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D'ailleurs l'article 191 du code de commerce détermine la nature des créances privilégiées : l'article 192 détermine la manière de conserver les priviléges. Celui qui peut invoquer les dispositions de ces deux articles a donc un privilége légalement établi; et comme le privilége suppose nécessairement une créance dont il n'est que l'accessoire et la garantie, il s'ensuit évidemment que la créance et le privilége, constitués aux termes des articles 191 et 192, ne peuvent être paralysés par l'article 232; autrement il faudrait accuser le législateur d'une contradiction frappante, ce qui n'est pas permis.

JUGEMENT.

« Attendu qu'aux termes de l'article 192, §. 6 du code de commerce, l'armateur seul du navire a le droit d'accorder un privilége aux fournisseurs de victuailles, en arrêtant le compte de fournitures visé par le capitaine;

<< Attendu que le sieur Raspal a toujours conservé le titre et la qualité d'armateur du brick l'Aimable Pauline; que cela résulte à la fois des déclarations faites soit à la douane, soit à la marine, des procès-verbaux de visite du navire provoqués par le capitaine Michel lui-même, et surtout de la charte-partie passée, le 15 juillet 1824, où le sieur Raspal a expressément conservé le titre d'armateur et où le sieur Brés n'a pris que celui d'affréteur;

«Attendu que la qualité d'armateur ne saurait résulter pour le sieur Brés de ce que les victuailles et les salaires de l'équipage ont été mis à sa charge; que ce n'est là qu'une augmentation de fret à laquelle le sieur Raspal a entendu soumettre le sieur Brés, sans lui en faire l'avance; mais qu'on ne saurait en induire une autorisation au sieur Brés

d'acheter les victuailles à crédit et de compromettre ainsi, à l'insu du sieur Raspal, la propriété du navire ;

<< Attendu que si, d'après l'article 232 du code de commerce, le capitaine, dans le lieu de la demeure des propriétaires, ne peut, sans leur autorisation spéciale, faire travailler au radoub du navire, acheter des voiles, cordages pour le navire et emprunter à la grosse, il est impossible d'admettre qu'un capitaine choisi par l'affréteur seul ait pu, de concert avec ce dernier, conférer à qui que ce soit un privilége sur le navire et même une action personnelle contre le sieur Raspal, action aux conséquences de laquelle il ne pourrait se soustraire que par l'abandon du navire et du fret;

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Attendu, au surplus, que le sieur Millou n'a point entendu traiter avec l'armateur du briek Aimable Pauline, puisque ce n'est que sous le titre d'affréteur qu'il a traité avec Brés, ainsi que cela résulte de l'intitulé même du compte;

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Que si, en arrêtant ledit compte, Brés a pris à la fois la qualité d'affréteur et d'armateur, cette dernière qualité ne lui appartenait point, et qu'il ne suffit pas qu'il se la soit donnée, sans le consentement du sieur Raspal, pour pouvoir obliger celui-ci envers le sieur Millou, qui n'a jamais traité qu'avec le sieur Brés;

LETRIBUNAL déboute le sieur Millou de sa demande et le condamne aux dépens.

Du 5 juillet 1825.--Prés. M. Paul AUTRAN.--Plaid. MM. CAMOIN-VENCE pour le sieur Millou, NEGRE pour Raspal (1).

(1) Le premier du même mois, un autre jugement conforme avait été rendu dans la cause entre le sieur Plendoux, boulanger, et le sieur Raspal.

Vente. - Lingots. - Titre. Essayeur: Garantie.

Dépens.

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LE vendeur de lingots d'or ou d'argent paraphés et numérotés par un essayeur du commerce, doit-il garantie à l'acheteur, à raison des differences qui pourraient exister dans le titre, lors-même que ces lingots ont été reçus sans réclamation ni réserve? (Rés. nég.)

L'action en garantie, dans un tel cas, n'est-elle ouverte que contre l'essayeur qui a paraphé les lingots? (Rés. aff.)

