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CASS.-CRIM. 9 mars 1911. VAGABONDAGE, MENDICITÉ, RÉCIDIVE, ASSISTANCE AUX VIEILLARDS, SURSIS.

Le $ 2 de l'art. 39 de la loi du 14 juill. 1905, sur l'assistance aux vieillards, qui déclare inapplicables en cas de récidive les dispositions du 1er du même article, portant que les inculpés poursuivis pour vagabon dage et mendicité, qui prétendraient faire valoir leurs droits à l'assistance, pourront obtenir un sursis et être ultérieurement acquittés, s'il y a lieu, vise tous les cas où l'inculpé est en état de récidive, suivant les art. 57 et 58, C. pén, (1) (C. pén., 57 et 58; L. 14 juill. 1905, art. 39).

On ne saurait restreindre l'application de ce $ 2 de l'art. 39 aux seuls cas où l'individu, poursuivi pour vagabondage ou mendicité, aurait antérieurement obtenu le bénéfice de l'assistance, soit qu'il continue à en jouir, soit qu'il y ait renoncé (2) (Id.).

(Martin).

21 déc. 1910, arrêt de la Cour d'appel de Paris, ainsi conçu : « La Cour; - Considérant que Martin, arrêté en flagrant délit de vagabondage, a été déféré au tribunal correctionnel de la Seine pour ce délit, à l'audience du 15 nov. 1910, alors d'ailleurs qu'il avait été condamné déjà vingt-neuf fois, et que cinq de ces condamnations sont de nature à le mettre en état de récidive légale; Considérant que Martin, ayant invoqué son âge de soixante-dix ans, a sollicité le bénéfice de la loi du 14 juill. 1905, et a demandé qu'il fût sursis aux

(1-2) L'art, 39, § 1er, de la loi du 14 juill. 1905, sur l'assistance obligatoire aux vieillards infirmes et incurables (S. et P. Lois annotées de 1906, p. 125; Pand. pér., 1905.3.198), autorise les tribunaux répressifs à surseoir aux poursuites contre les mendiants et les vagabonds, lorsque l'inculpé peut faire valoir des titres à l'assistance légale. C'est une faculté que ce texte leur ouvre, et qui est marquée par le mot « pourra", inséré dans l'article. V. S. et P. Lois annotées de 1906, p. 149, note 109; Pand. pér., 1905.3.223, note 1. Dès lors, le refus d'accorder le sursis ne saurait donner lieu à une censure de la Cour suprême, à moins d'être fondé sur une erreur de droit.

C'est une erreur de droit que le pourvoi prétendait trouver dans l'arrêt attaqué; il soutenait que la Cour d'appel, pour refuser le sursis, s'était à tort fondée sur le § 2 de l'art. 39, qui porte que les dispositions ci-dessus rappelées du § 1er ne sont pas applicables en cas de récidive.

D'après le pourvoi, l'art. 39, 22, prévoit une récidive spéciale, dont les éléments ne peuvent être pris dans les condamnations antérieures au moment où le prévenu s'est trouvé, soit par son âge, soit par ses infirmités, en mesure de réclamer le bénéfice de la loi du 14 juill. 1905. Ce que la loi a voulu, disait le pourvoi, c'est uniquement priver du bénéfice du sursis le mendiant ou le vagabond, qui, ayant été en mesure de bénéficier des dispositions de la loi, aura préféré continuer à se

poursuites jusqu'à ce qu'il ait obtenu le bénéfice de l'assistance obligatoire; - Considérant que les premiers juges ont à tort fait droit à cette demande, car, étant donné l'état de récidive légale où se trouve Martin, il était impossible de le faire bénéficier des dispositions bienveillantes de l'art. 39 de ladite loi, le § 2 de cet article les déclarant non applicables en cas de récidive; - Considérant que le sens de ce terme récidive » ne saurait être douteux;

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Considérant qu'en effet, le mot employé dans un article de loi, qui fixe le cas de prévenus inculpés de délits déterminés. (269 à 276, C. pén.), vise certainement la situation juridique d'un déliquant commettant une nouvelle faute après une condamnation définitive, c'est-à-dire l'application des art. 56 à 58, C. pén.; Considérant que, d'ailleurs, les travaux préparatoires de la loi du 14 juill. 1905 ne peuvent laisser aucun doute qu'en effet, le § 2 de l'art. 39 a été ajouté au projet de loi voté à la Chambre des députés par l'adoption d'un amendement vote au Sénat; que le rapporteur, en faisant connaitre la portée de ce texte, déclarait qu'il avait pour but d'enlever aux juges la faculté de renvoyer des fins de la poursuite, soit le mendiant ou le vagabond ayant déjà obtenu le bénéfice de l'assistance, soit les professionnels qui trouvent plus lucratif de mendier que de recevoir un secours personnel; - Par ces motifs, etc. ».

POURVOI en cassation par M. Martin.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique, pris de la violation de l'art. 39 de la loi du 14 juill. 1905, en ce que l'arrêt attaqué a refusé le bénéfice dudit article à un individu inculpé de vagabondage, en raison

livrer au vagabondage ou à la mendicité; et l'on ne comprendrait pas, dès lors, que les condamnations, antérieures au moment où il a été en droit de réclamer l'assistance, puissent lui enlever la possibilité d'obtenir le sursis autorisé par l'art. 39,

1, puisque c'est seulement à partir de ce moment qu'il a manifesté, soit en ne demandant pas l'assistance, peut-être même en la refusant alors qu'elle lui était offerte, sa préférence pour une vie de vagabondage ou de mendicité. Si donc, pour prendre l'exemple même que donnait le pourvoi, un vieillard ou invalide, auquel son âge ou ses infirmités donnaient droit à l'assistance, a refusé la proposition d'hospitalisation qui lui était faite, les juges pourraient, sur une première poursuite pour vagabondage ou mendicité, lui accorder le sursis; mais, si, déclinant à nouveau les propositions d'hospitalisation, ou y renonçant après les avoir acceptées, il était une seconde fois poursuivi pour vagabondage ou mendicité, le sursis devrait lui être refusé, parce qu'il serait dans le cas de récidive spéciale prévu par l'art. 39, $ 2.

Tel est le système qui était proposé par le pourvoi, et qui avait pour objet d'adapter le sens du mot « récidive », dans l'art. 39 de la loi du 14 juill. 1905, au but que cette loi a eu en vue.

