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cité électorale, alors même que le candidat ne serait pas inscrit sur la liste électorale; il n'empiète pas sur le contentieux de la liste électorale, car sa décision ne conférera point le droit de vote (Cons. d'Ét., 15 mars 1878, Election de Moyenneville; 26 nov. 1892, Élection de Rougemontot) (1); 2o Ea matière de capacité des électeurs, en principe, le juge de l'élection est lié par les énonciations de la liste électorale, c'est-à dire qu'il ne peut pas retrancher les votes d'individus inscrits sous le prétexte qu'ils seraient indûment inscrits. Mais à ce principe il y a des exceptions: ale juge a le droit de retrancher le vote d'individus qui, aux termes de la loi elle-même, ne doivent pas voter quoique inscrits; tels sont les militaires en activité de service, les citoyens inscrits sur plusieurs listes électorales, les condamnés qui n'ont pas été rayés, etc. (2); b) le juge de l'élection a le droit de déclarer indûment inscrits sur la liste électorale des électeurs qui n'y auraient été inscrits qu'en vertu d'une manœuvre électorale (Jurisprudence parlementaire; Cons. d'Ét., 9 déc. 1893, Élection de Paris, faubourg Montmartre ; 4 mai 1906, Élection de Saint-Jeandes-Mauvrets).

C. Des pouvoirs du juge. Il faut distinguer suivant que les vices entachent l'opération de l'élection considérée comme manifestation de la volonté des électeurs, ou seulement l'opération matérielle du calcul des voix : 1o Dans le premier cas, le juge n'a qu'un pouvoir d'annulation. Ainsi, s'il y a incapacité de l'élu ou bien faits de pression, le juge ne peut que casser l'élection, il ne pourrait point proclamer élu un autre. andidat; 2o en ce qui concerne l'opération du calcul des voix, le juge a un pouvoir de réformation, en ce sens qu'il peut réformer les décisions des autorités administratives qui ont proclamé les résultats du scrutin, si ces décisions sont erronées (3).

(1) En tant que l'éligibilité dépend de questions d'état, de domicile, de nationalité, de parenté ou d'alliance, d'interdiction, de faillite, de dation d'un conseil judiciaire, de condamnation pénale douteuse, le juge de l'élection doit renvoyer l'examen de la diffiPité au tribunal judiciaire, à titre de question préjudicielle (Cf. Laferrière, op. cit., t. II, p. 338; Cons, d'Ét., 5 févr. 1906, Élection de Soleymieux).

(2) Il n'en serait pas de même, d'après M. Laferrière (op. cit., t. II, p. 332), des mineurs, des étrangers, des personnes non domiciliées dans la commune, indùment inscrits « parce qu'aucune disposition de loi ne leur défend de voter et ne contredit à leur égard la présomption de capacité qui résulte de leur inscription sur la liste ».

(3) Il faut cependant distinguer les hypothèses: a) La commission de recensement avait proclamé X..., alors que, vérification faite, c'est Y... qui a la majorité; le juge reformera la décision et proclamera élu Y... ; — b) La commission de recensement avait déclaré qu'il n'y avait pas élection au premier tour et fait procéder à un second tour, alors qu'en réalité il y avait élection au premier tour; le juge annulera le second tour de scrutin et proclamera élu le candidat qui avait obtenu la majorité au premier tour; e La commission de recensement avait déclaré à tort qu'il y avait élection au premier tour; le juge annulera complètement l'élection, il ne se bornera pas à prescrire un second tour: en effet, le second tour de scrutin n'a de sens que s'il suit à une courte distance le premier tour, or, ici, à raison des lenteurs de la procédure, il s'est forcément écoulé un long intervalle (Cons. d'Ét., 25 oct. 1878; 9 nov. 1883).

Cette différence de pouvoirs, tantôt d'annulation, tantôt de réformation, s'explique facilement. Dans l'hypothèse où l'opération du calcul des voix seule est viciée, la volonté des électeurs reste certaine, ce sont de pures opérations administratives qui avaient été mal faites, il est naturel qu'elles soient refaites. Au contraire, toutes les fois que le vice touche à l'élection même, le juge ne peut substituer sa décision à celle du corps électoral, il ne peut que provoquer une nouvelle consultation. On sait bien que la volonté des électeurs a été viciée, mais on ne sait pas ce qu'elle eût été si elle n'eût pas été viciée.