Dans le même cas, l'acheteur qui succombe dans sa demande contre son vendeur, doit-il les dépens nonseulement de l'instance principale, mais encore de celles en garantie et contre-garantie? (Rés. aff.) (Pignatel frères contre Loubon, Martel et Giraudy.)

LE sieur Giraudy, essayeur du commerce à Marseille, pour les matières d'or et d'argent, avait paraphé et numéroté huit lingots d'argent.

Ces lingots avaient été vendus par le sieur Martel au sieur Loubon, et par ce dernier aux Srs Pignatel frères.

Le 16 juillet 1824, les sieurs Pignatel frères font assigner le sieur Loubon devant le tribunal de commerce de Marseille.

Ils prétendent que les huit lingots ayant été soumis à la vérification des essayeurs jures à Paris, il avait été reconnu que les titres étaient différens entre eux et différens encore de ceux cotés à Marseille; d'où il résultait que ces lingots n'étaient point no

mogènes, et qu'il était nécessaire de les refondre pour connaitre leur véritable titre.

En conséquence, ils demandent d'être autorisés à remettre les mêmes lingots à l'administration des monnaies à Paris, à l'effet de les fondre, de les essayer et d'obtenir leur véritable titre par toutes les opérations convenables, même celle de l'affinage.

Ils demandent, par suite, que, sur la production du certificat de l'administration des monnaies, il soit procédé au réglement définitif soit de la valeur des lingots, soit des dommages-intérêts soufferts et à souffrir, et dans lesquels seraient compris : 1o Les frais de transport;

2o Les frais de l'essai fait à Paris ;

3o Les intérêts de la valeur des lingots;

4° La différence qui existerait entre leur prix et leur valeur après la refonte, abstraction faite de la différence des tities;

5° Tous les frais de refonte et d'essai qui seraient payés à l'administration des monnaies à Paris.

Le sieur Loubon appelle dans l'instance le sieur Martel, son vendeur, et il demande garantie contre lui.

Le sieur Martel appelle le sieur Giraudy, essayeur du commerce, et il demande pareillement garantie.

Le défendeur principal et le premier défendeur à la garantie soutiennent, de concert, que l'acheteur de lingots paraphés et numérotés par un essayeur n'a point d'action contre son vendeur, à raison de la différence qui peut se rencontrer dans le titre; mais qu'il a seulement une action contre l'essayeur, qui est la tierce personne à laquelle les parties s'en sont rapportées pour fixer la valeur de l'objet vendu

et qui, d'après la loi, est responsable de l'erreur, s'il en existe.

La vente des lingots d'or ou d'argent, disent-ils, ne se fait qu'après que leur titre a été constaté par des essayeurs commissionnés par le gouvernement, et qui apposent sur chaque lingot un poinçon portant leur nom et un numéro d'ordre.

Le poinçon est donc le passeport sur la foi duquel les lingots circulent dans le commerce: c'est l'attestation légale de leur titre et de leur valeur.

Celui qui vend des lingots ainsi poinçonnés fixe donc le prix sur la valeur déterminée par l'essayeur.

Celui qui veut les acheter a bien la faculté de réclamer un second essai, à l'encontre du vendeur, avant que la vente soit consommée.

Mais une fois que la vente est parfaite et qu'elle a été suivie d'exécution, l'acheteur n'a plus de recours contre le vendeur : il ne conserve d'action qu'à l'encontre de l'essayeur.

Ce résultat est consacré par la disposition de l'article 1642 du code civil, suivant lequel le vendeur n'est pas tenu des vices dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

Qu'on admette un système contraire, et le contrat de vente sera dénaturé, et l'on ouvrira la porte à une foule d'inconvéniens.

En effet, le contrat de vente est synallagmatique ; d'où il suit que la plus parfaite égalité doit régner dans la condition des contractans.

Si donc l'acheteur conservait contre le vendeur une action tendante à faire réparer une erreur ou différence sur le titre des lingots, le vendeur devrait conserver la même action contre son acheteur.

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