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(Auguste Laporte C. Dme Laporte).

Le tribunal civil de Moissac a rendu, le 13 mai 1904, le jugement suivant : « Le Tribunal; Attendu que M. et Mme Laporte, s'étant mariés sans contrat, avaient tacitement adopté le régime de la communauté; Attendu qu'à ce moment, la fortune mobilière apportée par M. Laporte, et tombée de son chef dans la communauté, dépassait, dans une très forte proportion, celle de sa femme; que, d'autre part, M. Laporte ayant un fils issu d'un précédent mariage, la confusion de ses valeurs mobilières avec celles de sa femme a constitué, au profit de cette dernière, un avantage indirect, régi par les art. 1496 et 1527, C. civ.; Attendu que les parties semblent reconnaître, en fait, que cet avantage excède ou égale tout au moins le quart de la succession du de cujus, c'està-dire toute la quotité des biens dont il pouvait disposer à l'égard de sa femme;

Attendu, néanmoins, que, par testament olographe, en date du 26 avril 1891, M. Laporte léguait à la dame Marie Laparra, son épouse, la pleine propriété de tout ce dont la loi lui permettait de disposer à son décès; qu'en outre, il désignait les biens sur lesquels porterait l'effet de cette disposition; Attendu que, dans un codicille annexé au testament, en date du 8 juill. 1899, M. Laporte s'exprimait en ces termes : Je déclare faire à mon testament du 26 avril 1891 la modification suivante j'entends que, pour l'attribution des droits de ma chère épouse, résultant dudit testament, elle ait le choix de tous les biens qui doivent composer son lot »;

Attendu que, s'appuyant sur cette dernière disposition, Mme Laporte demande l'estimation par expert des biens successoraux de son mari, pour lui permettre d'exercer son choix; Attendu que, pour combattre sa demande, la partie adverse ne conteste pas, en principe, au père de famille le droit de déléguer au légataire de la quotité disponible la faculté de choisir les biens qui composeront son lot; Attendu qu'il est généralement admis que,

Et d'abord, il est important d'observer qu'en ce qui concerne l'attribution de la quotité disponible, on reconnaît au testateur le droit, non seulement de choisir lui-même les biens qui feront l'objet du legs, mais encore celui de déléguer ce choix au légataire. Par un arrêt du 29 juill. 1890 (S. 1891.1.5. P. 1891.1.5; Pand. pér., 1890.1. 478), la Cour de cassation a décidé que le testateur, qui disposait de la quotité disponible, pouvait conferer à son légataire le droit de choisir, dans les limites de cette quotité, les biens qui lui conviennent. Ce choix ne porte aucune atteinte à la réserve, dont le disposant a respecté la valeur; il ne viole pas non plus les prescriptions des art. 826 et 832, C. civ., sur la composition des lots; ces articles, en effet, visent les rapports des héritiers entre eux, et non pas ceux des légataires avec les réservataires. Adde, la note de M. Labbé sous l'arrêt précité; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 6° éd., t. 3, n. 2782; Baudry-Lacantinerie et Colin, Don. et test., 3 éd., t. 1o, n. 762; Suppl. à notre C. civ. annoté, par Griffond, sur l'art. 920, n. 1 et s. ; et notre Rép. gen. du dr. fr., v° Legs, n. 1217 et s.; Pand. Rép., v Donations et testaments, n. 2569 et s. Or, si

lorsque la quotité disponible a été léguée tout entière, le droit d'option ajouté à ce legs ne constitue pas un excédent de libéralité dépassant les pouvoirs du testateur (V. Cass. 29 juill. 1890, S. 1891.1.5. — P. 1891.1.5, et la note de M. Labbé; Pand. per., 1890.1.478; Rép. gén. du dr. fr., v“ Legs, n. 1217 et 1218; Pand. Rep., v Donations et testaments, n. 2569 et s.); Attendu que M. Auguste Laporte fonde sa résistance sur un autre motif; qu'il fait remarquer d'abord que Mme Laporte a pris dans plusieurs actes, et notamment dans les ordonnances de référé, la qualité de commune en biens, et qu'ayant par ce fait accepté tacitement la communauté, l'art. 1455, C. civ., lui enlève la faculté de renoncer; qu'en cette qualité, elle est appelée à prendre, dans la communauté, une portion des biens qui excède la valeur de la quotité disponible, et que les biens communs qui lui seront ainsi attribués, étant tombés en communauté, du chef de son mari, au moment du mariage, dans les conditions qui ont été déjà exposées, cette attribution, susceptible, d'ailleurs, d'être réduite, la rendra non recevable à invoquer le legs contenu dans le testament; qu'ayant, en effet, épuisé tous ses droits par le seul exercice de sa qualité de commune, et par application des art. 1496 et 1527, C. civ., elle ne peut plus se prévaloir de la qualité de légataire, qui a été effacée par la caducité même du legs fait à son profit; qu'ainsi, les seules règles applicables en l'espèce sont celles du partage, et non celles qui régissent les legs; Attendu que, pour apprécier la valeur de cette argumentation, il est nécessaire de préciser en quelle qualité Mme Laporte sera attributaire des biens qu'elle prendra, jusqu'à concurrence de la quotité disponible, dans le patrimoine commun; que, sans doute, après l'attitude qu'elle a prise, elle semble avoir définitivement accepté la communauté, et qu'ainsi, il n'y a pas lieu de considérer comme incertaine sa qualité de femme commune; Mais attendu que la question ne doit pas être envisagée sous cet unique aspect; qu'il s'agit

l'on admet que le légataire peut avoir le choix des biens, pourquoi ne considérerait-on pas comme licite la délégation du choix, conférée par un testateur à son conjoint, attributaire de la quotité disponible spéciale entre époux?

