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CASS.-CIV. 31 janvier 1911 (3 ARRÈTS).

1o ET 3o SÉPARATION DE BIENS, SÉPARATION JUDICIAIRE, FEMME, POUVOIRS D'ADMINISTRATION, RÉCEPTION DES CAPItaux, QuitTANCE, MARI, ASSISTANCE, RESPONSABILITÉ, COMMUNAUTÉ CONJUGALE, RÉCOMPENSES, INTERETS, POINT DE DÉPART, RÉTROACTIVITÉ, ENFANTS COMMUNS, DOTS, IMPUTATION SUR LA SUCCESSION DU PRÉMOURANT DES PÈRE ET MÈRE (Rép., v Séparation de biens, n. 685 et s.; Pand. Rép., v° Mariage, n. 11272 et s.). 20 COMMUNAUTÉ CONJUGALE, FEMME, RENONCIATION, RÉCOMPENSES, INTERÈTS, POINT DE DÉPART (Rép., vo Communauté conjugale, n. 1513; Pand. Rép., v Mariage, n. 6215). 40 CRÉANCIER, EXERCICE DES ACTIONS DU débiteur, PARTAGE, OPPOSITION, INTÉRÊT POUR AGIR (Rép., v Créancier, n. 167; Pand. Rép., vo Obligations, n. 2722, 6738). 5o DEPens, Pouvoir DU JUGE, PARTAGE, OPPOSITION, EMPLOI EN FRAIS PRIVILÉGIÉS DE PARTAGE (Rép., vo Dépens, n. 1990 et s.;

(1-2-3) L'arrêt ci-dessus rapporté statue sur deux points relatifs à l'interprétation des art. 1449 et 1450, C. civ.

Une femme dotale, qui vient d'obtenir sa séparation de biens et de faire liquider ses reprises, en reçoit le montant sur le prix des immeubles de son mari et en présence de celui-ci, mais sans qu'il soit établi que les deniers quittancés par elle seule soient passés aux mains du mari ou lui aient profité. Le fait seul de la présence du mari à la réception par la femme du capital qui représente ses reprises rend-il le mari responsable, en vertu de l'art. 1450, du défaut d'emploi ou de remploi ?

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Pour établir la négative, la Cour de cassation rappelle d'abord ce principe, à savoir que la femme séparée, reprenant la libre administration de ses biens, peut, sauf les restrictions qui seraient insérées au contrat de mariage, recevoir seule, sans autorisation, ses capitaux, en donner quittance, et consentir, s'il y a lieu, mainlevée de l'hypothèque qui garantissait sa créance. Sans doute, d'après une jurisprudence déjà ancienne, la femme séparée ne peut contracter que des engagements relatifs à l'administration de son patrimoine. Cette jurisprudence, bien établie, d'abord, à l'égard des dettes contractées par la femme (V. Cass. 25 avril 1882, S. 1883.1.221. P. 1883.1.529; 24 oct. 1906, S. et P. 1910.1.482; Pand. pér., 1910.1.482, et les renvois), s'est plus tard affirmée à l'égard des aliénations mobilières (V. Cass. 30 déc. 1862, S. 1863.1.257. P. 1863.946; 2 déc. 1885, S. 1886.1. 97. P. 1886.1.225; Pand. chr.), mais en rencontrant plus de résistance dans la doctrine. V. les notes de M. Labbé sous Agen, 9 nov. 1881 (S. 1882.2.233. - P. 1882.1.1201), et sous Cass. 2 déc. 1885, précité; et les auteurs cités en note sous Cass. 24 oct. 1906, précité.

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Mais le droit pour la femme de recevoir des capitaux, seule, sans autorisation, d'en donner quittance, et aussi de consentir mainlevée de l'hypothèque qui pouvait garantir sa créance, sauf les restrictions stipulées au contrat de mariage, est aujourd'hui incontesté. V. Cass. 21 mai 1867 (S. 1868.1.452. P. 1868.1198); 26 juill. 1869 (S. 1870.1.17. P. 1870.25); 12 juin 1901 (S. et P. 1902.1.124; Pand. pér., 1902.1.83); Laurent, Princ. de dr. civ., t. 22, n. 295, et t. 23, n. 558; Aubry et Rau, 4" éd., 5, p. 403, 516, texte et note 55; Guillouard, Contr. de mar., t. 3, n. 1191, et t. 4,

ANNÉE 1913. 5° cah.

