ARTICLE 109. COUR ROYALE DE TOULOUSE. FAILLITE. Ouverture.-OPPOSITION.-DÉLAI. La voie d'opposition au jugement qui fixe l'ouverture d'une faillite n'est ouverte à l'acquéreur, qui veut faire maintenir les actes de vente consentis par le commerçant tombé depuis en faillite, que pendant un mois, à partir du jour où les formalités de L'affiche et de l'insertion aux journaux ont été accomplies. (Art.. 580 et 581, C.Comm.) (Foch C. Bories.)-ARRÊT. LA COUR;-Attendu que, par son jugement du 10 avril 1844, le tribunal de commerce de Saint-Gaudens avait fait remonter l'ouverture de a faillite du sieur Baron au 15 juill. 1839; que les sieurs Foch ayant attaqué ce jugement par la voie de l'opposition, un second jugement, émané du même tribunal, le 19 fév. 1846, a fixé l'ouverture de cette faillite au 5 fév. 1840; qu'il faut dès lors rechercher si l'opposition des sieurs Foch était recevable, ou bien si le jugement du 10 avril 1844, ayant acquis à leur égard l'autorité de la chose souverainement jugée, il n'était pas possible d'en prononcer la rétractation sur leurs poursuites; Attendu que ce jugement a été publié conformément aux dispositions de la loi, ainsi que l'attestent les numéros des 17 juin 1844, 20 janvier et 17 fév. 1845 du Journal de Saint-Gaudens; que la formalité de l'affiche a été également remplie, comme le démontre le certificat délivré par le greffier, et comme le justifierait au besoin le procèsverbal du 25 mai;-Attendu que ces formalités une fois accomplies, le droit d'opposition envers le jugement du 10 avril, fixant l'ouverture de la faillite, devait, aux termes de l'art.580, C.Comm., être exercé, sous peine de déchéance, dans le délai d'un mois, à partir de la publication et affiche; que ce délai était plus qu'expiré lorsque, le 22 nov. 1815. les sieurs Foch ont déclaré vouloir s'opposer envers le jugement du 10 avril 1844; et qu'en conséquence, le rejet de leur opposition doit être prononcée;-Attendu que c'est sans fondement que les sieurs Foch, pour se soustraire à la déchéance qu'ils ont encourue, invoqueraient les dispositions de l'art. 581 du même Code, uniquement relatives aux créanciers, qu'en effet, en attaquant le jugement déclaratif de la faillite, ils ont agi non en qualité de créanciers, mais comme acquéreurs, dans le but unique de faire maintenir des actes de vente que le sieur Baron, failli, leur avait consentis; que ce cas rentrant dans l'hypothèse prévue par l'art. 580, les sieurs Foch ne peuvent se prévaloir des delais fixés par l'art. 581...; Réformant, rejette comme faite après l'expiration des délais prescrits par l'art. 580, C. Comm., l'opposition des frères Foch envers le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Gaudens, le 10 fév. 1844, ordonne l'exécution pleine et entière dudit jugement. Du 19 fév. 1847.-3° Ch.-MM. de Bastoulh, prés.-DaguillonPujol, av.gén. (concl.conf.)-Alexandre Fourtanier et Mazoyer, ay. OBSERVATIONS.-La question de savoir si l'art. 580, C.Comm., comprend les créanciers dans l'expression parties intéressées, est fort controversée. Il y a arrêt pour et contre (Voy. J. Av., t. 71, p. 425). Pour l'affirmative, on pense que l'art. 581 est restrictif du délai déjà accordé, et non attributif d'un délai nouveau. Pour la négative on veut que l'art. 581 ait été beaucoup plus favorable pour les créanciers actuels que pour ceux qui, par suite d'une action spéciale, comme dans l'espèce, pourraient le devenir plus tard. J'avoue que je prête difficilement au législateur un langage contraire à la raison. Je conçois que pour les créanciers qui, presque toujours, sont avertis immédiatement de la faillite, le législateur soit plus rigoureux que pour d'autres parties intéressées, qui seront indirectement atteintes par les effets de cette faillite. Mais que ce soit tout le contraire ! Pour l'admettre il faudrait que le texte de la loi fût plus clair que le jour. La controverse qui s'est élevée suffit pour arrêter mon