D. De la procédure. Des réclamations doivent être formées, elles sont portées devant certaines juridictions et jugées suivant certaines formes.

a) Des réclamations électorales. Le droit de former une réclamation appartient: 1° à tous les électeurs de la circonscription (1); 2o aux candidats, même s'ils ne sont pas électeurs (Cons. d'Ét., 23 févr. 1906, Élection de Travinch); 3° aux membres de l'assemblée élue, sauf pour les élections au conseil d'arrondissement (2); 4° au Gouvernement, représenté soit par le préfet, soit par le ministre ou même par un délégué spécial pour les élections législatives. La réclamation gouvernementale ne peut s'appuyer que sur l'inobservation des formes et conditions légales (3). Les réclamations ou protestations peuvent être formées au moment même du vote, et alors elles sont inscrites au procès-verbal du scrutin (4); elles peuvent aussi être formées après coup. Pour les élections législatives il n'y a point de délai, elles peuvent être formées tant qu'il n'a pas été statué. Pour les élections au conseil général, délai de dix jours, le préfet a un délai de vingt jours depuis le moment où il a reçu les procès-verbaux (5). Pour les élections au conseil d'arrondissement, délai de cinq jours (6), le préfet a quinze jours depuis la réception des procès-verbaux (7). Pour les élections au conseil municipal, mêmes délais (8). Les réclamations sont affranchies du timbre

et de l'enregistrement; il n'y a aucune forme imposée; elles doivent être seulement signées; il n'est pas nécessaire que la signature soit légalisée (Cons. d'Ét., 27 févr. 1905, Election de Saint-Donnat).

b) Des juridictions compétentes. Pour les élections au conseil général du département, la juridiction compétente est le Conseil d'État en

(1) L. 10 août 1871, art. 15, modifié par la loi du 31 juillet 1875, al. 1; L. municip., art. 37, al. 1.

(2) L. 22 juin 1833, art. 51, L. 10 août 1871, art. 15.

(3) L. 10 août 1871, art. 15 in fine, modifié par la loi du 31 juillet 1875; L. municip.. art. 37, al. 3; D. R. 2 février 1852, art. 16; L. 22 juin 1833, art. 51.

(4) L. municip., art. 31 et 37.

(5) L. 10 août 1871, art. 15 modifié par la loi du 31 juillet 1875.

(6) L. 22 juin 1833, art. 51.

(7) L. 22 juin 1833, art. 50. (8. L. 5 avril 1884, art. 37.

premier et en dernier ressort (L. 31 juill. 1875). Pour les élections au conseil d'arrondissement, c'est le conseil de préfecture avec appel au Conseil d'État dans le délai de deux mois (L. 22 juin 1833, art. 50-54; L. 22 juill. 1889, art. 57). Pour les élections au conseil municipal, c'est également le conseil de préfecture avec appel au Conseil d'État dans le délai d'un mois (L. 5 avr. 1884, art. 37 et s.). Pour les élections aux conseils généraux des colonies et aux conseils municipaux des communes coloniales, c'est le conseil du contentieux de la colonie avec appel au Conseil d'État (1).

Formes de procédure. Pour les conseils généraux, voir la loi du 31 juillet 1875. Pour les conseils d'arrondissement, voir la loi du 22 juin 1833, art. 50-54. Pour les élections municipales, voir la loi du 5 avril 1884, art. 37 et suiv. Le caractère général de ces procédures est que l'affaire se juge d'urgence et sans frais (2).

Observation. C'est un principe universellement admis l'exerque cice provisoire demeure à ceux dont l'élection est attaquée (L. 15-27 mars 1792, art. 9). En conséquence, les membres des assemblées dont l'élection est contestée doivent être convoqués aux sessions, prendre part aux délibérations, toucher l'indemnité s'il y en a une. Mais dès que l'annulation de l'élection est définitive, ayant été prononcée par le Conseil d'État, ils ne doivent plus participer à aucune délibération, alors même que l'annulation ne leur aurait pas encore été notifiée (Cons. d'Ét., 9 févr. 1912, Gonod).