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Pand. Rép., vo Frais et dépens, n. 991 et s.).

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6o JUGEMENTS ET ARRÊTS (EN GÉNÉRAL), ERREUR, RECTIFICATION (Rép., v° Jugement et arrêt [mat. civ. et comm.], n. 2995 et s.; Pand. Rép., v Jugements et arrêts, n. 187 et s.). · 7o COMPTE (REddition de), REDRESSEMENT, COMPTE AMIABLE, COMPTE JUDICIAIRE, ERREUR, DOUBLE EMPLOI, COMMUNAUTÉ CONJUGALE, REPRISES MATRIMONIALES (Rép., v° Compte [reddition de], n. 324 et s.; Pand. Rép., v Mandat, n. 819 et s.).

1° La femme séparée de biens judiciairement, reprenant, aux termes de l'art 1449, C. civ., la libre administration de ses biens, peut, sauf les restrictions insérées en son contrat de mariage, recevoir seule ses capitaux et en donner quittance (1) (C. civ., 1449). ler arrêt.

Si l'art. 1450 du même Code déclare le mari garant du défaut d'emploi ou de remploi du prix des biens aliénés par la femme, lorsque la vente a été faite en sa présence et de son consentement, aucun texte de loi

n. 2104 et s.; Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, Contr. de mar., 3o éd., t. 3, n. 1528 et 1866.

Ce principe établi que la réception d'un capital, tel que des reprises, est toujours un acte d'administration, qu'une réception de capitaux n'équivaut pas à une aliénation de valeurs mobilières, et que la femme séparée de biens peut y procéder en toute indépendance, sans autorisation aucune, quelle conclusion en faut-il déduire quant à l'application de l'art. 1450, C. civ.? Le mari, qui a simplement assisté à la réception des deniers reçus et quittancés par sa femme, est-il, en raison de sa seule présence, garant du défaut de remploi?

La Cour de Rouen avait consacré l'affirmative. Selon elle, la seule présence du mari à la réception des deniers suffit pour le rendre responsable,« s'il n'établit pas que la femme a réellement profité de ces sommes, soit par un emploi quelconque, soit par une remise directe entre ses mains ». Cet arrêt a été cassé, la chambre civile ayant considéré l'hypothèse comme tout à fait en dehors du texte de l'art. 1450. On ne saurait s'en étonner.

En effet, à la simple lecture de cette disposition, on est frappé de voir que le législateur ne vise là que des cas où la femme, incapable d'agir seule, a besoin d'être habilitée par une autorisation, soit de son mari, soit de la justice. D'autre part, il suppose une aliénation à titre onéreux, la responsabilité qu'il impose au mari impliquant un défaut d'emploi de deniers reçus en conséquence de l'acte juridique par lui autorisé.

Considéré ainsi, l'art. 1450 est comme le prolongement de la disposition finale de l'art. 1149. Après avoir édicté, dans l'art. 1449, cette double règle, à savoir : 1o que la femme séparée peut, en général, aliéner librement son mobilier (solution à laquelle la jurisprudence apporte une grave restriction, en la limitant, à l'aide de l'art. 217, aux aliénations faites en vue de l'administration); 2o que, au contraire, la femme ne peut jamais aliéner ses immeubles sans autorisation, le législateur déclare immédiatement que le mari n'est sans doute pas de plein droit, comme sous le régime de communauté, responsable du défaut de remploi du prix de l'immeuble aliéné avec l'autorisation de justice, capital dont il n'a pas la jouissance, mais que, par exception, il en devient garant dans les cas suivants :

n'étend celle responsabilité au cas où le mari a simplement assisté à la réception par la femme de capitaux formant des reprises, c'est-à-dire à un acte d'administration où sa présence était inutile (2 (C. civ., Id. 1449, 1450).