Dans l'espèce, ce qu'on objectait, c'est que cette délégation du choix méconnaissait le principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales. En se mariant sans contrat, les époux s'étaient soumis implicitement au régime de la communauté légale; or, l'art. 1476, C. civ., déclare applicables au partage de la communauté, pour tout ce qui concerne ses formes, les règles établies au titre des successions pour les partages entre cohéritiers. A cette objection, la Cour de cassation a répondu qu'en présence d'un enfant d'un premier lit, l'avantage que procure au nouveau conjoint l'adoption d'un régime de communauté est considéré par l'art. 1496, C. civ., comme une libéralité sujette à réduction; par conséquent, les règles qu'il y a lieu d'appliquer ne sont plus celles du contrat de mariage, mais celles de la quotité disponible et de la réduction (V. Guillouard, Tr. du contr. de mar., t. 3, n. 1431). Si le conjoint avantagé est traité

surtout de rechercher si, au titre de commune en biens, que Mme Laporte tient de son régime matrimonial, elle ne joint pas la qualité de donataire, tirée de l'application même des art. 1496 et 1527, C. civ.;

Attendu qu'il résulte de ces deux dispositions, comparées aux principes généraux qui régissent les contrats de mariage, que le législateur a attribué aux conventions matrimoniales un caractère différent dans les deux hypothèses suivantes; que, dans le cas le plus ordinaire, c'est-à-dire lorsque les deux futurs époux sont célibataires ou veufs sans enfants, les conventions qui règlent leur régime matrimonial sont considérées par une sorte de fiction légale comme présentant un caractère onéreux, de telle sorte que la loi ne se préoccupe. pas des avantages que l'un d'eux peut retirer desdites conventions; que si, au contraire, l'un des époux a des enfants d'un précédent mariage, la nécessité de protéger ces enfants, plus impérieuse que la faveur accordée aux conventions de mariage, a fait revenir le législateur à la réalité, et lui a fait reconnaitre comme de vraies libéralités les avantages que cet époux fait à l'autre, soit dans son contrat de mariage, soit par l'adoption tacite de la communauté légale, en l'absence de contrat; Attendu que, dans cette dernière hypothèse, il peut arriver que l'époux, qui a un enfant, possède, au moment de son mariage, une fortune mobilière très importante, alors que l'autre époux n'en a point, et que, par la mise en commun de cette fortune, ce dernier acquière un avantage dont la valeur dépasse la quotité disponible de l'art. 1098; que la loi, dans ce cas, soumet cet avantage indirect à l'action en réduction, indiquant bien par là qu'elle y voit une véritable donation; que les art. 1496 et 1527 ont donc été conçus dans le même esprit que l'art. 1098, et que la seule différence qu'on puisse remarquer, c'est que l'art. 1098 restreint les libéralités directes, tandis que les art. 1496 et 1527 ont pour but de restreindre les libéralités indirectes; Attendu que cette interprétation de la loi est d'autant plus certaine

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comme un légataire en présence d'un réservataire, nous n'avons plus à tenir compte de l'art. 832.

Au surplus, le principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales ne fait pas obstacle au droit qu'ont les époux de se faire pendant le mariage des libéralités entre vifs ou testamentaires. Ces libéralités peuvent porter sur des biens communs; le mari, par exemple, peut faire donation à sa femme d'un bien de communauté. V. Amiers, 21 févr. 1880, sous Cass. 9 mai 1881 (S. 1881.1. 337. P. 1881.1.833), et la note de M. Labbé; Cass. 21 juin 1893 (S. et P. 1894.1.47; Pand. pér., 1893.6.40); Douai, 16 janv. 1897 (S. et P. 1901. 2.9, et la note; Pand. pér., 1899.2.129); notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 1422, n. 45 et s. ; et notre Rép. gen. du dr. fr., Communauté conjugale, n. 1275; Pand. Rep., verb. cit., n. 3284). Ce bien ne sera pas partagé comme il aurait dû l'être s'il était resté commun. Si l'on appliquait sans mesure la règle de l'immutabilité des conventions matrimoniales, on ne devrait pas admettre cette possibilité de faire passer un bien de la communauté dans le patrimoine propre de l'un des époux.

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qu'elle n'est que la confirmation des principes déjà consacrés par notre ancien droit, où l'Edit des secondes noces frappait les avantages matrimoniaux faits par l'un des époux à l'autre, et puisait le fondement de sa prohibition dans le caractère gratuit de ces avantages (V. en ce sens, Bourges, 28 déc. 1891, S. et P. 1892.2.69; et la note de M. Bourcart sous Nancy, 25 févr. 1891, S. et P. 1892.2.65); tendu que ces considérations permettent de répondre à une objection tirée de la procédure à suivre en cette matière; Attendu, dit-on, que les héritiers ont le droit de demander, préalablement au partage de la succession, le partage de la communauté; que, dès lors, si l'on procède ainsi, Me Laporte, une fois nantie de sa part dans la communauté, sera dans l'impossibilité d'exercer son choix, puisque, au moment où elle pourrait demander à l'exercer, elle sera remplie de la totalité de ses droits; Attendu que ce raisonnement serait exact, s'il s'agissait d'une communauté où l'art. 1496, C. civ., ne trouverait pas son application, c'est-à-dire si Mme Laporte venait au partage de la communauté en sa seule qualité de commune en biens; - Mais attendu qu'il n'en est point ainsi; qu'il est impossible, dans l'espèce, de faire l'attribution des biens communs sans tenir compte de la libéralité indirecte dont ces biens ont fait l'objet; que les héritiers, en effet, ont le droit de s'opposer à ce que Me Laporte percoive réellement ce qui, même dans sa part de communauté, dépasse la quotité disponible; qu'il s'ensuit donc qu'on ne peut faire de ces biens une répartition effective, sans faire intervenir les règles qui concernent les donations; Attendu qu'il résulte de ce qui précède que l'avantage reçu par Me Laporte, de son union, par l'adoption tacite de la communauté légale, doit être considéré comme une véritable donation, et que Mme Laporte, tout en conservant sa qualité de commune, gardera l'avantage précité en qualité de donataire; Or, attendu que lorsqu'une donation porte seulement sur une quotité de biens, sans que ceux-ci soient individuellement déterminés, le donateur peut toujours, par une disposition subséquente, par un legs, par exemple, préciser l'effet de la donation, en accordant au donataire le droit de choisir les biens qu'il désire se faire attribuer; qu'il est admis, en principe, ainsi que cela a été dit plus haut, que ce choix, tout en constituant une faveur nouvelle, n'ajoute aucun avantage pécuniaire à la libéralité déjà faite, et ne saurait par suite être critiqué, quand même le donateur aurait épuisé toute la quotité disponible;