Appendice. Les crimes et delits électoraux (D. 0. 2 févr. 1852; L. 30 mars 1902 (3).

(1) Pour les élections aux conseils de prud'hommes, le conseil de préfecture, L. 1er juin 1853; pour les élections des délégués à la sécurité des ouvriers mineurs, le conseil de préfecture, L. 8 juili. 1890; pour les élections des délégués à la caisse de secours des mineurs, le juge de paix, L. 29 juin 1894, etc.

(2) L. 10 août 1871, art. 16, modifié par la loi du 31 juillet 1875, L. 22 juin 1333, art. 53; L. 5 avr. 1884, art. 40, al. 6. On trouvera une théorie générale du contentieux electoral au point de vue de la procédure, dans Laferrière, Juridict. adm., II, p. 349 et s.

(3) Ces crimes et délits sont relatifs : 1° aux inscriptions frauduleuses sur la liste électorale (D. 0. 1852, art. 31; L. 7 juill. 1874, art. 6); 2o à l'exercice illégal du droit de vote (D. O. 1852, art. 23, 33, 34); 3o à la violation des collèges ou des urnes (D. O. 1852, art. 37, 41, 45, 46, 47); 4° aux soustractions, additions, altérations de bulletins D. O. 1852, art. 35 36): 5o à la corruption ou à la contrainte électorale (D. O. 1852, art. 38, 39; L. 2 août 1875, art. 19; L. 30 nov. 1875, art. 3); 6° aux fausses nouvelles, manœuvres et diffamations (D. O. 1852, art. 40; L. 29 juill. 1881, art. 27); 7° aux falsifications du scrutin (L. 30 mars 1902).

Les crimes et délits électoraux donnent lieu à une action publique et à une action civile qui peut être mise en mouvement par tous les électeurs de la circonscription (L. 15 mars 1849, art. 123); action publique et action civile sont prescrites par trois mois à partir du jour de la proclamation du résultat de l'élection, même en cas de crime (D. O. 1852, art. 50).

Les condamnations prononcées en matière électorale ne portent pas atteinte à l'indé

§ 3. Exercice de la fonction élective. Théorie générale des assemblées délibérantes administratives.

Les représentants investis par l'élection sont des membres d'assemblées délibérantes. L'exercice de leur fonction les conduit à constituer ces assemblées et à prendre part à leurs travaux, c'est donc la théorie générale des assemblées délibérantes administratives qui doit être faite ici. Elle sera construite avec les règles communes au Sénat, à la Chambre des députés, aux conseils généraux de département, aux conseils d'arrondissement, aux conseils municipaux, aux conseils de colonies, et ces règles seront puisées dans les lois organiques diverses, car il n'y a pas de loi générale sur la matière (1).

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Définition. Caractères. Les assemblées délibérantes sont des autorités administratives composées de plusieurs membres élus formant corps, dont la fonction est de prendre des délibérations à la majorité des voix.

Les assemblées délibérantes sont des institutions corporatives douées d'une individualité administrative très forte. Les Chambres législatives ont même une dotation en propriété (Cf. note dans Sirey, 1899. 3. 145 sous Cons. d'Ét., Jolly); les conseils généraux et les conseils municipaux sont admis à ester en justice devant le Conseil d'État (Cons. d'Ét.. 8 août 1872, Laget; L. 5 avr. 1884, art. 67). Cette individualité corporative assure aux assemblées délibérantes une existence continue; elles ne siègent point d'une façon permanente, mais, même quand elles ne sont pas en session, l'administration quotidienne est faite sous leur influence (Instr. de l'Ass. nat., 8 janv. 1790).

A. L'organisation des assemblées délibérantes. Le nombre des membres dont une assemblée délibérante doit être composée est fixé par la loi. En général, il est en rapport avec la population de la circonscription représentée (2). Selon que les communes sont plus ou moins peuplées, elles ont plus ou moins de conseillers municipaux (3). Il n'en est pas de même pour les conseillers généraux, leur nombre n'est pas directement en rapport avec le chiffre de la population du département, il dépend du nombre des cantons; chaque canton n'élit qu'un conseiller, quelle que soit sa population (4).

