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ce créancier, ce serait plutôt un mode d'abolition des anciennes lois qu'un mode d'exécution; que de tous ces moyens il suit que la constitution, comme l'hypothèque ac quise à la demoiselle Ridon, n'ont pu être atteintes par l'art. 2161 du Code;

Par ces motifs, INFIRME le jugement dont est appel, déboute le sieur Quedru de sa demande en réduction; etc. »

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COUR DE CASSATION.

La communication du mal vénérien par l'un des époux à l'autre, abstraction faite de toute autre circonstance, at-elle un caractère de séVICE et D'INJURE suffisant pour faire prononcer la séparation de corps? (Rés. nég.) C. civ., art. 229, 230, 231, 232 et 306.

LA DAME LABROUCHE, C. SON MARI.

La question de savoir si la communication du mal vénérien par le mari à sa femme est une légitime cause de sépation de corps a été soumise à la décision de plusieurs Cours d'appel du royaume. Mais cette cause n'y a jamais été présentée isolément : elle était presque toujours accompagnée d'autres circonstances, desquelles il résultait que le mari s'était en même temps rendu coupable d'excès, de sévices ou d'injures graves; en sorte que la jurisprudence. de ces Cours ne se trouve pas en opposition directe avec l'arrêt que nous allons faire connaître. Cependant il est permis d'induire des motifs de leurs arrêts qu'elles auraient admis comme suffisante pour faire prononcer la séparation l'injure résultante de cette maladie honteuse, indépendamment de toute autre cause : ce qui, à notre avis, est conforme aux règles sévères de la morale, qui ne peut permettre que la couche nuptiale soit impunément infectée du poison de la débauche, funeste fruit de l'infidélité, de la violation du serment sur la foi duquel se forme l'union conjugale, et dont l'observation importe essentiellement au repos et à la prospérité des familles. La Cour de Besançon fut la première

qui eut à décider si la communication de cette maladie par un mari à sa femme constituait, dans le sens de la loi, une injure assez grave pour autoriser leur séparation de corps; mais la femme reprochait tout à la fois à son mari d'avoir exercé envers elle des sévices non moins graves; et ces faits réunis et prouvés servirent de motifs au jugement du tribunal d'Arbois, qui prononça la séparation demandée par la femme. Sur l'appel que le mari en interjeta, la Cour de Besançon rendit, le 1er février 1806, un arrêt par lequel : « Considérant que l'appelant s'était rendu coupable envers son épouse d'injures graves et de mauvais traitemens, les injures résultant 1°....... 2o de la maladie vénérienne, qui est prouvée, par témoins concordans, avoir été communiquée par l'appelant à sa femme; En ce qui concerne les sévices et mauvais traitemens, qu'ils étaient prouvés par les dépositions de plusieurs témoins dignes de confiance; que ces mauvais traitemens étaient graves et avaient mis plusieurs fois la vie de la femme en danger; que la réunion de tous les griefs de l'intimée contre son mari opérerait un moyen suffisant de séparation de corps, lors même qu'en particulier chacun d'eux ne suffirait pas pour motiver cette séparation; - Ordonne que le jugement dont est appel sortira son plein et entier effet, etc. » La Cour de Lyon et la Cour de Toulouse ont rendu des arrêts semblables, dans les mêmes circonstances, mais dont les motifs sont plus amplement développés, l'une le 4 avril 1818, et l'autre le 30 janvier 1821. Nous rapporterons cés arrêts sous leur date. Voici l'espèce dans laquelle est intervenu celui de la Cour de cassation.

La dame Lartigues épousa, en 1786, le sieur Labrouche. Bientôt sa santé s'altéra. Elle éprouva des douleurs d'estomac et des vomissemens dont les gens de l'art ne purent pénétrer la véritable cause. Ce ne fut qu'après quinze ans de souffrance qu'elle obtint sa guérison, à Paris, d'un médecin qui sut connaître la source empoisonnée de sa maladie et qui ne la lui laissa pas ignorer. Elle avait fait le voyage de la capitale en compagnie d'un sieur Guedet; elle en fut encore

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accompagnée à son retour; elle alla descendre avec lui à sa maison de campagne, près de Bayonne. Il s'établit de là, entre elle et son mari, une correspondance dans laquelle elle lui adressait, avec ménagement, des reproches mêlés d'expressions de tendresse. Le sieur Labrouche mit d'abord de l'humeur, et même une certaine brusquerie, dans ses réponses. Cependant il prit un ton plus doux ; il protesta à son épouse qu'il n'avait été coupable envers elle que par la faussé conviction où il était que le mal dont il avait été atteint autrefois, et avant leur union; avait cédé aux remèdes qui lui avaient été administrés dans le temps. Al lui demanda la recette de ceux auxquels elle avait été soumise elle-même, et promit d'en faire usage pour détruiré les germes de la maladie qu'il pouvait conserver encore. La dame Labrouche lui fit connaître le traitement qu'elle avait subi; mais soit que le sieur Labrouchê eût feint seulement, d'en faire usage, soit que les remèdes lui eussent été mal administrés, elle fut atteinte une seconde fois, après avoir cédé aux devoirs que lui imposait sa qualité d'épouse, du même mal dont elle avait été guérie une première. La dame Labronche retourna à la campagne son éloignement affecta vivement le sieur Labrouche, qui lui écrivit une lettre remplie de sentimens affectueux, et dans laquelle il l'invitait à ne rien négliger pour sa guérison, en l'assurant qu'il ferait tout pour la rendre heureuse. Après quelque temps de sa résidence à la campagne, le sieur Labrouche la rappela auprès de lui; mais elle ne se sentit plus la force de supporter l'habitation commune, après le second outrage qu'elle avait reçu et l'atteinte portée à sa santé pour jamais détruite. Il voulut employer l'autorité pour l'obliger à se réunir à lui, et elle lui opposa une demande en séparation de corps, motivée sur la communication du mal vénérien et sur d'autres sévices et injures graves. Alors le sieur Labrouche changea de langage à son égard: il prétendit que l'éloignement de son épouse ne devait être attribué qu'aux conseils perfides du sieur Guedet, qui avait usurpé sa confiance et dont elle" formait sa société

