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prime que la volonté supposée par les donataires au donateur ne résulte d'aucune preuve ni présomption de nature à satisfaire la conseience des magistrats.

HÉRITIERS REYNOIRD C. GARCIN.

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De leur côté, les dames Fabre et Martineau et le sieur Pierre-Michel Reynoird, sans contester le caractère de libéralité dans les actes qui les avaient mis en possession des rentes, soutinrent, en premier lieu, que ces libéralités leur avaient été faites pour les indemniser des dépenses plus considérables qu'avait occasionnées à leur mère Marius Reynoird, père du mineur, tant lorsqu'il était en France que, plus tard, lorsqu'il fut entretenu dans la maison de sa mère; en outre, et comme ces prétentions étaient contredites par les représentants du mineur, qui produisaient des pièces tendant à établir que Marius Reynoird s'était libédu chef des dépenses faites par sa mère dans son intérêt personnel, les dames Fabre et Martineau et le sieur Pierre-Michel Reynoird soutinrent qu'en principe les donations déguisées étaient de plein droit dispensées de rapport.

l'une au nom de la dame Fabre, l'autre au nom de la dame Martineau, soit le transport de la rente de 1,000 fr. au sieur Pierre-Michel Reynoird, avaient déguisé des libéralités faites par la dame veuve Reynoird à ses trois enfants; en conséquence, ils ont demandé le rapport desLe 30 nov. 1845, décès, à Saint-Pierre, co-dites rentes à la succession de la défunte. lonie de la Martinique, de la dame veuve Reynoird, laissant quatre héritiers habiles à lui succéder chacun pour un quart, savoir ses deux filles, la dame veuve Fabre et la dame Martineau, son fils, le sieur Pierre-Michel Reyuoird, et son petit-fils, le mineur Emmanuel Reynoird, enfant de Marius Reynoird, son fils prédécédé. Il résulte de l'inventaire auquel il fut procédé, le 16 déc. 1845, qu'il fut trouvé parmi les papiers de la défunte diverses pièces constatant l'existence d'une rente 5 p. 100 qu'elle avait possédée et qui avait été inscrite en son nom sur le grand-livre de la dette publique de France, et qu'une portion notable de cette rente avait été distribuée par la défunte à ses hé-ré ritiers éventuels autres que le mineur Emmanuel Reynoird. En effet, ces pièces, au nombre de trois, sont: 1° un compte de la défunte chez A. Lechat, agent de change, duquel il résulte, d'une part, que l'agent de change avait reçu de la défuute, dans la période de mars à juin 1836, une somme de 58,000 fr.; et, d'une autre part, qu'à l'aide de cette somme l'agent de change avait acheté pour le compte de la défunte 6 coupons de rente 5 p. 100.s'élevant ensemble à 2,680 fr.; 2° un autre compte, en date du 16 avril 1837, constatant que les six coupons avaient été convertis en un bordereau, s'élevant à 1180 fr., au nom de la défunte, en un second bordereau de 750 fr., inscrit au nom de la dame Martineau, et en un troisième bordereau, encore de 750 fr., inscrit au nom de la dame Fabre; 3° enfin une lettre en date du 27 déc. 1845, signée A. Lechat, et adressée à madame veuve Reynoird, à Saint-Pierre, lettre dans laquelle on lisait : « Le transport de 1,000 fr. de rente 5 p. 100 que vous avez fait à Monsieur votre fils a reçu sa réalisation; mais j'ai ajourné au mois de mars prochain, quand nous aurons reçu le semestre de cette époque, à lui remettre les 1,000 fr. montant d'une année d'arrérages à laquelle il a droit d'après l'acte de transport... >> Le transport auquel il était fait allusion dans cette lettre avait été consenti par madame veuve Reynoird, suivant acte notarié du 3 janv. 1845, constatant la cession, en faveur du sieur Pierre-Michel Reynoird, d'une somme de 1,000 f. de rente à prendre dans celle de 1,180 f. inscrite au nom de la cédante, et mentionnant que la cession avait été faite moyennant une somme de 20,000 fr., que la cédante reconnaissait avoir reçue du cessionnaire dès avant la passation de l'acte, et en valeurs à sa satisfaction.