Sans doute, le grief que fait à ce système la Cour de cassation de restreindre l'application de l'art. 39, 2, au cas où le prévenu aurait antérieurement obtenu le bénéfice de l'assistance, est

de ses antécédents judiciaires, alors que ce bénéfice s'applique à tous les mendiants et vagabonds remplissant les conditions exigées par l'art. 1er de la loi du 14 juill. 1905, à l'exception de ceux qui, ayant fait valoir le droit à l'assistance, bénéficieraient d'une pension à l'époque du délit, ou ont délibérément renoncé à l'offre qui leur en a été faite, et se sont, par la suite, rendus coupables de plus d'un délit de mendicité où de vagabondage; Attendu qu'après avoir décidé, dans son ler, que les inculpés, poursuivis en vertu des art. 269, 270, 271, 274, C. pén., qui prétendront faire valoir leurs droit à l'assistance, pourront obtenir un sursis et être ultérieurement acquittés, s'il y a lieu, l'art. 39 de la loi du 14 juill. 1905 ajoute, dans son § 2: Toutefois, les dispositions du présent article ne sont pas applicables en cas de récidive »; Attendu que ce texte ne comporte pas l'interprétation indiquée par le pourvoi, qui aurait pour effet d'en restreindre l'application aux seuls cas où l'individu poursuivi pour vagabondage ou mendicité aurait antérieurement obtenu le bénéfice de l'assistance, soit qu'il continue à en jouir, soit qu'il y ait renoncé; qu'il résulte, au contraire, des travaux préparatoires de la loi, et notamment du rapport fait au Sénat, que le législateur a entendu viser, d'une façon générale, les délinquants d'habitude; que, d'ailleurs, la disposition susrappelée, en faisant état de la récidive, sans aucune exception ni réserve, se réfère nécessairement aux art. 57 et 58, C. pén.; que, dès lors, elle doit recevoir son application dans tous les cas où l'individu poursuivi pour vagabondage ou mendicité est en état de récidive, aux termes des deux articles précités; Attendu, en fait qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que Martin,

immérité, puisqu'il suffirait, d'après le pourvoi, pour que le premier terme de la récidive spéciale fût constitué, que le prévenu fût l'objet de poursuites, alors qu'il est en droit de réclamer l'assistance. Mais il faut reconnaître que le système du pourvoi se heurte à une grave objection : il détourne le mot de récidive de son sens ordinaire, en prenant, comme on l'a vu, pour premier terme de cette récidive spéciale, non pas une condamnation, mais un jugement de sursis, qui peut, d'après l'art. 39, § 1, selon les cas », c'est-à-dire, si le droit à l'assistance est reconnu au profit de l'inculpé, être suivi de relaxe.

Aussi conçoit-on que la Cour de cassation, eu présence du terme employé par la loi, ait estimé que la récidive visée par l'art. 39, § 2, est la récidive du droit commun, en telle sorte que le sursis doit être refusé à tout prévenu de vagabondage ou de mendicité qui est en état de récidive légale. V. en ce sens, Sachet, Assistance des ricillards, n. 606. Cette interprétation peut se défendre par la considération que le législateur a eu en vue, par la po-sibilité du sursis, d'éviter une condamnation au mendiant ou invalide d'occasion, qui, soit par ignorance de la loi, soit par suite de la négligence ou de la mauvaise volonté des autorités locales, n'a pas obtenu l'assistance à laquelle il avait droit; mais il est douteux qu'elle ait voulu étendre la même faveur aux mendiants et aux vagabonds de profession.

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CASS.-CRIM. 20 avril 1912.

CHASSE, CHIEN DE CHASSE, TERRAIN D'AUTRUI, DÉLIT (ABSENCE DE) (Rép., v° Chasse, n. 368 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 278 et s., 306 et s.).

Le seul fait d'être accompagné par un chien sur un territoire de chasse ne constitue pas, de la part du propriétaire de cet animal, une infraction à la loi du 3 mai 1844, alors que ce chien ne s'est livré à aucun acte de quête ou de recherche du gibier et n'a pas cessé de demeurer à proximité de son maitre (1) (L. 3 mai 1844, art. 9 et 11).

Et ce fait ne saurait devenir délictueux par le seul effet de sa réitération (2) (Id.).

(Vve Delhomme C. Le Dain). ARRÊT (ap. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le moyen pris de la violation des art. 9 et 11 de la loi du 3 mai 1814, en ce que la juridiction répressive s'est refusée à allouer des réparations civiles au propriétaire d'une chasse gardée, sur les terres duquel le prévenu, pendant la période de reproduction du gibier, amenait fréquemment sa chienne de chasse et l'y laissait séjourner, non attachée, pendant qu'il se livrait à ses occupations, alors que la présence répétée d'un chien de chasse en liberté sur des terres de chasse constituerait par elle-même, et par le fait de la répétition, un trouble effectif de nature à empêcher la conservation et la reproduction du gibier; et de la violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt, au mépris de conclusions formelles, a négligé le fait de la répétition, qui serait cependant un élément caractérisé de responsabilité : — Sur la première branche du moyen : tendu que, s'il est constaté par l'arrêt

At

(1-2) La loi du 3 mai 1844, si elle s'est proposé comme un de ses buts la protection du gibier, n'a cependant incriminé que les actes de chasse. Or, si l'on peut voir, justement d'ailleurs, un acte de chasse dans le fait de quêter ou rechercher le gibier à l'aide d'un chien de chasse, même sans qu'il y ait, de la part du propriétaire du chien, intention de capturer et de prendre le gibier (V. Cass. 17 févr. 1853, S. 1853.1.669. P. 1854.1. 423; 4 janv. 1878, S. 1878.1.190. - P. 1878.1.445, et la note; Pand. chr.; Trib. de Ruffec, 11 oct. 1906, S. et P. 1907.2.51, la note et les renvois), il est impossible d'en voir un dans la présence, même répétée, sur la propriété d'autrui, d'un

attaqué que la chienne de Le Dain a été amenée à différentes reprises dans les champs où travaillait le prévenu, et dont la chasse appartient à la demanderesse, elle ne s'y est livrée à aucun acte de quête ou de recherche du gibier, et n'a pas cessé de demeurer à proximité de son maître;

Attendu que le seul fait d'être accompagné par un chien sur un territoire de chasse ne constitue pas, de la part du propriétaire de cet animal, une infraction à la loi du 3 mai 1844, alors que le chien n'a pas chassé, et que ce fait, licite en lui-même, ne saurait devenir délictueux par le seul effet de sa réitération; Sur la seconde branche :... (sans intérét); Rejette le pourvoi contre l'arrêt du 19 janv. 1911, de la Cour d'appel d'Amiens, etc.

