ment n'imprime pas à celui qui a été condamné, la qualité de posses- · seur précaire. (Art. 147, C.P.C.) (Baronne d'Auxion C. les communes de Cazeaux, Saint-Aventin et Castillon.)-ARRÊT. LA COUR (1); Attendu qu'en seize cent quatre-vingt-six, le vicomte de Larboust (2) appela les syndics et communautés de la vallée de Larboust devant la table de marbre du Parlement de Toulouse, à raison de délits et de dégradations qu'il leur imputait d'avoir commis dans les forêts de cette vallée ; · Attendu que par un premier jugement du vingt-cinq janvier seize cent quatre-vingt-sept, la table de marbre maintint par provision les communes dans la jouissance des montagnes et forêts de la vallée, conformément à la transaction du vingt-un août seize cent quarante-cinq; Attendu que le quatre août seize cent quatre-vingt-sept, la table de marbre statuant définitivement, (3) ordonna l'exécution du jugement de la réformation du cinq mai seize cent soixante-dix, et attribua en conséquence la propriété des forêts et montagnes au vicomte de Larboust, et en même temps déclara, par une réserve équivalente, d'après ses termes, à une décision explicite et formelle, que les habitants n'avaient que des usages dont ils jouiraient conformément à la sentence arbitrale de quinze cent soixante-sept, et aux transactions des vingt-trois mai quatorze cent trente-cinq et vingt-un août seize cent quarante-cinq; -Attendu que cette sentence est régulière en la forme, qu'elle est conforme à toutes celles qui ont été rendues par cette juridiction pendant plusieurs années, et dont les minutes sont aux archives de la Cour, et qu'elle est émanée des juges institués pour la constitution de la table de marbre; -Attendu qu'elle est intervenue après instruction par écrit, ainsi l'indiquent les documents du procès, qu'elle a été, par conséquent, suivant les usages de l'époque, rendue en chambre du conseil, sans prononciation à l'audience (4) qu'elle était en premier ressort, ce que n'ose presque pas contester l'appelante; et qu'elle n'a été signifiée ni à partie, ni à procureur; - Attendu, en effet, sur le défaut de signification, qu'il n'est produit aucun acte de notification, ni même aucune que (1) Je retranche comme inutiles à la question de doctrine plusieurs considérants dans lesquels la Cour tire, des actes et des faits, la conséquence qu'avant et après la réformation de 1670, pendant la procédure devant la table de marbre, et jusques à la sentence du 4 août 1687, les communes étaient propriétaires et jouissaient propriétairement. Cette appréciation de fait n'apporte aucune modification au point de droit jugé par la Cour. Il suffit d'ailleurs de la constater. (2) Auteur de madame la baronne d'Auxion. (3) Et contradictoirement. (4) En fait, la sentence du 4 août porte qu'elle a été rendue après plaidoiries. Aucune sentence des tables de marbre n'était écrite sur dictum. Le caractère mixte de cette juridiction criminelle et civile ne lui permettait pas de suivre les usages des parlements, ni les règles de l'ordonnance de 1667. C'était une tout autre législation que celle des eaux et forêts. -Cette question de droit ancien intéressant fort peu mes lecteurs et ne pouvant, à mon sens, exercer aucune influence sur la question que j'ai posée en tête de cette notice, je n'y reviendrai plus dans mes observations. -- pièce dans laquelle il soit mentionné que la signification ait eu lien que (ici la Cour examine des actes desquels madame d'Auxion chercherait à induire que la sentence avait été levée, et qu'elle avait été signifiée aux communes ); — Attendu qu'on oppose en vain les art. 3 et 5, titre 14, de l'ordonnance de 1669 pour en conclure que les jugements de la table de marbre, tant au civil qu'au criminel, devaient être frappés d'appel dans le mois, sans quoi ils passaient en force de chose jugée; que ces articles font courir le délai à partir de la prononciation à l'audience pour les jugements rendus en cette forme, et à partir de la signification pour ceux rendus en chambre du conseil ; que dans l'espèce le jugement