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Attendu, dès lors, que le legs, par lequel M. Laporte a conféré à sa femme le droit d'option, n'est nullement incompatible avec la donation indirecte dont il l'avait précédemment gratifiée; qu'il importe peu que ce legs contienne une autre disposition, qui, paraissant négliger l'avantage ma trimonial, semblerait attribuer à Mme La porte une catégorie, et peut-être une quotité de biens différente de celle qui résulte de la combinaison des art. 1496 et 1098; qu'il est certain que toute clause du legs

qui viendrait contredire l'application de ces articles doit être considérée comme caduque, en raison de l'incompatibilité de fait que présenteraient les deux libéralités successives; Mais qu'il n'en est pas moins vrai qu'en droit, le legs reste valable, en tant qu'il ne se heurte pas au vœu de la loi, ce qui est le cas dans la cause actuelle, puisque les prohibitions contenues dans les articles précités ne visent que la partie des dispositions à titre gratuit qui excède la quotité disponible, tandis que le droit d'option conferé par le legs est étranger à cette question; Attendu. il est vrai, qu'on a formulé une objection tirée des termes du codicille du 8 juill. 1899; que, dans son codicille, M. Laporte, après avoir manifesté son intention de modifier le testament du 26 avril 1891, s'exprime de la manière suivante : « J'entends que, pour l'attribution des droits de ma chère épouse, résultant dudit testament, elle ait le choix de tous les biens qui doivent composer son lot »; que ces termes, dit-on, paraissent indiquer que le droit d'option n'est conféré à Mme Laporte que pour les biens auxquels elle pourrait prétendre comme légataire, c'est-à dire en dehors de la communauté;-- Attendu que, si le sens littéral du codicille semble favorable à cette interprétation, il est aisé de reconnaître, par les clauses mêmes du testament, qu'une telle restriction n'était nullement conforme à la volonté du testateur; que ce dernier, en effet, après avoir donné à sa femme. en pleine propriété, tout ce dont la loi lui permet de disposer en sa faveur, ajoute ce qui suit : « L'effet de cette disposition portera d'abord sur tous les meubles meublants, objets mobiliers, voitures, chevaux, linge et provisions qui se trouvent dans le chateau de la Chapelle, situé dans la commune de Saint-Paul-d'Espis, puis sur le château, avec les bâtiments qui en dépendent, les jardins et le parc, ensuite sur les bâtiments de la métairie de Lacoste, et enfin sur les parcelles de terre qui sont les plus rapprochées du chateau »; Or, attendu que tous les biens ainsi désignés, pour être imputés sur la quotité disponible, font partie de la communauté ayant existé entre les époux; que cette circonstance est bien de nature à fournir la preuve que, dans sa pensée, le testateur confondait dans une seule masse les biens communs et les biens propres, et manifestait nettement la volonté d'attri buer à sa femme, à titre de libéralité, une partie des biens communs; Attendu qu'il suffit de comparer avec cette clause le codicille précité du 8 juill. 1899, pour se rendre compte que M. Laporte n'a voulu apporter à ses dispositions antérieures d'autres modifications que celle qui consiste à donner à Mme Laporte le libre choix des biens qu'elle aurait à recevoir, en tant que bénéficiaire de la quotité disponible, au lieu de lui imposer le prélèvement des biens désignés dans son testament: qu'ainsi se dégage formellement le désir du testateur de léguer à sa femme le droit d'option, pour les biens qui serviraient à la remplir dans la succession, envisagée dans un sens général, sans se préoccuper de la qualification de la libéralité qui formerait

la base de cette attribution; - Attendu que cette interprétation doit prévaloir avec d'autant plus de raison que les expressions employées par le testateur doivent toujours être entendues dans le sens qu'il voulait leur attribuer, plutôt que dans le sens positif qu'elles ont dans le langage du droit...; Par ces motifs, etc. ».

Sur l'appel de M. Auguste Laporte, la Cour de Toulouse, par arrêt du 20 juill. 1905, a confirmé ce jugement par adoption pure et simple de motifs.

POURVOI en cassation par M. Laporte. 1er Moyen. Violation des art. 895 et 967, C. civ., de la loi du testament de M. Jean Laporte, et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué, en présence d'un droit d'option attaché, par un codicille, à titre d'accessoire, à un legs fait à la femme du testateur, et portant sur les biens dont la loi laisserait au testateur la disposition au moment de son décès, a. alors que ledit legs était reconnu par l'arrêt ne pouvoir s'exécuter faute de biens disponibles au décès du testateur, transféré ledit droit d'option à l'attribution à la femme légataire de sa part dans la com

munauté.

20 Moyen. Violation des art. 832, 967, 1098, 1395, 1400, 1476, 1496, 1527, C. civ., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a admis que M. Laporte aurait pu, par testament, modifier le mode de partage de la communauté légale existant entre lui et sa femme, en conférant à celle-ci le droit de choisir les biens devant composer sa part dans l'actif, et ce, sans répondre, dans les motifs. à des conclusions de l'exposant. invoquant, à l'encontre, le principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales.

M. le conseiller Michel Jaffard a présenté, sur le second moyen du pourvoi, les observations suivantes :

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Observons tout d'abord que le rédacteur du mémoire est impuissant à citer, soit un de vos arrêts, soit un passage de n'importe quel commentateur du Code civil, qui, de près ou de loin, ait jugé ou simplement soupçonné la question qu'il soulève. Nos recherches à cet égard n'ont pas été plus heureuses que les siennes. Qu'en conclure, sinon que personne ne s'est avisé de voir dans un legs d'option un empiétement illégal sur la fixité du régime adopté par les époux ? En quoi une pareille mesure peut-elle modifier, dans l'espèce dont vous êtes saisis, les règles de la communauté légale tacitement acceptée par les époux Laporte, en l'absence de tout contrat anténuptial. La femme va-t-elle prendre au delà de la part qui doit lui revenir dans l'actif commun? Ne contribuera-t-elle pas aux dettes, s'il y a lieu, dans la proportion que la loi détermine? Il n'est pas un seul des articles formant la 1 partie du chap. II, tit. V, liv. III du Code civil qui soit enfreint par une disposition de cette nature. Celui qu'invoque le pourvoi, l'art. 1476, ne serait-il pas respecté ? Que dit donc ce texte de loi? Que le partage de la communauté, pour tout ce qui concerne ses formes, la licitation des immeubles, quand il y a lieu, les effets du partage, la garantie qui en résulte, et les soultes, est soumis à toutes les règles qui sont établies au titre des successions pour les partages entre cohéritiers ». Mais toutes ces règles sont et vont être observées.

