4. PREMIÈRE DÉCISION. Question. La vente faite au conjoint du successible est-elle comprise dans la prohibition de l'art. 26 de la loi du 17 nivose? Résolue affirmativement par deux arrêts de la cour de cassation, des 28 ventose an 8, et 4 germinal, an 10. Espèce. Le 28 pluviose an 5, NicolasPhilippe Lebatteur et sa femme, firent vente à Frédéric Osmont, mari d'Anne Lebatteur, nièce du vendeur, et l'une de ses présomptives héritières, d'un héritage, moyennant un capital de 400 fr., et en outre une rente viagère de 800 fr. par an. der, si elle ne s'étendait pas au conjoint du successible, la vente qui lui serait faite devant produire plus tôt ou plus tard l'effet de transmettre le bénéfice de la jouissance au conjoint, et la propriété à ses enfans; et que par conséquent les ventes à fonds perdu faites au conjoint du successible, doivent être considérées comme si elles l'avaient été au successible lui-même, et que, sous ce rapport, elles se trouvent comprises dans la prohibition légale; d'où il suit qu'en maintenant une vente de ce genre en faveur du conjoint d'un successible, le tribunal civil du département de l'Eure a, par son jugement du 23 messidor an 7, violé l'article 26 de la loi du 17 nivose an 2. » En vertu du renvoi prononcé par ce jugement, les parties se présentèrent au tribunal d'appel de Rouen, où, par jugement du 1er fructidor an 8, celui du tribunal civil du département de la Seine-Inférieure, du 13 pluviose an 6, fut confirmé; par con Après la mort du vendeur, Victoire Lebatteur et ses consorts demandèrent la nul-séquent furent adoptés les principes qui lité de la vente, comme étant fraudulense et faite en contravention à l'art. 26 de la loi du 17 nivose an 2. Le 13 pluviose an 6, jugement du tribunal civil du département de la SeineInférieure, qui leur accorde les fins de leur demande. Appel au tribunal civil du département de l'Eure, où jugement intervient le 23 messidor an 7, qui infirme le jugement du 13 pluviose an 6, et maintient la vente du 28 pluviose an 5, sur le fondement que la prohibition portée par l'art. 26 de la loi du 17 nivose ne s'étend pas au mari de l'héritière présomptive. Pourvoi en cassation de la part de Victoire Lebatteur et ses consorts. JUGEMENT du 28 ventose an 8, au rapport de M. Rataud, sur les conclusions de M. le Fessier, substitut, qui casse celui du tribunal civil de l'Eure. Motifs. « Attendu que la prohibition des ventes à fonds perdu aux successibles, n'a pour objet que d'empêcher que les biens des vendeurs ne parviennent directement ou indirectement au successible ou à ses enfans, à l'exclusion des autres successibles, prohibition qu'il serait facile d'élu avaient motivé la cassation de celui du tribunal civil du département de l'Eure. Pourvoi contre ce nouveau jugement, de la part des représentans de Frédéric Osmont, acquéreur. La requête en cassation est admise par jugement du 17 prairial an 9. ARRÊT contradictoire du 4 germinal an 10, au rapport de M. Doutrepont, qui rejette le pourvoi. Motifs. « Attendu que dans la vente dont il s'agit, la rente viagère de 800 francs, et Pusufruit de la maison vendue, réservé aux vendeurs, forment la majeure partie du prix d'achat; qu'ainsi, cette vente ne peut être censée faite qu'à fonds perdu; attendu que l'intention bien prononcée de la loi du 17 parfaite entre tous les héritiers légitimes de nivose an 2, a été d'établir une égalité la même personne; que pour éviter qu'on éludât cette intention, elle a, par son article 26, interdit les ventes à fonds perdu à un héritier présomptif ou à ses descendans; que cette intention de la loi serait visiblement éludée, si l'on déclarait valables des ventes faites à fonds perdu, à une personne interposée, telle que l'époux d'un successible, lorsque, comme dans l'espèce, le successible est appelé par la loi à re cueillir la propriété d'une partie et la jouissance d'une autre partie des objets achetés, par son époux, et que les héritiers de l'époux acheteur sont leurs enfans communs: In fraudem legis facit, qui salvis verbis legis, sententiam ejus circumvenit. (L. 29, D. de