proclamation, soit à l'armée conquérante, soit aux peuples de l'Italie, qui opéra un grand effet ; les principaux traits de cet ouvrage entrent naturellement dans le plan de cette histoire. «Soldats, vous avez, en quinze jours, remporté six victoires, pris plusieurs places fortes, conquis la partie la plus riche du Piémont ; vous avez fait quinze cents prisonniers, tué ou blessé dix mille hommes; vous égalez aujourd'hui, par vos services, l'armée qui a conquis la Hollande. Dénués de tout, vous avez suppléé à tout; vous avez gagné des batailles sans canons, passé des rivières sans ponts, bivouaqué plusieurs fois sans pain; les phalanges républicaines étoient seules capables d'actions aussi extraordinaires. » Mais, soldats, il ne faut pas vous le dissimuler, vous n'avez encore rien fait, puisque beaucoup de choses vous restent encore à faire. Ni Turin ni Milan ne sont à vous; vos ennemis foulent encore la cendre des vainqueurs des Tarquins! » La patrie attend de vous de grands services, vous justifierez son attente; vous brûlez tous de porter au loin la gloire du peuple français, d'humilier les rois orgueilleux qui méditoient de nous donner des fers . Vous voulez tous, en rentrant dans le sein de vos familles, dire avec fierté: j'étois de l'armée conquérante de l'Italie! »Amis, je vous promets cette conquête; mais il est une condition qu'il faut que vous juriez de remplir, c'est de respecter les peuples que vous délivrerez de leurs fers; c'est de réprimer les pillages; sans cela vous ne seriez point les libérateurs des peuples, vous en seriez le fléau, la France vous désavoueroit; vos victoires, votre courage, le sang de vos frères, morts en combattant, tout seroit perdu, surtout l'honneur et la gloire. Quant à moi et aux généraux qui ont votre confiance, nous rougirions de commander une armée qui ne connoîtroit de loi que la force. » Peuples d'Italie, l'armée française vient chez vous pour rompre vos chaînes; le peuple français est l'ami de tous les peuples. Venez avec confiance au-devaut de nos drapeaux; votre religion, vos propriétés, vos usages seront respectés. Nous ferons la guerre en ennemis généreux, nous n'en voulons qu'aux tyrans qui vous asservissent. » Ces triomphes militaires ne nuisoient point à la diplomatie. Bonaparte, convaincu que pour battre plus sûrement une légion d'ennemis, il falloit les diviser, eut l'adresse de détacher de la coalition les deux rois de Sardaigne et de Naples ; ce qui lui permettoit de diriger toutes ses forces contre la maison d'Autriche; cette tactique fut celle de Rome république, et elle lui servit à étendre sa domination sur le tiers du globe. Le roi de Naples s'engagea à garder la plus stricte neutralité, et à refuser l'entrée de ses ports à plus de quatre vaisseaux de guerre des puissances belligérantes; pour le roi de Sardaigne, il subit complétement la loi du général français. Non seulement il renonça à la coalition, mais encore à tous ses droits sur les comtés de Nice, de Tende et sur la Savoie; au reste, ses sacrifices étoient ceux de Carthage, à la dernière guerre punique on le dépouilloit graduellement pour être plus sûr de le détrôner. Bonaparte, avant la signature de cette dernière paix, s'étoit rendu maître de Tortone et de Coni; encouragé par ses succès, il fit entrevoir à ses soldats la conquête de toute l'Italie : cette perspective brillante fit son effet; les Français étoient séparés de l'armée autrichienne par le Pô, espèce de barrière qu'il sembloit impossible de franchir; ils traversèrent le fleuve sur des ponts volans et sur des radeaux, malgré le feu soutenu d'une nombreuse artillerie, battirent les Autrichiens à Pombio et sous les murs de Casal, et entrèrent dans les états du duc de Parme pour les envahir: ce prince n'attendit pas le moment de sa chute pour la prévenir : il eut recours à la médiation de l'ambassadeur d'Espagne, et acheta un armistice, moyennant de grandes provisions de bouche, 1,300 chevaux, vingt tableaux de sa galerie, et une contribution militaire de deux millions. L'armée autrichienne qui avoit d'abord beaucoup trop séparé sa cause de celle de ses alliés se gau trouva bientôt réduite à ses propres forces: le général Beaulieu venoit, le 10 mai, de ranger en bataille l'armée autrichienne sur la rive che de l'Adda, et n'ayant pas eu la prévoyance de couper le pont de Lodi, qui avoit cent toises de long, le faisoit défendre par un corps de dix mille hommes: rien n'arrêta l'impétuosité des Français. Bonaparte, qui trouvoit son ame dans d'autres généraux dignes de lui, dans les Berthier, les Masséna et les Augereau, fit attaquer le pont: les batteries furent enlevées, l'ordre de bataille ennemi rompu, et les Autrichiens enfoncés dans toutes leurs positions se replièrent, avec les débris de leur armée découragée, du côté des états de Venise. La nouvelle du passage du Pô du Pô par Bonaparte, fit en Italie l'effet du passage du Rhin par Louis XIV, en Allemagne : tous les trônes tremblèrent; le duc et la duchesse qui gouvernoient le Milanais, quittèrent leur capitale qu'ils ne pouvoient plus défendre; et les habitans, que la propagande républicaine avoit aliénés de leurs souverains, brisèrent leurs armoiries, et arborèrent la cocarde tricolore: alors le héros de Lodi entra en triomphateur dans Milan, et prit possession du palais des archiducs; le lendemain, en vertu du droit de conquête, cinq mille sabres, et autant de fusils, furent pris dans les arsenaux, l'argent des caisses publiques fut enlevé : on imposa une contribution provisoire sur les Monts-de-Piété et sur l'argenterie des églises, et on obligea la ville à faire un cordon de quinze mille hommes pour cerner la citadelle. Modène alloit partager le joug imposé aux Milanais son souverain s'y déroba par une contribution volontaire de vingt tableaux des grands maîtres de l'école d'Italie, et par un don gratuit de près de huit millions. On regrette que tant d'exploits aient été gâtés, aux yeux des siècles, par l'appareil des supplices: la cause de ces mesures terribles fut une insurrection dans le Milanais, pour rendre cette contrée à ses anciens souverains: non seulement on intima à l'archevêque de Milan et à la noblesse, qu'ils répondoient sur leur tête de la tranquillité publique, mais encore on mit le feu au village de Bagnosco, on fusilla la municipalité de Pavie, et on expatria une foule de seigneurs, pour les envoyer en France en qualite d'ôtages. Venise, toute république qu'elle étoit, ne tarda pas à gémir du voisinage des ennemis des rois; le directoire avoit une haine ancienne contre cette ville, à cause de l'asile qu'elle avoit donné dans Vérone à l'héritier du trône de Louis XVI, et Venise sentit qu'elle ne pouvoit conjurer l'orage, que par un acte de foiblesse : elle fit signifier au Prétendant de sortir, dans le plus court.délai, de ses états. La réponse du prince respire une noble |