Il suffit de lire le dispositif du jugement confirmé par l'arrêt attaqué pour en demeurer convaincu. Le point unique sur lequel porte le débat est celui du droit d'option conféré à la veuve, qui rendra sans doute inutile la licitation, suivant la manière dont elle l'exercera. Mais la licitation n'est pas imposée par la loi. Il n'y doit être procédé, aux termes de l'art. 827, C. civ., que si les immeubles ne peuvent pas se partager commodément. Mais là n'est pas la question.

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La question qui domine le débat est celle de savoir quel est le caractère de l'avantage que la dame Laporte est appelée à retirer de la communauté. Or, l'arrêt, en adoptant les motifs du jugement, a répondu à cette question. Le développement même qu'il a donné à cette réponse, et que l'on s'ingénie à présenter comme oiseux, est une preuve de l'intérêt qu'à juste titre, il attachait à cette partie de son œuvre. C'est qu'en effet, le champ d'application du § 2 de l'art. 1496 n'est pas celui où le pourvoi s'est constamment placé. Ecoutons M. Guillouard : « Une fois le principe posé que l'adoption du régime de la communauté légale peut être considérée comme une donation au respect des enfants du premier lit..., l'explication de l'art. 1496 n'appartient plus à la matière du contrat de mariage, mais à celle des dispositions entre futurs époux par contrat de mariage: elle se rattache à l'explication de l'art. 1098 et fait naitre les mêmes questions (Guillouard, Tr. du contr. de mar., t. 3, n. 1431). L'avantage dont il s'agit est, par conséquent, une véritable donation indirecte. La fiction, d'après laquelle les conventions matrimoniales constituent des actes à titre onéreux, disparaît pour faire place à la réalité des choses, quand il existe des enfants nés d'un précédent mariage. Sans doute, ce retour à la vérité pratique est édicté au profit des enfants. Mais est-ce à dire que ce qui est donation à leur égard cesse de l'être à l'égard du conjoint qui en est gratifié? Une contradiction aussi choquante répugne à l'esprit. On ne conçoit pas, d'un cóté, l'enfant du premier lit exerçant l'action en retranchement pour tout ce qui excède l'avantage autorisé par l'art. 1098, et, de l'autre, l'époux survivant subissant ce retranchement sur ce qu'il serait fondé à considérer comme une part de sa propriété légitime en sa qualité de commun en biens. Ce qui est une libéralité pour celui-là, l'est également pour celui-ci.

Si l'avantage est une donation, si l'époux est passible du retranchement à ce titre et à ce seul titre, il faut lui appliquer les règles de la matière. Quelles sont-elles? La principale consiste à interdire au disposant d'excéder le disponible; mais, ce point réservé, à lui reconnaître le droit de désigner les biens sur lesquels ce disponible, sera prelevé. Aucun texte de loi ne limite ce droit. Votre arrêt des requêtes, rendu au rapport de M. Babinet, sur les conclusions conformes de M. Chévrier, à la date du 29 juill. 1890 (S. 1891. 1.5. - P. 1891.1.5; Pand. pér., 1890.1.478), en proclame la légitimité. Attendu, avez-vous dit, que si, dans l'espèce, la quotité disponible a été léguée tout entière, le droit d'option ajouté à ce legs ne constitue pas un excédent de libéralité dépassant les pouvoirs de la testatrice; Attendu qu'il n'y a pas là, au point de vue des bénéficiaires, un avantage pécuniaire susceptible d'évaluation en argent; que, d'autre part, au point de vue du réservataire, il n'y aurait préjudice que si, par un abus du droit d'option, les légataires amenaient une dépréciation de certains immeubles... ». Et, dans la première partie de cet arrêt, vous faites ressortir qu'en conférant le droit

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violer les art. 826, 830 et 832, C. civ., inapplicables aux rapports des légataires avec les réservataires ».

Vainement le pourvoi s'efforce d'écarter ce monument de jurisprudence, en soutenant qu'il est étranger au débat. Evidemment, il statue en regard d'un legs du disponible, et non d'une donation indirecte résultant de l'acceptation de la communauté par la femme, alors que les époux avaient adopté tacitement, pour base de leur union, la communauté légale; mais qui ne voit que la doctrine par lui consacrée doit recevoir ici son application M. Auguste Laporte, le demandeur en cassation, n'est-il pas un réservataire? Mme veuve Laporte n'est-elle pas une donataire qui n'a pas encore retiré le montant de la donation? De quoi le premier peut-il se plaindre? L'art. 1496 ne lui accorde d'autre droit que celui d'exercer son action en retranchement. En quoi cette action est-elle paralysée par l'exercice du droit d'option, qui, d'après les termes mêmes de votre arrêt, ne constitue pas un excédent de libéralité dépassant le disponible? L'enfant né du précédent mariage du de cujus ne sera aucunement lésé; il obtiendra, dans toute son étendue, le bénéfice de la protection édictée en sa faveur par l'art. 1496. Et, de son côté, Me Laporte recueillera le bénéfice du legs d'option, qui, dans le système du pourvoi, serait, sans aucune raison, frappé de caducité. En effet, du moment qu'il est admis que ce legs peut se superposer à un legs ou à une donation qui ont épuisé la quotité disponible, sans excéder cette quotité, la logique commande de proclamer sa validité dans le cas qui nous occupe, puisqu'il ne fait que se surajouter, dans des conditions identiques, à l'avantage indirect résultant de l'acceptation de la communauté, lequel constitue une donation véritable.