En présence de cet acte et des constatations de l'inventaire, la mère du mineur Emmanuel Reynoird, mariée en secondes hoces au sieur Garcin, et tutrice dudit mineur, le sieur Garcin, cotuteur, et le sieur Legrand de Belligny, subrogé tuteur, ont prétendu que, soit l'achat des deux rentes sur l'état de 750 fr. chacune,

Le 1er juin 1847, jugement du tribunal de Saint-Pierre qui, statuant en principe, décide que les donations indirectes sont, aussi bien que les donations directes, sujettes à rapport; mais qui, se rattachant à la jurisprudence d'après laquelle la preuve que le donateur a voulu donner par préciput et hors part peut se tirer des circonstances, exempte les donataires du rapport par les motifs suivants :

« .... Attendu qu'aux termes de l'art. 1356 C. civ., l'aveu ne peut être divisé; que les parties de Garcin ne présentent aucun élément sur lequel elles peuvent appuyer leurs prétentions; qu'en l'absence de l'aveu fait par les dames Faz bre et Martineau et M. Reynoird, il n'existerait rien qui pût donner naissance à l'action intentée; que ces aveux n'ont pas eu pour but de créer une position spéciale intéressée à combattre des présomptions ou des preuves, mais que ces aveux ont été un hommage rendu à la vérité; que, dès lors, l'art. 1356 doit recevoir son application; qu'en effet, en dehors de l'aveu, il n'y a aucun document de produit par les parties de Garcin, pas une ligne, pas une simple note; qu'il est bien évident que l'on ne peut considérer comme un moyen l'espérance de découvrir l'existence des donations par la supputation des forces de la succession, puisque la dame veuve Reynoird, non seulement ne rendait pas compte de son état de fortune, mais encore prenait la précaution de s'environner d'actes colorés pour échapper à tout contrôle, à tout examen; Par ces motifs, déclare les époux Garcin et M. Legrand de Belligny ès qualités non recevables et mal fondés dans leurs fins et conclusions. >>

Appel au nom du mineur Emmanuel Reynoird. - On disait dans son intérêt, en fait, que l'inventaire après décès de la dame veuve Reynoird présentait l'indication de tous les documents propres à justifier, sans l'aveu des donataires, lesdo

nations simulées qui leur avaient été faites; et, en | droit, qu'il s'agissait, dans l'espèce,non pas d'un aveu judiciaire, mais d'un aveu extra judiciaire auquel l'art. 1356 n'est pas applicable, et que d'ailleurs, l'aveu et son indivisibilité ne pouvaient se composer que de faits personnels à celui de qui il émanait; que, dès lors, si c'était un fait personnel aux donataires que l'acceptation des donations, il n'en était pas de même de la prétendue déclaration que la donation leur avait été faite pour les indemniser des dépenses occasionnées par leur frère Marius Reynoird, ce n'était là qu'une allégation qui devait être justifiée. En conséquence, on soutenait que, les donations déguisées ne pouvant être considérées, de leur nature, comme faites par préciput et hors part, le tribunal avait à tort écarté la nécessité du rapport dans l'espèce, alors que la preuve de Pintention où aurait été la donatrice d'en dispenser n'était pas rapportée.

l'aveu des parties de Me Saint-Vel et Berti, mais en outre d'actes et de documents produits par les appelants et suffisant: pour établir le fait des donations avouées; Attendu que l'expression de la volonte supposée par les donataires à la donatrice de les dispenser du rapport ne résulte d'aucune preuve ni présomption de na ture à satisfaire la conscience des magistrats; >>En ce qui touche les fins subsidiaires prises par les intimés devant la Cour: --- Attendu que la preuve testimoniale n'est admissible que dans les cas déterminés par la loi, qui ne se présentent pas au procès; Par ces motifs..., dit et ordonne que les intimés rapporteront à la succession de Mae veuve Reynoird les 50,000 fr. qu'ils ont reçus d'elle, etc. »

Pourvoi en cassation.

