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En effet, la faute commise par le vendeur, susceptible de motiver contre lui l'application de dommages-intérêts, ne pouvait avoir pour conséquence la perte d'une partie de sa propriété (1) (Id.).

Et une anticipation, si minime qu'elle soit, constitue une atteinte au droit de propriété (2) (Id.).

(Soc. Le Touquet Syndicate limited
C. Chanut).

Au cours de difficultés qui s'étaient élevées entre la Société Le Touquet Syndicate limited et M. Chanut, qui avait acheté de cette société un lot de terrains à bâtir, sur lequel il avait élevé des chalets, la société, prétendant que, par ses constructions, M. Chanut avait excédé les limites du terrain à lui vendu, a demandé la démolition de la partie des constructions qui excédait ces limites. Après expertise, il est intervenu, le 5 mai 1907, un jugement du tribunal civil de Montreuil, décidant notamment qu'il y avait eu faute commune tant de la société que de M. Chanut, relativement à la délivrance de l'alignement en suite duquel M. Chanut avait construit; que, pour cette raison, et aussi pour la bonne foi reconnue de M. Chanut, il n'y avait pas lieu d'ordonner la démolition des constructions, l'anticipation étant d'ailleurs de minime importance. Sur appel, ce jugement a été, en ce qui concerne le refus d'or tonner la démolition des constructions, confirmé, par adoption de motifs, par arrêt de la Cour de Douai du 29 déc. 1909.

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toute construction ou à faire enlever toute plantation faite par son voisin, et empiétant sur son fonds, quelque minime que soit pour lui le dommage résultant de cet empiétement. V. Cass. 22 avril 1823 (S. et P. chr.); 26 juill. 1841 (sol. implic.) (S. 1841. 1.836. P. 1841.2.565); 25 oct. 1897 (S. et P. 1898. 1.324; Pand. pér., 1898.1.118); 15 juill. 1901 (S. et P. 1902.1.217), la note (4° col.) de M. Naquet et les renvois; 16 juin 1903 (S. et P. 1905.1,329).

Mais le droit du propriétaire de faire enlever les constructions qui empiètent sur son terrain, quelque minime que soit l'empiétement commis, existe-t-il aussi bien lorsque le voisin qui a élevé les constructions a été de bonne foi que lorsqu'il a été de mauvaise foi? En d'autres termes, l'art. 555, C. civ., qui restreint le droit du propriétaire, sur le fonds duquel il a été élevé des constructions ou fait des plantations, d'en demander la suppression, au cas de mauvaise foi de celui qui a élevé les constructions ou fait les plantations, le propriétaire du fonds n'ayant, dans le cas de bonne foi, qu'une option entre le remboursement de la valeur des matériaux et de la main-d'oeuvre, et le remboursement de la plus-value acquise à son fonds, - est-il applicable à cette hypothèse? Nous avons exposé, dans la note sous Cass. 1€ juin 1903, précité, l'état de la jurisprudence et de la doctrine sur cette question délicate et très controversée. L'arrêt du 16 juin 1903, qui vise expressément l'art. 555, dans une hypothèse où le constructeur était de mauvaise foi, a pu et doit,

application des art. 1382 et 1383, C. civ., en ce que l'arrêt attaqué, tout en reconnaissant que le défendeur éventuel avait élevé des constructions empiétant sur la propriété de la société exposante, a néanmoins refusé d'en ordonner la démolition, sous prétexte du peu d'importance de l'empiétement, et en ajoutant qu'en outre, il y aurait eu faute commune entre les parties relativement à l'alignement de la construction élevée par le défendeur éventuel sur le terrain par lui acheté de la société exposante, alors que ni un prétendu défaut d'intérêt, ni l'existence d'une prétendue faute commise dans l'accomplissement d'une obligation de faire, cette faute fût-elle régulièrement établie, ne peuvent en aucun cas faire échec au droit de propriété, et en entraîner la perte même partielle.

--

ARRÊT (apr. délib, en ch. du cons.). LA COUR; Sur le moyen unique: Vu l'art. 545, C. civ.; Attendu qu'aux termes de cet article, nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique; Attendu que l'arrêt attaqué, adoptant les motifs des premiers juges, constate que Chanut, acquéreur de la Société Le Touquet d'un terrain, à Paris-Plage, en bordure des rues de Montreuil et de Moscou, établies par ladite société pour les besoins de son lotissement, a empiété, dans ses constructions, sur le sol de ces rues, à concurrence de 2 m. 11 déc. 50 cent. carrés; Attendu que, tout en reconnaissant que la Société n'avait pu se rendre compte de cette anticipation, et que Chanut, en construisant, avait commis une faute, parce que les difficultés éprouvées pour lui donner un alignement lui conseillaient de ne construire qu'avec certitude d'être dans

croyons-nous, être interprété comme admettant l'application de cet article au cas de constructions empiétant sur le terrain d'autrui. V. la note, n. II, in fine, et n. III sous cet arrêt.

L'arrêt ci-dessus n'a pas eu à se prononcer sur cette question, et l'on n'en pourrait tirer aucun argument en faveur de l'une ou l'autre des opinions qui se sont produites sur l'application de l'art. 555 au cas de constructions empiétant sur la propriété voisine. L'arrêt attaqué avait refusé d'ordonner la démolition par deux motifs : le premier était tiré de ce que la démolition aurait été hors de toute proportion avec le préjudice insignifiant causé au propriétaire du terrain usurpé, ce qui était en contradiction avec la jurisprudence ci-dessus rappelée, un propriétaire ne pouvant être dépouillé de sa propriété sous le prétexte que l'anticipation qui avait été commise était de minime importance. Le second motif était tiré de ce que, le propriétaire, qui avait empiété sur le terrain contigu, ayant commis une faute, en construisant sans s'assurer des limites de son terrain, le propriétaire dont le terrain avait été usurpé, et qui était une société de lotissement de terrains, demeurée propriétaire des terrains contigus à ceux qu'elle avait aliénés, et sur lesquels il avait été élevé des constructions, avait, de son côté, apporté de la négligence dans la délivrance de l'alignement qui lui avait été demandé par l'acheteur avant de construire, en telle sorte que l'anticipation était la conséquence d'une faute commune au constructeur et au propriétaire voisin. Pas plus

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CASS.-REQ. 23 décembre 1912. VENTE (EN GÉNÉRAL), RÉSOLUTION, PAIEMENT DU PRIX (DÉFAUT DE), PORTION MINIME (Rép., vo Vente, n. 2017, 2085 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 2297 et s.).

