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1775.-1783.

CHAPITRE XXII.

Raisons qui forçaient l'Italie à garder la neutralité dans les guerres de l'Europe, à la fin du dix-huitième siècle.

L'ITALIE Convaincue par une longue expérience que dans toutes les guerres entre les états de la péninsule, dans lesquelles étaient intervenus les Allemands, les Français ou les Espagnols, ils n'avaient eu en vue, les uns et les autres, que de s'emparer du pays auquel ils feignaient de prêter des secours, réunissait toute sa politique à conserver la paix à l'intérieur. De peur que les puissances voisines né trouvassent dans les discordes civiles une occasion de changer l'organisation de la péninsule, les Italiens ne prenaient aucune part dans toutes les guerres qui s'élevaient en Europe. L'assurance de la reversion des états de Mo dène, et la grande route que le duc de Modène et le grand duc de Toscane avaient fait ouvrir de concert, à travers les montagnes de la Grafignane pour faciliter la marche des armées jusqu'aux frontières de l'état Ecclésias

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tique, rendaient complète la chaîne de sessions qui fait en Italie la force de la maison d'Autriche. Elle s'étend depuis le Tirol jus

qu'à l'état du

Elle coupe

l'Italie diago

pape. nalement, sépare les trois états septentrionaux, Gênes, Piémont et Parme des trois états méridionaux, Venise, Rome et Naples, leur ôte toute communication, tout moyen de so prêter assistance.

L'alliance étroite que la France contracta avec l'Autriche , par les traités de 1756, 57 et 58, fut un coup de foudre pour la cour de Turin, menacée du même orage qui allait fondre sur le royaume de Prusse. Charles Emmanuel ne doutait pas que l'Autriche, après s'être vengée de celui qui avait conquis sur elle une partie de la Silésie, ne revînt ensuite sur lui pour enlever la portion du Milanais qui lui était assurée par les derniers traités. Il craignait l'effet des manœuvres qu'il voyait faire à la cour de Vienne, pour tâcher, sous prétexte d'un commerce avec les Grisons, de s'ouvrir par la Valteline une entrée plus facile dans le Milanais et ensuite dans le Piémont. Les alar mes de la cour de Turin se renouvelèrent sous Victor Amédée III, lorsqu'à l'instant de la mort de Maximilien, électeur de Bavière,

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les troupes autrichiennes occupèrent une partie de cet électorat. Elle communiqua ses craintes à la cour de Versailles, dont l'inertie ne contribuait pas à la rassurer. L'état d'asservissement de la cour de France aux volontés de celle d'Autriche, l'abandon des Ottomans, la tolérance du partage de la Pologne, avaient manifesté à toute l'Europe la faiblesse et l'aveuglement que le gouvernement français vou lait cacher sous le masque de la modération et des sentimens pacifiques.

La république de Venise, si long-temps rivale des rois, qui tenait dans ses mains la baz lance de l'Italie, qui partageait avec la république de Gênes, son émule et sa rivale, le commerce et la navigation de la Méditerranée, ne pouvait sortir de l'état d'affaissement où l'avait plongé le traité de Passarowits. Son doge épousait tous les ans la mer; mais il n'avait aucun empire sur sa femme. L'arsenal de la république était un des plus beaux de l'Europe; mais on employait sans méthode les matériaux dont il était amplement fourni. Ses vaisseaux de guerre mal construits, mal gréés, lourds, et dans lesquels régnait l'insubordination, le désordre, la malpropreté, n'avaient point d'officiers pour les conduire, encore

moins d'amiraux

pour commander les flottes;

ses forteresses dans le plus grand délabrement, 1775.-1785. son état militaire à peu près nul, tout semblait annoncer sa chute prochaine. Cette république, dépouillée par les Ottomans qui pouvaient aisément lui enlever ce qui lui restait dans leur voisinage, se voyait menacée par l'Autriche, qui, après avoir consommé ses projets sur la Bavière, pouvait un jour faire valoir les droits. de Maximilien Ier sur le Frioul; ceux du duché de Milan sur Brescia, Bergame, Crème; ceux de la maison d'Est sur la Polefine, faisant autrefois partie du duché de Ferrare; et généralement ceux de l'Empire sur tous les états de terre ferme, qui ne sont dans l'origine que des usurpations faites par la république sur les états voisins, dans ses jours de puissance et de gloire, et desquels une jouissance de plusieurs siècles légitimait seule la possession.

Gênes qui égalait et surpassait peut-être autrefois Venise en puissance, qui partageait avec elle l'empire de la Méditerranée, et les avantages d'un commerce immense, après avoir porté ses armes victorieuses au delà du Bosphore et du Pont - Euxin, et poussé ses conquêtes jusque dans la Torride et la Col

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chide, avait éprouvé le sort de sa rivale. Elle se trouvait réduite à son petit domaine, sur les bords de la Méditerranée, entre la Toscane et le Piémont. La partie occidentale de son territoire, appelée la rivière du Ponent, est enveloppée par les états du roi de Sardaigne, et l'empereur pourrait très - aisément pénétrer par l'état de Modène, dans la partie orientale de la rivière du Levant; de sorte que cet état est de toute part exposé à l'invasion des deux puissances qui nourrissent depuis long-temps l'espoir de se le partager.

Dans cette situation des choses, l'Italie garda constamment la neutralité dans la guerre entre les Russes et les Turcs, qui avait commencé en 1768, et qui finit en 1774, par le traité de Chincive-Kainargi; dans celle du partage de l'a Pologne; et dans celle de la succession de la Bavière, terminée par le traité de Teschen, en 1779. Elle ne prit aucun intérêt dans l'insurrection des Américains septentrionaux, contre les Anglais. En vain les Français et les Espagnols intervinrent dans cette guerre, en vain leurs corsaires, infestant la Méditerranée, attaquaient les vaisseaux marchands sans défense, sans respecter ceux des puissances neutres. L'interruption du commerce, et les may

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