1° Violation de l'art. 60 de l'ord. du 24 sept. 1828 relative à l'organisation judiciaire dans la colonie de la Martinique, en ce que l'arrêt attaqué, rendu par quatre conseillers et un con-seiller auditeur nommé à titre intérimaire, n'exprime pas que ce dernier magistrat a été appelé, suivant l'ordre prescrit par ledit article, à raison de cause légitime d'absence des magistrats qui devaient être appelés avant lui.

Les dames Fabre et Martineau et le sieur Pierre-Michel Reynoird reproduisaient, au principal, leurs conclusions de première instance, puis y ajoutaient des conclusions subsidiaires tendantes à ce qu'il plût à la Cour dire et ordonner, avant faire droit, qu'ils seraient admis à faire preuve par témoins 1o que la dame veuve Reynoird leur avait fait les donations en question avec dispense du rapport et pour les indemniser de dépenses plus considérables de leur frère Marius Reynoird; 2° que ce dernier avait reçu des avantages qui compensaient, et bien au dela, les donations faites aux dames Fabre et Mar-le, et notamment de l'art. 1346, en ce que l'arrêt tineau et au sieur Michel Reynoird.

Le 14 fév. 1849, arrêt de la Cour de la Martinique ainsi conçu :

«Attendu que les dispositions de l'art. 843 C. civ. ont pour objet d'assurer l'égalité des partages entre successibles égaux en droit; que le principe posé dans cet article est d'ordre public; qu'en pareille matière les exceptions ne sauraient être établies arbitrairement ni étendues par induction de dispositions spéciales modificatives de la règle sanctionnée dans l'intérêt général; Attendu que la loi veut que la déclaration du père de famille de donner par préciput et hors part soit formelle ou tout au moins certaine; Attendu que, si la mission de reconnaître le caractère de la libéralité et d'apprécier l'intention du donateur a été forcément confiée aux tribunanx, c'est à la condition de ne pas perdre de vue les droits de la loi; - Qu'il ne s'agit dès lors au procès que de vérifier si la dame Reynoird a exprimé ou manifesté de madière à ne pas la laisser douteuse sa volonté d'imputer sur la portion disponible les avantages faits par elle, de son vivant, à ses filles, les dames Fabre et Martineau, et à son fils, PierreMichel Reynoird; - Attendu que l'achat de rer tes au profit des dames Martineau et Fabre a été fait des deniers de la dame Reynoird; qu'il constitue par conséquent une libéralité; qu'il en est de même de la vente consentie au profit de Michel Reynoird, puisqu'il est avoué que le prix de cette vente n'a jamais été payé par le prétendu acquéreur;- Attendu que la preuve de ces libéralités ne résulte pas seulement de

2 Violation des principes sur les rapports à succession, et notamment de l'art.843 C. Nap. en ce que des donations, quoique indirectes, ont été néanmoins assujetties au rapport.

3o Violation, sous un autre rapport, de ce même art. 843 et des principes sur la preuve testimonia

attaquéa refusé d'admettre les demandeurs à la preuve, subsidiairement offerte par eux, 1o que leur mère leur avait fait les donations dont s'agit avec dispense de rapport et pour les indemmiser de dépenses plus considérables de leur frère; 2' que Marius, leur frère, avait reçu des avantages compensant et au-delà ces donations.

DU 10 NOVEMBRE 1852, arrêt C. cass., ch. civ., MM. Béranger prés., Renouard rapp., NiciasGaillard 1er av. gén., Moreau et Labordère av.