La résolution de la vente pour défaut de paiement du prix peut être prononcée, quelle que soit la portion du prix qui n'a pas été payée (3) (C. civ., 1654).

(Cons. Pélissier C. Vincent et autres). ARRÈT.

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que le premier, ce motif ne pouvait justifier le refus par l'arrêt attaqué d'ordonner la démolition; la faute du propriétaire voisin ne pouvait avoir pour effet de le dépouiller de son droit de propriété sur le terrain usurpé (C. civ., 545).

L'arrêt attaqué n'avait donc pas légalement justifié sa décision, et c'est pour cette raison qu'il a été cassé, sans que la Cour de cassation ait eu à se prononcer sur l'application de l'art. 555, C. civ., au cas de constructions empiétant sur le terrain d'autrui (1-2) V. la note qui précède.

(3) La doctrine est unanime à décider que le vendeur est fondé à exercer l'action en résolution pour défaut de paiement du prix, quelque minime que soit la partie du prix qui lui reste due. V. Toullier, t. 16, n. 450; Aubry et Rau, 5° éd., t. 5, p. 150, § 356, texte et note 23; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 24, n. 337; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 5 éd., t. 2, n. 1558; Troplong, l'ente, t. 2, n. 642; Guillouard, Id., t. 2, n. 569; Baudry-Lacantinerie et Saignat, Id., 8° éd., n. 537; notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 1654, n. 9; et notre Rep. gén. du dr. fr., v Vente, n. 2017; Pand. Rep., eod. verb., n. 2306. La rigueur de cette règle est d'ailleurs tempérée par le droit conféré aux tribunaux d'accorder un délai convenable à l'acheteur pour se libérer (C. civ., 1655, 2o). V. Guillouard, op. et loc. cit.; notre C. civ. annoté, sur l'art. 1655, n. 3; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 2085 et s.; Pand. Rep. verb. cit., n. 2354 et s.

violation des art. 1654 et 1655, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810 (en ce que l'arrêt attaqué a fait droit à la demande formée par les vendeurs en résolution de la vente pour défaut de paiement de la totalité du prix, alors que les vendeurs avaient été payés d'une partie importante du prix par suite de la délégation qui leur avait été consentie par les acquéreurs, dans le contrat de vente, du montant des bordereaux de collocation délivrés dans un ordre clôturé) : Attendu que la résolution de la vente pour défaut de paiement du prix peut être prononcée, quelle que soit la portion du prix qui n'a pas été payée; Attendu que, pour déclarer résolue la vente litigieuse, l'arrêt attaqué constate, d'une part, que les acquéreurs, qui sont entrés en possession des biens vendus en 1900, n'ont encore rien payé à la date du jugement, 13 avril 1910, d'autre part, que, s'il y a lieu de déduire du prix de vente le montant des bordereaux de collocation délivrés aux acquéreurs et délégués par eux au vendeur sur le prix d'adjudication des immeubles vendus, qui avaient été antérieurement frappés de saisie, ils devaient encore, sur le prix de vente, s'élevant à 16.060 fr., la somme de 2.148 fr.; Attendu qu'ainsi motivé, ledit arrêt n'a violé ni les art. 1654 et 1655, C. civ.. ni l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810: Rejette le pourvoi contre l'arrêt rendu le 7 mars 1911 par la Cour de Nimes, etc.

MM. Ta

Du 23 déc. 1912. — Ch. req. non, prés.; Lardenois, rapp.; Eon, av. gén. (concl. conf.); Bailby, av.

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(1) Une jurisprence constante décide que le moyen tiré de ce que la solidarité a été à tort prononcée est nouveau, et ne peut être soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation, lorsqu'il n'a pas été soumis aux juges du fond. V. Cass. 13 janv. 1857 (S. 1857.1.81. P. 1857.398); 20 mai 1879 (S. 1881.1.452. P. 1881.1.1172); 26 nov. 1900 (S. et P. 1901.1.224), et les renvois. V. d'ailleurs, sur les cas dans lesquels le moyen peut ou non être considéré comme ayant été soumis aux juges du fond, la note et les renvois sous Cass. 26 nov. 1900, précité.

(2-3-4) Le moyen tiré du défant d'autorisation de la femme mariée pour ester en justice est d'ordre public, et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation. V. Cass. 29 oct. 1912 (2 arrêts) (Supra, 1re part., p. 17), la note de M. Ruben de Couder et les renvois. Mais la nullité ne peut être invoquée que par la femme, son mari, et ses héritiers, et non par ses co-intéressés, quand la matière est divisible. V. Cass. 4 août

tion de femme mariée, n. 53 et s., 475 et s., 722 et s.; Pand. Rep., v Mariage, n. 1626 et s., 2392 et s.).

1o Le moyen tiré de ce que la solidarité a été à tort prononcée par les premiers juges contre les débiteurs ne peut être invoqué devant la Cour de cassation, alors qu'il n'apparait point des conclusions prises en appel que le demandeur en cassation ait soulevé le moyen devant les juges du fond (1) (C. civ., 1202).

2 Si, l'incapacité de la femme mariée relativement au droit d'ester en justice étant d'ordre public, le moyen peut être présenté en tout état de cause, même devant la Cour de cassation, c'est seulement par la femme, le mari ou ses héritiers, mais non par les cointéressés de la femme, alors que la matière est divisible (2) (C. civ., 215, 225, 1125).