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Ainsi que le constate votre arrêt précité du 29 juill. 1890, l'art. 832, C. civ., relatif à la formation et à la composition des lots, est « inapplicable aux rapports des légataires avec les réservataires.. Si Me veuve Laporte est une donataire gratifiée d'un legs d'option, le réservataire qui plaide contre elle ne saurait invoquer à son profit ce texte de loi. Il n'a donc pu être violé par l'arrêt attaqué, comme le prétend à tort le pourvoi, pas plus, nous croyons l'avoir établi, que l'art. 1395. En déclarant, par conséquent, dans les motifs qu'elle a faits siens, que la défenderesse éventuelle ne vient pas au partage de la communauté en sa seule qualité de commune en biens, qu'elle y vient aussi comme bénéficiaire de la libéralité indirecte dont ces biens font l'objet, la Cour d'appel a implicitement, mais nécessairement, répondu à l'objection tirée de l'atteinte qu'aurait portée le legs d'option à l'immutabilité des conventions matrimoniales, dont il n'y a pas lieu de parler dans ce procès, par l'excellente raison que les règles de la communauté légale sont pleinement observées, au contraire, du fait de la décision qui vous est déférée ».

ARRÊT.

LA COUR; Sur les deux moyens réunis : Attendu que, par son codicille du 8 juill. 1899, feu Jean Laporte a conféré à la dame Marie Lapara. son épouse en secondes noces, la faculté de choisir tous les biens devant composer son lot, pour l'attribution des droits résultant du testament du 26 avril 1891, par lequel il avait légué à ladite dame la pleine propriété de tout ce dont la loi lui permettrait de dis

poser, à l'époque de son décès, en faveur de celle-ci que la question s'est posée de savoir si, dans la pensée du testateur, le legs d'option ainsi formulé doit s'etendre à l'avantage que la veuve retirera de la communauté légale, régime matrimonial des époux mariés sans contrat, qu'elle a acceptée, étant donné que, par la présence au partage de la succession de Jean Laporte d'un enfant né de son précédent mariage, cet avantage constituait, au profit de la femme commune en biens, une libéralité réductible, aux termes de l'art. 1496, C. civ., dans les limites tracées par l'art. 1098 du même Code; Attendu qu'interprétant la clause litigieuse, qui, dans le système du pourvoi, serait sans effet au cas où cette donation indirecte du mari à la femme épuiserait le disponible, les juges du fond ont résolu cette question par l'affirmative; qu'ils déclarent résulter du rapprochement du codicille des termes du testament que, malgré les expressions dont il s'est servi, le de cujus confondait en une seule masse les biens communs et les biens propres, entre lesquels n'existait aucune différence, et qu'il a nettement manifesté la volonté de léguer à sa femme le droit d'option pour ceux qui serviraient à la remplir dans sa succession, envisagée en un sens général, sans se préoccuper de la libéralité qui formerait la base de cette attribution; Attendu qu'une telle interprétation, nécessitée par l'obscurité de la disposition, qu'elle n'a nullement dénaturée, est souveraine, et échappe au controle de la Cour de cassation; attendu, d'autre part, que, pour donner effet au droit d'option sur les biens communs, l'arrêt attaqué s'est fondé sur ce qu'un pareil droit, ajouté au legs de l'entière quotité disponible, ne constitue pas un excédent de libéralité dépassant les pouvoirs du testateur, et sur le caractère légal de libéralité attribué par la combinaison des art. 1496, 1527 et 1098, C. civ., à l'avantage résultant pour la dame veuve Laporte de son acceptation de la communauté; en quoi il a pleinement justifié sa décision, et implicitement répondu à l'ar gument tiré d'une prétendue atteinte au principe de l'immutabilité des conventions inatrimoniales, le legs dont s'agit n'ayant modifié aucune des règles de la communauté légale, et l'héritier contestant ne pouvant, au surplus, se prévaloir, à l'encontre de la femme cominune ainsi gratifiée, de l'inobservation de l'art. 832, C. civ., qui n'est point applicable aux rapports des légataires ou donataires avec les réservataires; qu'à ces divers points de vue, ledit arrêt, qui est régulièrement motivé, n'a violé ni la loi du testament, ni les divers articles visés aux moyens; Rejette, etc.

Et

MM. Ta

Du 17 avril 1907. . Ch. req. non, prés.; Michel-Jaffard, rapp.; Feuilloley, av. gén. (concl. conf.); Bressolles, av.

CASS.-REQ. 29 octobre 1912. JUGE DE PAIX, COMPÉTENCE, BAIL, CONGÉ, EXPULSION, DERNIER RESSORt, Demande

INDÉTERMINÉE (Rép., v° Juge de paix, n. 969 et s.; Pand. Rép., vis Bail [en général], n. 1207 et s., Compétence, n. 318 et s.).

Les juges de paix ayant, en vertu de l'art.3 de la loi du 12 juill. 1905, compétence pour statuer en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 300 fr., sur les congés et les expulsions, lorsque les locations verbales où écrites n'excèdent pas annuellement 600 fr., un jugement déclare à bon droit non recevable l'appel d'une sentence du juge de paix, statuant sur une demande en validité de congé et en expulsion, lorsqu'il résulte des énonciations du jugement que, s'agissant dans la cause d'un bail verbal, au loyer annuel de 170 fr., le tribunal a considéré l'indication de ce prix comme étant de nature à fixer le taux du litige à une valeur inférieure à 300 fr., en sorte que la demande n'avait pas le caractère indéterminé (1) (L. 12 juill. 1905, art. 3).

(Roussel C. Eudier).

M. Roussel, locataire, en vertu d'un bail verbal, et moyennant un loyer annuel de 170 fr., d'une maison appartenant à M. Eudier, ayant fait appel d'un jugement du juge de paix de Fleury-sur-Andelle, du 27 sept. 1910, qui avait fait droit à une demande de M. Eudier en validité de congé et en expulsion, M. Eudier a opposé la nonrecevabilité de l'appel, et cette fin de nonrecevoir a été accueillie par un jugement du tribunal des Andelys du 22 févr. 1911, qui, après avoir déclaré « qu'il s'agissait d'un bail verbal, au loyer annuel de 170 fr.; que le taux du litige était donc inférieur à 300 fr.», ajoutait : « Attendu que vainement le demandeur soutient qu'il résulterait des commentaires de la loi du 12 juill. 1905 ou de la jurisprudence que les juges de paix ne peuvent prononcer qu'en premier ressort, lorsqu'il s'agit de congé ou d'ex

