prix ait été payé pour que la réception éteigne toute action contre le voiturier.

2 Moyen. Violation de l'art.435, C. comm., en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'appliquer la déchéance prononcée par cet article à l'action fondée sur le retard apporté dans l'expédition de la marchandise, bien que cette marchandise cût été reçue sans protestations ni réserves. - En vain l'arrêt excipe-t-il de ce que le destinataire des colis ignorait les conditions de fret et de célérité convenues, et se trouvait dès lors dans l'impossibilité de constater les retards. Il est en effet certain, en droit, que la distinction ainsi admise entre l'expéditeur et le destinataire n'est pas fondée, et que toute déchéance acquise contre ce dernier par la réception des marchandises sans protestation, est également opposable à l'expéditeur. (V. anal. en ce sens, Cass. 1er mai 1865, P. 1865. 666. S. 1865.1.283).

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(1) Cette décision vient trancher, en termes fort nets, une question qui divise les Cours impériales, et sur laquelle notamment la deuxième et la troisième chambre de la Cour de Paris sont depuis longtemps en désaccord. Jusqu'à ce jour, la jurisprudence le plus généralement adoptée inclinait à considérer le bailleur comme obligé, par cela même qu'il avait loué à un commerçant une portion de maison pour l'exercice d'une industrie spécifiée au contrat, à ne pas louer à un autre commerçant, pour l'exercice d'une industrie semblable, le surplus de la même maison, et cela même en l'absence de toute clause prohibitive insérée dans l'acte de location (V. Grenoble, 26 juin 1866, suprà, p. 235, et le renvoi); jurisprudence qui se fondait sur ce que l'obligation imposée au bailleur par l'art. 1719 C. Nap., de faire jouir paisiblement le preneur dé la chose louée pendant toute la durée du bail, s'étend non-seulement à

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105, C. comm., a pour base une approbation tacite que la loi suppose donnée par le destinataire au retard qu'a pu éprouver le transport; mais que cette approbation ne peut jamais résulter des actes du destinataire quand celui-ci n'a pas payé le prix du transport, n'en connaissait pas les conditions, et n'a pu apprécier s'il y avait ou s'il n'y avait pas un retard préjudiciable; Sur le 2o moyen: Attendu que la cause ne présentait pas à juger la question de savoir si, en thèse générale,l'art.435, C.comm., peut s'appliquer au simple retard, aussi bien qu'au dommage arrivé à la marchandise; qu'il s'agissait seulement de savoir si la déchéance prononcée par cet article s'applique au cas où il est certain que le destinataire ne connaissait pas les délais dans lesquels la marchandise devait lui être livrée;-Attendu qu'il est évident que la réception faite sans protestation ni réserve par un destinataire qui demeure à Alexandrie d'une marchandise qui lui vient de Marseille,ne peut être considérée comme l'approbation d'un retard dont ce destinataire ignorait l'existence, et qu'ainsi l'article précité était sans application à la cause ; Rejette, etc.

Du 13 nov. 1867. Ch. req. MM. Bonjean, prés.; Woirhaye, rapp.; Savary, av. gén. (concl. conf.); Léon Clément,

av.

CASS.-CIV. 6 novembre 1867. BAIL, PROFESSIONS SIMILAIRES, CONCUR

RENCE.

Le propriétaire qui a loué une partie de son immeuble pour l'exploitation d'une industric déterminée, ne perd pas, par le seul effet de cette location, et en l'absence de toute condition restrictive insérée dans le bail ou résultant de la commune intention des con tractants, le droit de louer une autre partic du même immeuble pour une exploitation similaire (1). (C. Nap., 544, 1719.)

