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(Fouilloux et autres C. Meyer.)

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Les sieurs Fouilloux et autres se sont rendus adjudicataires, pour le compte de l'Etat, d'un lot des travaux de construction du canal des houillères de la Sarre. Parmi ces travaux se trouvait l'établissement d'une passerelle et d'un pont. L'art. 6 du cahier de charges spécial à cette adjudication soumettait les adjudicataires aux conditions du règlement du 25 août 1833 (1), règlement dont l'art. 4 (2) interdit aux adjudicataires des travaux de l'Etat de céder tout ou partie de l'entreprise, et dont l'art. 11 oblige ces adjudicataires à faire l'achat de tous les matériaux et à solder les salaires d'ouvriers, commis et autres agents dont ils peuvent avoir besoin (3).

Pour se procurer les bois nécessaires à leurs travaux, les entrepreneurs traitèrent avec un sieur Rossler, charpentier et marchand de bois à Sarrebourg, qui, lui-même, s'adressa à divers marchands au nombre desquels figurait un sieur Meyer. Le sieur Rossler n'ayant pas satisfait aux obligations de son marché, les sieurs Fouilloux et autres l'assignèrent devant le tribunal de Sarrebourg et obtinrent contre lui, le 20 avril 1864, un jugement par défaut qui prononça la résolution dudit marché. Rossler étant tombé en faillite, le sieur Meyer actionna les sieurs Fouilloux et autres en paiement des marchandises par lui livrées au failli, paiement auquel le demandeur prétendait que les défendeurs s'étaient engagés.

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Le 8 mars 1865, jugement du tribunal de commerce de Saverne, qui admet Meyer à prouver par témoins et par titres les faits tendant à établir l'obligation personnelle prise par Fouilloux et autres à son égard. L'enquête a lieu, et, le 7 avril 1865, nouveau jugement qui accueille la demande de Meyer dans les termes suivants : «Attendu que, fût-il justifié que les défendeurs se sont entièrement libérés vis-à-vis de Rossler, devenu leur sous-traitant, ils n'en seraient pas moins tenus de payer les fournitures faites à ces derniers, aux termes de l'art. 1797, C. Nap., qui porte que l'entrepreneur est responsable du fait de ceux qu'il emploie; Attendu, d'ailleurs, que l'art. 6 du cahier des charges relatif à l'adjudication des travaux de construction du canal des houillères de

la Sarre, impose formellement à l'adjudicataire les conditions du règlement du 25 août

a

1833; que, suivant les art. 4 et 11 de ce
règlement, il lui est interdit de prendre
aucun sous-traitant et imposé l'obligation de
solder personnellement les matériaux, sa-
laires et journées d'ouvriers; que telle est
l'interprétation que la jurisprudence
donnée à l'art. 11, quant aux matériaux;
qu'à ce point de vue encore, le paiement
des bois livrés par le demandeur pour la
construction de la passerelle incombait in-
contestablement aux trois défendeurs, qui
l'ont si bien compris eux-mêmes, que, tou-
chés de la réclamation de Kling, qui était
venu leur demander le paiement des bois
livrés pour leur compte à Rossler, ils ont,
après l'avoir rassuré sur le sort de sa
créance et avoir en quelque sorte pris l'en-
gagement de lui payer ce qui lui serait
dû, a ajouté qu'un autre marchand de Sa-
verne se trouvait dans le même cas que
lui;
- Attendu que les défendeurs faisaient
ainsi évidemment allusion au demandeur