Spécialement, ce moyen ne peut être soulevé par celui qui a été condamné solidairement avec la femme mariée, l'obligation solidaire, aux termes de l'art. 1213, C. civ., se divisant de plein droit entre les débiteurs (3) (C. civ., 215, 225, 1213).

Vainement le coobligé de la femme se prévaudrait de ce que la condamnation solidaire l'aurait constitué créancier de la femme, la condamnation solidaire n'ayant fait naître à son profit qu'une créance éven tuelle et non encore exigible (4) (C. civ., 225, 1125, 1166, 1213, 1214).

(Boigeol C. Laugier).

MM. Boigeol, Bonnefon et Mme Anastay, qui avaient vendu à M. Laugier des marchandises à livrer en 1909, ont été assignés par celui-ci devant le tribunal de commerce d'Aix, à raison de l'inexécution d'une partie des livraisons, en résiliation partielle du marché et en dommages-intérêts. Par jugement du 13 déc. 1909, le tribunal a fait droit à cette demande, en condamnant les trois défendeurs conjointement et solidairement aux dommagesintérêts réclamés, et la Cour d'Aix a confirmé ce jugement par arrêt du 22 avril 1910.

POURVOI en cassation par M. Boigeol.

1884 (S. 1885.1.477. - P. 1885.1.1145), et les renvois. Adde, Suppl. à notre C. civ. annoté, par Griffond, sur l'art. 225, n. 6 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Autorisation de femme mariée, n. 767; Pand. Rep., v Mariage, n. 2392. Or, dans l'espèce, si le demandeur au pourvoi, qui invoquait devant la Cour de cassation le défaut d'autorisation, avait été condamné solidairement avec la femme, cette condamnation, aux termes de l'art. 1213, se divisait de plein droit entre les débiteurs, en telle sorte que, dans leurs rapports entre eux, il n'y avait ni solidarité ni indivisibilité.

Le demandeur au pourvoi prétendait, à la vérité, avoir le droit d'opposer le défaut d'autorisation, non comme co-intéressé de la femme, mais comme créancier de celle-ci, à raison du recours qu'il pourrait avoir contre elle par suite de la condamnation prononcée solidairement entre eux. Mais, sans qu'il y eût à prendre parti sur la question très discutée de savoir si les créanciers des

1er Moyen. Violation des art. 215, 216, 1166, 1200, C. civ., 7 de la loi du 20 avril 1810, manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a prononcé une condamnation contre une femme mariée non autorisée à ester en justice.

20 Moyen. Violation des art. 1200, 1202, C. civ., 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et excès de pouvoir, en ce que l'arrêt attaqué a prononcé sans la motiver une condamnation solidaire, alors surtout qu'elle n'était point demandée.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il n'apparait aucunement des conclusions prises en appel par le demandeur qu'il ait soulevé devant la Cour le moyen tiré de ce qu'il avait été prononcé contre lui par le tribunal une condamnation solidaire à des réparations civiles envers le défendeur éventuel; d'où il suit que ce moyen, n'ayant pas été soumis au juge du fait, doit être déclaré irrecevable;

-

Sur le premier moyen : Attendu que. si, l'incapacité de la femme mariée relativement au droit d'ester en justice étant d'ordre public, le moyen peut être présenté en tout état de cause, même devant la Cour de cassation, c'est seulement par la femme, le mari et ses héritiers, mais nullement par les cointéressés de la femme, lorsque la matière est divisible, ce qui était le cas de l'espèce actuelle, aux termes de l'art. 1213, C. civ.; Attendu, d'autre part, que le sieur Boigeol, actuellement en état de liquidation judiciaire, n'a conclu qu'en présence de son liquidateur, lequel a déclaré s'en rapporter à justice; qu'enfin, agissant au nom de la dame Anastay, sa coassociée, le susnommé n'avait contre elle qu'une créance éventuelle et non encore exigible; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé, aucun des articles invoqués n'ayant été violé; - Attendu, au surplus, que la décision attaquée est régulièrement motivée ; Rejette, etc. Du 7 janv. 1913. Ch. req. MM. Tanon, prés.; Loubers, rapp.; Eon, av. gén. (concl. conf.); Balliman, av.

époux ont qualité pour opposer le défaut d'autorisation du chef de leur débiteur, et en vertu de l'art. 1166, C. civ. (V. à cet égard, Cass. 10 mai 1853, S. 1853.1.572. P. 1853.1.524; 6 mars 1878, S. 1878.1.324. P. 1878.795, et les renvois. Adde, Beudant, Cours de dr. civ.; Etat et capacité des pers., t. 1, n. 469, note; Baudry-Lacantinerie et Houques-Fourcade, Des pers., 3° éd., t. 3, n. 2348 et 2349; notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 225, n. 37 et s., et Suppl., par Griffond, sur l'art. 225, n. 8; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 779 et s.; Pand. Rep., verb. cit., n. 2392 et s.), il suffisait, pour faire écarter cette prétention, de faire observer que le demandeur au pourvoi n'était pas, du chef de la condamnation solidaire, créancier de la femme; il ne le pouvait devenir que par l'exécution intégrale de la condamnation, lui ouvrant un recours contre la femme; jusque-là, il ne pouvait exercer les droits de la femme, dans les termes de l'art. 1166, faute d'être créancier.

CASS.-CIV. 26 février 1913.

TITRES AU PORTEUR, PERTE, VOL, OPPOSI TION, PUBLICATION AU BULLETIN OFFICIEL », AGENTS DE CHANGE, INTERMÉDIAIRES, BANQUIER, ETABLISSEMENT DE CRÉDIT, RÉTENTION, DESSAISISSEMENT, RESPONSABILITÉ (Rép., vo Valeurs mobilières, n. 675 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 446 et s.).

Il résulte de l'ensemble de la loi du 15 juin 1872, modifiée par la loi du 8 févr.