(1) D'après l'opinion la plus généralement admise, la demande en validité de congé est de nature indéterminée, parce qu'elle porte sur la jouissance de la chose donnée à bail. V. Bastia, 3 févr. 1845 (P. 1846.1.345); Trib. d'Agen, 16 févr. 1907 (Mon. jud. de Lyon, 9 sept. 1909); Troplong, Louage, t. 1, n. 431; Bourbeau, Theor. de la proc., De la justice de paix, n. 240; Curasson, Compét. des juges de paix, 4o éd., par Poux-Lagier et Pialat, t. 1, n. 237; Bioche, Dict. des juges de paix, vo Louage de maisons, n. 61; N.-A. Carré, Compét. jud., n. 255; notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche-Desfontaines, t. 1°r, p. 28, sur l'art. 3 de la loi du 25 mai 1838, n. 21; et notre Rép. gen. du dr. fr., v Juge de paix, n. 969; Pand. Rip., v° Compétence, n. 318 et 8. Et l'on décide de même pour la demande d'expulsion. V. notre C. proc. annoté, t. 1er, p. 30, sur l'art. 3 de la loi du 25 mai 1838, n. 43; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 1001; Pand. Rep., verb. cit., n. 318.

Sous l'empire de la loi du 25 mai 1838, dont l'art. 3 attribuait aux juges de paix compétence pour connaître sans appel, jusqu'à la valeur de 100 fr., notamment « des congés..., des expulsions de lieux..., lorsque les locations verbales ou par écrit n'excedent pas annuellement 400 fr., on en avait tiré, en matière de congé, cette conséquence que la sentence du juge de paix ne pourrait jamais être qu'en premier ressort, quel que fût le montant du loyer (V. Trib. de la Seine, 19 nov. 1874, cité

pulsion, par la raison que la demande serait alors indéterminée; Attendu, en effet, que pareille interprétation n'abouti rait à rien moins qu'à paralyser les effets du texte précis de la loi susvisée; qu'il échet donc de déclarer non recevable l'appel; Par ces motifs, etc. ».

POURVOI en cassation par M. Roussel. Moyen unique. Violation de l'art. 3 de la loi du 12 juill. 1905, en ce que le jugement attaqué a décidé qu'une demande en validité de congé, concernant une location annuelle de moins de 600 fr., rentrait dans la compétence en dernier ressort du juge de paix, alors qu'une telle demande était de sa nature indéterminée. ARRÊT.

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LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi: Attendu qu'aux termes de l'art. 3 de la loi du 12 juill. 1905, les juges de paix connaissent sans appel, jusqu'à la valeur de 300 fr., des congés et des expulsions, lorsque les locations verbales ou écrites n'excèdent pas annuellement 600 fr.; Attendu qu'il résulte des énonciations du jugement attaqué que, s'agissant dans la cause d'un bail verbal au loyer annuel de 170 fr., le tribunal a considéré l'indication de ce prix comme étant de nature à fixer le taux du litige à une valeur inférieure à 300 fr. ; qu'ainsi, la demande n'avait pas le caractère indéterminé allégué par le pourvoi; - Attendu, dès lors, qu'en déclarant que l'appel du demandeur n'était pas recevable, le jugement attaqué, loin de violer l'art. 3 de la loi du 12 juill. 1905, précité, en a fait une exacte application; Rejette, etc. Du 29 oct. 1912. Ch. req. MM. Tanon, prés.; Gillet, rapp.; Eon, av. gén. (concl. conf.); Marcille, av.

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par N.-A. Carré, op. et loc. cit.; Troplong, Bourbeau, Curasson, N.-A. Carré, Bioche, op. et loc. cit.; notre C. proc. annoté, t. 1, p. 28, sur l'art. 3 de la loi du 25 mai 1838, n. 21; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 969; Pand. Rep., verb. cit., n. 320), et c'est l'opinion qui est également enseignée par les auteurs sur l'application de l'art. 3 de la loi du 12 juill. 1905, qui, en maintenant ces mêmes règles de compétence pour les locations verbables ou écrites n'excédant pas annuellement 600 fr. », a porté à 300 fr. le taux de la compétence en dernier ressort des juges de paix. V. Hudelot, Compét, des juges de paix, p. 67, n. 49; J. Henri Chevalier, Guide formul. des juges de paix, t. 2, p. 395. V. cep., Leduc, Nouv. tr.-formul. de la justice de paix, p. 203. De même, du principe que la demande en expulsion est de nature indéterminée, on avait conclu, sous l'empire de la loi du 25 mai 1838 (V. notre C. proc. annoté, t. 1, p. 30, sur l'art. 3 de la loi du 25 mai 1838, n. 43; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 1001; Pand. Rép., verb. cit., n. 318), et on conclut encore, depuis la loi du 12 juill. 1905 (V. J. Henri Chevalier, op. cit., t. 2, p. 398), que le juge de paix ne peut statuer qu'à charge d'appel.

Ces solutions ne peuvent être admises sans restriction. Il est de principe, en effet, que, si le juge ne peut faire d'office l'évaluation d'une demande indéterminée portée devant lui (V. Case. 8 janv. 1912, S. et P. 1912.1.155; Pand. pér.,

CASS.-CIV. 5 novembre 1912.

HYPOTHEQUE LÉGALE, FEMME MARIÉE, INSCRIPTION, DROITS ET REPRISES, CRÉANCE INDÉTERMINÉE, DISSOLUTION DU MARIAGE, SÉPARATION DE BIENS, RÉGIME DOTAL (Rép., V Hypothèque, n. 2516 et s.; Pand. Rép., vo Privilèges et hypothèques, n. 9371 et s.).

Les droits et reprises de la femme rentrent dans la catégorie des droits conditionnels, éventuels ou indéterminés, dont, aux termes de la disposition finale de l'art. 2153, C. civ., l'évaluation n'est pas obligatoire dans les inscriptions d'hypo-. thèque légale; ils sont, en effet, variables et incertains pendant tout le cours du ma riage, et, quel que soit le régime adopté par les époux, le montant n'en peut être fixe que par un compte, qui, dressé après la dissolution du mariage ou la séparation de biens judiciaire, établira la balance entre les reprises dues à la femme et les récompenses dues par elle, et fera ressortir · s'il existe un solde en sa faveur et quelle en est l'importance (2) (C. civ., 2153).