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Meyer qui, en établissant le fait à l'audience qui lui avait été imposée par le jugement du du 5 avril, a rapporté à cet égard la preuve 8 mars précédent; que s'il n'a pas pu être démontré que la réception des bois livrés par Meyer a été réellement effectuée, il n'en est pas moins établi que les bois ou autres matériaux employés pour les travaux publics ne sont pas régulièrement réceptionnés d'habitude; que les agents de l'administration se bornent à exiger le remplacement des pièces qui ne réuniraient pas les qualités requises; qu'il suit de là que la réception des bois dont le demandeur réclame le paiement peut être considérée comme effectuée;-Attendu qu'il résulte de la correspondance échangée entre les entrepreneurs et le sous-traitant Rossler que les bois fournis par le demandeur étaient réellement destinés aux travauxde la construction de la passerelle, et que les défendeurs, ne l'ignorant pas, auraient dû se mettre en mesure de sauvegarder les intérêts des fournisseurs; que cette considération suffit à elle seule pour repousser la preuve du fait articulé dans les conclusions subsidiaires des défendeurs; Par ces motifs, etc. >>

POURVOI en cassation par les sieurs Fouilloux et autres.- 1er Moyen. Fausse appli.cation de l'art. 1797, C. Nap., et violation de l'art. 1798, même Code, en ce que l'arrêt attaqué a condamné les demandeurs en cassation à payer à Meyer le prix de fournitures qu'ils ne lui avaient pas personnellement commandées, et cela bien que le cahier des charges, auquel d'ailleurs Meyer était resté étranger, ne les obligeât, par aucune de ses clauses, à faire un tel paiement. 2 Moyen. Violation des principes de compétence, en ce que, en interprétant les clauses du règlement du 25 août 1833, qui constitue essentiellement un acte administratif, l'autorité judiciaire avait excédé les (2-3) V. les art. 9 et suiv. du nouveau règle- bornes de sa compétence et empiété sur celle de l'autorité administrative.

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pire du droit commun et doit être portée devant la juridiction ordinaire.

(1) V. ce règlement dans le vol. de S. de 1836, 2 part., p. 518. Il vient tout récemment d'être remplacé par un nouveau règlement à la date du 16 nov. 1866 (V. P. Lois, décrets, etc., p 191.-S. Lois annotées, p. 111).

ment.

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et

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LA COUR; le premier moyen, tiré de la fausse application de l'art. 1797, C. Nap.: Attendu qu'il est déclaré, en fait, par le jugement attaqué que Fouilloux et consorts glaient entrepreneurs, pour le compte de l'Etat, du canal des houillères de la Sarre; que l'art. 6 du cahier des charges spécial à l'adjudication qui leur avait été faite de ces travaux, soumettait les adjudicataires aux conditions du règlement du 25 août 1833; que lesdits Fouilloux et consorts avaient consenti, au profit de Rossler, un sous-traité aux termes duquel celui-ci devenait sous-entrepreneur pour une partie des travaux; que les bois vendus à Rossler par Meyer, et dont celui-ci réclame le prix, étaient destinés à l'entreprise, et qu'enfin, d'après les usages suivis dans ces sortes de travaux, la réception de ces bois devait être réputée accomplie; -Attendu, en droit, qu'aux termes de l'art. 4 du règlement de 1833, il est interdit aux adjudicataires des travaux de T'Etat de céder tout ou partie de l'entreprise, que l'art. 11 du même règlement les oblige à faire l'achat, la fourniture, le transport à pied d'œuvre, la façon, la pose et l'emploi de tous les matériaux, ainsi qu'à solder les salaires et peines d'ouvriers, les commis et autres agents dont ils peuvent avoir besoin pour assurer la solide et bonne exécution des ouvrages; Attendu qu'aux termes de l'art. 1121, C. Nap., on peut stipuler au profit d'un tiers, lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soimême'; Attendu que de la généralité des termes employés dans les deux articles précités du règlement de 1833, le jugement attaqué a pu conclure que l'Etat, en interdisant aux entrepreneurs de ses travaux tout sous-traité et en les obligeant à faire personnellement tous les achats de matériaux, n'avait pas entendu stipuler seulement pour lui-même, mais qu'il avait aussi voulu assurer aux tiers qui seraient appelés à concourir par des fournitures à l'exécution des travaux le bénéfice d des conditions de capacité, de moralité et de solvabilité qu'il exige de ses entrepreneurs; qu'en interprétant ainsi la clause du contrat intervenu entre l'Etat et