sentiment à l'interprétation raisonnable des textes qui sont à appliquer. Du reste, on peut consulter les deux observations substantielles de MM. Devilleneuve, année 1844, 2o partie, p. 409 et Dalloz, année 1845, 2o partie, p. 17. Ces deux savants jurisconsultes ont cité les discussions au sein des chambres et les autorités doctrinales. J'approuve, comme on le voit, le dispositif de l'arrêt de la Cour de Toulouse; mais il en est autrement des motifs. L'acquéreur était une partie intéressée, donc l'art. 580 lui était applicable; mais que la Cour ait décidé que, poursuivi par le syndic en annulation de la vente qui lui avait été consentie, l'acquéreur Foch n'était pas dans la catégorie des créanciers, cela me paraît inadmissible, car le syndic lui-même en demandant la résolution, réduisait Foch au rôle de créancier. Dans mon opinion, Foch n'en était pas moins non recevable, mais dans l'opinion de la Cour sur le sens à donner aux art.580 et 581, l'opposition au jugement de fixation du jour de la faillite, eût dû être déclarée recevable. ARTICLE 110. COUR ROYALE DE TOULOUSE. 1o COMPÉTENCE.-CANAUX.-DOMMAGES TEMPORAIRES. 2o COMPÉTENCE.-ACTION.-FERMIER.-PROPRIÉTAIRE. 1o Les actions en réparation d'un dommage temporaire occasionné par des travaux pratiqués sur un canal, sont de la compétence administrative. (L. du 28 pluviôse an vIII.) 2o Les tribunaux civils sont seuls compétents pour connaître de l'action en indemnité dirigée par un fermier contre son bailleur, l'occasion de dommages occasionnés par des travaux publics. (Lordat C. l'administration du canal du Midi et Crispon.) Le sieur Crispon, fermier du domaine de Bram, se plaint de ce que, tous les ans, une partie notable de sesterres est submergée par les eaux; il attribue ces inondations périodiques au mauvais entretien de certains ouvrages qu'il croit dépendre du canal du Midi; il les attribue notamment à l'engorgement de l'aqueduc de Rebeuty, à la fermeture de la cale de Sauzeux, au rétrécissement du contre-canal, et à l'exhaussement de son lit. En conséquence, et par exploit du 26 août 1845, il assigne le marquis de Lordat, son bailleur, devant le tribunal de Toulouse, pour s'y voir condamner: 1o A réparer le dommage éprouvé jusqu'alors; 26 A le faire jouir paisiblement des terres comprise dans son bail.-Sur cette citation, le marquis de Lordat appelle en garantie l'administrateur du canal. Celui-ci décline la compétence du tribunal; mais par jugement du 15 juill. 1846, le tribunal retient la cause, et ordonne qu'il sera plaidé au fond.— L'administrateur du canal relève appel de cette décision, et M. le préfet de la Haute-Garonne adresse en même temps à la Cour le mémoire qui doit précéder tout arrêté de conflit. ARRÊT. LA COUR; - Attendu qu'en libellant son action en garantie contre l'administration du canal du Midi, le sieur de Lordat a demandé, tant la réparation du préjudice qu'il éprouvait, que la confection des travaux propres à le faire cesser; Attendu que ces deux chefs de demande se rattachent l'un à l'autre, ainsi que l'effet se rattache à la cause, d'où suit qu'ils doivent être attribués à la même juridiction; Attendu que le canal du Midi est une propriété sui generis soumise dans l'intérêt du public à la surveillance et aux règlements de l'autorité administrative; Attendu que les cessionnaires de ce canal ne peuvent y faire des changements, ni même des réparations, sans avoir obtenu préalablement du conseil de préfecture un arrêté déterminant les travaux jugés nécessaires par des ingénieurs spéciaux; Attendu que si l'autorité administrative est seule compétente pour déterminer les travaux essentiels, elle l'est aussi pour apprécier et liquider les dommages occasionnés par leur exécution; qu'ainsi il y a lieu de réformer la décision des premiers juges, en ce qu'ils ont méconnu les règles de la compétence posées par les lois des 12 et 20 août 1790, 16 fructidor an III, pluviose an viii et 14 floréal an XI;-Attendu