l'habitation proprement dite du preneur, mais encore à tous les accessoires de sa jouissance, et particulièrement à l'industrie qu'il a déclaré, lors de la convention, vouloir exercer. Cette doctrine peut trouver un point d'appui dans les motifs d'un arrêt de la Cour de cassation du 1er

déc. 1863 (P.1864.632. - S.1864.1.25), qui portent que du principe que le bailleur doit faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée, il résulte que dans le cas où la chose louée est une usine, le bailleur ne peut élever contre l'industrie du preneur une concurrence inattendue qui amoindrisse les profits que ce dernier a pu légitimement espérer de l'exécution de son bail »; elle peut aussi s'autoriser des judicieuses observations présentées par M. le conseiller Mesnard lors d'un arrêt de la chambre des requêtes du 8 juill. 1850 (P.1851.1.269.-S.1851.1.111).-Toutefois, certaines Cours, et notamment la troisième

(Haquin C. Leblanc.)

Le 7 juill. 1836, le sieur Meslin, qui exerçait le commerce d'épiceries dans une maison dont il était propriétaire à Longjumeau, vendit son fonds au sieur Durovoy, en prenant l'engagement de ne pas se rétablir ni exercer, dans un certain rayon, un commerce de la nature de celui qu'il cédait. Par acte du même jour, il loua à son successeur la portion de maison où était établi le fonds d'épiceries.- Sept ans après, celui-ci vendit son fonds au sieur Haquin, en lui cédant en même temps le droit au bail, qui fut renouvelé le 6 sept. 1853. Últérieurement, Meslin vendit sa maison au sieur Leblanc, qui en loua la partie non occupée par Haquin à un sieur Vassard, sans lui imposer aucune condition particulière en cas de sous-location. Vassard sous-loua au sieur Libert, qui ne tarda pas à ouvrir un commerce d'épiceries.

Le sieur Haquin protesta contre cette concurrence en faisant assigner le sieur Leblanc, son propriétaire, afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui était causé.

Son action fut accueillie par un jugement du tribunal de Corbeil; mais, sur l'appel, intervint un arrêt infirmatif de la Cour de Paris (5 ch.), du 2 mars 1865, ainsi conçu:

<< Considérant que la demande formée par Haquin contre Leblanc, et qui a été accueillie par les premiers juges, tendait à la cessation de la concurrence que ledit Haquin, intimé devant la Cour, prétendait lui être faite par Libert, devenu, longtemps après l'entrée de flaquin dans la maison de Leblanc, sous-locataire des lieux dépendant de ladite maison; Considérant qu'aucune clause du bail authentique consenti à Haquin le 6 sept. 1853 par Meslin, auteur de Leblanc, n'imposait au propriétaire l'interdiction de louer une autre partie de la maison à un locataire exerçant la même industrie que Haquin ; Considérant que le droit de propriété confère la faculté d'user et de disposer de sa chose en toute liberté, dans les limites qu'a posées la loi;-Que ce droit est absolu, et qu'aucune loi n'y a apporté de restriction pour le cas où le propriétaire a loué une

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chambre de celle de Paris (V. les divers arrêts insérés, P.1864.1081. S.1864.2.257, et la note), ont persisté à considérer l'art. 1719 comme ne garantissant aux preneurs que la libre et paisible jouissance des lieux loués, et ont posé en principe qu'à moins d'interdiction insérée dans le bail, ou d'un concours de circonstances établissant la commune intention des parties, le bailleur conservait la faculté de louer son immeuble à qui et comme bon lui semblait, fût-ce pour une industrie rivale de celle antérieurement installée dans les lieux, et ce, en vertu et comme conséquence du droit que l'art. 544, C. Nap., reconnaît au propriétaire de jouir et de disposer de sa propriété à son gré, pourvu qu'il n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et règlements.

partie de son immeuble à un commerçant; que, dans ce cas, le propriétaire conserve la faculté d'admettre, pour le surplus de l'immeuble, un second preneur exerçant une industrie similaire ou même identique à l'industrie exercée par le premier preneur;