(1) Il est, toutefois, généralement enseigné par les auteurs que l'identité des parties n'est point nécessaire pour qu'il y ait lieu à règlement de juges au cas de connexité. V. MM. Carré et Chauveau, Lois de la proc., quest. 1320; Pigeau, Comm., t. 1, sur l'art. 363, p. 635; ThomineDesmazures, Comm. Cod. proc., t. 1, n. 416; Berriat-Saint-Prix, Cours de proc., p. 378; Favard, Rep., v° Règlement de juges, n. 2, p. 794; Bioche, Dict. de proc., eod. v°, n. 14 et suiv.; Bourbeau (continuation de Boncenne), t. 5, p. 353 et suiv.; sic, Cass. 3 pluv. an 10; 29 mai 1838 (P.1838.2.68.-S.1838.1.539); 18 août 1840 (P.1840.2.293.-S.1840.1.836), et 5 déc.

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Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des règles qui fixent la compétence respective du pouvoir administratif et du pouvoir judiciaire:-Attendu qu'il appartient exclusivement à l'autorité judiciaire de déterminer, entre les entrepreneurs, les sous-traitants et les tiers, les effets qui résultent des conditions dans lesquelles ils ont contracté les uns avec les autres, et de résoudre, en ce qui les concerne, des questions dans lesquelles ne sont en aucune manière engagés les intérêts qui sont placés par la loi sous la protection de l'autorité administrative; Rejette, etc.

Du 2 janv. 1867. Ch. req. MM. Bonjean, prés.; Boucly, rapp.; Savary, av. gén. (concl. conf.); Gonse, av.

CASS.-REQ. 29 janvier 1867. REGLEMENT DE JUGES, IDENTITÉ DE CAUSE, IDENTITÉ DE PARTIES.

Pour qu'il y ait lieu à règlement de juges, il ne suffit pas que les demandes portées devant deux tribunaux différents aient le même objet, et que les parties soient les mêmes; il faut encore que les demandes soient fondées sur les mêmes causes, et que les parties aient agi dans les mêmes qualités (1). (C. proc., 363.)

Ainsi, il n'y a pas lieu à règlement de juges lorsque des souscripteurs d'effets de commerce négociés au Comptoir d'escompte par un sous-comptoir de garantie, après avoir, sur les poursuites en paiement de ces effets, formé contre le Comptoir personnellement une demande incidente en communication des livres et pièces de comptabilité du sous-comptoir, forment devant un autre tribunal la même demande en communication, non plus en leur nom personnel, mais comme créanciers du sous-comptoir et faisant valoir les droits de leur débiteur contre le Comptoir d'escomple qu'ils prétendent être

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1848 (P. 1849.1.82. S. 1849.1.428).-Il a été aussi décidé que, pour qu'il y ait entre deux demandes connexité donnant lieu à règlement de juges, il n'est pas nécessaire que l'objet des deux demandes soit absolument identique; qu'il suffit que l'une et l'autre demande reposent, en sens contraire, sur le même fondement; que leur succès soit subordonné à la décision d'une même question Cass. 5 mai 1829. V. on outre à cet égard, MM. Chauveau et Bourbeau, loc. cit.; Favard, op. cit., n. 1; Bioche, n. 16 et suiv.; Mourlon, Rép. écr. sur le C. proc., n. 613; Rodière, Compét. el proc., t. 2, p. 101.

au lieu et place du sous-comptoir par suite d'une fusion opérée entre les deux sociétés.

(Comptoir d'escompte de Paris C. Courant.)

ARRÊT.