legibus.); que selon les articles 329 et 389 de la Coutume de Normandie, les époux ne sont pas communs en biens, soit meubles, soit conquêts immeubles, et que les femmes ne commencent à avoir droit à la moitié de ces objets, qu'à la dissolution du mariage; qu'ainsi la maison vendue à Osmont le 28 pluviose an 5, par NicolasPhilippe Lebatteur, appartenant en totalité à ce dernier au moment de la vente, à laquelle on a fait intervenir sa femme, bien moins comme partie nécessaire, que comme moyen nouveau d'éluder la loi; qu'enfin les droits qu'a pu acquérir la veuve Lebatteur, par la mort de son mari, en vertu de l'art. 329 de ladite Coutume, sur la maison vendue, lui sont absolument personnels, et n'appartiennent ni directement, ni indirectement, à feu Jean-Baptiste-Frédéric Osmont, ni à ses enfans. » DEUXIÈME DÉCISION, qui juge le contraire dans une espèce à peu près semblable. Espèce. Le 25 germinal an 6, DenisSamuel Dalau vend à Marie Bonneau, veuve de René Dalau, son frère, l'universa lité de ses biens, moyennant une rente viagère de 400 francs. Marie Bonneau avait alors plusieurs enfans, qui, après la mort de leur père, étaient restés, par continuation, en communauté avec elle. Dalau, vendeur, décède en l'an 7; les sieurs Robin, Rousseau, Bardet et Gaisneau, ses héritiers naturels, provoquent le partage de sa succession. Marie Bonneau s'y oppose, et soutient qu'en vertu de son contrat d'acquisition, tous les biens de cette succession lui appartiennent exclusivement. Sur l'action portée au tribunal civil de l'arrondissement des Sables d'Olonne, ju gement intervient le 24 frimaire an 9, qui prononce en ces termes : « Le tribunal déclare nul et comme non avenu, l'acte d'abandon consenti le 25 germinal an 6, par Denis-Samuel Dalau, à Marie Bonneau, sa belle sœur..... » Voici les motifs de cette décision : « Considérant que l'art. 26 de la loi du 17 nivose an 2, défend de céder des domaines aux héritiers directs ou collatéraux, à charge de rente viagère; considérant que les enfans de René Dalau étaient en com munauté de biens avec Marie Bonneau leur mère, lorsqu'elle a traité avec DenisSamuel Dalau, le 25 germinal an 6; considérant que, sous ce rapport, cet acte a nécessairement profité à ses enfans, et qu'il se trouve par là en contravention à la loi précitée; considérant que, dans ce cas, un acte étant nul pour partie, l'est nécessairement pour le tout, » de Appel de ce jugement de la part Marie Bonneau, au tribunal d'appel de Poitiers. Jugement sur plaidoiries contradictoitoires, du 7 thermidor an 9, qui prononce qu'il a été bien appelé, mal jugé, réformant, relaxe et renvoie ladite Bonneau des fins et conclusions de la demande principale. Motifs sur lesquels repose cette décision. « Considérant que la disposition de l'art. 26 de la loi du 17 nivose an 2, est prohibitive, et par conséquent ne peut s'étendre hors des termes dans lesquels elle est exprimée; considérant que cette disposition ne frappant de nullité que les ventes à fonds perdu faites à l'héritier présomptif ou à ses descendans, la prohibition ne peut ni ne doit s'étendre aux ascendans dudit héritier présomptif; qu'ainsi Marie Bonneau n'étant qu'ascendante de quelques-uns des héritiers présomptifs de son vendeur, elle a pu valablement acquérir sous rente viagère; considérant que l'art. 12 du tit. 2 de la loi du 24 août 1790 porte en termes exprès « que les tribunaux doivent s'adresser au corps législatif toutes les fois qu'ils croient nécessaire, soit d'interpréter une loi, soit d'en faire une nouvelle; » qu'ainsi il n'apparfaire une nouvelle; » tient à aucun tribunal de la république d'étendre la prohibition d'une loi, sous prétexte d'en pénétrer l'esprit; considérant enfio que la loi du 22 ventose an 2, art. 55, s'exprime ainsi : la loi valide ce qu'elle ne défend pas, qu'ainsi on ne peut comprendre, sous aucun prétexte, dans la prohibition de l'art. 26 de la loi du 17 nivose an 2, d'autres personnes que celles que cette loi exprime elle-même; qu'ainsi les ascendans de l'héritier présomptif sont et doivent être jugés capables d'acquérir à titre de