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Considérant que l'art. 1719 du C. Nap. n'a pour but que de garantir au preneur la paisible jouissance de la chose louée, et non de lui assurer l'exercice exclusif de son commerce, en imposant au bailleur l'obligation de le garantir contre toute concurrence; Que l'on ne peut suppléer au silence de la loi en matière d'exception; que le droit du propriétaire, à défaut d'une restriction posée par une disposition législative, ne peut être restreint que par la volonté commune des parties, volonté dont la preuve peut ressortir soit des termes explicites du contrat, soit des faits contemporains dudit contrat, et manifestant cette commune intention; -Que la fraude, qui fait exception à cette règle, pourrait seule suppléer à l'absence de stipulation convenue entre les parties, s'il était prouvé que le bailleur n'avait introduit le second preneur que dans le but de favoriser une concurrence déloyale; -Considérant, d'une part, que la fraude n'est pas même alléguée dans l'espèce, et que, d'autre part, Haquin ne rapporte la preuve d'aucun fait d'où l'on puisse induire qu'il avait été dans la commune intention des parties de restreindre le droit du propriétaire; - Par ces motifs, etc.>>

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POURVOI en cassation par le sieur Haquin, pour violation de l'art. 1719 C. Nap., et fausse application de l'art 544 du même Code, en ce que l'arrêt attaqué a décidé que le bailleur d'une partie de maison servant à l'exploitation d'un fonds de commerce, et louée avec cette destination, avait le droit de louer le surplus de sa maison pour l'exploitation d'un fonds de commerce de même nature.

ARRET (après délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Attendu qu'aux termes de l'art. 544 du C. Nap., le propriétaire a le

S.

Entre ces deux systèmes, dont le premier nous avait semblé plus conforme au véritable esprit de la loi, en ce qu'il ne laisse pas place aux convoitises d'une concurrence déloyale (V. nos annotations sous les arrêts de Cass. 8 juill. 1850 précité, de Nîmes, 31 déc. 1855 (P.1857.1109) et de Paris, 12 mars 1863 (P.1863.571.. 1863.2.221), la Cour de cassation se prononce aujourd'hui pour le second. La jurisprudence de la troisième chambre de la Cour de Paris, jurisprudence manifestée de nouveau par un arrêt récent du 29 août 1867 (aff. de Joest C. Randon), et à laquelle s'est réunie la cinquième chambre par l'arrêt qui faisait l'objet du pourvoi actuel, se trouve donc ainsi consacrée par l'autorité de la Cour suprême.

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droit de jouir et de disposer de sa propriété |
comme bon lui semble, à la charge de n'en
point faire un usage prohibé par les lois et
règlements; Attendu que l'art. 1719 du
même Code n'établit aucune exception au
principe posé par cet article; qu'il n'en ré-
sulte point qu'en l'absence de toute conven-
tion restrictive de son droit, le propriétaire
qui a loué une partie de sa maison pour l'ex-
ploitation d'une industrie déterminée n'en
puisse louer une autre partie pour une
exploitation similaire; En fait, attendu
qu'ainsi que le constate l'arrêt attaqué, au-
cune clause du bail authentique consenti par
Meslin à Haquin le 6 sept. 1853 n'imposait au
propriétaire l'interdiction de louer une autre
partie de la maison à un locataire exerçant
la même industrie que Haquin; Attendu
que le même arrêt constate encore, d'une
part, que la fraude n'est pas même alléguée
dans l'espèce, et, d'autre part, que Haquin
ne rapporte la preuve d'aucun fait d'où l'on
puisse induire qu'il avait été dans la com-
mune intention des parties de restreindre
le droit du propriétaire; Qu'il suit de là
qu'en déboutant Haquin de la demande for-
mée par lui contre Leblanc qui est aux droits
de Meslin, l'arrêt attaqué n'a ni violé l'art.
1719 du C. Nap., ni faussement appliqué
l'art. 544 du même Code; - Rejette, etc.
Du 6 nov. 1867. Ch. civ.
calis, prés.; de Vaulx, rapp.; Blanche, av.
gén. (concl. conf.); Clément et Groualle, av.