(1-2) La chambre civile, dans l'arrêt ci-dessus, tranche une importante question, relative aux effets de l'opposition sur les titres au porteur. La chambre des requêtes, dans un arrêt du 13 févr. 1884 (S. 1886.1.419. — P. 1886.1.1023; Pand. chr.), au rapport de M. le conseiller Lepelletier, avait déjà décidé que l'agent de change, détenteur de titres au porteur frappés d'opposition dans les formes prescrites par la loi du 15 juin 1872 (depuis modifiée par la loi du 8 févr. 1902), non seulement n'est pas tenu de les restituer à celui qui les lui a remis, tant qu'il n'a pas été statué sur le mérite de l'opposition, mais que, de plus, il ne saurait s'en dessaisir, en dehors de l'opposant, sans exposer sa responsabilité envers ce dernier. La chambre civile confirme et complète la doctrine de l'arrêt du 13 févr. 1884, précité. Elle applique aux intermédiaires autres que les agents de change la solution que l'arrêt de la chambre des requêtes avait donnée pour les agents de change, et décide que, de même que les agents de change, les intermédiaires, détenteurs de titres au porteur frappés d'opposition, ne sauraient s'en dessaisir. en dehors de l'opposant, sans exposer leur responsabilité, et que, par suite, leur résistance à une demande en restitution des titres, formée par celui qui les a déposés entre leurs mains, est légitime. Elle décide de plus, dans les motifs de son arrêt, que, si la règle est la même pour les intermédiaires que pour les agents de change, la responsabilité de ceux-ci est plus aisément engagée que celle des autres intermédiaires. Le seul fait de la publication de l'opposition au Bulletin officiel des oppositions saisit les valeurs qui en sont frappées, et les immobilise entre les mains de l'agent de change, qui doit donc être déclaré responsable, dès lors qu'il s'est dessaisi des titres au mépris de l'opposition. Au contraire, au regard des autres intermédiaires, l'opposition ne produit les effets qui y sont attachés, et notamment celui d'obliger les intermédiaires à les retenir, malgré toute demande en restitution du déposant, que lorsque les intermédiaires en ont connaissance ». L'opposant, autorisé, du seul fait de la publication de son opposition au Bulletin officiel, à actionner en responsabilité l'agent de change qui se sera dessaisi des titres, ne pourra agir en responsabilité contre un intermédiaire autre qu'un agent de change qu'à la condition d'établir que celui-ci connaissait l'existence de l'opposition, lorsqu'il s'est dessaisi des titres.

L'arrêt de la chambre civile mérite d'autant plus d'attirer l'attention que, depuis l'arrêt de la chambre des requêtes du 13 févr. 1884, précité, la controverse avait persisté sur l'étendue des obligations que la publication d'une opposition crée aux dépositaires et détenteurs des titres frappés d'opposition. Une grande partie de la doctrine enseignait et enseigne encore que tout dépositaire ou détenteur de titres frappés d'opposition, non seulement n'est pas obligé de les retenir jusqu'à ce qu'il soit ANNÉE 1913. 4 cah.

1902, et du but qu'elle a voulu atteindre, que les agents de change et tous autres intermédiaires, détenteurs de titres au porteur frappés d'opposition, ne sauraient s'en dessaisir, en dehors de l'opposant, sans exposer leur responsabilité envers ce dernier. En effet, l'opposition, formée en vertu de la loi de 1872, par le seul fait de son inscription au Bulletin officiel des oppositions, saisit les valeurs qui en sont frappées et les immobilise entre les mains des agents de change; et elle produit les mêmes effets entre les mains des autres intermé

statué sur le mérite de l'opposition, mais qu'il engagerait sa responsabilité vis-à-vis de celui qui les lui a remis, s'il se refusait à les restituer. V. en ce sens, Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 4o éd., t. 2, 1 part., n. 633; Wahl, Tr. des titres au porteur, t. 2, n. 1058; Buchère, Tr. des opérations de bourse, n. 915; Deloison, Tr. des valeurs mob., n. 599; Bézard-Falgas, Contentieux des oppositions sur titres, n. 250; Waldmann, Profession d'agent de change, 2° éd., n. 384 et s. V. aussi en ce sens, Paris, 10 janv. 1882 (Journ. des val. mob., 1882, p. 400).

En faveur de cette thèse, on s'est prévalu tout d'abord du silence de la loi de 1872. Si l'art. 10 de cette loi (non modifié par la loi du 8 févr. 1902), impose à l'établissement débiteur, auquel sont présentés ou qui détient des titres au porteur frappés d'opposition, l'obligation de les retenir, aucune disposition, ni de la loi du 15 juin 1872, ni de la loi du 8 févr. 1902, ne formule pareille exigence à l'égard de tous autres. L'obligation de retenir les titres ne saurait donc, sans arbitraire, leur être imposée. Il s'ensuit que les intermédiaires autres que l'établissement débiteur peuvent, sans encourir aucune responsabilité, remettre les titres frappés d'opposition à ceux de qui ils les tiennent. V. Lyon-Caen et Renault, op. et loc.

cit.

On a ajouté que donner à l'opposition, faite dans les formes des lois des 15 juin 1872 et 8 févr. 1902, l'effet d'immobiliser, entre les mains des intermédiaires autres que l'établissement débiteur, les titres frappés d'opposition, ce serait, sans un texte qui le prescrive, transformer l'opposition en une véritable saisie-arrêt, qui, contrairement aux dispositions des art. 557 et s., C. proc., aurait lieu sans titre ni permission du juge, et qui, à la condition du renouvellement de la publicité dans les formes établies par les lois des 15 juin 1872 et 8 févr. 1902, produirait indéfiniment ses effets, sans qu'il fût nécessaire de former, dans les délais impartis par les art. 563 et s., C. proc., en matière de saisie-arrêt, une instance en validité. V. Waldmann, op. cit., n. 305. V. aussi, Buchère, op. cit., n. 915, p. 626.

Aucune des raisons invoquées n'est, à notre avis, de nature à justifier le droit que l'on prétend en faire ressortir, pour l'intermédiaire qui détient des titres frappés d'opposition, de s'en dessaisir entre les mains de celui qui les lui a remis, sans tenir compte de l'opposition.