rente viagère, jusqu'à ce qu'une loi positive en décide autrement. » Pourvoi en cassation contre ce jugement, de la part des sieurs Robin, Rousseau, Bardet et Gaisneau. L'art. 26 de la loi du 17 nivose an 2, qui prohibe les donations ou ventes à fonds perdu aux descendans et à leurs successibles, contient-il la même prohibition à l'égard des ascendans? Telle était la question jugée négativement par le tribunal d'appel de Poitiers; il s'agissait de savoir si ce jugement coutenait une violation de l'art. 26 de la loi du 17 nivose. ARRÊT de la cour de cassation, du 6 prairial an 10, section des requêtes, au rapport de M. Poriquet, sur les conclusions de M. Merlin, qui rejette la requête en pourvoi sur ces motifs : « Attendu que l'article 26 de la loi du 17 nivose au 2, est prohibitif, et ne peut par conséquent s'étendre d'un cas à un autre; qu'il ne comprend que les successibles et leurs descendans, et que s'il y a quelques inconvéniens à ne l'avoir pas étendu, soit aux ascendans, soit à l'époux en communauté avec le successible, il y en aurait encore davantage à créer, sous le prétexte d'analogie, des prohibitions que la loi n'a pas établies; attendu que créer ces nouvelles prohibitions, ce serait, quelque justes qu'elles puissent être, entreprendre sur l'autorité législative, ce qui, dans l'espèce, serait d'autant moins pardonnable, qu'il n'y avait pas de questions plus controversées avant la loi du 17 nivose, que celle de l'étendue des prohibitions; d'où il suit que c'est en connaissance de cause que les législateurs l'ont restreinte expressément aux successibles et à leurs descendans; attendu enfin qu'il ne peut pas y avoir ouverture à la cassation d'un jugement auquel on ne peut pas faire d'autre reproche que d'être conforme à la lettre de la loi. » TROISIÈME DÉCISION, conforme à la précédente. Espèce. François Benoit, Jeanne Catinat son épouse, et Louis Benoît son frère, avaient vécu en communauté jusqu'à la mort du premier, après le décès duquel elle s'était continuée entre sa veuve, leurs enfans, et Louis Benoît. Le 9 pluviose an 4, Louis Benoît vend à la veuve de François Benoît sa belle sœur, le tiers qu'il avait dans la totalité des meubles et immeubles communs, moyennant 1700 francs, et le contrat énonce que cette somme a été précédemment payée au vendeur. Louis Benoit meurt en l'an 7, et laisse pour héritiers les enfans de Louis Benoit son frère germain, et André Camus et consorts ses frères utérins, ou qui les représentent. Les enfans de Louis Benoît et Joints réclament leur part légale dans les meubles et immeubles laissés par Louis Benoît leur oncle; la veuve de François Benoît, leur oppose son contrat d'acquisition du 9 pluviose an 4. Action s'engage au tribunal civil du département de l'Indre; elle se compose de différens chefs; nous ne présenterons que celui relatif à la question que nous traitous. Les enfans Benoît et Joints soutiennent la nullité du contrat de vente du 9 pluviose an 4, et se fondent sur les dispositions de l'art. 26 de la loi du 17 nivose, qui déclare nulle toute donation à charge de rente viagère, etc. Ces moyens sont écoutés ; le contrat du 9 pluviose an 4 est déclaré nul, et les réclamans sont autorisés à reprendre les biens vendus. Appel de la part de la veuve de François Benoit, au tribunal civil du département de la Creuse, où intervient jugement le 16 prairial an 8, qui prononce à bonne cause l'appel, réformant le jugement du département de l'Indre, déboute les demandeurs avec dépens. Pourvoi en cassation de la part des enfans de Louis Benoît et Joints. ARRÊT de la cour de cassation, section" des requêtes, du 21 ventose an 9, au rapport de M. Poriquet, et sur les conclusions de M. Merlin, qui rejette la requête eu pourvoi : « Attendu que la vente faite par Louis Benoit à Jeanne Catinat, veuve de François Benoît sa belle - sœur, le 9 pluvios an 4, n'est ni une vente à rente viagère, ui une vente à fonds perdu, et que d'ailleurs Jeanne Catinat n'était ni la successible, ni descendante des successibles de Louis Benoît; d'où il résulte que le jugement qui a déclaré