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1o CITATION, MATIÈRE REPRESSIVE, DOMIcile, Cession de débit de boissONS (Rép., vis Citation, n. 97 et s., Exploit, n. 1458 et s.; Pand. Rép., v Ajournement, n. 2181 et s.). 20 CABARET-CABARETIER, DEBIT DE BOISSONS, PÉRIMÈTRE INTERDIT, DISTANCE CALCULEE A VOL D'OISEAU (Rép., v Cabaret, n. 33 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 74 et s.).

1o La cession d'un débit de boissons n'impliquant pas nécessairement le changement de domicile du propriétaire cédant, c'est à bon droit qu'une citation à comparaitre devant le tribunal de police correctionnelle est délivrée au cédant au lieu où est exploité le délit, alors qu'il s'y trouve encore une personne au service du cédant, et que, d'ailleurs, le domicile indiqué dans le jugement par défaut frappé d'opposition est le débit de boissons (3) (C. instr. crim., 145, 188).

20 Est régulier l'arrêté municipal, qui dispose que la distance minima des établis sements protégés, en deçà de laquelle ne pourront être ouverts des débits de boissons, sera calculée à vol d'oiseau (4) (L. 17 juill. 1880, art. 9).

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chien de chasse, alors que celui-ci ne se livre à aucun fait de chasse. Comp. Bourges, 27 mai 1908 (S. et P. 1909.2.174; Pand. pér., 1909.2.174), et la note.

(3) La vente d'un fonds de commerce n'implique pas par elle-même un changement de domicile du vendeur, d'abord, parce que la cession peut ne pas avoir effet immédiatement, et, d'autre part, parce que, le cessionnaire eût-il été mis en possession, le cédant peut demeurer pendant quelque temps dans son ancien débit pour mettre le cessionnaire au courant de la clientèle.

(4) La fixation d'un périmètre minimum, en

1880 et des droits de la défense, en ce que le jugement sur opposition a été rendu alors que la citation avait été délivrée, non à l'inculpé, mais à un débit de boissons n'appartenant plus à celui-ci, et dont la prise de possession par le successeur avait été dûment notifiée à la mairie et au parquet, conformément à la loi: - Attendu que la cession d'un débit de boissons n'implique pas nécessairement le changement de domicile du propriétaire cédant; que l'exploit de citation à comparaître à l'audience du 7 juin 1911 du tribunal correctionnel porte que cette citation a été donnée à Besnard (Pierre), demeurant à Nantes, rue Corneille, 3, à son domicile, parlant à une personne à son service; que ce domicile est d'ailleurs celui qui se trouvait indiqué dans le jugement par Attendu défaut frappé d'opposition; qu'en statuant par itératif défaut sur ladite citation, le tribunal n'a commis aucune violation de la loi;

Sur le second moyen, pris de la violation des art. 9 de la loi du 17 juill. 1880, 471, C. pén., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement condamne le demandeur à treize amendes pour tenue d'un débit à 90 mètres à vol d'oiseau d'un établissement scolaire, alors que la distance réglementaire prévue par la loi du 17 juill. 1880 ne peut s'entendre que de la distance à parcourir pour se rendre du débit à l'école par les voies les plus courtes: - Attendu qu'aux termes de l'art. Ier de l'arrêté du maire de Nantes du 11 déc. 1908, la distance minima de 100 mètres, prescrite par l'arrêté du 1er févr. 1912, doit être calculée à vol d'oiseau; Attendu que l'art. 9 de la loi du 17 juill. 1880 autorise les maires à déterminer par voie d'arrêtés les distances auxquelles les cafés et les débits de boissons pourront être établis autour des édifices qu'il énumère; qu'il résulte clairement de cette disposition que le législateur a entendu permettre à l'autorité municipale d'établir autour desdits édifices un périmètre de protection spéciale propre pour chacun d'eux, et dans lequel il est interdit d'ouvrir de nouveaux débits de boissons; Et attendu que le jugement attaqué est régulier en la forme; Rejette le pourvoi contre le jugement du tribunal correctionnel de Nantes du 7 juin 1911, etc.

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Du 20 avril 1912. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Paillot, rapp.; Séligman, av. gén.; Mornard, av.

deçà duquel des cafés ou des cabarets ne pourront pas s'ouvrir, soulève certaines difficultés, lorsque l'arrêté municipal, qui renferme cette prohibition, ne contient pas d'indication sur le mode précis de calculer la distance. V. Cass. 18 déc. 1909 (S. et P. 1911.1.428; Pand. per., 1911.1.428), et la note. Mais, lorsque l'arrêté municipal a pris soin d'indiquer ce mode de calcul, il n'est pas douteux que ses dispositions s'imposent aux tribunaux. C'est ce que décide l'arrêt actuel. Au reste, l'appréciation de la distance à vol d'oiseau paraît la seule légitime, même au cas de silence de l'arrêté municipal. V. en ce sens, la note précitée sous Cass. 18 déc. 1909.

CASS.-CIV. 26 juin 1912.

PRUD'HOMMES, REPRÉSENTATION DES PARTIES, AVOCAT, AVOUE, ABSENCE OU MALADIE (Rép., vo Prud'hommes, n. 172; Pand. Rép., v Conseils de prud'hommes, n. 619).

Le $ 2 de l'art. 26 de la loi du 27 mars

(1-2) Le droit pour les parties de se faire représenter, devant les conseils de prud'hommes, par un avocat ou un avoué, est-il subordonné à la condition que la partie représentée justifie être malade ou absente?

Deux lois récentes du 15 juill. 1905 (S. et P. Lois annotées de 1906, p. 81; Pand. pér., 1906.3.1) et du 27 mars 1907 (S. et P. Lois annotées de 1907, p. 490; Pand. pér., 1907.3.213) contiennent, sur le droit de représentation devant les conseils de prud'hommes, des dispositions identiques, sauf sur un point spécial, relatif aux chefs d'une industrie ou d'une exploitation commerciale (a).