L'inscription de l'hypothèque légale d'une femme mariée, prise par ses héritiers dans l'année qui a suivi son décès, sans indication du montant des créances que l'inscription était destinée à conserver, ne saurait donc être annulée, par le motif que lesdites créances étaient déterminées le contrat par de mariage portant adoption du régime dotal et par un acte public de cession de droits successifs de l'épouse dans la succession de ses père et mère, intervenu durant le mariage, et d'où il résultait que le mari aurait été débiteur d'une somme déterminée (3) (Id.).

(Caujolle-Bert C. Gally-Gasparrou et
autres).

ARRET.

LA COUR ; Sur le premier moyen (vio

1912.1.155, et le renvoi), il en est différemment, soit lorsqu'il existe, pour la demande qui se présente sous une forme indéterminée, une base légale d'évaluation, en telle sorte qu'il suffit au juge d'un simple calcul pour déterminer le montant de la demande (V. Cass. 6 déc. 1909, S. et P. 1910.1.261; Pand. pér., 1910.1.261; 26 juill. 1911, S. et P. 1911.1.504; Pand. pér., 1911.1.504, et les renvois), soit, d'une manière plus générale, lorsque le juge trouve, dans la demande même, la base d'une évaluation, et qu'un simple calcul lui suffit pour traduire en un chiffre précis une demande, indéterminée seulement dans la forme sous laquelle elle se produit. V. Cass. 28 janv. 1865 (S. 1865.1.116.-P. 1865.259, et la note. V. aussi, Cass. 18 nov. 1907, S. et P. 1908.1.331; Pand. pér., 1908.1.331). Il a été déjà jugé, par application de ce principe, dans le sens de l'arrêt ci-dessus, qu'est de la compétence en dernier ressort du tribunal civil une demande en nullité de congé relative à une location n'ayant qu'une année de durée, et dont le prix a été fixé par les parties à 530 fr., l'objet du litige tant par là même supérieur au taux du dernier ressort. V. Dijon, 22 mars 1880 (S. 1881.2.27.-P. 1881.1.1198). V aussi, Caen, 25 mai 1840 (S. 1840.2.443. P. 1841.1.500), et les renvois. Comp. Orléans, 11 juin 1840 (P. 1840.2.339). (2-3) La jurisprudence est aujourd'hui fixée en ce sens sur cette question longtemps controversée, et qui est encore discutée. V. Cass. 2 mai

lation, pour fausse application, des art. 2148 et 2153, C. civ., et manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré nulle l'inscription de l'hypothèque légale d'une femme mariée pendant l'année de la dissolution du mariage, par le seul motif que cette inscription n'indiquait pas le montant des valeurs à conserver, sous prétexte que les créances de la femme étaient déterminées par des actes, alors que ces dates étaient antérieures au décès du mari, et qu'il ne constate pas qu'une liquidation fut intervenue pour fixer le chiffre de ces reprises, au moment où l'hypothéque avait été inscrite): - Vu l'art. 2153, C. civ.; Attendu qu'aux termes de cet article, le bordereau produit pour l'inscription des hypothèques légales doit énoncer la nature des droits à conserver et le montant de leur valeur quant aux objets déterminés, sans être tenu de le fixer quant à ceux qui sont conditionnels, éventuels ou indéterminés » — Attendu que les droits et reprises de la femme mariée rentrent dans la dernière de ces catégories; qu'ils sont, en effet, variables et incertains pendant tout le cours du mariage; que, quel que soit le régime adopté par les époux, le montant n'en peut être fixé que par un compte, qui, dressé après la dissolution du mariage ou la séparation de biens judiciaire, établira la balance entre les reprises dues à la femme et les récompenses dues par elle, et fera ressortir s'il existe un solde en sa faveur, et quelle en est l'importance; que, jusqu'à ce règlement, les droits et reprises de la femme doivent être considérés comme éventuels et indéterminés, au sens de l'article précité; -Attendu que, des cons tatations de l'arrêt attaqué, il résulte que Catherine et Anna Subra, agissant comme héritières de leur mère, Marie Icart-Bouaté, épouse de Jean Subra Bieusses, ont, le 20 mai 1899, dans l'année qui a suivi son décès, inscrit l'hypothèque légale qu'elle avait sur les biens de son mari, sans indiquer le montant des créances que l'inscription était destinée à conserver; que ledit arrét a jugé que cette indication aurait du avoir lieu, et qu'il a, en conséquence, déclaré que l'inscription était nulle; mais que, pour le faire, il s'est uni

et 13 juill. 1904 (S. et P. 1905.1.481, et la note de M. Lyon-Caen; Pand. pér., 1904.1.439, et 1905. 1.187); 24 nov. 1908 (S. et P. 1909.1.151; Pand. per., 1909.1.151), et les renvois. Adde. Toulouse, 15 juill. 1909 (S. et P. 1909.2.319; Pand. pér., 1909.2.319). La chambre civile, dans l'arrêt cidessus, reproduit les termes mêmes de ses précédents arrêts, en ajoutant seulement que la solution est la même, quel que soit le régime adopté par les époux. Cela ne pouvait faire difficulté. Si c'est surtout sous le régime de la communauté que le montant des droits et reprises de la femme demeure incertain et indéterminé jusqu'à la dissolution du mariage ou à la séparation de biens (V. la note de M. Lyon-Caen sous Cass. 2 mai et 13 juill. 1904, précités; Aubry et Rau, 5e éd., t. 3, p. 570 et s., note 12), cette même situation se présente également sous les autres régimes, la femme pouvant avoir contre son mari des créances indéterminées. V. spécialement, pour le cas où, comme dans l'espèce, les époux sont mariés sous

quement fondé sur ce que lesdites créances étaient déterminées par le contrat de mariage des époux Subra du 21 juin 1864, portant adoption du régime dotal, et par un acte public de cession de droits successifs de l'épouse du 22 oct. 1872, aux termes desquels le mari aurait été débiteur d'une somme de 3.500 fr. en capital: qu'en statuant ainsi, la Cour de Toulouse a faussement appliqué, et, par suite, violé l'article ci-dessus visé; Sans qu'il soit besoin de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi; - Casse l'arrêt rendu par la Cour de Toulouse le 7 août 1907, etc.