cette vente valable, n'a violé aucune des dispositions de la loi du 17 nivose an 2. » QUATRIÈME DÉCISION, conforme aux deux précédentes. Espèce. Philippine Waghenard décéda, en nivose an 5, à Mons, département de Jemmapes, sans enfans et sans frères ni sœurs; par conséquent sa succession devait être divisée en deux portions égales, suivant la loi du 17 nivose, l'une pour la ligne paternelle, et l'autre pour la ligne maternelle. Par un testament et par deux codicilles, la défunte avait légué à la dame Flameng, unique héritière de la portion dévolue à la ligne maternelle et à Henri Delattre, mari de ladite Flameng, tout son argent comptant, sa vaisselle et son mobilier. Elle avait en outre ordonné par l'un de ses codicilles, que plusieurs fiefs situés près de Valenciennes, coutume du Hainault, seraient vendus dans l'année de sa mort, pour le prix en provenant, être remis à ladite Flameng et à son époux, à qui elle en avait pareillement fait don et legs. Deux ans après l'ouverture de la succession, en l'an 7, Delattre fit assigner les héritiers de la ligne paternelle au tribunal civil du département de Jemmapes, pour les faire condamner à lui faire délivrance de son legs. Ceux-ci s'en défendirent et soutinrent, 1o que la valeur des legs réunis excédait le sixième disponible; 20 que les fiefs réclamés auraient dû être vendus dans l'année de l'ouverture de la succession, attendu que la testatrice ne lui avait pas donné ces biens, mais seulement le prix à en provenir; que Delattre, qui réunissait en même temps la qualité d'exécuteur testamentaire, ne devait s'en prendre qu'à lui, si la volonté de la testatrice n'avait pas été exécutée, puisque c'était à lui à faire la vente; 30 que l'héritier légal ne pouvait cumuler la portion héréditaire des legs; que par conséquent ces legs devaient retourner à la masse de la succession; 4° que vainement Tome XI. Delattre alléguait que sa femme seule était successible et non lui, puisque lui et sa femme ne faisaient qu'une seule et même personne, au moyen sur-tout de la communauté qui était établie entre eux par leur contrat de mariage; et que la loi serait toujours éludée, si l'on pouvait, par une personne interposée, favoriser un héritier présomptif; qu'enfin la loi voulait qu'en ligne collatérale, la succession fût divisée en deux parties égales, l'une pour la ligne paternelle, l'autre pour la ligne maternelle; et que dans le cas particulier, la ligne maternelle aurait la moitié, plus le sixième, puisque ce sixième serait transmis par Delattre à ses enfans, qui étaient dans la ligne maternelle, et devaient par conséquent un jour recueillir la portion afférente à cette ligne; 50 et enfin que Delattre pouvait tout au plus réclamer la moitié des legs, l'autre moitié devant nécessairement retourner à la masse de la succession, comme léguée à une personne incapable. Jugement du 11 fructidor an 7, qui adleur réduction au sixième disponible, s'ils juge à Delattre la totalité des legs, sauf se trouvent l'outre-passer. Motifs. a 1o La loi du 17 nivose ne déclare incapables de recevoir un don que les personnes appelées directement à la succession; or, Delattre n'étant pas successible, mais lui transmettre le sixième disponible; 2o la seulement sa femme, la testatrice avait pu capable de recevoir les legs, sa portion dedame Flameng, femme Delattre, étant invait appartenir à son mari, avec lequel elle était, par les dispositions testamentaires, unie re et verbis ; 3° la défunte n'a ordonné la vente de ses fiefs, que parce que dans l'ancienne coutume du Hainault, elle n'avait que cette voie pour en disposer, et que la coutume étant abolie à cet égard avec le régime féodal, elle avait pu donner la chose ou le prix indifféremment, et qu'il devait être égal aux héritiers que le légataire reçût de l'une ou l'autre manière.» Appel au tribunal civil du département ligne paternelle; le jugement de première de la Lys, de la part des héritiers de la instance y est confirmé purement et simplement. Pourvoi en cassation. Ces héritiers s'ap 21 puient dans leur demande du jugement de cassation, du 28 