Pour bien pénétrer la volonté du législateur, il nous paraît utile, avant d'aborder l'examen littéral des textes, d'en étudier la genèse.

Les lois du 15 juill. 1905 et du 27 mars 1907, sur les conseils de prud'hommes, ont une même origine la première n'est qu'une branche détachée du tronc commun.

La pensée d'élargir et d'améliorer la législation concernant les conseils de prud'hommes apparaît, tout d'abord, dans une proposition de loi de M. Lockroy et un projet de loi de M. Tirard, en 1889. La Chambre des députés et le Sénat n'ayant pu se mettre d'accord sur tous les points, et, notamment, sur l'extension de la juridiction prud'homale aux employés de commerce, le projet devint caduc, en 1898 (V. S. et P. Lois annotées de 1907, p. 490, note 1 bis, n. III).

Dans la législature suivante, la question fut reprise, d'une part, par MM. Beauregard et de Montebello, d'autre part, par M. Dutreix, mais, des dissidences subsistant entre les vues du Sénat et celles de la Chambre, le gouvernement, en 1905, désireux d'obtenir au moins une refonte partielle, détacha du projet en discussion un certain nombre de dispositions, sur lesquelles l'opinion du Sénat concordait avec celle de la Chambre des députés. Ce projet partiel fut rapidement voté, et est devenu la loi du 15 juill. 1905. Presque à la même date, et sur la proposition de M. le député Congy, la Chambre vota, le 13 juill. 1905, l'assimilation des employés de commerce aux ouvriers, et la commission du Sénat accepta, cette fois, l'assimilation demandée. Ce changement d'attitude faisait disparaître la seule dissidence sérieuse existant entre les deux Chambres. La commission du Sénat put donc reprendre l'examen de l'ensemble du projet, qui est devenu la loi du 27 mars 1907 (V. S. et P. Lois annotées, loc. cit.).

Les lois de 1905 et de 1907 sont donc animées du même esprit, et les art. 3 de la loi de 1905 et 26 de la loi de 1907 ont la même portée, la même signification. Ce que nous dirons de l'une, au point de vue du droit de représentation, et sauf la différence déjà signalée quant aux chefs d'exploitation, sera donc vrai de l'autre.

Quel était l'état de la législation avant 1905? Il était fixé par l'art. 29 du décret du 11 juin 1809, réimprimé, avec des changements indifférents à la question, en vertu du décret du 20 févr. 1810 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 799 et 811). Cet

(a) La loi de 1905 disait que ces chefs d'exploitation pouvaient se faire représenter par leur gérant ou un employé. La loi de 1907 ajoute au texte le mot « toujours », ANNÉE 1913. - 3 cah.

1907 a limité au cas d'absence et de maladie la faculté qu'il accorde aux parties de se faire représenter devant le conseil des prud'hommes par un ouvrier ou employe ou par un patron exerçant la même profession, et le droit de représenter les parties, qui a été reconnu aux avocats et aux avoués par le $6 de l'art. 26, ne saurait article était ainsi conçu : Tout marchand fabricant, tout chef d'atelier, tout contremaître, tout teinturier, tout ouvrier, compagnon ou apprenti, appelé devant les prud'hommes, sera tenu, sur une simple lettre de leur secrétaire, de s'y rendre en personne, au jour et à l'heure fixés, sans pouvoir se faire remplacer, hors le cas d'absence ou de maladie; alors seulement, il sera admis à se faire représenter par l'un de ses parents, négociant ou marchand exclusivement, porteur de sa procuration

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Il résulte de la comparaison de ce texte avec celui des lois de 1905 et 1907 que ces dernières lois ont élargi le droit de représentation. En effet, d'après le décret du 11 juin 1809, la représentation des parties n'était permise qu'à un parent; cette qualité de parent n'est plus requise par les lois de 1905 et de 1907. Le décret de 1809 ne contenait aucune dérogation au principe de la comparution personnelle au profit des chefs d'exploitation; la loi de 1907 accorde sans condition, dans ce cas, le droit de se faire représenter.

En ce qui concerne spécialement les avocats et les avoués, le décret de 1809 était muet, tandis que les lois de 1905 et de 1907 permettent aux parties de les choisir pour les assister et les représenter.

Du mutisme du décret de 1809, quant aux avocats, naquit une controverse pour savoir si les avocats avaient le droit d'assister les parties devant les conseils de prud'hommes. Elle fut tranchée par l'affirmative. V. Cass. 1er avril 1895 (S. et P. 1895.1.318; Pand. pér., 1896.1.443), et la note. Adde, Cass. Belgique, 11 juin 1896 (S. et P. 1896.4.20); et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Prud'hommes, n. 172; Pand. Rép., v° Conseils de prud'-hommes, n. 645.

La tendance des lois nouvelles à étendre le droit de représentation s'est même manifestée avec plus de libéralité à la Chambre des députés qu'au Sénat. La Chambre voulait accorder aux parties le droit de se faire représenter, d'une façon générale, sans le subordonner à aucune condition (V. le texte de l'art. 2 du projet voté par la Chambre des députés, à la 2o séance du 13 avril 1905; J. off. du 14, déb. parl., p. 1382. V. égal., S. et P. Lois annotées de 1905, p. 83, note 9). C'est seulement par esprit de conciliation, pour ne pas heurter le Sénat, qu'elle consentit à voter le texte actuel. Il est bon d'ailleurs de noter que, si le principe de la comparution personnelle a été voté, il a été considéré comme très secondaire. Le rapporteur au Sénat, comparant le texte voté par la Chambre et celui proposé par la Haute Assemblée, reconnut que la différence n'était pas énorme (Rapport de M. Savary au Sénat; J. off, doc. parl. d'oct. 1905, p. 506, 3° col.), et le rapporteur à la Chambre des députés dit que cette modification au projet n'était d'aucune importance (Rapport de M. Mas à la Chambre des députés; J. off., doc. parl. d'oct. 1905, p. 791, 2o col.).

La seule chose qui a vraiment préoccupé le Parlement, en ce qui concerne le droit de représentation, c'est le désir d'éviter l'intervention des agents d'affaires, qui, dans un but de lucre, auraient

pour indiquer que le droit de représentation n'est, dans ce cas, soumis à aucune condition, et s'exerce libre

ment.

étre plus étendu que celui qu'ont les parties elles-mêmes de se faire représenter (1) (L. 27 mars 1907, art. 26).