« LA COUR ;- Sur le premier moyen : — Attendu que, conformément à l'ord. du 24 sept. 1828, la Cour d'appel de la Martinique est composée de neuf conseillers et de trois conseillers auditeurs; qu'ainsi ces derniers sont membres de la Cour, et qu'il n'y a pas lieu à distinguer des autres magistrats de cet ordre ceux qui, nommés à titre intérimaire, n'en sont pas moins investis de la plénitude des fonctions à eux conférées tant que dure la commission qui les institue;-Attendu que de la présence et du con cours d'un conseiller auditeur à l'arrêt attaqué résulte la présomption de droit qu'il a été appelé, suivant l'ordre prescrit par l'art. 60 de la dite ordonnance, à raison de causes légitimes d'absence des magistrats qui devaient être appelés avant lui, et que la mention expresse qui est exigée lorsqu'une Cour ou un tribunal se complètent en appelant des personnes étrangères ne l'est pas lorsqu'ils se constituent par leurs propres membres; - Qu'ainsi l'art. 60 de l'ord. du 24 sept. 1828 n'a pas été violé;

» Sur le deuxième moyen: - Attendu qu'aux

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fait offert en preuve ne se trouve appuyé d'aucune présomption satisfaisante, et qu'une telle décision échappe à la censure de la Cour de cassation; qu'ainsi, en rejetant l'offre subsidiaire de preuve, l'arrêt attaqué n'a violé au~ cune loi; REJETTE, etc. »

-

CASSATION (3 janvier 1853). TIMBRE, LETTRE DE VOITURE, ÉCRIT NON Signé, feuilles d'expÉDITION, CHEMINS de fer.

Des écrits contenant les caractères essentiels des lettres de voiture doivent, bien que non signés et ne désignant pas le nombre et la nature des choses transportées, être considérés comme tenant lieu de lettres de voiture entre l'expéditeur, le commissionnaire ou voiturier et le destinataire, et être, par suite, portés sur timbre de dimension (1). L. 13 brum. an VII, art. 12; Décr. 3 janv. 1809; L. 11 juin 1842, art. 6 et 7.

termes de l'art. 843 C. Nap., les donations,
même indirectes, ne sont dispensées de rapport
que lorsqu'elles ont été faites expressément
avec cette condition; que, si, à raison de la na-
ture particulière des actes de libéralité déguisés
sous la forme de contrats à titre onéreux, il est
permis aux juges du fait, par exception au
principe général, d'interpréter l'intention du
donateur, de décider qu'il a voulu donner avec
dispense de rapport, et d'attacher à la volonté
ainsi implicitement exprimée les mêmes effets
qu'à une déclaration expresse de volonté, cette
circonstance du déguisement de la donation ne
suffit pas à elle seule pour créer de plein droit
la présomption que la dispense de rapport, qui
doit toujours être claire et certaine, a réelle-
ment été dans la volonté de l'auteur de la
disposition; Attendu qu'il est constaté par
l'arrêt attaqué que l'achat de deux rentes sur
l'état de 750 fr. chacune, l'une sous le nom de
la veuve Fabre, l'autre sous celui de la dame
Martineau et le transport d'une rente del
1,000 fr. à Pierre-Michel Raynoird, ont dé-
guisé des libéralités faites par la veuve Rey-
noird à ses trois enfants susnommés; qu'il a, de
plus, été jugé par ledit arrêt qu'il n'existe au
procès ni preuve ni présomption suffisante que
la volonté de la donatrice ait été de dispenser de
rapport les donataires; Attendu qu'en ju-
geant, dans ces circonstances, qu'il y avait lieu à
rapport, l'arrêt attaqué n'a violé aucune loi;
Sur le troisième moyen:
- Attendu que
devant la Cour d'appel les demandeurs en
cassation ont subsidiairement conclu à faire

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en est ainsi, spécialement, des feuilles d'expédition remises par les compagnies de chemins de fer à leurs conducteurs pour le transport des marchandises, alors même que les formules de ces feuilles, datées, n'indiquent que les colis, la marque, le poids, l'expéditeur, le destinataire et les frais de port des marchandises, avec une colonne d'émargement destinée à recevoir la preuve que les objets expédiés ont été reçus par les destinataires (2). ENREGISTREMENT

dan, conducteurs de trains de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Rouen et au Havre, et représentés par ces conducteurs, sur la demande qui leur a été faite des lettres de voiture du chargement. Ces écrits, rédigés sur