ventose an 8, rapporté ei-dessus, première décision. ARRÊT du 18 fructidor an 9, au rapport de M. Zangiacomi, sur les conclusions de M. Arnaud, substitut, qui rejette la demande en cassation. Motifs. « Considérant.... que l'art. 26 de la loi du 17 nivose an 2 ne regarde que le successible, et que cette disposition étant prohibitive, ne peut être étendue à l'époux du successible; que ce n'est que par droit d'accroissement que Delattre recueille la moitié des legs; mais que la totalité lui en appartient de son chef, car aux termes de la loi 80, D. de legatis 3o, le legs dont il s'agit doit être considéré comme fait uniquement au profit de Delattre. » CINQUIÈME DÉCISION. Question. Les ventes faites à des successibles avec réserve d'usufruit sous l'empire de la loi du 17 nivose, sont-elles valables; ou au contraire doivent-elles être annullées comme ventes à fonds perdu déguisées ? Espèce. Par contrat du 7 nivose an 6, le sieur Vincent Dumont était acquéreur d'un héritage par un capital déterminé de 10,000 fr., avec réserve faite de l'usufruit par la venderesse pendant sa vie. A son décès, ses héritiers ont attaqué ce contrat, et l'ont soutenu nul, comme étant compris dans la prohibition de l'art. 26 de la loi du 17 nivose. Cette nullité a été prononcée au tribunal civil du département de la Seine inférieure, par jugement du 18 nivose an 8, et les parties renvoyées à une autre audience, pour plaider sur la prétendue simulation du prix énoncé dans ce contrat, comme ayant été payé comptant. Appel de la part du sieur Dumont au tribunal civil du département du Calvados, qui l'y juge non recevable. Pourvoi en cassation contre ce dernier jugement, qui est cassé et annullé par arrêt de la cour de cassation du 23 frimaire an 10, qui renvoie les parties devant la cour d'appel de Rouen. Arrêt de cette cour, du 10 messidor an 10, portant que par le jugement dont est appel, il a été bien jugé, mal appelé au chef, qui annulle le contrat de vente dont il s'agit; ordonne qu'en ce chef il sortira son plein et entier effet; et quant au chef relatif au remboursement des 10,000 fr., renvoie les parties à procéder devant le tribunal auquel la connaissance en appartient. Pourvoi en cassation de la part de Vincent Dumont. M. Merlin, procureur général impérial, portant la parole, a dit : « Qu'entend-on par vendre à fonds perdu? c'est à ce peu de mots que se réduit la question. Le dictionnaire de l'académie française définit : « On appelle fonds perdu une somme d'argent employée de telle sorte, que « celui auquel elle appartenait s'est dépouillé << entièrement de son principal, et ne « s'en est réservé qu'un revenu sa vie du<< rant. » Ainsi, vendre à fonds perdu, c'est vendre moyennant un prix dont, par le contrat même, on aliène le capital pour en recevoir un intérêt purement viager; vendre à fonds perdu, c'est vendre à charge d'une rente viagère. On ne peut donc pas dire que ce soit vendre à fonds perdu, que de vendre avec réserve d'usufruit, moyennant une somme que l'on reçoit comptant. Où serait alors en effet le fonds perdu? consisterait-il dans la somme que l'on reçoit? Mais cette somme, on ne l'aliène pas, on ne s'en dépouille pas, on ne la convertit pas en un intérêt à vie. la « Consisterait-il dans l'usufruit que l'on réserve? Mais par cela même qu'on le réserve, il est clair qu'on ne le vend pas. Que vend-on donc? on vend la nue propriété, et rien de plus. Mais pour que nue propriété pût être censée vendue à fonds perdu, il faudrait que le prix en fût aliéné par le contrat; il faudrait que par le contrat ce prix fût échangé contre une rente viagère. Or, dans notre espèce, le contrat ne porte pas aliénation du prix de la nue propriété; le contrat ne substitue pas à l'obligation de payer le prix de la nue propriété, l'obligation d'en payer la rente tant que vivra la venderesse. Il n'y a donc pas, il ne peut donc pas y avoir là de vente à fonds perdu....» ARRÊT de la cour de cassation, du 23 brumaire an 12, au rapport de M. Riolz, qui casse et annulle l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, du 10 messidor an 10. |