Le plaideur, qui ne justifie, ni d'une absence, ni d'une maladie, est donc tenu de comparaître en personne devant le conseil des prud'hommes, et ne peut être légalement représenté par un avocat (2) (Id.).

pu devenir des artisans de trouble et de discorde (V. le rapport de M. Savary au Sénat; J. off, loc. cit.; et S. et P. Lois annotées dé 1906, p. 83, note 9). Quant à la faculté de se faire représenter, elle n'a été limitée que très accessoirement, dans la pensée, plus ou moins justifiée, que la comparution personnelle rendrait la conciliation plus facile. S'il est vrai, dit le rapporteur à la Chambre des députés, que le texte doit avoir pour effet d'écarter les intermédiaires moins intéressés à amener une conciliation, nous aurions mauvaise grâce à ne pas l'accepter (Rapport de M. Mas à la Chambre des députés; J. off, loc. cit.).

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Pendant la longue élaboration de la loi, et jusqu'en 1904, il n'avait pas été question des avocats ni des avoués. C'est à cette date, et en seconde délibération, qu'un sénateur, M. Delahaye, proposa, sous forme d'amendement, de compléter l'art. 25 (qui est devenu, dans la loi de 1907, l'art. 26), par la disposition additionnelle suivante : Devant le bureau de jugement, les parties pourront se faire assister par un avocat régulièrement inscrit au barreau ou par un avoué exerçant près du tribunal civil de l'arrondissement. L'avocat et l'avoué seront dispensés de présenter une procuration M. Savary, rapporteur, combattit l'amendement, parce que, disait-il, une jurisprudence formelle a décidé que l'avocat pouvait plaider devant le conseil des prud'hommes. L'amendement fut néanmoins voté (Sénat, séance du 15 mars 1904; J. off. du 16, déb. parl., p. 299 et s.).

On remarquera que le texte proposé par M. Delahaye a été quelque peu changé en passant dans les lois de 1905 et de 1907. Il n'est plus parlé du bureau de jugement, et il est dit que des parties peuvent se faire représenter ou assister, alors que, dans l'amendement Delahaye, il n'était question que d'assistance devant le bureau de jugement. Ce changement n'a donné lieu d'ailleurs à aucune explication ni au Sénat, ni à la Chambre.

Sous le bénéfice des observations qui précèdent, nous pouvons maintenant aborder l'examen de la question spéciale de la représentation des parties par un avocat ou un avoué.

Rappelons, tout de suite, l'état des textes. L'art. 26, 1e, de la loi de 1907 pose le principe que les parties sont tenues de se rendre en personne devant le bureau de conciliation et devant le bureau de jugement. Puis, dans le § 2, il leur permet, sans condition, de se faire assister, et, sous la condition d'absence ou de maladie, de se faire représenter (b) par un ouvrier ou un employé ou par un patron exerçant la même profession. Enfin, les §§ 6 et 7 du même article, reproduisant textuellement le § 8 de l'art. 3 de la loi de 1905, porte : Les parties pourront se faire représenter ou assister par un avocat régulièrement inscrit au barreau, ou par un avoué exerçant près du tribunal civil de l'arrondissement. L'avocat et l'avoué seront dispensés de présenter une procuration ». La difficulté consiste à rechercher si les §§ 6 et 7 contiennent une disposition indépendante, se suffi sant à elle-même, ou s'ils se relient au principe posé

(b) Le mot a assister » signific seconder, aider quelqn un en justice; le mot a représenter siguifle remplacer une personne, agir pour elle en qualité de mandataire, I PART. 16

(Palatucci C. Cazalet).

M. Cazalet a fait assigner devant le conseil des prud'hommes de Marseille M. Palatucci en paiement d'une somme de 236 fr. 50, qu'il prétendait lui être due pour salaires. Le 2 janv. 1912, un jugement par défaut a prononcé condamnation pour la somme réclamée. Le 18 janv. 1912, M. Palatucci a formé opposition. Après plusieurs remises successives, l'affaire a été appelée en ordre utile le 20 févr. 1912. M. Palatucci s'est présenté à cette audience, assisté de M Boniface, avocat du barreau de Marseille, mais il s'est retiré de suite, après avoir affirmé sa volonté de ne pas

par les 22 1 et 2, en sorte que leur application, pour le cas de représentation, implique la condition, prescrite par le 2, de maladie ou d'absence.

La Cour de cassation vient de consacrer la seconde solution. Elle dit que les 22 1 et 2 contiennent une règle générale, applicable à tous les cas de représentation. Elle ajoute que, si la loi n'a pas défini les cas dans lesquels il serait loisible aux avocats et aux avoués de représenter les parties, ce droit ne saurait être plus étendu que celui qu'ont les parties elles-mêmes de se faire représenter. L'argument final énonce une vérité incontestable; il ne peut être question de donner aux avocats ou avoués le droit de représenter un plaideur auquel serait refusé le droit de se faire représenter; mais la question est précisément de savoir si la loi n'a pas, dans le cas qui nous occupe, donné aux parties le droit de se faire représenter. Et les termes de l'art. 26 les parties peuvent, prouvent que c'est le droit des parties qui a été envisagé par la loi. Il reste donc l'idée que le § 1er de l'art. 26, et, par suite, le § 2, qui en réglemente l'application, est général, et régit toutes les dispositions de cet article, y compris le § 6. C'est la solution admise par M. Faye, Code des prud'hommes, n. 402, 403, 406, 407.

Elle nous paraît des plus contestables. Ainsi que nous avons déjà eu l'occasion de le remarquer, les lois de 1905 et de 1907 ont eu pour but d'élargir et non de restreindre le droit de représentation. Or, sous l'empire de la législation antérieure, la faculté d'assistance était accordée aux avocats sans condition, et, pour le droit de représentation, en dehors des dispositions limitatives du décret de 1809, l'obstacle qui s'opposait à ce que les avocats pussent représenter les parties provenait des règles de leur ordre, leur interdisant d'accepter un mandat, obstacle que la législation contemporaine a successivement levé, en les autorisant à représenter les parties, sans procuration, devant les juridictions où l'assistance d'un avoué n'est pas obligatoire (LL. 12 juill. 1905, art. 26, § 1er, pour les justices de paix; 13 juill. 1911, art. 96, pour les tribunaux de commerce).