LA COUR ; - Attendu que les conclusions des requêtes présentées par le Comptoir d'escompte de Paris tendent d'abord à un règlement de juges et subsidiairement à l'admission d'un moyen de cassation tiré de la violation de l'art. 1351, C. Nap., et des art. 171 et 337, C. pr.; Attendu que pour qu'il y ait lieu à règlement de juges, il faut, aux termes des art. 363 et 364, C. proc., que le même différend soit porté devant plusieurs tribunaux; Attendu que pour établir l'identité de deux contestations, il ne suffit pas de montrer que les demandes ont le même objet et que les parties sont les mêmes; qu'il est essentiellement nécessaire de rechercher, en outre, si les demandes étaient fondées sur les mêmes causes, et si les parties ont agi, en demandant et en défendant, dans les mêmes qualités; Attendu que dans les litiges dont la Cour impériale d'Orléans est saisie par l'effet du renvoi après cassation (1), le Comptoir d'escompte de Paris procède exclusivement en son nom personnel, comme tiers porteur d'effets de commerce négociables souscrits par les divers défendeurs éventuels, et ceuxci comme souscripteurs desdits effets et comme personnellement obligés à en effectuer le paiement; que c'est, par conséquent, entre les parties agissant dans ces qualités respectives qu'a été soulevé et débattu l'incident sur lequel la Cour impériale d'Orléans a statué par son arrêt du 3 mai 1866, et qui avait pour but la communication ou la représentation par le Comptoir d'escompte tant de ses propres livres et des pièces de sa comptabilité propre que de la comptabilité et des livres du Sous-Comptoir des denrées coloniales; que, formée en ces qualités et dans ces termes, la demande incidente, en ce qui touchait les livres et la comptabilité du Sous-Comptoir, se fondait exclusivement sur ce qu'en fait, le Comptoir d'escompte se trouvait détenteur de ces documents, et qu'elle a été repoussée, quant à ce, par l'unique motif que le Sous-Comptoir n'était pas en cause et que le Comptoir ne pouvait être réputé avoir la disposition des livres et de la comptabilité dont il se trouverait accidentellement dépositaire; Attendu que s'il est vrai que l'action engagée devant le tribunal civil de la Seine, le 19 juin 1866, par l'un des défendeurs éventuels, avait pour but définitif de leur procurer à tous les moyens de produire devant la Cour impériale d'Orléans les livres et la comptabilité du Sous-Comptoir des denrées coloniales, il est également certain que, sur cette nouvelle

(1) V. Cass. 22 déc. 1865 (P.1866.271.-S. 1866.1.107).

demande, Courant et Ce agissaient en la qualité qu'ils prétendaient leur appartenir de créanciers de ce Sous-Comptoir, et que de cette qualité même ils faisaient ressortir le droit pour eux d'obtenir directement de leur débiteur en liquidation la communication d'une comptabilité qu'ils soutenaient même être devenue leur propriété; que, d'un autre côté, il n'est pas moins hors de doute que s'ils dirigeaient cette action contre le Comptoir d'escompte, ce n'était pas en le prenant dans la qualité en laquelle il procédait devant la Cour impériale d'Orléans, c'est-à-dire en son nom personnel, mais en articulant qu'il devait être tenu de répondre au lieu et place du Sous-Comptoir, soit parce qu'ils exerçaient, aux termes de l'art. 1166, C. Nap., les droits de leur débiteur, soit à raison d'une fusion qui se serait opérée depuis la mise en liquidation du Sous-Comptoir entre la société anonyme qui l'exploitait et celle qui dirige le Comptoir d'escompte; Attendu qu'il suit de là non-seulement que la demande introduite par l'exploit du 19 juin 1866 se distinguait essentiellement, par ses causes et par les qualités dans lesquelles les parties agissaient, de la demande comprise dans les conclusions sur lesquelles il avait été statué par l'arrêt du 3 mai précédent, mais encore qu'elle constituait une action nouvelle et principale, qui n'était pas et ne pouvait pas devenir un incident du procès dont la Cour impériale est saisie et qui, soumise aux règles ordinaires de la compétence, devait subir les deux degrés de juridiction; Attendu, en conséquence, que le même différend n'est pas porté à la fois devant plusieurs tribunaux, et que l'arrêt attaqué n'a violé ni l'art. 1351, C. Nap., ni les art. 171 et 337, C. Dit qu'il proc.; n'y a lieu à règlement de juges; etc.

