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provision de chauffage au lieu de la consommer lui-même; parce que le propriétaire est là pour garder sa forêt, la défendre ou la garantir contre la crainte de ce maraudage; qu'ici l'action du propriétaire, soit qu'il exerce sa surveillance lui-même, soit qu'il la fasse exercer par d'autres, est toujours assez éclairée pour ne pas exiger l'intervention immédiate d'une législation spéciale qui sorte des règles du droit commun. Qu'en nous replaçant, ou plutôt en nous laissant sur ce point dans l'ordre du droit privé, le législateur s'abstient, avec raison, de tout ce qui touche à l'administration de la fortune des citoyens, parce qu'il sait très-bien que, s'il voulait tout régir, tout serait fort mal administré.

CHAPITRE LXXXVI.

Du Droit d'affouage.

3237. Le sujet de ce chapitre est un des plus importans dont nous ayons à nous occuper, puisqu'il intéresse la généralité des habitans de toutes les communes qui ont des bois communaux en coupes réglées : la matière en est, toute neuve, parce que , parce que n'ayant jamais été doctrinalement traitée, elle n'est encore que l'objet d'une routine peu éclairée; et ce qui le prouve, c'est un défaut absolu d'uniformité dans la jurisprudence des préfectures où les mêmes questions sont souvent résolues en des sens diamétralement opposés. Cependant les principes à suivre dans cette matière sont les mêmes pour tous et pour tous les lieux ; mais ils ne sont pas assez connus, parce qu'on ne les a point encore éclaircis en partant de notions élémentaires qui puissent facilement en donner la véritable intelligence. C'est là la tâche que nous nous proposons de remplir dans ce chapitre qui, pour plus de méthode et de clarté, sera divisé en six sections.

Dans la première, nous examinerons ce que c'est que le droit d'affouage, et quelle est sa nature propre et particulière.

Dans la seconde, nous verrons quelles sont

les espèces de bois auxquelles le droit d'affouage doit être appliqué.

Dans la troisième, nous ferons voir par qui, à qui, et comment l'affouage doit être

délivré.

Dans la quatrième, nous examinerons comment il doit être réparti aux habitans, après la délivrance.

Dans la cinquième, nous ferons voir quelle est l'autorité compétente pour prononcer sur les difficultés qui peuvent s'élever touchant la distribution des affouages.

Dans la sixième, nous verrons dans quelles circonstances et comment il peut être permis aux municipalités de vendre leurs affouages.

Enfin, nous ajouterons plusieurs questions particulières dont le développement et la solution seront propres à faire sentir encore mieux les vrais principes de la matière.

SECTION I.

Quelle est la nature propre et particulière du droit d'affouage?

3258. Le mot affouage, dit M. Baudrillart dans son dictionnaire des eaux et forêts, paraît provenir de focus, foyer, lieu où l'on fait le feu; et ce qui le fait croire, ajoute-t-il, c'est qu'en Provence celui d'affouagement indique une répartition par feux.

Ce mot est tiré du composé de la préposition ad et du mot focum, et on l'applique au

bois destiné à être apporté sur le foyer, ad focum, pour y être consommé, en sorte que le droit d'affouage, étymologiquement pris, est, comme le dit Ducange, jus cædendæ sylva domesticos in usus.

Comme nous l'avons déjà dit ailleurs, le par tage des terres a commencé par les cultures. Les portions de territoires non défrichées sont restées indivises, et par conséquent soumises à la jouissance commune des habitans. Ce droit de jouissance appartient donc à chacun de ceux-ci, pour satisfaire à leurs besoins et pour toutes leurs aisances, et il leur appartient aussi incontestablement que celui de propriété appartient au corps de la commune, parce que les terrains non partagés ne furent réservés en commun, que pour le service de tous les habitans du lieu et de leurs successeurs : il n'est donc pas plus vrai de dire qu'une TELLE forêt appartient à une TELLE commune considérée ut universitas, qu'il n'est vrai d'affirmer que le produit de la même forêt appartient aux habitans ut singuli, parce que c'est là sa destination.

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C'est ce droit que les habitans ont au produit des forêts de leurs communes que nous appelons droit d'affouage, et qui fait le sujet du présent chapitre.

5259. Si nous remontons aux temps les plus reculés où les bois étaient plus communs et la population moins considérable, et où il n'y avait ni règlemens établis sur les forêts, ni gouvernemens réguliers constitués dans les com

munes, nous voyons que chaque habitant avait le droit d'aller couper à volonté dans la forêt communale, pour s'y approprier tout ce qui était nécessaire à ses besoins et à ses aisances; qu'en agissant ainsi il ne pouvait encourir aucun réproche tant qu'il n'abusait pas au préjudice de ses communiers, parce qu'il ne faisait que jouir de son droit; et qu'il ne pouvait se rendre répréhensible pour avoir manqué à quelques règlemens là où il n'y en avait point encore.

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Si de-là nous arrivons dans le moyen âge et après que les communes ont été mises en possession de leur gouvernement intérieur, nous les voyons établies en corps délibérans, administrer leurs forêts et en distribuer annuellement le produit aux habitans, suivant les bases adoptées par elles-mêmes dans leur régime municipal. Durant cette seconde période de temps, nous voyons bien que les communes, considérées comme étant perpétuellement en minorité, étaient déjà sous la tutelle de nos Rois; qu'il leur était défendu d'aliéner leurs propriétés foncières autrement qu'avec les formalités requises pour l'aliénation des biens des mineurs et avec l'approbation du Gouvernement, et qu'enfin nos Princes ont, par des ordonnances multipliées, pourvu à leur réintégration dans la possession des biens communaux par elles aliénés en temps de détresse; mais nous ne voyons pas que l'autorité publique se fût encore mêlée, d'une manière directe, du régime intérieur des bois des communes, ni de la délivrance et distribution

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