C. CHEMIN De fer de PARIS A ROUEN. Par trois procès-verbaux des 11, 12 juin et preuve par enquête 1° que leur mère leur 13 juillet 1847, des gendarmes ont constaavait fait les donations dont s'agit avec dispense té la saisie, pour contravention aux lois sur de rapport, et pour les indemniser de dépenses le timbre, de dix-huit écrits dont étaient plus considérables de leur frère; 2° que Ma-porteurs les sieurs Lagnier, Cliquet et Jourrius, leur frère, avait reçu des avantages compensant, et au delà, ces donations; Attendu qu'il n'a été formé au procès aucune demande en rapport contre le mineur Emmanuel, fils et héritier de Marius, et que c'est uniquement comme circonstance indicative de l'intention de la donatrice que l'existence d'avantages antérieurement faits par elle à Marius a été alléguée; qu'ainsi la seule question à juger consiste à savoir si c'est à bon droit que l'arrêt attaqué a refusé d'admettre les demandeurs en cassation à prouver par témoins que l'intention de leur mère avait été de les dispenser de rapport; Attendu que, si, dans le motif spécialement consacré au rejet de conclusions subsidiaires, l'arret attaqué s'est borné à dire, en termes généraux, que les cas déterminés par la loi pour l'admissibilité de la preuve testimoniale ne se présentaient pas au procès, il suffit, pour la justification de ce motif, et sans qu'il soit besoin de l'examiner quant au fond du droit, de considérer qu'il s'explique et se complète par celui qui le précède, dans lequel il est dit que l'expression de la volonté supposée par les donataires à la donatrice ne résulte d'aucune preuve ni présomption de nature à satisfaire la conscience des magistrats;

Attendu qu'il est loisible aux juges de ne point admettre la preuve testimoniale lorsqu'ils déclarent que le

(1-2) Même solution à l'égard d'écrits faits dans des conditions semblables, sauf quelques légères différences, et sous la dénomination de factures ou bulletins d'expédition : Cass. 5 mai, 17 et 24 juin 1846 (t. 2 1846, p. 60 et 508), 10 juil. 4849 (t. 1 1850, p. 59). De pareilles feuilles d'expédi tion ne sauraient être assimilées aux feuilles de route, qu'une décision du ministre des finances du 7 niv. an VIII déclare exemptes du droit de timbre: Cass. 17 avril 1848 (t. 1 1848, p. 612). En effet, les feuilles de route remises aux conducteurs on cochers de messageries pour leur gouverne contiennent les noms des voyageurs à qui appartiennent les marchandises chargées, et ne sont que des expéditions d'ordre et d'administration. A cet égard, les voyageurs portent eux-mêmes le titre de l'en gagement contracté envers eux par les entrepre neurs de messageries, et sont personnellement tenus de fournir, le long de la route, les déclarations, que la police et les lois sur l'octroi peuvent exiger, toutes circonstances qui n'existent pas quand les marchandises sont transportées avec feuilles ou bulletins d'expédition, et sous la responsabilité personnelle du commissionnaire ou voiturier chargé de les faire parvenir à leurs destinata es.-V., au surplus, Rép. gén. Journ. Pal., vo Timbre nos 96 et suiv.

formules imprimées, avaient pour objet de faire connaître le nombre, la marque, le poids, l'expéditeur, le destinataire et le port des marchandises transportées par la Compagnie.

L'administration de l'enregistrement, prétendant que de pareils écrits constituaient de véritables lettres de voiture, a décerné une contrainte en paiement d'une somme de 697 fr. 15 c. c. pour amendes, droits de timbre et frais exigibles.

Opposition par la Compagnie du chemin de fer, qui soutient que les écrits saisis n'étaient que les feuilles de route des conducteurs, des extraits des livres d'enregistrement de la Compagnie, n'ayant ni en fait ni en droit aucun des caractères de la lettre de voiture, et ne faisant titre dans aucun cas contre la Compagnie.