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Du 29 janv. 1867.-Ch. req. - MM. Bonjean, prés. ; Boucly, rapp.; Savary, av. gén.; (concl. conf.); Groualle, av.

CASS.-CIV. 24 décembre 1866. CHEMIN DE FER, EMBRANCHEMENT, FUSION, REEXPEDITION (DROIT DE), LOCATION DU MATÉRIEL.

Les concessionnaires d'un embranchement sur un chemin de fer qui, depuis le contrat, s'est fusionné avec une autre ligne, ne sont soumis qu'au droit commun de tous les expéditeurs ou destinataires en ce qui concerne les marchandises par eux expédiées ou reques, et ce, sans distinction d'origine entre les lignes et sections dont se compose le réseau de la compagnie. On ne saurait les soumettre à un droit de réexpédition pour le cas où les marchandises quittent la ligne ancienne de la compagnie, et passent sur une section qui ne lui appartenait pas lors du contrat d'embranchement (2).

(2) En cas de jonction de deux lignes concédées

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(Chem. de fer de Lyon C. Duchamp.) Suivant acte du 16 nov. 1832, les sieurs Duchamp et consorts ont obtenu de la compagnie du chemin de fer de Saint-Etienne

Lyon le droit de s'embrancher sur la voie ferrée à la place de chargement et de déchargement existant le long de cette ligne et désignée sous le nom de port sec de Bérard. A la suite de plusieurs fusions et transmissions successives, la ligne de SaintEtienne à Lyon est passée en 1857 entre les mains de la compagnie de Paris à Lyon et à la Méditerranée. En 1863, les sieurs Duchamp et consorts ont introduit contre la compagnie une instance dans laquelle ils demandaient à user de leurs embranchements avec un droit illimité: 1° quant à la nature des marchandises expédiées ou reçues; 2° quant à la destination et à la provenance de ces marchandises sur toute l'étendue du réseau actuel de la compagnie; 3° avec franchise des taxes perçues sous le titre de droits d'embranchement ou de loyers de wagons. La compagnie de Lyon a soutenu, en réponse, que les embranchements des demandeurs ne devaient servir: 1° qu'aux transports de houilles et cokes, à l'exclusion de toutes autres marchandises; 2° subsidiairement qu'aux marchandises en provenance de l'un des points de l'ancienne ligne de Saint-Etienne à Lyon, à l'exclusion de celles qui seraient expédiées par lesdits embranchements ou qui y arriveraient sur ou de tous les autres points du nouveau réseau ; 3° qu'enfin, la compagnie

à deux compagnies différentes, un arrêté ministériel du 24 juill. 1860 autorise la perception d'un droit de réexpédition qui se partage par moitié entre les deux compagnies le motif en est que, à la gare de jonction, les wagons donnent lieu à de nouvelles manoeuvres exécutées par les employés des deux compagnies. Mais lorsque les deux lignes sont exploitées par la même compagnie, les wagons pouvant continuer leur route sur le second chemin sans manutention nouvelle, le droit de réexpédition n'a pas de raison d'être et n'est pas dû. De même, le droit de réexpédition n'est pas dû au point de jonction des embranchements particuliers, parce qu'en ce cas la jonction n'occasionne aucun surcroît de manution et que la manutention réellement nécessaire se trouve payée par la taxe d'expédition et par les frais accessoires.-Or, lorsque deux lignes ont été fusionnées de manière à ne plus former dans leur ensemble, entre les mains de la même compagnie, qu'une seule et même concession indivisible, le passage de l'ancienne ligne sur la nouvelle, ou

n était pas tenue d'envoyer gratuitement son matériel roulant sur les embranchements.