habituelle. Il paraît même que ce compagnon assidu de ma-, dame Labrouche dėvint suspect au mari, qui en prit prétexte, pour tenir des propos diffamatoires contre son épouse. Celle-ci en tira parti pour fortifier le second motif sur lequel elle fondait sa demande en séparation. Cette demande portée devant le tribunal civil de Bayonne, elle y fut rejetée par le motif que le mal vénérien n'était pas une cause déterminée de séparation des époux, et que les faits articulés par la demanderesse ne constituaient pas les injures graves dont parle la loi. Sur l'appel que la dame Labrouche releva de ce jugement, elle donna de plus amples développemens aux moyens qu'elle avait indiqués en première instance ; des mémoires imprimés furent distribués de part et d'autre, et elle offrit de faire la preuve des faits par elle articulés.

Le 3 février 1806, arret de la Cour de Pau qui confirme purement et simplement le jugement attaqué, sans avoir égard à la preuve offerte, par les motifs énoncés dans ce jugement, et, en outre, par la raison qu'aux termes de l'article 306 du Code civil, la séparation de corps entre époux peut être demandée dans les cas seulement où il y a lieu au divorce pour cause déterminée; que ces causes sont énumérées en termes précis et formels aux art. 229, 230, 231 et 232; que la communication du mal vénérien n'étant pas mise au nombre de ces causes, elle est exclue elle est exclue par cela même: Inclusio unius est exclusio alterius ; - Qu'il n'est pas sé rieux de prétendre que cette communication étant un mauvais traitement, elle est implicitement comprise, comme cause de séparation, dans l'expression générique d'excès et de sévices dont se sert l'art. 231; puisque, d'un côté, tout mauvais traitement n'est pas un excès ou sévice propre opérer une séparation, et que, d'autre part, en raisonnant ainsi de la loi par analogie et par comparaison, on en étendrait l'application à des cas qu'elle n'embrasse point; qu'il faut d'autant plus se renfermer ici dans le cercle qu'elle a tracé, que ses dispositions sur ce point prononcent une peine, et qu'en principe, des dispositions de cette nature

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doivent être plutôt restreintes qu'étendues, odia restringenda; qu'en un mot, la loi ayant clairement déduit les causes de séparation, il faut nécessairement conclure de son silence sur le mal vénérien qu'elle n'a pas voulu faire de la communication de ce mal une cause de séparation : Quod tacuit, noluit.

Comme les premiers juges, la Cour de Pau n'a pas trouvé dans la diffamation reprochée au sieur Labrouche, aigri par une action de cette nature, et qui paraissait croire son épouse plutôt égarée que coupable, le caractère d'une injure grave; ellé a jugé en outre la plupart des faits articulés invraisemblables, ou démentis par des preuves littérales.

La dame Labrouche s'est pourvue en cassation de cet arrêt pour violation de l'art. 231 du Code civil. Elle a soutenu qu'il était étrange qu'on pût mettre en question si la communication du mal vénérien entre époux pouvait être qualifiée d'excès, de sévices, d'injures graves; qu'un acte qui est l'horrible abus des relations que la loi établit et consacre entre les époux, et dont elle ne saurait protéger la profanation; un acte qui attaque le lien du mariage dans son objet essentiel, et porte ses ravages jusque sur la génération à naître, était, sans contredit, l'injure la plus atroce qu'un mari pût faire à sa femme, l'outrage le plus sanglant qu'une épouse pût recevoir de son époux;-Que, si la loi, par des motifs pleins de sagesse, n'a pas dû écouter les plaintes de la femme sur la violation de la foi conjugale de la part du mari, c'était une raison de plus pour venir à son secours, lorsqu'elle en éprouve des effets désastreux, qui transforment eet oubli des devoirs communs en une source de maux et de douleur, cause insurmontable de répugnance pour la vie commune; - Que la règle des inclusions invoquée par la Cour de Pau avait été mal à propos appliquée par elle, dans son arrêt; qu'il ne s'ensuivait pas de ce que le législateur, dans l'art. 231 du Code civil, n'avait pas indiqué en termes formels la communication du mal vénérien entre époux comme une cause de séparation, qu'elle ne dût pas produire

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