que l'instance principale engagée par le sieur Crispon, et le sieur de Lordat étant distincte et séparée de la garantie réclamée par ce dernier contre l'administration du canal du Midi, la connaissance en doit être laissée aux tribunaux;-Attendu que le sieur de Lordat succombant dans ses prétentions doit être condamné aux entiers dépens envers l'administration du canal du Midi et à ceux de l'appel à l'égard du sieur Crispon;-Par ces motifs, statuant à la fois sur la lettre du préfet et sur les conclusions des parties, a annulé et annulle le jugement dont est appel, en ce qu'il retient pour être plaidé au fond la demande en garantie du sieur de Lordat contre l'administration du canal du Midi; - En conséquence, renvoie la connaissance de cette demande à l'autorité administrative, délaisse aux premiers juges l'application de l'instance principale engagée par le sieur Crispon contre le sieur de Lordat; — Ce faisant, condamne ce dernier aux entiers dépens de l'appel. Du 21 janv. 1847.-2 ch.-MM. de Faydel, prés.-Fossé et de Saint-Gresse, av. OBSERVATIONS. Cet arrêt est d'une très grande importance pour tous les pays qui, comme le Languedoc, sont traversés par des canaux. La raison de décider serait la même pour les chemins de fer. La Cour a consacré les principes que j'ai développés dans mon ouvrage sur ta Compétence et la Juridiction administratives. La demande du fermier contre le propriétaire appartenait aux tribunaux civils, tandis que l'action contre l'administration du canal était du domaine de l'autorité administrative. Si l'arrêt est inattaquable, les motifs ne me sembient pas concluants. Ce n'est nullement parce que les travaux à faire dans le canal du Midi doivent être autorisés par le pouvoir exécutif, que la matière est administrative; mais uniquement, parce que les grandes voies de communication, canaux, routes, chemins de fer, sont toujours, en quelques mains qu'ils soient, considérés comme des travaux publics en cours d'exécution. S'ils nécessitent l'achat d'un terrain, ou s'ils occasionnent des dommages permanents, par exemple, si on veut diriger des eaux sur une propriété particulière, l'Etat ou les propriétaires, soit à perpétuité, soit à temps, doivent procéder par la voie d'expropriation; si au contraire, les travaux n'occasionnent qu'un dommage temporaire, comme dans l'espèce, l'autorité administrative est seule compétente. (Voy. passim, loco citato.) ARTICLE 111. COUR ROYALE DE TOULOUSE. DERNIER RESSORT.-ARRÉRAGES DE RENTE.-VALIDITÉ du titre. Lorsqu'une demande d'arrérages de rente dépend du jugement à porter sur la validité du titre, la compétence du juge pour le dernier ressort n'est pas fixée seulement par la valeur des arrérages demandés, il faut y joindre le capital même de la rente. (L. du 11 avril 1838, art. 1er). (Hospices de Villefranche C. Astoul.)-ARRÊT. LA COUR;-Attendu que s'il est constant que, par leurs conclusions prises devant les premiers juges, les administrateurs de l'hospice civil de Villefranche n'ont conclu qu'au paiement d'un certain nombre d'annuités de la rente constituée par l'acte de 1674, qui, réunies, ne dépassent point le taux du dernier ressort, tel qu'il est fixé par l'art. 1er de la loi du 11 avril 1838, il est également constant que les appelants, pour faire proscrire cette demande, ont soutenu que le titres en vertu duquel ladite rente avait été primitivement due, étant éteint par la prescription, aucune action utile pour le paiement desdits arré rages ne pouvait être poursuivie contre eux; d'où suit que lesdits administrateurs devaient à la fois établir que les arrérages qu'ils réclamaient n'avaient point été payés, et qu'aucune exception ne s'opposait à l'exercice de leur action quant à ce, et que le titre en vertu duquel la dite rente était due, n'avait rien perdu, ni de san force, ni de son efficacité;-Attendu qu'étant constant, en fait, que ce fùt moyennant un capital de 600 francs que ladite rente fut