Par suite, les juges, procédant, après jugement de séparation de biens, à la liquidation de la société d'acquêts ayant existé entre une femme dotale et son mari, ne peuvent retrancher du compte des reprises de la femme les sommes payées sur quittances délivrées par celle-ci en présence de son mari, sous prétexte qu'il n'est pas justifié que la femme ait réellement profité de ces sommes, soit par une remise directe entre ses mains, soit par un emploi quelconque à son profit, en tenant ainsi à tort le mari pour responsable par cela seul qu'il a assisté à des actes d'administration pour lesquels la femme n'avait besoin ni de son concours, ni de son autorisation (3) (Id.). Id.

2o La disposition de l'art. 1473, C. civ., d'après laquelle les récompenses et indem

1° S'il est prouvé que les deniers ont tourné à son profit, ou même simplement qu'il les a reçus, ce qui permet de supposer qu'ils ont été employés dans son intérêt, s'il ne justifie pas d'un emploi au profit de la femme (art. 1450, alin. 1er).

2o Alors même que la preuve directe de la réception du capital par le mari, ou de l'emploi qui en a été fait à son profit, n'est pas rapportée, le mari est déclaré garant du défaut d'emploi ou de remploi au profit de la femme, s'il a concouru au contrat, l'aliénation eût-elle été d'abord autorisée par justice (art. 1450, alin. 1er).

3o Enfin, le mari est de plein droit garant du défaut de remploi, si la vente a été faite en sa présence et de son consentement (art. 1450, alin. 2).

L'art. 1450, avec la responsabilité qu'il impose au mari, sans que la preuve directe de la réception des deniers par lui ou de leur emploi à son profit, soit fournie, est-il susceptible d'une interprétation extensive et dans quelle mesure? Par un arrêt du 25 avril 1882 (S. 1882.1.441. P. 1882.1.1121), la chambre civile avait répondu à cette question dans des termes qu'il n'est pas inutile de reproduire ici : « Attendu que l'art. 1450, après avoir posé ce principe que le mari n'est point garant du défaut d'emploi ou de remploi du prix de l'immeuble que la femme séparée a aliéné sous l'autorisation de la justice, ajoute qu'il est garant du défaut d'emploi ou de remploi, si la vente est faite en sa présence et de son consentement »; que cette règle s'étend nécessairement à la vente faite, en présence et du consentement du mari, des biens paraphernaux de la femme mariée sous le régime dotal, puisque, à l'égard de ces biens, il y a entre les époux une véritable séparation, et qu'ayant pour base l'incapacité d'aliéner, laquelle est générale pour les femmes, d'après l'art. 217, et s'applique aux meubles comme aux immeubles, il s'ensuit qu'elle régit par identité de motifs les ventes mobilières (en l'espèce, des ventes de rentes sur l'Etat)... ». La chambre civile en concluait que l'arrêt attaqué, qui avait jugé le contraire, « a méconnu la présomption légale établie par l'art. 1150, lequel rattache la responsabilité du mari au fait que la vente a été faite en sa présence et de son consentement, et expressément violé cet article ».

Cet arrêt consacre une double extension de l'art. 1450, écrit seulement à propos de la séparation de biens judiciaire: 1° On ne conteste plus que l'art. 1450 régit également la séparation con

I PART. 32

nités dues à la communauté par les époux

tractuelle et la paraphernalité. V. Cass. 27 avril 1852 (S. 1852.1.401. - P. 1852.1.550); 27 déc. 1852 (S. 1853.1.161. P. 1853.1.198); 13 nov. 1861 (S. 1862.1.741. P. 1863.195); Toulouse, 28 juin 1883 (motifs) (S. 1885.2.156. P. 1885. 1.832); Aubry et Rau, 4o éd., t. 5, p. 519, § 532, texte et note 3, et p. 640, 541, texte et note 12; Rodière et Pont, Contr. de mar., t. 3, n. 2010 et 2215; Guillouard, Contr. de mar., t. 3, n. 1675, et t. 4, n. 2177; Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, op. cit., t. 3, n. 1529.

