Images de page
PDF
ePub

COUR DE CASSATION.

L'hypothèque speciale peut-elle devenir générale par l'effet de la chose jugée au sujet de l'exécution du contrat? (Rés. aff:)

POURVOI DU SIEUR LADVOCAT.

Le sieur Demonizer était créancier du sieur Ladvocat d'une somme de 4,100 liv., suivant une obligation authentique du 6 germinal an 15.

Gette obligation lui conférait une hypothèque spéciale sur des biens situés à Vancourt, que le débiteur avait déclarés libres de toute hypothèque.

Le sieur Demontzey les trouva pourtant, grevés de plusieurs inscriptions: il poursuivit en conséquence Ladvocat comme stellionataire, et obtints, le 2 fructidor an 13, un jugement de première instance qui prononçait contre lui la condamnation par corps. Sur l'appel ce jugement fut confirmé par deux arrêts par défaut de la Gour d'appel de Nanei, des 2 mai et 18 juillet 1806.- Le sieur Demontzey prit inscription sur tous les biens de son débiteur, en vertu des jugemens et arrêts des 2 fructidor an 13, 2 mai et 18 juillet 1806, et poursuivit l'expropriation, non seulement des immeubles de Vancourt spécialement hypothéqués à sa créance par l'obligation première, mais encore d'autres biens situés à Vaucouleurs.-Le sieur Ladvocat soutint que la poursuite devait être restreinte aux seuls biens bypothéqués; que l'hypothèque de son créancier n'avait pu recevoir d'extension des jugemens et arrêts qu'il avait obtenus, et que le stellionat ne généralisait pas l'hypothèque spéciale.. Mais ces raisons n'arrêtèrent pas l'adjudication qui eut lieu de tous les biens saisis; et, sur l'appel, la Cour de Nanci confirma le jugement d'adjudication par arrêt du 25 mars 1807.

Le pourvoi en cassation du sieur Ladvocat contre ce dernier arrêt était motivé pour violation et fausse application de plusieurs articles du Gode civil, notamment de l'art. 2209, Tome IX.

14

J

-

qui ne permet au créancier de poursuivre l'expropriation qu des immeubles spécialement affectés à sa créance, à main qu'il n'y ait insuffisance. Si les articles 2117 et 2123, di sait le demandeur, attachent à la chose jugée une hypothè que générale, ce ne peut être quand elle s'applique à une obligation qu'elle confirme; elle ne saurait changer la nature de la convention qui n'accordait qu'une hypothèque spé ciale; son objet unique a été d'en assurer l'exécution. - La Cour d'appel de Nanci a donc fait une fausse application de ces articles en jugeant que le sieur Demonizey avait eu droit d'étendre aux immeubles de Vaucouleurs son hypothe que, restreinte à ceux de Vancourt.

[ocr errors]

M. Jourde, substitut du procureur-général, a démontré qu'on ne pouvait en droit contester au sieur Demontzey une hypothèque générale résultante du jugement et des deux arrêts dont il se prévalait. Ces décisions n'étaient plus susceptibles d'être réformées au moment qu'il avait pris inscription et commencé sa poursuite de saisie immobilière. Les arrêts de condamuation ne se bornaient pas à confirmer une hypothè que spéciale sur des immeubles grevés d'autres inscriptions, quoique déclarés libres : ils ordonnaient le remboursement, même par corps, du montant de l'obligation entachée destel lionat, sans égard aux termes accordés, du bénéfice desquels le sieur Ladvocat était déchu; ils déclaraient par conséquent l'insuffisance de l'hypothèque spéciale, et la nullité de la convention que le dol viciait; ils la réputaient incapable de produire son effet, et prononçaient une condamnation supplétive de son inexécution. C'est pourquoi il a conclu au rejet. Le 4 avril 1808, ARRÊT de la Cour de cassation, des requêtes, M. Henrion, doyen d'âge, président, M. Ruperou rapporteur, par lequel:

[ocr errors]

section

« LA COUR, - Attendu, en premier lieu, qu'il est déclaré en fait par l'arrêt que les biens hypothéqués spécialement par l'acte du 6 germinal an 13 étaient insuffisans pour solder la totalité de la créance du sieur Demontzey; tendu, en second lieu, que le sieur Demontzey, n'ayant en

-At

dernier lieu poursuivi l'expropriation qu'en vertu d'un jugement passé en force de chose jugée, dont l'inscription lui avait conféré une hypothèque générale sur tous les biens du sieur Ladvocat, a pu comprendre dans ses poursuites d'au tres biens que ceux hypothéqués par l'acte du 6 germinal an 3; REJETTE, etc. »