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par de simples présomptions tendant à établir que le cédant n'a pas eu l'intention de transmettre au cessionnaire la propriété des valeurs objets du tranfert (2). (C. Nap.,1341, 1347 et 1353.)

(Juron C. Fuchez et autres.)

Un arrêt de la Cour impériale de Lyon, du 13 fév. 1866, qui fait connaître les circonstances de la canse, avait statué en ces termes: << Considérant que, par testament olographe du 17 juillet 1861, suivi d'un codicille à la date du même jour, Hugues Fuchez a institué pour sa légataire universelle la veuve Juron, sa nièce, en faisant divers legs particuliers au profit de personnes de sa maison et de sa famille ; - Que, par un testament authentique du 8 mai 1863, il a maintenu ladite institution universelle et ajouté seulement à la quotité des legs particuliers; Que, dans l'intervalle de ces deux testaments, il a, par acte notarié du 30 déc. 1862, donné procuration à Cambon de céder, vendre et transférer au meilleur cours possible, tous titres, actions, obligations et valeurs de bourse pouvant lui appartenir; Qu'en vertu de cette procuration, Cambon a fait opérer le transfert de quatre obligations et de douze actions de la société du gaz de MM. Pas-Lyon au profit de Joseph-Marie et de JeanBaptiste Juron, fils de la légataire universelle; Considérant qu'il est constant qu'aucun prix n'a été attaché à cette cession;

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Le transfert des valeurs industrielles, qu'il ait lieu à titre gratuit ou à titre onéreux, forme, par la seule substitution sur les registres de la société du nom du cessionnaire à celui du cédant, preuve écrite et complète du droit de propriété de celui au profit duquel a été faite l'inscription, ainsi que du dessaisissement du cédant, qui, du moment où la mutation a été opérée, a perdu toute espèce de droit sur les valeurs cédées (1).

Et cette preuve ne peut, en l'absence de tout commencement de preuve par écrit ou de toute circonstance de dol et de fraude, être détruite par la preuve testimoniale ou

(1-2) Le même principe a été consacré par la jurisprudence en matière de rentes sur l'Etat, notamment par un arrêt de la Cour de cass. du 24 juill. 1844 (P. 1844.2.246. S. 1844.1. 787). V. le Rép. gén. Pal., vo Rentes sur l'Etat, n. 89 et suiv.; et la Table gén. Devill. et Gilb., v Effets publics, n. 32 et suiv. Adde, Douai, 27 fév. 1861 (P.1861.1111.-S.1861.2.395) et le renvoi. Une doctrine conforme est enseignée par M. Troplong, Donations, t. 3, n. 1062.⚫ De tout ceci, dit cet auteur, il résulte que le trans

Que les frères Juron la présentent uniquement comme une donation qui leur a été faite par Hugues Fuchez, leur grand-oncle, sous la forme déguisée d'un transfert à titre onéreux; que la question du procès est de savoir si la cession, envisagée ainsi, est va|lable; Considérant que, s'il est de jurisprudence que les donations peuvent être valablement faites en empruntant les formes des contrats onéreux, cette doctrine exige le concours de trois conditions: 1° que la volonté de donner ait été certaine; 2° que la transmission se soit opérée par un acte régulier; 3° que le dessaisissement ait été absolu et irrévocable; Qu'il y a lieu de la sorte de rechercher si Hugues Fuchez, en passant le mandat qui a servi à exécuter le transfert dont il s'agit, a eu la volonté indubitable de faire aux frères Juron un don entre-vifs; Considérant qu'il est démontré

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fert (d'une rente sur le grand-livre) suffit, avec
ses formes ordinaires, pour prouver la transmis-
sion de propriété; et je ne conçois pas que les
arrêtistes aient élevé des doutes sur la légitimité
de cette jurisprudence. Le donataire est saisi, à
titre de propriétaire, avec une régularité com.
plète et de la manière la plus irrévocable.
V. aussi dans le même sens, MM. Demolombe,
Donations, t. 3, n. 106 et 107; Aubry et Rau,
d'après Zachariæ, t. 5, § 659, p. 481 et 482.