Les membres des assemblées délibérantes sont nommés pour un certain intervalle de temps, en général assez court, après lequel ils doivent être

pendance du juge du contentieux de l'élection et ne le forcent point à annuler l'élection (V. sur ces points, E. Pierre, Le droit politique, p. 261).

(1) Bien entendu, chaque assemblée délibérante sera étudiée de nouveau à sa place. (2) L. 9 déc. 1884, art. 1°, pour le Sénat; L. 13 févr. 1889, art. 2 et 3, pour la Chambre des députés.

(3) L. 5 avr. 1884, art. 10.

(4) L. 10 août 1871, art. 4.

renouvelés. Pour les unes, le renouvellement est intégral comme pour la Chambre des députés et les conseils municipaux (1); pour les autres, il est par séries, comme pour le Sénat où il y a trois séries renouvelables de trois en trois ans; comme pour les conseils généraux et les conseils d'arrondissement où il y a deux séries renouvelables également de trois en trois ans (2) (3).

Les membres d'une assemblée peuvent être indéfiniment réélus à cette même assemblée (L. 10 août 1871, art. 21).

En principe, une assemblée délibérante doit toujours être au complet. Si donc, il se produit quelque vide par suite du décès ou de la démission de quelque membre ou de quelque autre cause, il doit être procédé, dans la circonscription dont le représentant a disparu, à une élection complémentaire, à moins que l'on ne soit à la veille d'un renouvellement intégral ou du renouvellement d'une série (V. Règles particulières à chaque assemblée) (4).

Toutes les assemblées délibérantes autres que le Sénat peuvent être dissoutes par le pouvoir exécutif : la Chambre par un décret appuyé d'un vote du Sénat (5), les conseils généraux, les conseils d'arrondissement, les conseils municipaux par des décrets individuels rendus avec des formalités diverses (6). La loi prescrit des délais pour les élections nouvelles (7).

B. Le fonctionnement des assemblées délibérantes.

I. Des sessions. - Les assemblées délibérantes ont des sessions, pendant lesquelles elles tiennent des séances consacrées à des délibérations.

La session est un certain intervalle de temps pendant lequel une assemblée peut legalement tenir des séances. Il ne faut pas confondre session avec séance, malgré l'ambiguïté du mot réunion par lequel la loi

(1) L. 30 novembre 1875, art. 15; L, 5 avril 1884, art. 41. (2) L. 9 décembre 1881, art. 7; L. 10 août 1871, art. 21.

(3) Le renouvellement par série assure davantage la permanence de l'assemblée: on peut dire que le Sénat est toujours le même ou du moins se modifie très lentement, tandis qu'une Chambre nouvellement élue peut ne pas ressembler à sa devancière. Le renouvellement intégral assure mieux la représentation de l'opinion. Au fond, il est bon que les deux systèmes soient employés concurremment dans les deux Chambres.

(4) V. pour le Sénat, L. 2 août 1875, art. 22, modifié par la loi du 9 décembre 1884; pour la Chambre des députés, L. 30 novembre 1875, art. 16 et L. 16 juin 1885, art. 7: pour le conseil général, L. 10 août 1871, art. 22. Par exception au principe, on ne procède à des élections complémentaires pour le conseil municipal, que lorsqu'il manque le quart des conseillers, ou même, si l'on se trouve dans les six mois qui précédent le renouvellement intégral, lorsqu'il en manque plus de la moitié (L. 5 avr. 1884, art. 42), à moins qu'il n'y ait à élire un maire ou un adjoint, etc.

(5) L. const. 25 février 1875, art. 5.

(6) L. 10 août 1871, art. 35, 36; L. 5 avril 1884, art. 43. Ces décrets doivent être individuels; il ne saurait y avoir, par voie de mesure générale, dissolution de tous les conseils généraux ou de tous les conseils municipaux de France. L. 10 août 1871, art. 36, § 3; L. 5 avr. 1884, art. 49 pr.: « un conseil municipal ».

(7) V. les textes cités, notes 1 et 2; L. 5 avr. 1884, art. 45.

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