n'ayant été ni prononcé ni signifié, ne peut même, d'après ces articles, avoir acquis la force de la chose jugée; Attendu qu'un jugement en premier ressort, non encore exécuté ni même signifié, ne peut être considéré comme l'équivalent d'un contrat formé par la convention des parties; qu'un tel contrat est définitif et irrévocable, qu'il est la loi des contractants dès qu'il est intervenu; tandis qu'un jugement en premier ressort ne lie pas encore le condamné, et permet seulement à la partie qui l'a obtenu, de contraindre ses adversaires à subir la condamnation et à la laisser passer en force de chose jugée ou à l'attaquer par appel; mais qu'une pareille sentence ne frappe pas tellement le condamné qu'elle ait contre lui une exécution virtuelle et immédiate par le fait seul de son existence, et qu'elle restreigne ou altère de plano ses droits, avant qu'il y ait acquiescé, ou que son adversaire ait rempli les formalités nécessaires pour l'y contraindre; de telle sorte qu'après trente années, lorsque le jugement serait prescrit, le condamné à qui son adversaire n'aurait rien demandé, restât définitivement dans les liens du jugement; que celui qui est condamné en première instance, s'il est laissé en possession de l'objet litigieux, n'a pas à prendre les devant contre le jugement; qu'il peut attendre les poursuites de l'autre partie, en se réservant de les arrêter par un appel aussitôt qu'elles se produiront; Attendu qu'on cherche inutilement à distinguer entre l'action judicati, et l'exception rei judicatæ ; que, dans l'espèce et sans qu'il soit besoin de rechercher quelles sont les différences entre ces cas, il suffit de signaler que ce n'était pas l'exception, mais l'action dont avait à se prévaloir le vicomte de Larboust; que les communes jouissaient de la pleine propriété des montagnes et forêts; que cette jouissance excédait évidemment les droits que leur auraient conférés de simples usages, surtout des usages consistant dans la prise du bois mort et du mort bois; que c'était donc au seigneur d'exercer l'action judicati, non-seulement pour le recouvrement des dépens, mais aussi pour se faire réintégrer dans la propriété du fonds et dans la jouissance des fruits non atteints par les usages, et pour forcer ainsi les communes à subir la qualité d'usagères et à se renfermer dans la limite de leurs besoins; Attendu, d'ailleurs, qu'aux termes de l'art. 11, titre 35, de l'ordonnance de 1667, toute sentence sur procès par écrit ne produit d'effet qu'après avoir été signifiée; Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les communes de Castillon, Cazeaux et St-Aventin n'ont jamais subi les effets du jugement du quatorze août seize cent quatrevingt-sept; qu'elles ont conservé leur ancienne propriété des immeubles en litige, et qu'elles auraient même acquis, par la possession régulière qu'elles ont exercée, cette propriété si elles ne l'avaient pas eue auparavant ; - Attendu que c'eût été contre la qualité d'usagères que les communes n'eussent pu prescrire, si elles en avaient été frappées ; mais qu'il n'en est pas de même du jugement; que celui-ci s'est trouvé prescrit à défaut de signification et d'exécution dans les trente années; qu'il est impossible d'admettre que cette décision, qui est restée constamment sans exécution, reprenne tout à coup force et valeur un siècle et demi après sa date, et qu'à l'aide d'une signification tardivement faite en mil huit cent quarante-quatre, il ait été au pouvoir de la baronne d'Auxion de la faire passer à l'état de chose souverainement jugée; Attendu (la Cour déclare ici que la sentence n'a pas été exécutée, que les communes ont toujours joui comme propriétaires depuis cette sentence, comme elles l'avaient fait auparavant), que les communes ont ainsi en leur faveur leur titre de propriété de seize cent quarante-cinq et leur longue possession conforme, tandis que l'appelante n'a que le jugement du cinq mai seize cent soixante-dix, étranger aux communes, et la sentence du quatre août seize cent quatre-vingtsept qui a perdu toute valeur à défaut d'exécution; Par ces motifs, sans s'arrêter aux conclusions de la baronne d'Auxion, met l'appel au néant. Du 28 nov. 1846.1 ch.