Il n'est pas douteux que le but de la loi du 15 juin 1872, et la protection qu'elle a voulu assurer au propriétaire dépossédé, seraient singulierement méconnus, si le porteur de titres frappés d'opposition était en droit d'exiger leur remise entre ses mains par l'intermédiaire auquel il les a confiés. Leur négociation en France demeurerait impossible, puisque l'établissement débiteur, s'ils lui parvenaient, devrait les retenir; mais rien n'empêcherait le porteur des titres, une fois la remise

diaires, lorsque ceux-ci en ont connaissance (1) (LL. 15 juin 1872, art. 10, 11 et 12; 8 févr. 1902).

Par suite, ne commet aucune faute, et ne saurait, en conséquence, être condamné à des dommages-intérêts, l'établissement de crédit, dépositaire de titres pour le compte d'un de ses clients, qui, informé, par la publicité du Bulletin, de l'existence d'une opposition sur les titres déposés, se refuse à les restituer au déposant (2) (C. civ., 1382, 1938; LL. 15 juin 1872; 8 févr. 1902).

obtenue de l'intermédiaire, autre que l'établissement débiteur, chez qui il les avait déposés, de les négocier à l'étranger, et de paralyser ainsi les effets de l'opposition. La protection de la loi, comme l'observation en a été faite par M. le conseiller Lepelletier dans son rapport précité sur l'arrêt de Cass. 13 févr. 1884, deviendrait quelque peu platonique, et les précautions qu'elle a prises dans l'intérêt du propriétaire dépossédé pourraient même se retourner contre lui, puisque l'intermédiaire, ne pouvant retenir les titres frappés d'op. position, serait naturellement incité à ne pas les accepter, s'il s'apercevait, au moment où ils lui sont présentés, qu'ils figurent au Bulletin officiel des oppositions, en telle sorte que l'opposant perdrait une des chances qu'il pouvait avoir de rentrer en possession des titres.

La loi du 15 juin 1872 n'a, il est vrai, par aucune disposition, prescrit aux intermédiaires de retenir les titres frappés d'opposition qui parviendraient entre leurs mains; mais son intention de leur imposer cette obligation ressort de la pensée dont elle s'est inspirée, et qui a été de protéger le propriétaire de titres au porteur contre les chances de perte ou de vol, de l'ensemble de ses dispositions, qui ont été combinées pour assurer cette protection, et de la publicité qu'elle a organisée, et dont la raison d'être est d'avertir de la réclamation formée par le propriétaire dépossédé, non seulement ceux qui peuvent être appelés à négocier les titres, mais aussi, s'agissant de valeurs au porteur dont la transmission s'opère de la main à la main, tous ceux entre les mains desquels ces titres peuvent passer.

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Pour que l'opposition n'eût pas cet effet d'im. mobiliser le titre entre les mains de ceux qui le détiennent, tant qu'il n'a pas été statué sur le mérite de l'opposition, il faudrait que les règles du droit commun y missent obstacle. On l'a soutenu; mais il est aisé de démontrer que, si la loi du 15 juin 1872 a, comme nous le pensons, immobilisé les titres entre les mains des détenteurs, elle n'a fait qu'appliquer, en la généralisant, une disposition du Code civil. Aux termes de l'art. 1938, en effet, si le dépositaire découvre que la chose (déposée) a été volée, et quel en est le véritable propriétaire, il doit dénoncer à celui-ci le dépôt qui lui a été fait, avec sommation de le réclamer dans un délai déterminé et suffisant. Si celui auquel la dénonciation a été faite néglige de réclamer le dépôt, le dépositaire est valablement déchargé par la tradition qu'il en fait à celui duquel il l'a reçu Les interprètes ne sont pas pleinement d'accord sur la portée de cette disposition, les uns décidant que l'application doit en être restreinte aux choses volées (V. en ce sens, Aubry et Rau, 4 éd., t. 4, p. 625, § 403, note 15; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 27, n. 120; Pont, Petits contrats, t. 1, n. 490; Troplong, Dépôt et séquestre, n. 144; Baudry-Lacantinerie et Wahl, Societe, prét. dépôt, 3 éd., n. 1133; et notre C. civ. annote,

Ire PART. 26

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M. Roch, banquier à Marseille, avait déposé, en 1907, à la succursale du Comptoir national d'escompte de cette ville, un certain nombre d'obligations de Panama à lots libérées. Le Comptoir d'escompte, peu de temps après, a appris, par la publication au Bulletin des oppositions, que plusieurs des titres déposés étaient frappés d'opposition, et, quand M. Roch en a réclamé la restitution, il a refusé de s'en dessaisir, par le motif que la publication de l'opposition lui faisait une obligation de retenir les titres frappés d'opposition pour les remettre à qui il serait ordonné par justice. M. Roch a assigné le Comptoir d'escompte en dommages-intérêts devant le tribunal civil de Marseille, qui a admis la demande par un jugement du 12 déc. 1907,

par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 1938, n. 1), d'autres, au contraire, enseignant que l'art. 1988, malgré ses termes en apparence restrictifs, doit être étendu au cas de choses simplement perdues. V. Colmet de Santerre (contin. de A.-M. Demante), Cours, anal. de C. civ., t. 8, n. 150 bis, I; Guillouard, Dépôt, n. 101. Mais, quelle que soit la solution à laquelle on s'arrête, ce qu'il faut retenir, c'est que le Code civil a formellement prévu un cas où, en dehors d'une saisie-arrêt régulière, une chose dont la propriété est contestée peut être immobilisée entre les mains de celui qui la détient. Si donc la loi du 15 juin 1872 a, comme nous en sommes convaincus, entendu immobiliser, entre les mains des intermédiaires, les titres au porteur frappés d'opposition, sans qu'il soit besoin de recourir aux formes de la saisie-arrêt, il n'y a rien là qui soit contraire aux principes généraux du droit. Bien au contraire, ainsi que le disait notre savant maître, M. Labbé, dans une note sous Cass. 5 mai 1874 (2 arrêts) (S. 1875.1.49. - P. 1875. 113), il est conforme aux principes généraux du droit de dire que « tout mandataire, ou dépositaire, ou détenteur, qui reçoit une opposition de la part de celui qui se prétend propriétaire de l'objet détenu, ne doit pas se dessaisir de la chose frappée d'opposition, il ne doit pas en disposer, il doit attendre la décision de la justice. S'il se met hors d'état de rendre à qui par justice sera ordonné, il le fait à ses risques et périls ». C'est de ce principe d'équité que la loi du 15 juin 1872 a fait, à notre avis, application aux intermédiaires détenteurs de titres frappés d'opposition.