Le 18 avril 1850, jugement du tribunal civil de Rouen qui annule la contrainte par les motifs suivants :

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que la même personne est à la fois expéditeur et destinataire, ce qui peut faire croire qu'elle voyagerait elle-même avec les effets; qu'enfin on remarque dans la première colonne une série de numéros indiquant que ces feuilles ont été extraites d'un registre où état général; Attendu que ni les voyageurs ni ceux qui envoient des paquets par les diligences et messageries ne sont tenus par aucune loi de faire des lettres de voiture, et qu'il est notoire qu'ils n'en font pas; - Attendu que les feuilles saisies ne sont pas des lettres de voiture et n'en ont nullement le caractère. >>

Pourvoi en cassation par l'administration de l'enregistrement pour violation de l'art. 12 de la loi du 13 brum. an VII, du décret du 3 janv. 1809, et des art. 6 et 7 de la loi du 11 juin 1842.

Du 3 JANVIER 1853, arrêt C. cass., ch. civ., MM. Bérenger prés., Mérilhou rapp., Nicias-Gaillard 1er av. gén. (concl. conf.), Moutard-Martin et Moreau av.

Attendu qu'il s'agit de reconnaître si les pièces qui font la matière des procès-verbaux sont des lettres de voiture; Attendu que, « LA COUR;-Vu les art. 101 et 102C.comm., si l'on admettait que le tribunal n'a pas à dont le premier définit la lettre de voiture et dont s'occuper de la validité de ces pièces comme le deuxième détermine les formes dont elle doit lettres de voiture, autant vaudrait dire que être revêtue;-Vu l'art. 12 de la loi du 13 brum. l'on pourrait présenter comme telles les écri- an VII, le décret du 3 janv. 1809, et les art. 6 tures les plus informes; Attendu que la et 7 de la loi du 11 juin 1842 portant règlement Jettre de voiture est un contrat (art. 102 C. du budget; - Attendu que le décret du 3 janv. com.); Attendu que, si elle peut exister saus 1809 assujettit au timbre de dimension les lettres contenir toutes les énonciations prescrites par de voiture, et ne dispense de se pourvoir de l'art. 102, il y faut au moins ce qui est essen-lettres de voiture timbrées que les propriétaires tiel pour former un contrat ; - Attendu que la qui font conduire leurs récoltes par leurs voisignature des parties est ce qui donne l'exi-tures et leurs propres domestiques ou fermiers; stence à un contrat (art. 1318 et 1323 C. civ.); Attendu que les art. 6 et 7 de la loi du 11 Attendu que l'on prétend faire considérer juin 1842 prescrivent que les lettres de voiture l'omission de la signature comme une fraude à soient rédigées sur du papier timbré à l'exla loi; Mais attendu qu'aucune loi n'impose traordinaire et frappées d'un timbre noir et d'un à l'expéditeur ou commissionnaire ni au voitu- timbre sec; - Attendu que, si la lettre de voirier l'obligation de faire des lettres de voiture ture est assujettie, par l'art. 102 C. comm., à de pour le transport des effets et marchandises; certaines formes, aucune de ces formes n'étant que l'expéditeur peut se contenter de l'inscrip- prescrite à peine de nullité, c'est aux juges à tion exigée par l'art. 96 C. comm., inscription apprécier celles qui sont substantielles, c'est-àqui n'est pas une lettre de voiture, quoiqu'elle dire celles qui sont indispensables pour que la énonce la nature, la quantité et même la valeur lettre de voiture puisse, aux termes de l'art. 101 de la marchandise, et qu'il peut même ne pas C. comm., assurer les droits respectifs, soit de exiger cette inscription; Attendu qu'il res-l'expéditeur et du voiturier, soit de l'expéditeur, sort des dispositions du Code de commerce du commissionnaire et du voiturier; Attendu que l'expéditeur, le commissionnaire ou le voi- que l'art. 96 C. comm., qui prescrit aux commisturier ont les moyens d'assurer l'exécution du sionnaires la tenue d'un livre-journal, ne dispense transport et le paiement du prix sans recourir pas des lettres de voiture et ne pourvoit pas à à une lettre de voiture; d'où il suit qu'ils n'ont tous les intérêts qui en sont l'objet; — Attendu pas besoin de frauder la loi sur le timbre; que la Compagnie du chemin de fer de Paris à Attendu en outre que la lettre de voiture n'a Rouen, en délivrant à ses agents des écrits desprincipalement d'utilité que pour l'expéditeur, tinés à remplir le même but que les lettres de puisque le voiturier a pour lui le fait matériel voiture, devait se soumettre à l'obligation de du transport et la détention de la chose voitu- se servir du papier timbré, sous les peines porrée; Attendu que c'est d'après ces principestées par les lois; Attendu que le jugement qu'il faut déterminer la nature du procès dont attaqué constate que les dix-huit feuilles saisies il s'agit; Attendu que les dix-huit feuilles ne sont souscrites d'aucune signature ni parasaisies ne sont souscrites d'aucune signature ni phe des parties entre lesquelles elles formeraient paraphées des parties entre lesquelles elles un contrat; que six d'entre elles ne contiennent formeraient un contrat; que six d'entre elles ni le nombre ni la nature des choses transporne contiennent ni le nombre ni la nature des tées, et désignent l'expéditeur et le destinataire choses transportées, et désignent l'expéditeur et par ces seuls mots: Messageries générales, et le destinataire par ces seuls mots : Messageries que dans les autres on remarque que la même générales; que dans les autres on remarque personne est à la fois expéditeur et destinataire,

