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La florissante Idumée est irrévocablement condamnée; l'heure fatale est venue; le dernier des prophètes suscités dans Israël, Malachie, tourne aussi la main contre Édom.

« J'ai fait des montagnes d'Ésau une solitude, et j'ai abandonné son héritage aux serpens du désert. Que si Édom dit : nous avons été détruits, mais à notre retour nous rebâtirons ce qui a été détruit, voici ce que dit le Seigneur des armées : Ils bâtiront et moi je détruirai, et on appellera leur pays une terre d'impiété 1. » '.

Jamais peut-être l'accomplissement d'une prophétie ne fut plus évidemment démontré que dans cette singulière contrée. Chaque circonstance de la prédiction se trouve vérifiée par l'événement, confirmée par l'histoire, certifiée même par des incrédules.-La faible partie des Iduméens qui avait échappé à l'épée de Nabuchodonosor, s'étendit insensiblement dans le midi de la Judée; en sorte qu'au retour de leur captivité, les Juifs les trouvèrent en possession de presque toute la région méridionale de Juda, depuis Hébron, vers l'Arabie. Leur prospérité florissante excita la jalousie d'Israël, qui se rappelait les menaces faites à ce peuple. Ce fut alors que, par la bouche de Malachie, le SeigneurDieu répondit : « J'ai fait des montagnes d'Ésau

Malachic, 1, 3, 4.

une solitude, etc.-En effet, bien qu'épargnés par Antiochus Épiphanes, tandis qu'il opprimait les Juifs, jamais ils ne purent parvenir à s'affranchir, à se donner des princes ou des rois de leur nation. Ils subirent toujours les rois d'Égypte ou de Syrie, et enfin, en exécution des anciennes prophéties, tombèrent sous la domination juive.-En plus d'une rencontre Judas Maccabée les attaqua et les battit. Jean Hircan acheva de les soumettre. Les ayant domptés, il les força de recevoir la circoncision. Jusqu'à la ruine et la dispersion de la nation juive, ils demeurèrent sous sa dépendance. Josephe rapporte qu'au dernier siège de Jérusalem, ils accoururent et prirent les armes pour la défense de cette cité qu'ils regardaient comme la métropole de toute la race d'Abraham 1.

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Ecoutons maintenant un voyageur que déja nous avons entendu, Volney : « Ce pays, dit-il, n'a été visité par aucun voyageur, cependant il méritait de l'être. D'après ce que j'ai ouï dire aux Arabes de Bahir et aux gens de Gaza, etc., il au sud-est du lac Asphaltite, dans une espace de trois journées, plus de TRENTE VILLES ruinées, absolument désertes; les Arabes s'en servent quelquefois pour parquer leurs troupeaux; mais le plus souvent ils les évitent à cause des énormes

1 Joseph. Antiquit., liv. XIII, cap. 17.-De Bello Judaico, c. 6, p. 877.

scorpions qui y abondent. » La vengeance du Seigneur à marqué cette contrée d'une flétrissure éternelle. Là est le désert et la désolation, le péril et l'épouvante. Le démon méridien y ricane sur des ruines inconnues, se complaît parmi les décombres parfois teint du sang de l'étranger, du pélerin, et où les féroces enfans d'Esau enfouissent leur butin, se partagent les dépouilles. Malheur à quiconque s'engage dans la région maudite; le sol qu'il foule le trahit; le pas que son chameau empreint dans le sable, attire bientôt sur ses traces des léopards à face humaine. Pour lui aucune rançon à offrir, nulle miséricorde à implorer, car il est sur cette terre qui «< s'appellera une terre d'impiété. »

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Voilà pourquoi les hommes de pied et les hommes de cheval, les riches et les mendians sc détournent de ses limites, comme des bords d'un cratère. Voilà pourquoi, sans doute, le phète disait : « Les ruisseaux d'Edom se changeront en lave, la poussière en soufre, et le terrain en bitume brûlant. »>-Voilà pourquoi, ainsi que l'observe Volney, « ce pays n'a été visité par aucun voyageur, quoiqu'il méritât de l'être.»—Ali Aga et les guerriers Bethléémites qui escortaient M. de Châteaubriand dans son voyage à la mer Morte, refusèrent de l'accompagner vers la partie qui avoisine les confins de l'Arabie Iduméenne; ils murmuraient de ses retards, le pressaient de

partir; craignant sans cesse d'être aperçus et attaqués. Les tentatives faites pour pénétrer dans ces solitudes, furent toujours malheureuses ou vaines. Quoique sous la protection d'un des chefs de tribu les plus redoutés et renforcés d'une suite nombreuse, les capitaines Irby et Mangles, arrivés à grand'peine jusqu'à Pétra, furent forcés de rebrousser chemin. Les explorateurs les plus hardis payèrent de la vie leur noble curiosité. Burckardt dont l'intrépidité égalait la science, entreprit de visiter l'Idumée sous un déguisement arabe, mais les forbans du désert s'abattirent sur lui; l'ayant accablé de traitemens barbares, ils le spolièrent, le mirent dans une complète nudité et lui arrachèrent jusqu'aux lambeaux, dont il avait pansé ses pieds blessés. Oui «<leur pays s'appellera une terre d'impiété.»

Chaque événement prédit a été complétement vérifié. Dans son voyage, M. Léon de la Borde a reconnu de loin les restes de ces édifices construits aux flancs ou à la cime des montagnes, taillés dans les rochers qui rendaient si présomptueux les princes d'Edom. Ce sont des étages de marbre ou de granit superposés hardiment à plusieurs rangs de colonnes; leur physionomie gigantesque étonne l'œil par son caractère d'audace et de fierté; les magnifiques ruines de Palmire, les pylônes et les propylées de l'Egypte s'effacent, malgré leur renom, devant

un tel aspect. On comprend alors d'où vient la vive énergie du style prophétique à la peinture de cette image. C'est qu'elle sort de la réalité. Ces puissans vestiges respirent encore l'arrogance de ces hommes qui s'estimaient au-dessus des hommes, parce qu'ils habitaient des palais inexpugnables, dominaient les vallées, et se croyaient trop haut placés pour que la main du seigneur pût les atteindre. Leur muet témoignage explique ces menaces: «Votre insolence et l'orgueil de votre cœur vous a séduit, vous qui habitez dans les creux des rochers et qui tâchez de monter jusqu'au sommet des montagnes; quand vous auriez élevé votre nid aussi haut que l'aigle, je ne vous en arrachera is pas moins, dit le Seigneur.» En effet, l'aire que la superbe race d'Esau s'était établie sur les escarpemens des montagnes, est vide et désolée ; ses habitans en ont été arrachés; le vautour et l'effraie y font leur demeure. Nul bruit humain ne vient les troubler.

Les nomades de cette contrée, outre leurs instrumens de meurtre et d'assassinat, en portent un singulier, devenu, en quelque sorte partie de leur costume: ce sont des pinces destinées à arracher les pointes des épines, les piquans des orties si communes dans ces parages: «Dans ses édifices croîtront les épines et les orties; les chardons pousseront dans ses forteresses.»> (Isaïe, ch. 34, v. 13.)

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