2o L'arrêt de 1882 n'hésite pas davantage à étendre l'art. 1450 aux aliénations mobilières, à celles-là du moins qui sont soumises à la nécessité de l'autorisation. Nous avons montré ci-dessus comment la rédaction de la partie finale de l'art. 1449 peut expliquer la restriction apparente de l'art. 1450 aux aliénations d'immeubles et son extension aux aliénations mobilières, quand elles sont soumises au régime de l'autorisation. Telle est bien, en effet, la théorie consacrée par l'arrêt de 1882. Il semble que, dans l'arrêt de 1911, ci-dessus rapporté, la chambre civile persévére dans cette doctrine, puisqu'elle rattache la responsabilité spéciale, imposée par l'art. 1450, à l'utilité de l'intervention du mari dans l'acte d'aliénation pour relever la femme de son incapacité. Aussi a-t-elle substitué à la formule du texte : prix de l'immeuble aliéné, une formule plus large: prix des biens aliénės ». V. dans le même sens, Rodière et Pont, op. cit., t. 3, n. 2214; Guillouard, op. cit., t. 3, n. 1216; Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, op. cit., t. 3, p. 126, n. 1529.

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3° Mais fallait-il aller plus loin, et généraliser l'application de l'art. 1450, en l'étendant à tous les cas où la femme séparée de biens a procédé, en présence de son mari, à la réception d'un capital, quelle que fût son origine mobilière ou immobilière? Sinon, comment tracer la ligne de démarcation entre les cas où le mari est responsable du défaut d'emploi du capital reçu et ceux où il ne l'est pas ? Le problème s'est trouvé directement posé, en 1911, devant la chambre civile. La réponse, négative, est déduite surtout du texte : Si l'art. 1450 déclare le mari garant du défaut d'emploi ou de remploi du prix des biens aliénés par elle (la femme), lorsque la vente a été faite en sa présence et de son consentement, aucun texte de loi n'étend cette responsabilité au cas où il a simplement assisté à la réception par la femme de capitaux formant des reprises, c'est-à-dire à

un

acte d'administration où sa présence était

inutile... ».

Ainsi, la Cour suprême se refuse à poser en règle générale, sous le régime de séparation de biens, que le mari sera garant du défaut d'emploi ou de remploi, en raison de sa seule présence à la réception d'un capital par sa femme, comme s'il était prouvé qu'il s'est approprié les deniers. L'art. 1450 ne doit pas être étendu à des hypothèses qu'il ne prévoit nullement. Or, ce texte ne déclare le mari responsable, outre le cas où les deniers ont été par lui reçus ou ont tourné à son profit, que lorsqu'il s'agit du prix d'une aliénation pour laquelle la femme avait besoin d'une autorisation, et que le mari a effectivement autorisée; peu importe qu'il y ait concouru seulement après qu'elle avait été, d'abord, sur son refus, autorisée par justice.

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Dans son arrêt de 1911, comme dans celui de 1882, la chambre civile indique suffisamment, comme motif principal, sinon unique, de cette res

emportent intérêts à partir de la dissolu

ponsabilité, une faute présumée du mari dans l'exercice même de son autorité. Cette faute, qu'elle se garde de préciser, ne peut être qu'ure certaine négligence plus ou moins inconsciente à assurer l'emploi du prix d'aliénation, par exemple, en faisant de cet emploi une condition de son autorisation, ou, - chose plus grave, le désir d'utiliser dans son intérêt personnel les fonds restés disponibles. Et peut-être y a-t-il réussi (Comp. Pothier, Communauté, n. 605, éd. Bugnet, t. 7, p. 316 et 317; Rodière et Pont, op. cit., t. 3, n. 2206 et s.; Aubry et Rau, 5o éd., t. 5, p. 407, 8 516, note 78).