par les documents du procès, que Hugues Fuchez, vieillard de 72 ans, affaissé sous les suites d'une attaque d'apoplexie survenue en nov. 1862, et prévoyant sa fin prochaine, avait l'idée fixe de transmettre, après lui, ses biens, en les faisant échapper aux perceptions des droits du fisc; Que c'est sous l'empire de cette pensée qu'il a évidemment donné à Cambon la procuration du 30 déc. 1862; Qu'en effet, le mandataire a fait usage de la procuration pour convertir, autant qu'il était possible, en titres au porteur, les valeurs ou actions et obligations appartenant à Fuchez, lesquels titres et valeurs au porteur ont été remis ensuite à la veuve Juron, qui avait l'expectative de la qualité de légataire universelle; - Qu'une conversion du même genre n'ayant pu être pratiquée pour les actions et obligations du gaz de Lyon, à cause des statuts de la compagnie qui ne reconnaissaient que des titres nominatifs, il y avait, pour remplir les intentions de Fuchez, à transférer ces valeurs au nom des bénéficiaires de la succession ; Que tout atteste que Fuchez, dominé par sa pensée première, a voulu faire en sorte que le fisc ne pût rien prélever sur ces valeurs ni dans sa succession, ni dans celle qui s'ouvrirait plus tard à la mort de la veuve Juron, sa légataire universelle, et que tel a été le motif déterminant pour faire mettre de suite les valeurs du gaz de Lyon sur la tête des frères Juron; Qu'en cela, Hugues Fuchez n'a pas été mû par l'intention de faire à ceux-ci une donation entre-vifs, mais n'a fait qu'agir dans des vues testamentaires dont l'effet devait se reporter tout entier après sa mort, se fiant à la foi de sa famille, pour qu'on n'abusât pas de la forme du transfert, et croyant tout simplement recourir, sans entendre se dessaisir immédiatement, à une combinaison mise en œuvre pour tromper l'exercice des droits du fisc; - Considérant que cette vérité ressort de nombreux éléments du procès; Qu'il est impossible d'admettre que Fuchez ait voulu se dépouiller de tout ce qu'il possédait, des actions et obligations du gaz de Lyon passant par transfert entre les mains des Juron, et tout le surplus de sa fortune passant simultanément, sous forme de titres au porteur, dans les mains de leur mère; Que l'on reconnaît que la tradition faite à la veuve Juron n'a pas seu pour effet de lui transmettre la propriété des valeurs au porteur susénoncées, et n'a été pour elle qu'une sorte de détention anticipée des biens qui devaient lui parvenir par l'institution du legs universel; Qu'il en doit être de même des actions et obligations du gaz de Lyon transfé rées au nom des frères Juron ;-Que ce sont des faits consommés dans le même agissement, dépendant du même acte, accomplis sous l'influence de la même pensée, ayant le même caractère, ayant les mêmes suites et devant être placés absolument sur la même ligne; Que depuis le transfert aux frères

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Juron et la tradition de toutes les autres valeurs à leur mère, Hugues Fuchez a continué à jouir, comme auparavant, de tous les revenus que ces divers biens pouvaient produire; Que l'on voit dans plusieurs bordereaux remis par la veuve Juron à son oncle, celle-ci lui faire état dans le même compte des produits semestriels, aussi bien des valeurs mises au nom de ses fils que des valeurs dont elle restait nantie; Que sur l'un de ces bordereaux, on remarque une somme de 82 fr. 10 c., portée en dépense à Fuchez pour la mutation des actions et obligations du gaz de Lyon, ce qui serait difficilement explicable dans l'hypothèse d'une donation, car le donataire n'aurait pas apparemment réclamé au donateur le paiement de ces frais peu importants de sa libéralité