On insiste, en faisant valoir que l'opposition, faite dans les formes de la loi du 15 juin 1872, frappera indéfiniment les titres d'indisponibilité entre les mains de l'intermédiaire, et qu'ainsi les prescriptions très sages du Code de procédure civile, qui a voulu qu'en matière de saisie-arrêt, l'instance en validité fût introduite dans un délai très court, seront méconnues. Il suffit, pour répondre à cette objection, de faire observer que c'est la volonté du législateur qui a, pour les titres au porteur perdus ou volés, dispensé le propriétaire dépossédé de recourir aux formes de la saisie-arrêt pour arrêter les titres entre les mains des détenteurs, en substituant à cette procédure la forme de l'opposition publiée au Bulletin officiel. Mais, en outre, il n'est pas exact de dire que les titres sont frappés par l'opposition d'une indisponibilité indéfinie. D'une part, en effet, faute par l'opposant, à l'expiration de l'année au cours de laquelle l'opposition aura été

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que la loi du 15 juin 1872 ne crée une présomption de faute, pour le cas de négociation ou de transmission d'une valeur frappée d'opposition, qu'à l'égard des seuls agents de change; que faire résulter de l'opposition une sorte d'immobilisation de cette valeur entre les mains de tous les tiers détenteurs, quels qu'ils soient et à quelque titre qu'ils détiennent, c'est étendre l'application de la loi à des cas qu'elle a entendu laisser en dehors de ses prévisions; qu'en ce qui concerne les intermédiaires autres que les agents de change, tels que les établissements de banque ou de crédit, ils ne sont responsables de leurs opérations que dans les termes du droit commun, s'ils commettent une faute rentrant dans les prévisions de l'art. 1382, C. civ.; Attendu que la seule conséquence de la loi du 15 juin 1872. à l'égard

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faite, de renouveler le paiement de la rétribution annuelle due pour la publication de l'opposition, celle-ci cesse d'être insérée au Bulletin officiel des oppositions (L. 15 juin 1872, art. 11, modifié par la loi du 8 févr. 1902), et la circulation des titres redevient libre; d'autre part, il appartient au porteur des titres frappés d'opposition, s'il estime l'opposition mal fondée, d'en poursuivre contre l'opposant la mainlevée, au moyen de la procédure simplifiée qui a été organisée par les art. 17 et 18 ajoutés par la loi du 8 févr. 1902 à la loi du 15 juin 1872.

Nous pouvons donc conclure que les intermédiaires, dépositaires ou détenteurs de titres au porteur frappés d'opposition, sont tenus de les retenir jusqu'à mainlevée de l'opposition, sans pouvoir les restituer à celui qui les leur a remis.

C'est, comme nous l'avons rappelé, ce que la chambre des requêtes avait décidé, par l'arrêt précité du 13 févr. 1884, pour les agents de change (V. dans le même sens, Aubry et Rau, 5o éd., t. 2, p. 169, § 183 bis, note 23; Baudry-Lacantinerie et Tissier, Prescription, 3° éd., n. 946; Crépon, Négociation des effets publics, n. 160 et s.; et notre C. comm. annoté, par Cohendy et Darras, t. 1o, p. 379, sur l'art. 10 de la loi du 15 juin 1872, n. 1), et les raisons mêmes qui justifiaient cette solution en ce qui concerne les agents de change, l'imposent également en ce qui concerne les autres intermédiaires, comme l'a justement reconnu la chambre civile dans l'arrêt ci-dessus. Adde dans le même sens, Trib. de la Seine, 8 févr. 1902 (Rec. Gaz. Trib., 1902.1, 2o part., p. 410).

que

On a cependant soutenu, en se fondant sur un motif de l'arrêt du 13 févr. 1884, lequel portait l'inscription de l'opposition au Bulletin officiel équivaut, pour l'agent de change qui détient le titre, à une signification », que, si l'opposition peut avoir pour effet d'immobiliser les titres frappés d'opposition entre les mains de l'agent de change qui les détient, cela ne peut être exact que pour les agents de change de Paris, dont la chambre syndicale a mission de publier le Bulletin officiel des oppositions, et ne saurait être étendu aux autres intermédiaires, agents de change des départements, banquiers, coulissiers, changeurs, etc. « Même en admettant, avec la Cour de cassation, dit M. Deloison (op. cit., n. 599, p. 691), que l'opposition ait le caractère d'une opposition personnelle pour les agents de change de Paris, il ne s'ensuit pas qu'il en soit ainsi pour les autres intermédiaires, agents de change dans les départements, banquiers ou coulissiers. Si l'esprit de

des banquiers, est, qu'en l'état de la publicité organisée par ladite loi et par le décret du 10 avril 1873, ils ne peuvent plus, du moins dans la plupart des cas, arguer de leur ignorance des oppositions régulièrement pratiquées; Attendu que le tribunal, saisi d'une action en responsabilité, n'a plus qu'à rechercher si, en fait, les circonstances dans lesquelles un banquier s'est dessaisi d'un titre frappé d'opposition constituent une faute, ou si, au contraire, elles imposaient légitimement ce dessaisissement; Attendu que, dans l'espèce, le Comptoir d'escompte, étant un dépositaire salarié, détenait de nombreuses valeurs à lui confiées par le sieur Roch;