Mais alors surgit cette question, sur laquelle les auteurs sont divisés : Est-ce à dessein que le texte semble exiger la présence effective du mari à l'aliénation? Non, a répondu la chambre des requêtes, par un arrêt du 1er mai 1848 (S. 1848.1. 501. - P. 1848.1.592), dans une affaire où le rôle du mari était des plus suspects et où l'intérêt principal du débat portait sur d'autres points. Aussi est-il permis de se demander s'il ne s'agit pas d'un de ces arrêts d'espèce comme en rend quelquefois la chambre des requêtes. Il est ainsi motivé : "... Aux termes de l'art. 1450, C. civ., § 2, le mari est garant du défaut d'emploi des biens dotaux (il s'agissait de biens extradotaux, la séparation étant contractuelle) aliénés avec son concours (le ? de l'art. 1450 dit : « aliénés en sa présence et de son consentement), et l'autorisation donnée par lui à cette aliénation suppose son concours, soit qu'il ait été présent à l'acte, soit qu'il n'y ait pas assisté ». Cette explication correspond plutôt au 1er qu'au 2 de l'art. 1450. On a ajouté, non sans une grande apparence de raison, reconnaissons-le, que l'on ne s'expliquerait guère que, outre l'autorisation du mari, sa présence effective à la vente fût exigée comme condition de sa responsabilité, à moins de présumer qu'il s'est finalement emparé des deniers... au cas où le prix a été payé comptant. Et pourtant, n'est-il pas grave de corriger un texte, en biffant, comme non justifiée, l'une des deux conditions qu'il paraît exiger, et en aggravant ainsi la responsabilité qu'il édicte? Aussi la chambre civile semble avoir voulu réserver la question, et la laisser entière, en s'appliquant à reproduire littéralement la formule même de l'art. 1450: vente faite en sa présence et de son consentement, d'abord, dans l'arrêt de 1882 (on l'y retrouve plusieurs fois), puis dans l'arrêt de 1911. Comp. égal., Cass. civ. 8 juill. 1891 (S. et P. 1892.1.490), rejetant le pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'Angers du 5 févr. 1890, qui, après avoir, en droit, fait de la présence du mari au contrat une condition de sa responsabilité, ajoute qu'il est établi, en fait, que le prix d'aliénation avait été utilement employé au paiement des dettes personnelles de la femme.

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Parmi les auteurs, beaucoup corrigent l'art. 1450, et sont d'avis que le seul consentement du mari engage sa responsabilité. V. Duranton, t. 14, n. 429; Delvincourt, Cours de C. civ., t. 3, p. 25 (ces deux auteurs suppriment le mot « présence sans donner aucune explication); Aubry et Rau, 4 éd., t. 5, p. 406 et 407, § 516, texte et note 72; Colmet de Santerre (contin. de A.-M. Demante), Cours anal. de C. civ., t. 6, n. 102 bis, III (ceuxci non sans hésitation); Battur, Tr. de la commun., t. 1, n. 655; Troplong, Contr. de mar., t. 2, n. 1447; Rodière et Pont, op.cit., t. 3, n. 2207; Guillouard, op. cit., t. 3, n. 1212.

D'autres prennent l'art. 1450 à la lettre, et ne rendent le mari responsable que s'il a été présent

tion, s'applique au cas de renonciation par

au contrat de vente. V. Benech, De l'emploi et du remploi (souvent cité à tort en sens inverse), n. 145, p. 378 et n. 146, p. 391-392, où il exige la présence du mari même à la réception des deniers; Odier, Contr. de mar., t. 1o, p. 386, n. 411, note 1, et t. 2, n. 984; Bellot des Minières, Régime dotal et communauté d'acquéts, t. 3, n. 2086 et s.; Taulier, t. 5, p. 189; Marcadé, Explic. du C. civ., t. 5, sur l'art. 1450, n. 1; Laurent, op. cit., t. 22, D. 329; Huc, Comment. du C. civ., t. 9, p. 334, n. 284; Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, op. cit., t. 3, n. 1526; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 6o éd., t. 3, n. 1462,

Quoi qu'il en soit, la jurisprudence se trouve aujourd'hui fixée en ce sens que l'art. 1450 a sa principale raison d'être dans l'incapacité d'aliéner de la femme séparée, mais seulement là où le mari est intervenu, et a exercé, lors du contrat de vente, son pouvoir de protection, sans obtenir qu'il soit fait emploi du prix. En effet, il n'est pas responsable du défaut de remploi ou d'emploi, quand il s'est gardé d'intervenir dans une aliénation autorisée sur son refus par la justice. Si, au contraire, il l'a autorisée, soit de prime abord, soit seulement après l'autorisation de justice, il engage sa responsabilité. Il est réputé en faute d'avoir plus ou moins volontairement, peut-être avec une arrière-pensée égoïste, omis de veiller à la conservation du capital à provenir de l'aliénation.