Considérant, d'ailleurs, que ce qui a été fait en exécution de la procuration du 30 déc. 1862, se rattache par un lien manifeste aux deux testaments de Fuchez, de 1861 et 1863, et que l'ensemble réfléchi et soutenu des dispositions énoncées dans ces actes, ne permet pas de croire que Fuchez ait voulu donner aux fils Juron les actions et obligations du gaz de Lyon, représentant une part considérable de sa fortune; Que le testament de 1863, identique à celui de 1861, si ce n'est que l'émolument des legs particuliers a été augmenté, montre que Hugues Fuchez avait persévéré pendant l'intervalle dans sa volonté de gratifier les membres de sa famille auxquels ces legs s'adressaient, et avait même voulu les gratifier davantage au détriment de l'institution universelle; Que ces intentions se trouveraient sans exécution aucune, si le transfert dont se prévalent les frères Juron devait constituer une donation à leur profit, car cette donation aurait diminué d'environ 34,000 fr. les forces de la succession, et rendrait les legs particuliers passibles d'une réduction d'au moins 52 p. 0/0; Qu'on ne peut supposer que Fuchez, sain d'esprit, malgré ses infirmités, se soit trompé sur la consistance de sa petite fortune au point de faire un second testament contenant des libéralités qu'une donation de 34,000 fr., faite quatre mois auparavant, aurait rendues impossibles; Consi

dérant qu'en examinant les circonstances du transfert effectué aux fils Juron, on se confirme encore dans la pensée que Fuchez n'a pas eu la volonté de leur faire un don entrevifs; qu'en effet, les douze actions du gaz de Lyon, d'une valeur de 32,500 fr., ont été transférées à Joseph-Marie Juron, et les quatre obligations de la même entreprise, valant seulement 1200 fr., ont été transférées à Jean-Baptiste Juron, sans qu'on puisse donner la moindre explication plausible d'une libéralité que Fuchez aurait faite si inégalement entre deux frères; Considérant que tout se réunit ainsi pour prouver que Fuchez, en ménageant avant sa mort le placement de tout son bien dans les mains de la veuve Juron et de ses deux fils, soit

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par la tradition à la veuve Juron de tout ce qui avait pu être mis sous la forme de titres au porteur, soit par le transfert au nom des fils Juron pour les valeurs qui devaient être forcément nominatives, n'a fait qu'agir sans aucune intention de don entre-vifs, dans les termes de ses prévisions testamentaires, et que préparer la soustraction des droits du fisc par une combinaison dont la nature juridique procède à la fois du mandat, du dépôt, et d'un droit de donation à cause de mort; -Que, dès lors, la volonté de disposer par don entre-vifs ne se rencontrant pas, la prétendue donation dont excipent les frères Juron n'est pas valable; Par ces motifs, réforme le jugement du tribunal de Lyon; annule les transferts des douze actions et des quatre obligations du gaz de Lyon consentis par Carbon, en qualité de mandataire; dit que lesdites valeurs font partie de la succession de Ilugues Fuchez. >>

POURVOI en cassation par les sieurs Juron, pour violation des art. 893, 1341, 1347, 1353 et 1356, C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué a, en l'absence de tout dol allégué, fait prévaloir de simples présomptions sur le caractère et le sens juridique d'un acte écrit. -On a dit à l'appui du pourvoi : La donation faite aux sieurs Juron ne saurait être annulée à raison de la forme employée, car il est de règle certaine qu'une libéralité déguisée sous la forme d'un contrat onéreux est parfaite et valable, lorsqu'elle ne cache pas une disposition au profit d'incapables, et lorsque la forme employée n'a pas pour but d'échapper à une prohibition de la loi (V. notamment, Cass., 18 nov. 1861, P. 1862, 441.-S.1862,1.33, et le renvoi). Dans l'espèce actuelle, le sieur Fuchez était capable de donner, et les sieurs Juron étaient capables de recevoir; aucune contestation n'existe à cet égard: ils ont donc pu faire indirectement ce qu'ils pouvaient faire directement. L'arrêt attaqué dit que le sieur Fuchez a voulu faire passer les actions et les obligations de la compagnie du gaz de Lyon sur la tête des sieurs Juron, ses petits-neveux, au moyen d'un transfert, pour éviter les droits de mutation que ces valeurs auraient dû payer au sc lors de son décès. C'est là, sans contredit, une fraude à la loi. Mais les légataires particuliers ne peuvent pas invoquer cette fraude pour faire annuler la donation faite au moyen de ce transfert, puisqu'elle n'était pas dirigée contre eux, et qu'aucune loi ne prononce la nullité d'un acte fait en fraude des droits du fisc. D'autre part, l'arrêt attaqué, après avoir constaté le fait, n'en tire nullement la conséquence que la donation est nulle; et il résulte, au contraire, de l'ensemble de l'arrêt lui-même que la donation au profit des sieurs Juron ne cache pas une disposition au profit d'incapables, et que la forme employée n'a pas eu pour but d'échapper à une prohibition de la loi en ce sens.-Que si maintenant l'on examine cette