4 avril 1864, jugement du tribunal civil de Saint-Etienne qui décide d'abord (par interprétation de l'acte du 16 nov. 1832) que le droit des sieurs Duchamp et consorts n'est aucunement limité aux transports des houilles et produits des mines et usines et qu'il s'étend à toute espèce de transport; puis décide que ce droit est illimité quant la provenance et à la destination des marchandises, les embranchés pouvant expédier de leurs embranchements et y recevoir les marchandises sur ou de tous les points du réseau de la compagnie, sans que celle-ci pût percevoir aucune taxe de réexpédition pour le transport desdites marchandises au delà de l'ancienne ligne de Saint-Etienne à Lyon, et qu'enfin les embranchés ne sont pas exonérés du droit de location du matériel roulant de la compagnie sur les embranchements. Quant à ces deux derniers points, le jugement est ainsi motivé-: «En ce qui touche le deuxième chef de contestation :- Attendu que, pour les embranchés, la véritable gare d'expédition ou d'arrivée pour les marchandises qu'ils envoient ou qu'ils reçoivent, se trouve sur la place même de chargement et de déchargement à laquelle se soudent leurs embranchements, et, dans l'espèce, sur le port sec de Bérard; que c'est même à ce titre et dans leur intérêt qu'une décision ministérielle du 17 fév. 1857, à l'époque de la construction de la gare de Château-Creux, a ordonné la conservation de l'ancien port sec comme annexe de la nouvelle gare; qu'il s'ensuit que les marchandises, soit en destination, soit en expédition des embranchements, doivent arriver au port sec ou en partir, quel que soit le lieu de leur provenance et de leur destination, sur tout le réseau de la compagnie, exactement dans les mêmes conditions de transport et suivant le même tarif que toute autre marchandise

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réciproquement, exige-t-il quelque manutention particulière pour les embranches? Evidemment non, pas plus pour les embranchés que pour les expéditeurs ou destinataires ordinaires. Les embranchés ne sauraient, dès lors, comme tous autres, être soumis à un droit de réexpédition. C'est ce que décide avec raison l'arrêt que nous recueillons. V. au reste, sur le droit qui appartient aux compagnies de concéder des tiers des embranchements conduisant de leur propriété à la voie ferrée pour toute espèce de transport, Cass. 14 nov. 1860 (P.1861.980.-S.1861.1.629).

(1) Le droit de fournitures et d'envoi de matériel par le chemin de fer de Lyon sur les embranchements particuliers, est fixé, d'après l'art. 62 du cahier des charges annexé à la loi du 11 juin 1859, à 12 c. par tonne pour le premier kilomètre et en outre 4 c. par kilomètre en sus du premier. V. M. Palaa, Dict. des chem. de fer, v° Embranchements industr., § 7, p. 176, et Rép. génér. des chem. de fer, eod. v°, p. 857.