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Ainsi entendu, l'art. 1450, C. civ., constituet-il une disposition utile à conserver? Pourquoi le législateur a-t-il négligé d'inviter le tribunal à imposer, lui aussi, un emploi du prix de l'aliénation, quand il accorde une autorisation que le mari ne peut ou ne veut donner? Serait-ce que le mari lui est suspect, et que l'art. 1450 a pour base principale la crainte que le mari laisse le prix disponible afin de s'en emparer? Mais, alors, il eût été logique de tenir davantage compte de sa présence au versement des deniers. Comp. la note, 5 col., sous Cass. civ. 25 avril 1882, précité. En tout cas, il importait de faciliter la mission de surveillance imposée au mari, de lui conférer expressément le droit, non pas certes de recevoir lui-même les deniers, ou, par suite, de pratiquer une vraie saisie-arrêt, - mais d'exiger, soit comme condition de son autorisation, soit par une défense ultérieure notifiée à l'acquéreur (au cessionnaire ou à l'agent de change, s'il s'agit de valeurs mobilières), qu'il soit, à peine de nullité du paiement, fait un emploi laissé au choix de la femme. Enfin, était-il logique de ne se préoccuper que de la conservation des seuls capitaux provenant d'une opération juridique dont la validité est subordonnée à une autorisation maritale! Singulière distinction entre le prix de cession d'une créance hypothécaire non encore exigible et le capital de cette même créance remboursé après l'échéance, ou encore, comme en l'espèce, tout l'ensemble des reprises d'une femme qui vient de les faire liquider après séparation de biens! Et pourtant, dans l'état actuel des textes, ne s'impose-t-elle pas au magistrat, qui ne croit pas devoir empiéter sur le rôle du législateur?

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D'autre part, donner à l'art. 1450 une portée générale, ne serait-ce pas s'exposer à transformer le régime de séparation de biens en un régime de défiance et de protection à outrance, analogue au régime dotal? Ne serait-il pas plus simple et plus satisfaisant d'abroger l'art. 1450 et de s'en tenir au droit commun, tel qu'il résulte de l'art. 1348? Le mari ne serait garant du défaut d'emploi ou de remploi au profit de la femme sé

la femme à la communauté comme au cas d'acceptation (1) (C. civ., 1473). 2e arrêt. 3o D'autre part, au cas où la communauté est dissoute par la séparation de biens judiciairement prononcée, le jugement de séparation de biens remontant, quant à ses effets, aux termes de l'art. 1445, C. civ., au jour de la demande, c'est au jour de la demande que la communauté est légalement dissoute, et c'est cette date qui est le point de départ des intérêts (2) (C. civ., 1445, 1473). 2o arrêt.

En conséquence, lorsqu'une femme mariée, qui, conjointement et solidairement avec son mari, avait constitué aux enfants communs des dots imputables sur la suecession du prémourant, a obtenu sa séparation de biens, suivie d'une liquidation de la société d'acquêts ayant existé entre elle et son mari, qui la constituait créancière de son mari, puis est devenue, par le fait de son décès survenu ultérieurement, rétroactivement débitrice de son mari, à raison de l'imputation des dots qui est résultée de ce décès, c'est à bon droit qu'elle est déclarée comptable des intérêts à dater de la demande en séparation de biens (3) (Id.). Id.

4 Le créancier, qui, ayant fait opposi

parée de biens que lorsqu'il serait prouvé qu'il a reçu le capital dont s'agit, ou qu'il a été utilisé à son profit, preuve qui peut être faite par témoins et par présomptions de fait. V. Rodière et Pont, op. cit., t. 3, n. 2212; Aubry et Rau, 4° éd., t. 5, p. 407, 2516, texte et note 74; Laurent, op. cit., t. 22, n. 327; Guillouard, op. cit., t. 8, n. 1214; Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, op. cit., t. 3, n. 1526.