Il est peu probable que le législateur, qui, dans l'art. 26, § 1, de la loi du 12 juill. 1905, sur les justices de paix, venait de consacrer le droit pour les avocats ou avoués de représenter les parties sans restriction, en les dispensant de présenter une procuration, ait, en leur accordant le droit de représentation devant les conseils de prud'hommes, dans une loi votée trois jours après (L. 15 juill. 1905), et qui reproduit textuellement, dans son art. 3, § 8, devenu, dans la loi de 1907, l'art. 26, §§ 6 et 7, la disposition de l'art. 26 de la loi du 12 juill. 1905, relative à la dispense de procuration, entendu limiter ce droit au cas où la partie serait absente ou malade.

comparaitre et de se faire représenter par son avocat. Me Boniface a alors déposé des conclusions préjudicielles, qui tendaient à faire décider par le conseil des prud'hommes, contrairement à la jurisprudence qui s'y était établie, qu'une partie peut toujours, même en dehors des cas d'absence ou de maladie, être représentée par un avocat régulièrement inscrit au tableau, en vertu de l'art. 26, 6, de la loi du 27 mars 1907. Par jugement du 20 févr. 1912, le conseil des prud'hommes a rejeté ces conclusions, et, considérant que M. Palatucci n'était ni présent ni représenté, il l'a débouté de son opposition, et a maintenu le jugement par défaut, qui por

Cette première impression se change en conviction, quand on se rappelle l'origine des §§ 6 et 7 de la loi de 1907, et que l'on en rapproche le texte de celui des §§ 1 et 2 du même article. On sait que les §§ 6 et 7 de l'art. 26 sont la reproduction intégrale du § 8 de l'art. 3 de la loi de 1905; or, ce § 8 a été inséré dans la loi, comme nous l'avons dit, à la suite de l'amendement de M. Delahaye. Le texte de l'amendement Delahaye ne visait que l'assistance devant le bureau de jugement. Le Parlement en a considérablement étendu la portée, en donnant le droit aux parties de se faire représenter, aussi bien que de se faire assister, par un avocat ou par un avoué, et en ne limitant pas cette faculté à la procédure devant le bureau de jugement. Sil'on observe que le § 8 de l'art. 3 de la loi du 15 juill. 1905, devenu les §§ 6 et 7 de l'art. 26 de la loi du 27 mars 1907, ne contient aucune référence au § 4 de l'art. 3 de la loi du 15 juill. 1905 (§ 2 de l'art. 26 de la loi du 27 mars 1907), qui limite au cas d'absence ou de maladie le droit pour les parties de se faire représenter; qu'il en est séparé par trois paragraphes; qu'aucun rapprochement n'a été fait, au cours de la discussion, entre ces deux dispositions ; qu'il n'a, à aucun moment, été dit, au cours des travaux préparatoires, que l'art. 3, § 8, de la loi de 1905 (ou l'art. 26, §§ 6 et 7, de la loi de 1907), devrait être interprété par le rapprochement de la disposition du même article qui réglementait, d'une manière générale, le droit de représentation des parties, comment n'en pas conclure que la disposition qui a trait au droit de représentation par avocat ou avoué se suffit à elle-même, qu'il faut l'appliquer telle qu'elle est formulée, sans aucun emprunt à une autre disposition; en d'autres termes, que le droit de représentation par avocat ou avoué est général, et n'est pas restreint au cas de maladie ou d'absence de la partie? Si l'on avait voulu lui apporter cette restriction, comment comprendre que l'on n'eût pas reproduit la même formule que dans l'art. 3, § 4, de la loi de 1905 et dans l'art. 26, § 2, de la loi de 1907 : Les parties pourront se faire assister, et, en cas d'absence ou de maladie, se faire représenter... »? Et, si on ne l'a pas fait, n'est-ce pas uniquement parce que l'on a entendu que le droit de se faire représenter par avocat ou par avoué serait aussi large que devait l'être et que l'était, dans le droit préexistant, auquel faisait appel M. Delahaye, pour justifier son amendement (Sénat, séance du 15 mars 1904; J. off. du 16, déb. parl., p. 299 et s.), le droit de se faire assister par un avocat. Cela est d'autant plus à présumer que l'honorabilité qui s'attache à la profession d'avocat ou d'avoué était de nature à écarter toute crainte des abus qui ont amené le législateur à limiter, dans le § 4 de l'art. 3 de la loi de 1905, et dans le § 2 de l'art. 26 de la loi de 1907, au cas d'absence ou de maladie, la représentation par

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tait condamnation à payer la somme de 236 fr. 50.

POURVOI en cassation par M. Palatucci. M. le conseiller Falcimaigne, dans son rapport, a présenté les observations sui

vantes :

Le jugement est attaqué pour violation de l'art. 26, §§ 6 et 7, de la loi du 27 mars 1907 (S. et P. Lois annotées de 1907, p. 490; Pand. pér., 1907. 3.213). Après avoir posé en principe, dans son § 1er, que les parties sont tenues de se rendre en personne devant le bureau de conciliation ou le bureau de jugement, cet article établit, dans les paragraphes suivants, un certain nombre d'excep tions à cette règle générale. Le § 2 permet aux

toute autre personne. V. en ce sens, Bloch et Chaumel, Tr. des cons. de prud'hommes, n. 555, p. 495.

a

On ne peut objecter que l'art. 26, § 6, n'a pas reproduit la formule qu'a employée l'art. 26, § 3, pour établir le droit des chefs d'établissement de se faire, en toute circonstance, représenter par le directeur-gérant ou un de leurs employés : Les chefs d'établissement... peuvent toujours se faire représenter...». La différence de rédaction entre les deux textes s'explique aisément. Par l'addition du mot toujours, que ne contenait pas le paragraphe correspondant de l'art. 3 de la loi de 1905, les auteurs de la loi de 1907 ont manifestement voulu, encore bien que cela ait été contesté (V. Popineau, Loi du 27 mars 1907, n. 48, p. 56), prévenir l'interprétation restrictive qui aurait pu être tirée de ce que le paragraphe relatif aux chefs d'établissement, venant immédiatement après celui qui règle les conditions de la représentation, pouvait paraître n'être que l'application pure et simple de ce dernier paragraphe, et ne permettre, par suite, la représentation des chefs d'entreprise qu'au cas d'absence ou de maladie. V. S. et P. Lois annotées de 1907, p. 502, 2° col., note 44. in fine. Adde, Bloch et Chaumel, loc. cit.; Malnoury, Man. du cons. prud'homme, p. 94; Cluzel, Tr. prat. des cons. de prud'hommes, n. 353 et 354. Pareille addition était inutile dans le paragraphe relatif à la représentation par avocat ou par avoué, parce que, par la place qu'il occupe, aussi bien que par les conditions dans lesquelles il a été introduit dans la loi, ce dernier paragraphe se présente comme une disposition complètement indépendante, et qui n'a rien à emprunter aux autres dispositions du même article.