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Attendu que, si Roch n'avait été qu'un client accidentel. n'ayant pas de domicile certain à Marseille et n'y jouissant d'aucun crédit, le Comptoir d'escompte eût dù évidemment s'abstenir de lui restituer les

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la loi voulait que les intermédiaires retiennent les titres, il faudrait aussi que ces intermédiaires en donnassent avis aux propriétaires dépossédés par une lettre adressée à la chambre syndicale. Il y aurait là des complications que ni la loi ni le décret réglementaire n'ont prévues, et c'est pour ce motif que nous concluons que, si les agents de change de Paris sont astreints à retenir les titres en vertu d'un principe différent, cette obligation ne saurait incomber aux autres agents de change, ni aux autres intermédiaires en général ». - Il y a, dans l'observation faite par M. Deloison, un aperçu très juste de la différence de situation qui existe entre les agents de change de Paris et les autres intermédiaires, différence qui n'a pas échappé à l'attention de la chambre civile, et sur laquelle elle a pris soin, dans son arrêt, de s'exprimer très nettement. Si la chambre des requêtes, dans l'arrêt précité du 13 févr. 1884, avait dit que l'inscription de l'opposition au Bulletin officiel équivaut, pour l'agent de change qui détient le titre, à une signification », c'est parce qu'il est impossible que la publication de l'opposition au Bulletin officiel, par les soins de la chambre syndicale des agents de change (L. 15 juin 1872, art. 11, modifié par la loi du 8 févr. 1902), ne soit pas connue de lui; la publication de l'opposition au Bulletin officiel a pour effet de le rendre responsable des négociations auxquelles il prêterait son ministère (L. 15 juin 1872, art. 12); il est donc tenu de le consulter, et, par suite, toute opposition publiée au Bulletin officiel a pour effet de saisir entre ses mains les titres qui en sont frappés, et d'empêcher qu'il s'en dessaisisse sans engager sa responsabilité au regard de l'opposant, La situation est differente pour les autres intermédiaires; ils ne sont pas, comme l'agent de change, présumés avoir connu l'opposition par le fait seul de la publication au Bulletin officiel; elle ne peut produire entre leurs mains les effets d'une signification que s'il est établi qu'ils en ont eu connaissance. Pour que la publication de l'opposition produise vis-à-vis d'eux les effets d'une signification, pour que les titres frappés d'opposition deviennent indisponibles entre leurs mains, il est indispensable qu'ils aient connu l'opposition; mais, dès lors qu'il est démontré que l'intermédiaire connaissait l'opposition, ses obligations sont les mêmes que celles de l'agent de change; pas plus que lui, il ne peut se dessaisir des titres frappés d'opposition, et, par suite, il va de soi qu'il ne peut engager sa responsabilité, comme le décide très exactement l'arrêt ci-dessus, en refusant de remettre les titres à celui qui les lui a confiés.

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titres déposés; qu'en opérant cette restitution dans de telles conditions, il eût en effet commis une faute et engagé sa responsabilité envers l'opposant; Mais attendu que Roch est banquier, établi depuis plusieurs années à Marseille; que la nature de ses opérations n'est pas ignorée du Comptoir d'escompte, avec lequel il est en relations suivies ; qu'il faisait la preuve, par la production des bordereaux d'achat, que les titres frappés d'opposition avaient été régulièrement acquis par lui par l'intermédiaire de deux agents de change, MM. Monnard et Allisson; Attendu que, dans ces conditions, le Comptoir d'escompte, simple dépositaire, ne pouvait, par un refus opposé à un client connu comme solvable et de bonne foi, paralyser le recours légal de ce dernier contre les agents de change vendeurs, et se substituer à lui, malgré lui, pour négocier avec lesdits agents de change des titres frappés d'opposition; Attendu que Roch a dû, à raison de cette résistance, échanger une correspondance, soit avec le liquidateur de Panama, soit avec le Comptoir d'escompte, et faire certaines démarches en vue de recouvrer ses titres; qu'il a donc subi un préjudice, mais que ce préjudice est peu important; qu'il y a lieu de tenir compte de ce que le Comptoir d'escompte n'a jamais eu l'intention de nuire au demandeur, et de ce que sa résistance, reconnue aujourd'hui injustifiée, a été uniquement inspirée par un sentiment de prudence exagérée; Par ces motifs; Condamne le Comptoir d'escompte et le sieur Berthe, directeur de la succursale de Marseille, en sa dite qualité, à payer à Roch, en réparation du préjudice causé par le retard apporté dans la restitution de douze obligations à lots de Panama, la somme de 100 francs de dommages-intérêts, avec intérêts de droit, etc. ».

Sur l'appel du Comptoir national d'escompte, la Cour d'Aix à confirmé le jugement, par adoption pure et simple de motifs, suivant arrêt du 2 juin 1909.

POURVOI en cassation par le Comptoir national d'escompte. 1er Moyen. Violation des art. 10, 11 et 12 de la loi du 15 juin 1872, I et s. de la loi du 8 févr. 1902, 1938, 1382 et 1383, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a condamné un établissement de crédit à payer des dommages-intérêts au défendeur éventuel, sous prétexte que cet établissement aurait commis une faute en refusant de se dessaisir de titres au porteur déposés dans ses caisses, et reconnus ensuite comme étant frappés d'opposition, les effets de l'opposition n'intéressant, d'après l'arrêt, que les seuls agents de change, et les autres intermédiaires n'étant responsables qu'en cas de faute dé

(1 à 4) La question que résout l'arrêt ci-dessus rapporté ne s'était pas encore présentée et n'avait pas été prévue par les auteurs : c'est celle de savoir si le veuf, qui s'est remarié alors qu'il avait un enfant d'un précédent mariage, peut, par un legs, conférer à son second conjoint la faculté de choisir tous les biens devant composer son lot dans le partage de la communauté, alors que l'a

montrée à leur charge, alors que, si un établissement de crédit n'est pas, comme un agent de change, présumé avoir connu l'opposition par le seul fait de sa publication, il est du moins, quand il l'a connue effectivement, tenu, ainsi qu'un agent de change, de ne pas se dessaisir des titres, tant qu'il n'a pas été statué sur l'opposition, sous peine d'engager éventuellement sa responsabilité envers l'opposant; que, dans tous les cas, il peut retenir les titres pour assurer les effets de l'opposition, et que, par suite, le Comptoir, en se conformant à la loi, n'a commis aucune faute. 2e Moyen...