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connaissance de la partie qu'après la déposition (1).

(1) Les observations suivantes sont de M. Rodière, professeur à la faculté de droit de Toulouse, l'un de nos collaborateurs:

--

« Aucun reproche, dit l'art. 282, ne sera proposé » après la déposition, s'il n'est justifié par écrit.» La raison en est simple. La partie contre laquelle on produit des témoins connaît ces témoins d'avance, puisque leurs noms, aux termes de l'art. 261 C. proc., doivent lui être notifiés trois jours au moins à l'avance. Dès qu'elle a reçu cette notification, elle doit s'informer aussitôt si les témoins qu'on indique sont dans le cas d'être reprochés; elle doit, en d'autres termes, s'enquérir avec soin des faits passés, et suivre de plus, en quelque manière, ces témoins de l'œil, jusqu'au jour de leur audition, pour se bien assurer s'ils sont ou non reprochables. Si donc, avant de déposer, un témoin n'a pas été reproché, la loi présume qu'aucune des parties n'a suspecté sa lement être détruite lorsqu'une partie fournit plus - Cette présomption pourtant peut faci

ce qui peut faire croire qu'elle voyagerait ellemême avec ses effets; Attendu que c'est à tort que le jugement attaqué conclut des circonstances ci-dessus relevées que les écrits saisis ne constituaient par des lettres de voiture, lorsque d'ailleurs ils en réunissent les principaux caractères; « La décision que nous recueillous ici a une Attendu qu'en effet, si la grande importance, parce qu'il n'existe dans les resignature de l'expéditeur ou du commission-cueils, au moins à notre connaissance, aucun arrêt naire est prescrite par l'art. 102, elle ne l'est rendu sur la question, et que les auteurs qui ont pas à peine de nullité, et pourrait être au besoin écrit sur la procédure ne l'ont point traitée non suppléée par d'autres preuves qui rattacheraient plus. Nous croyons du reste que la Cour de Touà l'expéditeur ou au commissionnaire le fait de louse a étendu la disposition de l'art. 282 C. proc. l'expédition, notamment par la corrélation con- à un cas pour lequel elle n'est pas faite. Il sera, nous le croyons, facile de l'établir en recherchant statée dans le jugement attaqué entre les écrits l'esprit de cette disposition. saisis et le registre tenu par la maison d'expédition, conformément à l'art. 102 C. comm.;Attendu qu'il importe peu que le nombre et la nature des choses transportées ne soient pas désignés par les lettres de voiture; que cette indication n'est pas prescrite à peine de nullité et peut être suppléée par d'autres preuves, et notamment par la désignation des colis dans la première colonne de la feuille d'expédition; Attendu que l'indication des Messageries nationales comme expéditeur et destinataire n'altère pas le caractère constitutif de la lettre de voiture, qui est de constater le contrat de commission et l'obligation de la Compagnie du chemin de fer de transporter à une destination déterminée les objets qui lui étaient confiés à cet effet; -Attendu que la colonne intitulée Émar gement prouve que cet écrit était destiné à recevoir la preuve que l'objet expédié avait été reçu par le destinataire, et par conséquent que la Compagnie avait rempli ses engagements; Attendu qu'en remettant à ses agents les écrits qui ont été saisis dans leurs mains, la Compagnie a suffisamment établi que c'était dans son intérêt que ces écrits avaient été rédigés et remis, et pour en faire usage comme d'une lettre de voiture; Attendu que d'ailleurs les écrits saisis, malgré l'absence de signature (ce qui est le fait de la Compagnie du chemin de fer), présentent toutes les indications suffisantes pour établir; conformément à l'art. 101 C.comm., l'existence et la portée du contrat intervenu entre l'expéditeur, le commissionnaire et le voiturier; Attendu que dès lors les écrits saisis devaient être considérés comme des lettres de voiture, et qu'en leur refusant ce caractère, et, par suite,