arrivant ou partant dans une gare ordinaire sur un point quelconque dudit réseau ; que c'est pour cette raison, et parce que le point de soudure des embranchements particuliers à la voie principale est une véritable gare pour les embranchés, que, par arrêté ministériel du 24 juill. 1860, les marchandises en provenance ou à destination desdits embranchements sont soumises, soit en partant dudit point de jonction, soit en y arrivant, au droit de gare de 20 c. par tonne, exactement comme si elles sortaient d'une gare ordinaire ou y entraient; que les anciens embranchements sont, par le seul fait de leur maintien, matériellement et légalement soudés à la nouvelle ligne dont les divers réseaux ne forment qu'une concession unique, un seul et même tout; que ces embranchements sont tour à tour expéditeurs et destinataires,au même titre queles expéditeurs ou destinataires en gares ordinaires, ou tout au moins au même titre que les embranchés nouvellement imposés; que le Gouvernement, en étendant au profit de la compagnie, en 1857, le monopole des transports, lui a imposé comme obligation la charge de les faire dans toute l'étendue et jusqu'à l'extrémité de tous les réseaux réunis; que cette compagnie ne pourrait, sans violer ouverte. ment cette obligation, et notamment les art. 49 et 50 de son cahier de charges, refuser de conduire à destination, sur toute sa ligne indistinctement, les marchandises en provenance ou à destination des embranchements maintenus; qu'aussi, la compagnie dans le développement de ses moyens de défense, au lieu de soutenir une prétention si excessive, a surtout réclamé un droit de réexpédition pour les marchandises parlant des embranchements ou y arrivant, lorsqu'elles franchissaient, sur la voie principale, les limites de l'ancienne ligne de Saint-Etienne à Lyon ;-Mais attendu que cette prétention est également dénuée de tout fondement; qu'en principe, la compagnie du chemin de fer ne doit percevoir que les droits tarifés ou rentrant dans les frais accessoires énumiérés dans l'art. 51 du cahier des charges, lesquels sont fixés annuellement par l'administration; qu'aucun tarif ni règlement administratif n'a imposé et ne pouvait imposer un droit de réexpédition aux embranchements litigieux; qu'au contraire, l'arrêté du 24 juill. 1860 n'autorise la perception d'un droit de réexpédition que lorsque les marchandises sont transportées aux gares de jonction d'un chemin de fer avec un autre chemin de fer, concédé à une compagnie différente; que cette perception n'a pas lieu aux gares de jonction des diverses lignes formant l'ensemble d'une même concession, et que même l'arrêté dispose expressément que le droit dont il s'agit n'est pas dû aux points de jonction des embranchements particuliers;

«En ce qui touche le 3e chef de contestation, relatif à l'exonération du droit de location du matériel roulant de la compagnie sur les

embranchements; - Attendu qu'il ne faut pas confondre le droit d'embranchement avec la taxe perçue pour location des wagons; que la concession de l'un n'implique aucune renonciation au droit de percevoir l'autre ; que le premier emporte seulement pour les embranchés la faculté de souder leurs rails particuliers au chemin de fer, et de mettre ainsi leurs terrains en comunication directe avec la voie ferrée; mais qu'à défaut de stipulations formelles, il n'impose nullement à la compagnie l'obligation de fournir gratuitement son matériel roulant aux embranchés pour le parcours et la desserte de leurs embranchements; Attendu que, dans le silence de son cahier de charges sur ce point, l'ancienne compagnie de Saint-Etienne à Lyon était libre de donner ou de refuser des embranchements aux riverains et même de refuser des wagons aux embranchés; que, propriétaire de son chemin de fer, elle avait à cet égard une entière liberté d'action, et que son droit de propriété n'était limité que quant aux frais de transport qui ne pouvaient excéder le tarif approuvé par l'administration ; — Attendu que, dans un tel état de choses, les sieurs Duchamp et consorts ne pourraient se soustraire à la taxe de location des wagons de la compagnie sur leurs embranchements qu'autant que ladite compagnie par des acies antérieurs à 1857, se serait expressément obligée à fournir son matériel roulant aux embranchés en dehors des limites de son chemin de fer et gratuitement; mais qu'il n'existe aucune stipulation de cette naturé dans les actes invoqués par les embranchés ;-Par ces motifs, etc. »

Appel principal par le sieur Duchamp, et appel incident par la compagnie de Lyon à la Méditerranée; mais, le 21 juill. 1864, arrêt de la Cour de Lyon qui confirme en adoptant les motifs des premiers juges.

POURVOI en cassation de la part de la compagnie du chemin de fer, pour violation de l'art. 42 du cahier des charges annexé au décret du 19 juin 1857 et de l'arrêté du 24 juill. 1860, en ce que l'arrêt attaqué a décidé que le concessionnaire d'un embranchement sur la ligne de Saint-Etienne avait droit au libre parcours sur toutes les lignes de fer annexées à celle-ci par le décret de 1857, sans payer sur ces lignes le droit de réexpédition.

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