-MM. Legagneur, p.p.-Chauveau Adolphe, Féral, Dabeaux et Fourtanier, av. OBSERVATIONS. - Je persiste, comme auteur, dans le système que j'ai soutenu devant la Cour de Toulouse. Je ne croirai jamais qu'en droit celui qui plaide pour faire valoir un titre qu'il prétend lui attribuer la propriété rende sa position pire (1); qu'un jugement contradictoire et définitif ne vaille pas un simple acte privé; que la déclaration solennelle de la justice ne soit rien tant qu'elle n'est pas signifiée. L'on remarquera sans doute que si on excepte le motif tiré subsidiairement de l'article 11 du titre 35 de l'ordonnance 1667, les diverses considérations sur lesquelles s'est appuyée la Cour de Toulouse seraient applicables à un arrêt non levé ni signifié comme à un jugement en premier ressort. Devant la Cour, j'invoquais l'opinion de trois célèbres jurisconsultes, MM. RAVEZ, DUVERGIER et DE VATIMESNIL. Leurs consultations ont été imprimées, en voici quelques extraits: I.- La chose jugée est un fait indépendant de la signification qui la constate et à l'authenticité duquel il participe. La chose jugée est donc en elle-même un fait authentique. (RAVEZ.) II. Tout jugement contradictoire est un contrat judiciaire qui a la même efficacité qu'une convention volontaire; il fixe, aussi longtemps qu'il subsiste, les qualités et les droits sur lesquels il a prononcé. (RAVEZ.) II. En règle générale, l'exécution d'un jugement et d'un con (1) Neque enim deteriorem causam nostram facimus actionem exer→ cenes, sed meliorem..... litis contestatio contrà jus est et obligatio nova..... (L. 39. ff. de nov. et deleg.) trat est prescrite par trente ans de silence et d'inaction; mais ce principe est absolument inapplicable aux contrats et aux jugements entre propriétaires et usagers... Les communes ne sont censées avoir possédé que conformément aux contrats et aux jugements communs entre elles, madame d'Auxion et son auteur. Leur possession continuait donc pour elles et pour cette dame, et conservait les droits mutuels des intéressés, sans renouvellement de titres, sans significations interruptives d'une prescription qui ne pouvait pas courir. (RAVEZ.} IV.- Un jugement est un titre. Ce titre est susceptible de prescription dans les mêmes cas que les autres titres, et, réciproquement, il est imprescriptible dans les cas où tout autre titre serait imprescriptible... Si le jugement a interprété des titres antérieurs, et que le tout soit produit simultanément, le jugement s'incorpore dans ces titres, car il est de principe que les jugements sont déclaratifs et non attributifs de droits. L'interprétation donnée par le jugement est donc censée écrite dans l'acte interprété, en sorte que ce jugement et cet acte forment un ensemble qui est imprescriptible, comme l'est en général tout. titre portant que les habitants sont simples usagers. (DE VATIMESNIL.) La détention des communes n'a jamais été qu'une détention à titre précaire. Il ne peut y avoir aucun doute à cet égard; car la chose jugée proclame, non des vérités nouvelles, mais des vérités préexistantes. C'est ce qu'expriment les jurisconsultes en disant que les jugements ne sont pas constitutifs mais déclaratifs des droits des parties. (DUVERGIER.) V. La contestation en cause opère une sorte de novation. (L.29, ff. de Novationibus et la loi dernière au Code cod.) Aussi, quand un jugement a interprété un acte de concession de droit d'usage, la situation des parties est la même que si elles avaient passé un nouvel acte qui contiendrait l'interprétation donnée par le jugement. VI. — Quant aux objections tirées de ce que la sentence n'était pas en dernier ressort, et de ce qu'elle n'a pas été signifiée, elles ne méritent pas d'être réfutées, car il est évident qu'un jugement, même susceptible de recours, fait la loi des parties, tant que le recours n'est pas exercé; et quant au défaut de signification, il n'ôte rien au jugement de sa