ARRÊT.

LA COUR: Sur le premier moyen: Vu les art. 11 et 12 de la loi du 15 juin 1872, modifiée par celle du 8 févr. 1902;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de la loi du 15 juin 1872, et du but qu'elle a voulu atteindre, que les agents de change et tous autres intermédiaires, détenteurs de titres au porteur frappés d'opposition, ne sauraient s'en dessaisir en dehors de l'opposant, sans exposer leur responsabilité envers ce dernier: qu'en effet, l'opposition formée en vertu de la loi de 1872, par le seul fait de son inscription au Bulletin officiel des oppositions, saisit les valeurs qui en sont frappées et les immobilise entre les mains des agents de change: qu'elle produit les mêmes effets entre les mains des autres intermédiaires, lorsque ceux-ci en ont connaissance: Attendu que l'arrêt attaqué constate que Roch, banquier à Marseille a déposé des obligations à lots de Panama à la succursale du Comptoir national d'escompte de la même ville: que, cet établissement de crédit ayant été informé, par la publicité du Bulletin, que le liquidateur de Panama s'était opposé à la négociation et à la transmission de douze obligations déposées, a retenu ces titres jusqu'au jour où le liquidateur l'a autorisé à s'en dessaisir: Attendu que, dans ces circonstances, le Comptoir national d'escompte, qui ne pouvait se faire juge du mérite de l'opposition ni de sa régularité, n'a commis aucune faute en refusant la restitution immédiate des douze obligations de Panama; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel d'Aix a violé les articles ci-dessus visés: - Sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen: - Casse, etc.

Du 26 févr. 1913. Ch. civ. - MM. Baudouin, le prés.; Douarche, rapp.: Lombard, av. gén. (concl. conf.); Bernier, av.

CASS.-REQ. 17 avril 1907.

1 TESTAMENT (EN GÉNÉRAL), INTERPRÉTAdoption du régime de communauté avait constitué, par suite de la présence de l'enfant du premier lit, un avantage indirect, sujet à réduction, par application de l'art. 1496, C. civ. Le tribunal de Moissac et la Cour d'appel de Toulouse, après avoir déclaré que telle était la portée du testament (V. sur le pouvoir qui appartient aux juges du fond pour interpréter les dispositions testa

TION, POUVOIR DU JUGE, CODICILLE, LÉGATAIRE, CHOIX DES BIENS, QUOTITÉ DISPONIBLE, SECOND MARIAGE, CONTRAT DE MARIAGE (ABSENCE DE), COMMUNAUTÉ LÉGALE, ENFANT DU PREMIER LIT (Rép., vo Testament. n. 1706 et s.; Pand. Rép., vo Donations et testaments, n. 7919 et s.). - 2o QUOTITÉ DISPONIBLE, SECOND MARIAGE, CONTRAT DE MARIAGE (ABSENCE DE), COMMUNAUTÉ LÉ GALE, ENFANT DU PREMIER LIT, LEGS AU

CONJOINT, CHOIX DES BIENS, PARTAGE, CONVENTIONS MATRIMONIALES, IMMUTABILITÉ (Rép., v Legs, n. 1217 et s.; Pand. Rép., v Donations et testaments, n. 2569 et s.).

1o En présence d'un codicille, par lequel le testateur a conféré à son épouse en secondes noces la faculté de choisir tous les biens devant composer son lot, pour l'attribution des droits résultant du testament par lequel il lui avait légué tout ce dont la loi lui permettrait de disposer en sa faveur, il appartient aux juges du fond de décider que, dans la pensée du testateur, le legs d'option ainsi formule doit s'étendre à l'avantage que la veuve retirerait de la communauté légale ayant existé entre les époux, cet avantage, à raison de la présence au partage de la succession d'un enfant né du premier mariage du de cujus, constituant, au profit de la femme commune en biens, une libéralité réductible, aux termes de l'art. 1496, C. civ., dans les limites tracées par l'art. 1098 du même Code (I (C. civ., 1098, 1496).

Une telle interprétation, nécessitée par l'obscurité de la disposition du testament, qu'elle n'a nullement dénaturée, est souveraine, et échappe au contrôle de la Cour de cassation (2) (Id.).

20 Et, d'autre part, en se fondant, pour donner effet au droit d'option sur les biens communs, sur ce qu'un pareil droit, ajouté au legs de l'entière quotité disponible contenu au testament, ne constituait pas un excédent de libéralité dépassant les pouvoirs du lestateur, et sur le caractère légal de libéralité, attribué, par la combinaison des art. 1496, 1527 et 1098, C. civ., à l'avantage résultant pour la veuve de son acceptation de la communauté, les juges du fond justifient pleinement leur décision, et répondent implicitement à un argument tiré d'une prétendue atteinte au principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales (3) (C. civ., 1098, 1395, 1496).

En effet, le legs dont s'agit n'a modific aucune des règles de la communauté légale, et l'héritier contestant ne peut, au surplus, se prévaloir, à l'encontre de la femme commune ainsi gratifiée, de l'inobservation de l'art. 832, C. civ., qui n'est pas applicable aux rapports des légataires ou donataires avec les réservataires (4) (C. civ., 832, 1098, 1395, 1496).

mentaires, à condition de ne pas les dénaturer, Cass. 25 avril 1910, S. et P. 1912.1.326; Pand. per., 1912.1.326; 8 nov. 1911, S. et P. 1912.1.256; Pand. pér., 1912.1.256, et les renvois), avaient admis que ce legs d'option devait être tenu pour valable; la chambre des requêtes a consacré la même solution, en rejetant le pourvoi dont elle était saisie. Ces décisions nous semblent justes.

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