Aussi nous semble-t-il qu'il y a lieu d'applaudir à toute décision judiciaire qui, comme l'arrêt ci-dessus rapporté de la Cour suprême, tend à restreindre l'application d'une disposition aussi contestable que l'art. 1450 aux hypothèses qu'il vise au moins indirectement. Rattaché par la majorité de ses interprètes à l'incapacité d'aliéner de la femme séparée de biens, ce texte est menacé de disparaître avec elle. Son abrogation pure et simple est proposée sans hésitation par ceux-là mêmes qui introduisent quelques restrictions et quelques réserves dans les projets de restitution, à la femme séparée, de sa pleine capacité (V. Bulletin de la société d'études législatives, 1912, p. 105 et s., surtout p. 114, p. 151 et s. Comp. L. 6 févr. 1893, modifiant l'art. 311, C. civ., sur la capacité de la femme séparée de corps (S. et P. Lois annotées de 1893, p. 473), et L. 13 juill. 1907 (S. et P. Lois annotées de 1908, p. 593; Pand. pér., Lois annotées de 1908, p. 593), art. 1, alin. 1 et 3, sur la capacité d'aliéner les biens réservés).

J. LE COURTOIS, Doyen honoraire de la Faculté de de droit de Poitiers.

(1-2-3) Il est de jurisprudence que les récompenses dues à la femme par la communauté emportent intérêts de plein droit du jour de la dissolution, aussi bien lorsque la femme a renoncé à la communauté que lorsqu'elle l'a acceptée. V. Cass. 3 févr. 1835 (S. 1835.1.283; P. chr.); 9 févr. 1870 (S. 1870.1.299. P. 1870.7€7), et les autorités citées en note. Adde, Cass. Belgique, 25 juin 1891 (S. 1891.4.25. - P. 1891.2.33), et la note; Aubry et Rau, 4° éd., t. 5, p. 358 et 359,

tion au partage d'une succession, exerce les droits de son débiteur, en vertu de l'art. 1166, C. civ., a le droit de critiquer les opérations de la liquidation pour faire rentrer dans le patrimoine de ce débiteur tous les biens qui doivent y être compris et qui forment le gage commun de tous les créanciers, sans qu'on ait à se préoccuper du plus ou moins d'importance de sa propre créance (4) (C. civ., 882, 1166). 2o arrêt. 5o Les juges, au cas où les parties succombent respectivement sur quelques chefs, ayant, par application de l'art. 131, C. proc., un pouvoir souverain pour répartir les dépens, ne font qu'user de ce pouvoir en décidant que les dépens d'une instance d'opposition à un partage amiable entre majeurs, dans laquelle les parties ont succombé respectivement sur divers chefs, seront employés en frais privilégiés de partage (5) (C. proc., 130, 131). 2e arrêt.

6 L'autorité de la chose jugée fait obstacle à ce que les tribunaux, sous prétexte d'interprétation ou de rectification, enlèvent aux parties le bénéfice d'une disposition claire et précise d'un jugement ou arrêt (6) (C. civ., 1351). 3o arrêt.

70 Mais l'art. 541, C. proc., permet aux juges de redresser les erreurs matérielles

§ 511, texte et note 14, et p. 446, § 521; Huc, Comment. du C. civ., t. 9, n. 320; Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, Contr. de mariage, 3e éd., t. 2, n. 1177 et 1246; et notre Rép. gen. du dr. fr., v° Communauté conjugale, n. 1513; Pand. Rép., v° Mariage, n. 6215. V. cep. en sens contraire, Duranton, t. 15, n. 173; Colmet de Santerre (contin. de A.-M. Demante), Cours anal, de C. civ., t. 6, n. 154 bis-IV.

Au cas où la communauté est dissoute par la séparation de biens, une question se pose, celle de savoir si les intérêts des récompenses courent rétroactivement du jour de la demande, ou seulement du jour du jugement qui a prononcé la sépa ration. Les arrêts et la plupart des auteurs se prononcent pour l'application, en ce cas, du principe de rétroactivité formulé par l'art. 1445, § 2, C. civ. V. Agen, 29 avril 1868 (S. 1868.2.129. P. 1868.578), et la note; Cass. 13 mars 1872 (S. 1872.1.74. P. 1872.156); 18 juin 1877 (S. 1877.1.406. P. 1877.1079). Adde, Aubry et Rau, 4° éd., t. 5, p. 401, 2 516, texte et note 46; Guillouard, Contr. de mar., t. 3, n. 1163; BaudryLacantinerie, Le Courtois et Surville, op. cit., t. 2, n. 975; Garsonnet, Tr. de proc., 2o éd., par CézarBru, t. 7, p. 482, § 2778; et notre Rép. gen. du dr. fr., v° Séparation de biens, n. 543 et s.; Pand. Rép., eol. verb., n. 698 et s. V. toutefois, Troplong, Contr. de mar., t. 2, n. 1384; Tessier, Tr. sur la dot, t. 2,

n. 128.