Du 5 nov. 1912. - Ch. civ. MM. Baudouin, le prés.; Durand, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); de Lalande et Regray, av.

CASS.-CIV. 10 février 1913.

AVOUÉ, POSTULATION, EMPÈCHEMENT, AVOCAT, REMPLACEMENT, CONCLUSIONS, JUGEMENT, NULLITÉ, ORDRE PUBLIC (Rép., v Avoué, n. 107 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 199 et s., 294 et s.).

La représentation d'une partie en justice n'appartient qu'à l'avoue, qui seul a le droit d'instruire l'affaire et de signer les conclusions (1) (L. 27 vent. an 8, art. 94; Décr., 19 juill. 1810, art. 1er).

Et aucun texte de loi n'autorise les tribunaux, en cas d'empêchement d'un avoué, à lui substituer un avocat, même avec le consentement de la partie (2) (Ordonn., 20 nov. 1822, art. 42).

Ces prescriptions élant d'ordre public, doit être cassé le jugement qui, l'avoué d'une des parties étant empêché, et aucun autre avoué n'étant disponible, a, du consentement des parties, autorisé à occuper, aux lieu et place de l'avoué empêche, un avocat, qui, en vertu de cette délégation, a pris des conclusions (3) (L. 27 vent. an 8, art. 94; Décr., 19 juill. 1810, art. Ier; Ordonn., 20 nov. 1822, art. 42).

(Giovanonni C. Polidori).

ARRÈT.

LA COUR; Sur le moyen unique (violation de l'art. 94 de la loi du 27 vent. an 8, du décret du 19 juill. 1810, et de l'art. 42 de l'ordonn. du 20 nov. 1822, en

le régime dotal, Toulouse, 15 juill. 1909, précité. (1-2-3) Les avoués ont le droit exclusif de représenter les parties en justice devant les tribunaux de première instance et les Cours d'appel auprès desquels ils sont établis, c'est-à-dire de postuler et de conclure (L. 27 vent. an 8, art. 91; Décr., 19 juill. 1810, art. 1°). V. Garsonnet, Tr. de proc., 2o éd., par Cézar-Bru, t. 1, p. 373 et 375, §§ 218 et 219; Glasson, Précis de proc., 2° éd., par Tissier, t. 1, n. 178 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Avoué, n. 107 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 199 et 8. La postulation par tous autres que les avoués est illicite, et peut faire encourir à ceux qui seront convaincus de s'y être livrés, en outre de dommages-intérêts, les pénalités édictées par le décret du 19 juill. 1810. V. Garsonnet, op. cit., t. 1er, p. 376, § 219; Glasson, op. cit., t. 1o, n. 179; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 117 et s.; Pand. Rép., verb. cit., n. 294 et s. La postulation est illicite, aussi bien de la part d'un avocat que de toute autre personne, aucune exception n'étant faite en faveur des avocats

ce que, dans l'instance solutionnée par le jugement attaqué, l'une des parties a été représentée devant le tribunal, non par un avoué, mais par un avocat, qui a pris en son nom des conclusions écrites, alors que les avoués ont seuls le droit de postuler et de prendre des conclusions, et que le vice de participation de l'avocat, en qualité d'avoué, ne pouvait, la matière étant d'ordre public, être couvert, ni par le consentement des parties, constaté au jugement attaqué, ni par l'autorisation du tribunal):

Vu l'art. 94 de la loi du 27 vent. an 8;

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Attendu que la représentation d'une partie en justice n'appartient qu'à l'avoué, qui seul à le droit d'instruire l'affaire et de signer les conclusions; qu'aucun texte de loi n'autorise les tribunaux, en cas d'empêchement d'un avoué, à lui substituer un avocat, mème avec le consentement de la partie; que ces prescriptions sont d'ordre public; Attendu qu'il résulte des qualités du jugement attaqué: 1° que le sieur Giovanonni, demandeur en cassation, ayant cité le sieur Polidori devant le tribunal civil de Corte, en paiement de sommes d'argent, un jugement par défaut faute de conclure fut rendu contre ce dernier, le 27 juill. 1910; 2o que, par requête du 7 octobre suivant, Me Corteggiani, avoué de Polidori, forma opposition, laquelle fut signifiée à Me Gambini, avoué du demandeur; 3° que, l'affaire étant venue à l'audience pour être plaidée, le tribunal, après avoir constaté que Me Corteggiani était empêché, et qu'aucun autre avoué du siège n'était disponible a, du consentement des parties, autorisé Me Giamettini, avocat, à occuper, comme avoué, pour Polidori, et qu'en vertu de cette délégation, ledit Me Ĝiamettini a conclu; Attendu qu'en autorisant ainsi Me Giamettini, avocat, à remplir, dans la cause, le ministère d'avoué, et en statuant sur le fond, en cet état de la pro édure, le jugement attaqué a violé l'article ci-dessus visé: Casse le jugement rendu le 21 oct. 1910 par le tribunal civil de Corte, etc.

Du 10 févr. 1913. — Ch. civ. MM. Baudouin, 1er prés.; Delcurrou, rapp.: Lombard, av. gén. (concl. conf.); Mornard, av.

à la règle que seuls les avoués peuvent postuler et conclure pour les parties. On a seulement discuté le point de savoir si l'avocat coupable de postulation ne serait pas exclusivement justiciable du conseil de discipline. Cette opinion, d'abord admise par la Cour de cassation (V. Cass. 28 déc. 1825, S. et P. chr.), a été finalement écartée par elle. V. Cass. 5 déc. 1836 (S. 1837.1 33. - P.chr.); adde, la note sous Cass. 28 déc. 1825, précité; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 127; Pand. Rép., eod. verb., n. 313, 327.

Les règles relatives à la représentation des parties en justice intéressent essentiellement l'administration de la justice (V. Garsonnet, op. cit., t. 1, p. 370, § 216; Glasson, op. cit., t. 1er, n. 174), et, par suite, il faut leur reconnaître un caractère d'ordre public (V. Rousseau et Laisney, Dict. de proc., v Avoué, n. 98), en telle sorte qu'il n'est pas possible, ni aux parties par leur consentement, ni aux juges par l'autorisation qu'ils donneraient à tout autre qu'à un avoué de postuler et de conclure, d'y apporter une dérogation.

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