Nota. Il paraît résulter du second motif de cet arrêt que la Cour de cassation a véritablement entendu décider en principe que l'hypothèque spéciale peut devenir générale par suite du jugement rendu au sujet de l'exécution du contrat; c'est aussi ce que semble reconnaître M. Grenier dans son Traité des Hypothèques, t. 1o, p. 586. Toutefois ce jurisconsulte ajoute que ce serait étrangement se méprendre que de croire, parce qu'il est intervenu une condamnation dont l'effet a été d'augmenter plus ou moins la créance pri-" mitive, que l'hypothèque spéciale est convertie en une hypothèque générale, de telle manière que l'une et l'autre soient confondues. « Les deux hypothèques, dit M. Grenier, subsistent séparément l'une de l'autre, et chacune devra être renfermée dans son espèce particulière. Ainsi, l'hypothèque spéciale ne peut grever que le fonds énoncé dans l'obligation, et l'hypothèque générale n'existera qu'en vertu du jugement ou de l'arrêt survenu depuis. Cette hypothèque générale pourra porter sur tous les autres immeubles du débiteur; mais elle n'aura d'effet sur ces immeubles que du jour de la nouvelle inscription qui devra être prise. En sorte que, si le créancier qui l'a obtenue se trouvait en concours avec d'autres créanciers qui auraient des inscriptions postérieures pour hypothèques spéciales sur les immeubles que frapperait l'inscription prise pour l'hypothèque générale, ceux-ci auraient le droit de restreindre l'effet de cette inscription an montant de l'augmentation de la créance qui résulterait du jugement ou de l'arrêt. »

1

Peut-être fera-t-on difficulté d'admettre cette restriction; peut-être pensera-t-on qu'il serait contradictoire et même,

[ocr errors]

inconséquent que le créancier qui n'a point exigé de sûreté hypothécaire puisse obtenir, par l'effet du jugement, une hypothèque générale sur les biens de son débiteur pour la totalité des condamnations prononcées contre ce dernier, c'est-à-dire pour la créance principale et le montant de l'aug mentation de la créance; tandis que le créancier qui auraiț exigé une hypothèque spéciale verrait l'hypothèque générale qu'il a obtenue par l'effet du jugement restreinte aux condamnations qui excéderaient sa créance, laquelle resterait limitativement assignée sur l'immeuble originairement frappé de son hypothèque. Il paraît difficile d'admettre ce système. Que l'hypothèque judiciaire n'ait d'effet que du jour de la nouvelle inscription prise sur les biens du débiteur en vertu de l'arrêt ou du jugement de condamnation, c'est un point qui ne saurait être contesté; mais il semble qu'à partir de cette époque elle doit produire un effet absolu, et qu'alors l'hypothèque spéciale est nécessairement convertie en une hypothèque générale, pour la totalité des condamnations. Cette doctrine ne présente d'ailleurs aucun inconvénient dans ses résultats; elle ne blesse point les droits des tiers, puisque l'hypothèque générale ne se réalise que du jour de l'inscription. A l'égard du débiteur, c'est la peine attachée à sa mise en demeure, à l'inexécution de son engagement.

COUR D'APPEL DE LIÉGE.

Un négociant qui se croit fondé à refuser du voiturier des marchandises qui lui sont expédiées en vertu de sa commande doit-il se pourvoir au tribunal de commerce pour en faire constater l'état et ordonner le dépôt ? ( Rés. aff.) Si, au lieu de remplir cette formalité, il laisse enlever les marchandises par un autre, ou s'il en dispose, est-il responsable du prix vis-à-vis du marchand expéditeur? (Rés. aff.) Cod. de comm., art. 106.

LES SIEUR HEUTEN ET COMPAGNIE C. LE SIEUR SCHLICKUM.

Heuien et compagnie, commissionnaires à Aix-la-Cha

pelle, avaient acheté du négociant Schlickum de Gladblack une partie de nankins qui devait être livrée à leur domicile le 20 janvier 1808.

Ces nankins n'arrivèrent à destination que le 17 février, c'est-à-dire un mois plus tard que l'époque fixée par les acheteurs: ce qui contrariait l'opération de ces derniers, qui avaient contracté à cet égard des engagemens avec un négociant de Bordeaux.

En conséquence, le 19 du même mois de février, la compagnie Heuten écrività Schlickum que, l'arrivée des nankins ayant eu lieu trop tard, elle ne pouvait en garantir l'accep tation; que cependant', et pour l'intérêt de lui Schlickum elle allait les expédier à Bordeaux, et que, s'ils étaient acceptés, elle en paierait le prix.

Le & avril suivant, autre lettre de la compagnie Heuten, qui annonce le refus des nankins par ses commettans de Bordeaux, et invite Schlickum à les reprendre ou à leur donner une destination.

Celui-ci répond que, les nankins étant arrivés après le terme convenu, Heuten était bien le maître de les laisser pour son compte, mais qu'il avait virtuellement renoncé à ce droit, en disposant des objets, et en les expédiant à Bordeaux; que dès lors Heuten en devait la valeur, d'autant plus que ce circuit d'envoi et de retour avait employé beaucoup de temps et fait écouler la saison de se défaire de ces sortes de marchandises.

Instance, et jugement conforme à la prétention de Schlickum.

Sur l'appel, et le 4 avril 1808, arrêt de la Cour de Liége, MM. Harze et Rittman avocats, par lequel :

-

« LA COUR, — Attendu que l'intimé n'avait contracté qu'avec les appelans, et non pas avec les prétendus correspondans de ceux-ci, qu'il ne connaissait pas, et qui ne lui avaient jamais été indiqués comme acheteurs; Attendu que, si les appelans voulaient se prévaloir du défaut d'envoi des marchandises au terme convenu, ils auraient dû

« PrécédentContinuer »