en s'abstenant de les soumettre aux conditions de timbre déterminées par les lois précitées, le jugement attaqué à violé lesdites lois et faussement appliqué les art. 101 et 102 C. comm.;CASSE, etc.»

TOULOUSE (25 août 1852). ENQUÊTE, TÉMOIN, REPROCHE, DÉCHÉANCE. Les dispositions des art. 270 et 282 C. proc, civ., qui, en matière d'enquête, défendent de proposer des reproches après la déposition du témoin, à moins que ces reproches ne soient justifiés par écrit, sont absolues, et s'appliquent même au cas où les faits reprochés auraient eu lieu pendant et après l'enquéte, et n'auraient pu par conséquent arriver à la

véracité

tard une preuve écrite d'un cas de reproche. Cette preuve démontre en effet que le reproche allégué n'est pas une pure invention d'une partie qui cherche toute sorte de moyens pour écarter une déposition qui lui a été défavorable.-La présomption de la véracité du témoin devient, au contraire, juris et de jure, lorsque le reproche, n'ayant pas été allégué avant la déposition, ne peut pas plus tard être justifié par écrit. L'allégation tardive de la partie est alors réputée mensongère, parce que l'induction tirée contre elle de son silence lors de la déposition ne se trouve atténuée par aucun fait dès à présent certain. Ces considérations expliquent et légitiment parfaitement l'art. 282 C. proc. lorsqu'il s'agit de faits antérieurs à la déposition. C'est surtout, gilantibus jura subveniunt reçoit d'incessantes applien effet, en matière judiciaire, que la maxime Vications.

>>Mais toute déchéance suppose, sinon une faute, au moins une négligence, et il est impossible d'imputer à une partie aucune faute ni négligence lorsque les faits par lesquels elle veut prouver qu'un témoin ne mérite aucune créance se sont accomplis après que ce témoin avait déposé. Des recherches exactes peuvent assez aisément faire découvrir aux hommes des

faits passés, mais elles ne peuvent pas leur faire deviner l'avenir. - Veut-on s'assurer que l'art. 282 ne s'applique pas à des faits survenus après l'audition du témoin. On n'a qu'à consulter son origine.

La disposition de cet article a été empruntée non pas à l'ordonnance sur la procédure civile de 1667, mais à l'ordonnance criminelle de 1670 (tit. 15, art. 19 et 20). Or, comment supposer que l'ordonnance criminelle eût entendu priver un accusé du droit de prouver d'une manière évidente la fausseté des témoins, en prouvant des faits survenus depuis sa confrontation, et qu'il était par conséquent de la plus complète impossibilité de découvrir avant.- Pressé par les remords de sa conscience, un témoin, au moment peut-être de franchir le seuil redoutable de l'éternité, aurait confessé publiquement qu'il avait inenti à la justice, parce qu'il avait été corrompu par des présents de l'accusateur ou par un festin crimi

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