Nous estimons donc que, contrairement à la décision de notre arrêt, la représentation par avocat ou par avoué peut s'exercer en toute circonstance, et non pas seulement dans le cas d'absence ou de maladie. Nous sommes d'autant plus porté à critiquer la décision de la Cour de cassation que nous n'apercevons que des inconvénients au système qu'elle a consacré. En fait, les parties, quand elles le voudront, n'auront pas de peine à se faire délivrer un certificat de maladie, qui viendra inutilement grossir la procédure. Elles pourront même se borner à écrire au président qu'elles sont obligées de s'absenter pour affaires. D'un autre côté, à quoi bon la présence des parties, quand il y a un avocat ou un avoué en cause? Dès l'instant que le plaideur s'adresse à un avocat ou à un avoué, c'est qu'il ne veut pas de la conciliation, ou du moins qu'il est décide à suivre les conseils de son représentant; sa présence est donc un dérangement inutile, une gêne à laquelle ne correspond aucun avantage réel.

E. NAQUET.

parties de

« se faire assister, et, en cas d'absence ou de maladie, se faire représenter par un ouvrier ou employé ou par un patron exerçant la même profession. Le § 3 autorise les chefs d'entreprises industrielles ou commerciales « à se faire toujours représenter par le directeur-gérant ou par un employé de leur établissement ». Enfin, les §§ 6 et 7 disposent : Les parties pourront se faire représenter ou assister par un avocat régulièrement inscrit au barreau ou par un avoué exerçant près du tribunal civil de l'arrondissement. L'avocat et l'avoué seront dispensés de présenter une procuration ».

Le pourvoi fait observer qu'en prétendant limiter aux seuls cas d'absence ou de maladie le droit pour l'avocat ou l'avoué de représenter son client non présent à l'audience, le conseil des prud'hommes de Marseille transporte dans les §§ 6 et 7 une limitation qui se rencontre seulement dans le § 2. Le pourvoi ajoute que cette extension d'une disposition restrictive à un cas autre que celui qu'elle vise est certainement contraire à l'intention du législateur, qui a pris soin de distinguer les diverses catégories de personnes autorisées à représenter les parties, en précisant les conditions, qui sont, à ce point de vue, spéciales à chacune d'elles. Cette remarque est conforme à la doctrine enseignée par MM. Bloch et Chaumel, dans leur récent Traité des cons. de prud'hommes (n. 555) : « Quant aux cas dans lesquels la représentation est admise, disent-ils, lorsqu'il s'agit de la représentation par un patron ou par un ouvrier exerçant la même profession que la partie, le 2 de l'art. 26 n'autorise cette représentation qu'en cas d'absence ou de maladie. Cette rédaction a été voulue..., parce qu'elle tend à faire comparaître les parties chaque fois qu'elles le peuvent, et à écarter les intermédiaires moins intéressés à amener une conciliation... Quant aux autres cas de représentation du patron par un employé de sa maison, et des parties par un avocat ou un avoué, aucune limitation n'est édictée par la loi ».

« Après avoir ainsi formulé la thèse que le jugement, attaqué a condamnée, et que le pourvoi vous demande d'accueillir, il convient d'examiner la portée des autorités que le conseil des prud'hommes de Marseille a cru devoir invoquer à l'appui de la thèse contraire, et qui sont une circulaire de la Chancellerie du 25 août 1905 (Bull. off. min. just., 1905, p. 139), et deux arrêts de cette chambre, l'un du 1er avril 1895 (S. et P.1895.1.318; Pand. pér., 1896.1.443), l'autre du 24 avril 1909 (S. et P. 1909.1.360; Pand. pér., 1909.1.360). La circulaire du garde des sceaux (intervenue à la suite de la loi du 15 juill. 1905, S. et P. Lois annotées de 1906, p. 81; Pand. pér., 1906.3.1, dont l'art. 3, 28 4, 5 et 8 est presque textuellement reproduit par l'art. 26, §§ 2, 3, 6 et 7 de la loi du 27 mars 1907) condamne formellement la prétention du pourvoi dans le passage suivant : Aucune restriction n'est apportée en ce qui touche l'assistance patrons et ouvriers peuvent également y avoir recours; ils peuvent indifféremment faire appel à un camarade, à un avocat ou à un avoué, et aucune justification n'est exigée de l'assistant. Il en est autrement de la représentation. Le principe est que les parties doivent se présenter en personne, et la représentation n'est autorisée, tant pour les patrons que pour les ouvriers, qu'en cas d'absence ou de maladie, et elle ne peut être exercée que par des personnes déterminées : patrons ou ouvriers exerçant la même profession, avocat ou avoué, et, en outre, pour les chefs d'industrie, le directeur-gérant de leur établisse

ment ou un employé. Bien que cette interprétation ne paraisse pas douteuse, on s'est demandé, en présence de la rédaction de l'art. 3, si c'est uniquement en cas d'absence ou de maladie que les parties sont autorisées à se faire représenter par un avocat et un avoué, et les chefs d'industrie par leur directeur-gérant ou leur employé, ou bien si, au contraire, l'avocat et l'avoué, le directeur-gérant ou l'employé, sont admis, toujours et dans tous les cas, à exercer la représentation. Il était anciennement d'usage, devant les conseils de prud'hommes, et, notamment, devant celui de la Seine, d'admettre, utilitatis causa, la représentation, toutes les fois que la partie ne croyait pas devoir se présenter en personne. La Chambre des députés avait sanctionné cette procédure, en adoptant, le 13 avril 1905 (S. et P. Lois annotées de 1906, p. 83, note 9), le projet du gouvernement, qui comportait faculté pour les parties de se faire représenter, si elles ne comparaissent pas en personne ». Mais le Sénat, désireux de faire comparaître les parties chaque fois qu'elles le peuvent, et d'écarter les intermédiaires, moins intéressés à amener une conciliation (V. le rapport de M. Savary au Sénat, S. et P. loc. cit.), a cru devoir modifier ce texte et restreindre la possibilité de la représentation au cas d'absence ou de maladie. D'autre part, il convient d'observer que l'art. 26 de la proposition de loi votée par le Sénat, en 1904, et qui a été insérée dans notre art. 3, était ainsi rédigé : « Les chefs d'industrie peuvent toujours se faire représenter... » (Sénat, séance du 15 mars 1904; J. off'. du 16, déb. parl., p. 298 et 299). Le mot « toujours » a disparu du texte de la loi. On est donc amené à conclure que c'est seulement en cas d'absence ou de maladie que les magistrats pourront admettre les parties à se faire représenter ».