constituée, il est hors de doute que cette somme réunie à celle de 1100 et tant de francs, formant le montant des arrérages réclamés, dépasse la limite dans laquelle les tribunaux civils de première instance sont autorisés à prononcer en dernier ressort; l'appel interjeté de leur décision par les appelants est donc l'exercice d'un droit légitime, puisque la faculté de faire parcourir à toute instance judiciaire deux degrés de juridic tion, formé le droit commun; c'est donc sans fondement que les hospices concluent au rejet de l'appel...; Par ces motifs, déclare mal fondée la demande en rejet proposée par les administrateurs des hospices de Villefranche, et ordonne qu'il sera immédiatement plaidé au fond. Du 19 janv. 1847.-1 ch.-MM. Garrisson, prés.- Doms, proc. gén. (concl. contr.)-Mazoyer et Féral, av. re OBSERVATIONS. J'ai examiné cette question dans le Journal des Avoués, t. 19, p. 28 et 159, v° Dernier ressort, nos 4 et 154, et je me suis déterminé avec CARRÉ, Compétence, et MERLIN, pour la fin de -non-recevoir. Je suis heureux de pouvoir invoquer le sentiment du savant procureur général, qui a conclu dans l'affaire que je viens de rapporter; on peut aussi consulter un arrêt conforme de la Cour de Douai, du 29 déc. 1845 (J. Av., t. 70, p. 221). Toutefois, je ne me dissimule pas la gravité de la décision rendue par la première chambre de la Cour de Toulouse, sous la présidence d'un des magistrats les plus distingués que je connaisse; surtout, lorsqu'à l'appui de cette décision on peat citer l'opinion de mon honorable collègue et ami M. BENECH, Traité des tribunaux civils de première instance, p. 11 et 112. Voici quelques passages du réquisitoire de M. DOMS: « C'est un principe incontes table que la compétence d'un tribunal est déterminée par les conclu sions des demandeurs, telles qu'elles sont formulées à l'audience. << Si ces conclusions circonscrivent le litige dans les limites du dernier ressort, les exceptions du défendeur seront impuissantes à lui faire perdre ce caractère, à moins cependant, que le défendeur ne formule une demande reconventionnelle qui dépasse les limites du dernier ressort (art. 2 de la loi du 11 avril 1838). On ne confond pas en droit les exceptions opposées à l'action principale et qui tendent à la faire repousser avec les demandes reconventionnelles. Les premières re sont que des moyens de défense, tandis que les autres constituent des chefs directs de demande. « Quelque grave que soit l'exception, elle ne peut rien changer à l'incompétence irrévocablement fixée par les conclusions du demandeur: c'est ainsi qu'il a été jugé qu'une action en paiement d'une somme au-dessous de 1500 fr., ne cessait pas d'être dans les limites où les tribunaux de première instance peuvent statuer en dernier ressort, parce que le défendeur, pour échapper à la demande, soutenait qu'il n'était pas héritier du débiteur qui avait souscrit l'obligation (Bordeaux, 22 nov. 1844; Toulouse, 1er avril 1844). La question relative à la qualité d'héritier n'étant soulevée qu'incidemment et par voie d'exception à la demande principale, ne pouvait changer la compétence du tribunal. Il en est de même lorsque l'exception est puisée dans le vice du titre, ou dans l'extinction de l'obligation. : «Ces principes reçoivent une application naturelle à la cause.--En effet par leurs conclusions, les administrateurs de l'hospice demandent contre les défendeurs une condamnation pour les arrérages échus d'une rente, s'élevant à 1100 fr.; cette demande était donc au-dessous du taux du dernier ressort. Il est vrai que pour repousser cette action, les défendeurs ont soutenu que la dette était éteinte que le titre était prescrit, etc. Ce ne sont là que de pures exceptions qui ne sauraient altérer la compétence irrévocablement fixée par les conclusions du demandeur. On se préoccupe de ce que, pour apprécier le mérite de cette demande, il est nécessaire de rechercher si le titre existe encore: |