force... L'absence de cette formalité n'empêche pas qu'un jugement qui maintient un droit ou une possession, ne produise, quant à ce droit ou cette possession, l'exception de la chose jugée. (DE VaTIMESNIL.) VII. Le fait des communes qui aurait produit l'interversion de leur titre, qui aurait changé leur qualité d'usagères en celle de propriétaires, ou plutôt qui aurait manifesté l'intention de posséder animo domini, au lieu de posséder à titre précaire, ce fait a été anéanti par le jugement, et il est véritablement absurde de prétendre que le fait constitutif de l'interversion reprend sa force et sa puissance, parce que trente années se sont écoulées depuis que le jugement a été rendu. (DUVERGIER.) VIII. La chose jugée, c'est la révélation de la justice et de la vérité par la décision des magistrats, et si l'on s'est servi de ces expressions, force et autorité de la chose jugée, c'est celui indiquer que pour qui a succombé peut être contraint à subir la décision rendue par l'ac tion des pouvoirs constitués, par l'emploi de la force publique. (DuVERGIER.) IX. Ce qui est raisonnable, ce qui est juste, ce qui est conforme à la pensée qui préside nécessairement à toute bonne organisation judiciaire, c'est de dire que dès que le juge inférieur a prononcé, il y a chose jugée, sauf à la partie condamnée à se pourvoir devant le juge supérieur, à faire réformer la première sentence, et à lui enlever ainsi l'autorité et la force provisoires qu'elle avait et qui ne pouvaient lui être refusées... Un législateur qui voudra mettre quelque logique et quelque sagesse dans ses dispositions, se gardera bien d'adopter cet étrange système, où la chose jugée par le premier tribunal ne serait qu'une décision sans autorité, une chose insignifiante, quoiqu'elle ne fût pas attaquée par la voie de l'appel, par cela seul qu'elle pourrait l'être. (DUVERGIER.) (1). X. Le jugement qui se horne à attribuer une qualité peut, plus que tout autre, être considéré comme passé en force de chose jugée, dès qu'il est rendu, et tant qu'il n'est pas attaqué... Cette déclaration doit être considérée comme une vérité tant que la voie légale pour la faire rétracter n'est pas employée. (Duvergier.) XI. Que signifie Un jugement s'identifiant à un titre contesté? (Expression du tribunal de première instance.) Les jugements proclament les droits qui résultent des titres. C'est précisément parce qu'il y a contestation, qu'il faut que les juges prononcent, et il serait bien étrange que la contestation, qui a précédé le jugement, fût une raison pour lui refuser l'effet qu'il est destiné à produire, et que le doute subsistât après l'acte de la puissance publique qui a proclamé la vérité, et que la lutte continuât après que la condamnation des prétentions de l'une des parties a été prononcée. (DUVERGIER.) On peut indiquer à l'appui de cette doctrine, POTHIER, Traité des Obligations, n° 853; TOULLIER, t. 10, nos 97 et 99; PIGEAU, liv. 2, part. 2, tit. 2, chap. 1er. § 1er; PROUDHON, t. 3, p. 281, no 1302; CuRASSON, Compétence des juges de paix, t. 2, p. 564; et PONCET, Traité des Jugements, t. 1er, p. 9, 17, 20, 29 et 39. En définitive, comme le Journal des Avoués est consacré à éclairer les hommes de pratique sur la procédure qu'ils doivent conseiller à leurs clients, je les invite à ne jamais consentir à l'exécution volontaire d'un jugement qui condamne un possesseur précaire pour avoir troublé celui qui se dit véritable propriétaire. L'exécution volontaire, dans ce cas, ne résulte habituellement que du paiement des frais à l'avoué; la quittance demeurant entre les mains de la partie condamnée, rien ne prouve l'exécution; or s'il arrivait que le possesseur précaire voulût encore plaider après trente années de la date du jugement rendu, le proprié (1) M. Duvergier cite ici la loi romaine si précise : « Sententia igitur et resjudicata differunt tanquam causa et effectus. Nam sententia facit rem judicatam, et quidem non omnis sententia sed ea demùm quæ justa est et definitiva, nec provocatione suspensa. L. 1. ff. de Re judicatâ. |