forme en elle-même, on reconnaîtra que le sieur Fuchez ne pouvait pas employer de moyen plus sûr et plus énergique que celui du transfert pour se dessaisir de la propriété des actions et obligations dont il s'agit, et la transmettre à ses petits-neveux. C'était le moyen par excellence, pour ne pas dire le seul moyen, de leur faire acquérir cette propriété. Telle est l'opinion de M. Troplong, Donations, no 1062. Le transfert qui s'opère par l'inscription du nouveau titulaire à la place de l'ancien sur les livres de la société industrielle, est une preuve écrite et complète des droits de propriété du nouveau titulaire. Il y a à cet égard une assimilation complète entre les actions ou les obligations financières ou industrielles, et les inscriptions de rentes sur le grand-livre de la dette publique. Pour toutes ces valeurs, les principes généraux du droit, spécialement consacrés par la loi en ce qui concerne les rentes sur l'Etat, doivent protéger contre toute revendication celui dont le nom est inscrit sur les livres ou registres du débiteur. A partir du jour où le transfert des actions et obligations dont il s'agit a été fait, les sieurs Juron en ont donc été seuls propriétaires vis-à-vis de la compagnie, vis-à-vis des tiers, vis-à-vis de tout le monde; eux seuls pouvaient désormais en disposer. · Pour écarter l'efficacité de ce transfert, l'arrêt attaqué relève la circonstance que le paiement des intérêts et des dividendes afférents à ces actions et obligations aurait été effectué entre les mains du sieur Fuchez, depuis le transfert jusqu'à son décès; et il en tire la conséquence qu'il n'y a pas eu dessaisissement de la part de celui-ci, et qu'il n'a entendu faire qu'une donation à cause de mort. Mais, en admettant l'exactitude du fait, la conséquence que l'arrêt en a tirée est évidemment contraire à tous les principes. En supposant qu'il s'agisse, dans l'espèce, d'une donation avec réserve d'usufruit, elle n'en serait pas moins valable comme donation immédiate, et elle ne pourrait pas être considérée comme une donation à cause de mort. Du reste, il résulte des constatations mêmes de l'arrêt qu'il ne s'agit nullement d'une donation avec réserve d'usufruit, car cette réserve n'est pas énoncée. Le transfert a été pur et simple; les titres ont été remis aux nouveaux titulaires, qui seuls avaient le droit de recevoir les intérêts et les dividendes, et qui seuls auraient pu disposer d'une manière absolue des titres ainsi transférés. Seulement, les nouveaux titulaires étaient tenus de remettre périodiquement au sieur Fuchez une somme égale aux intérêts et aux dividendes qu'ils recevaient de la compagnie du gaz. Il s'agissait donc d'une donation avec charges; mais les charges qui accompagnent une donation n'en dénaturent pas le caractère; elles prouvent d'autant mieux, au contraire, le dessaisissement actuel et irrévocable du donateur. Ce dessaisissement actuel et irrévocable, par suite duquel le sieur Fu

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