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Le conseil des prud'hommes de Marseille a pris soin de noter, dans son jugement, que cette circulaire expliquait la loi du 15 juill. 1905, qui n'est plus en vigueur. Mais il lui a semblé que les instructions du garde des sceaux n'avaient rien perdu de leur autorité, parce que l'art. 26 de la loi du 27 mars 1907 reproduit l'art. 3 de la loi du 15 juill. 1905. C'est exact pour le paragraphe qui vise la représentation, en cas d'absence ou de maladie, par un patron ou par un ouvrier exerçant la même profession. C'est exact pour le paragraphe concernant la représentation par les avocats ou par les avoués. Ce n'est plus exact pour le paragraphe relatif à la représentation des chefs d'industrie par le directeur-gérant ou par un employé de leur établissement. Le mot toujours », qui avait été supprimé en 1905, a été rétabli en 1907, et cette modification a eu pour résultat de faire tomber tout au moins le second argument invoqué par la circulaire de la Chancellerie, et de rendre plus difficile l'interprétation de l'art. 26, en ce qui touche le droit des avocats et des avoués, qui demeure seul dépourvu d'une definition précise.

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D'autre part, les deux arrêts invoqués par le jugement attaqué ne peuvent être d'aucun secours pour la solution de la difficulté qui vous est soumise. Le premier, rendu au rapport de M. le conseiller Reynaud, le 1er avril 1895, est ainsi conçu : Attendu que, du droit qui appartient au plaideur de se faire défendre devant toutes les juridictions, dérive celui de l'avocat inscrit au tableau de plaider devant elles; que l'exercice de ce dernier droit ne souffre d'autres exceptions que celles qui sont formellement écrites dans la loi; - Attendu, d'autre part, que le bureau général des prud'hommes, qui juge les contestations qui lui sont

renvoyées par le bureau particulier, lorsque celuici n'a pu concilier les parties, est une juridiction; que, si le décret des 11 juin 1809-20 févr. 1810, qui l'a organisé, oblige les parties à y comparaître en personne, et ne les admet à s'y faire représenter, en cas d'absence ou de maladie seulement, que par un de leurs parents, négociant ou marchand exclusivement, porteur de leur procuration, aucune disposition de ce décret ne leur interdit, lorsqu'elles se sont conformées à cette prescription, de confier à un avocat la défense de leurs intérêts ». Comme on le voit, il s'agissait alors, non de représentation, mais d'assistance, et la question débattue aujourd'hui ne pouvait pas se poser à cette époque, parce que le décret des 11 juin 180920 févr. 1810 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 799 et 811), qui régissait seul la matière, portait, dans son art. 29 : « Tout marchand fabricant, tout chef d'atelier, tout contremaitre, tout teinturier, tout ouvrier, compagnon ou apprenti, appelé devant les prud'hommes, sera tenu, sur une simple lettre de leur secrétaire, de s'y rendre en personne, au jour et à l'heure fixés, sans pouvoir se faire remplacer, hors le cas d'absence ou de maladie; alors seulement, il sera admis à se faire représenter par l'un de ses parents, négociant ou marchand exclusivement, porteur de sa procuration ». Les dispositions spéciales à la représentation des chefs d'industrie et à celle par avocat ou par avoué, qui ont trouvé place dans les lois de 1905 et de 1907, ne s'y rencontraient pas. - Le second arrêt, rendu au rapport de M. Dupont, le 24 avril 1909, est ainsi conçu : « Vu les art. 186, C. proc., et 26 de la loi du 27 mars 1907; Attendu qu'aux termes de ce dernier article, applicable devant les juges de paix, siégeant en matière prud'homale dans les lieux où les conseils de prud'hommes ne sont pas établis, les parties peuvent se faire assister, et, en cas d'absence, se faire représenter par un ouvrier ou employé, ou par un patron exerçant la même profession, ou par un avocat régulièrement inscrit au barreau, ou par un avoué exerçant prés du tribunal civil de l'arrondissement ». Et l'arrêt conclut des termes de la loi que l'énumération qui y est contenue doit être considérée comme limitative; que, par suite, est nulle la décision par laquelle un juge de paix a admis l'assistance d'un agent d'affaires. Cette décision, d'ailleurs incontestable, ne touche ni de près ni de loin à la difficulté soulevée par le présent pourvoi, et qui demeure entière.

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Si l'on veut en rechercher la solution dans les travaux préparatoires, il y a lieu de consulter d'abord ceux de la loi du 15 juill. 1905, qui a consacré la première la disposition litigieuse, puisque celle-ci a passé sans modification dans la loi du 27 mars 1907. Voici, à cet égard, les indications utiles, qui nous sont fournies par la note insérée au Recueil de Dalloz, sous l'art. 3 de la loi du 16 juill. 1905 (Dalloz, 1906.4.78, col. 2 et 3).

Quant aux cas dans lesquels la représentation est admise, il n'y a pas de difficulté, lorsqu'il s'agit de la représentation par un patron ou un ouvrier exerçant la même profession que la partie, puisque l'art. 3, § 4, n'autorise cette représentation qu'en cas d'absence ou de maladie... Mais il y a controverse sur le point de savoir si la même restriction est imposée pour la représentation exercée, soit par un directeur-gérant ou un employé, soit par un avocat ou un avoué. Pour l'affirmative, la note reproduit les arguments donnés par la circulaire ministérielle du 25 août 1905, que nous avons citée plus haut, puis elle continue en ces termes : « La négative parait plus conforme au texte de la loi, et n'est pas en contradiction

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