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(4) Il y a controverse entre les auteurs sur le point de savoir si le créancier, qui exerce les droits de son débiteur en vertu de l'art. 1166, C. civ., agit directement dans l'intérêt de son débiteur et indirectement seulement dans son intérêt personnel (V. Larombière, Théor. et prat. des oblig., 2 ¿d., t. 2, sur l'art. 1166, n. 23; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 16, n. 406; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 6 éd., t. 2, n. 292. Adde, la note de M. Tissier sous Cass. 23 juin 1903, S. et P. 1904.1.289), ou s'il agit directement dans son intérêt personnel (V. Demolombe, Contr. ou oblig., t. 2, n. 118). Mais cette controverse est purement théorique, car on est d'accord pour décider-solution que consacre l'arrêt ci-dessus rapporté

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En 1890, Mme Richebraque, mariée sous le régime dotal avec société d'acquêts, a renoncé, à la suite de la séparation de biens obtenue par elle, à la société d'acquêts ayant exísté entre elle et son mari, et a fait procéder à la liquidation de ses reprises. Ses trois enfants communs avaient été précédemment dotés par elle et par son mari, avec clause d'imputation des dots sur la succession du prémourant. Sur le montant des dots, une somme de 110.000 fr. a été versée par le père; le surplus, soit 190.000 fr., a été versé par la mère après la liquidation de la société d'acquêts. Dix ans plus tard, en 1900, Me Richebraque est décédée, et sa succession s'est trouvée seule débitrice de l'in

que le créancier, qui exerce contre un tiers l'action de son débiteur, peut conclure contre ce tiers au paiement de toute la somme ou à la restitution de toute la chose qui fait l'objet de l'action; que, toutefois, le créancier qui agit ne peut pas refuser le paiement de sa propre créance, quand le tiers le lui offre, ce qui fait tomber la poursuite, puisque le créancier qui exerce l'action est désintéressé. V. Demolombe, loc. cit.; Larombière. op. cit., t. 2, sur l'art. 1166, n. 23 et 33; Laurent, loc. cit.; Planiol, loc. cit.

(5) La jurisprudence reconnaît aux juges un pouvoir discrétionnaire pour répartir les dépens entre les parties qui succombent respectivement sur certains chefs. V. Cass. 30 janv. 1911 (S. et P. 1911.1.304; Pand. pér., 1911.1,304), et la note.

Ce principe admis, il s'ensuit que, lorsque les parties, comme c'était le cas dans l'espèce, succombent respectivement dans une instance en partage, il rentre dans le pouvoir des juges d'ordonner l'emploi des dépens en frais de partage V. Cass. 21 juill. 1856 (S. 1856.1.718. P. 1856. 2 478); et notre Rép. gen. du dr. fr., vo Dépens, n. 2090; Pand. Rep., vo Frais et dépens, n. 672.

(6 à 8) L'action en redressement de compte, en cas d'erreur, d'omission, faux ou double emploi, peut être dirigée contre tous les comptes, judiciaires ou amiables. V. Cass. 26 nov. 1855 (S. 1857. 1.102. P. 1857.602); et la note sous Douai, 30 mars 1867 (S. 1868.2.169.-P. 1868.703). Cette action peut être exercée à l'égard d'un compte judiciaire, même après que la décision apurant le compte est passée en force de chose jugée. V. Cass 15 mars 1876 (S. 1876.1.212.-P. 1876.513). En effet, le redressement implique qu'on ne conteste pas la chose jugée; ce que l'on soutient, c'est qu'elle contient une erreur. V. Glasson, Précis de proc., 2 éd., par Tissier, t. 2, p. 885, n. 1835. V. aussi, Garsonnet, Tr. de proc., 2 éd., par Cézar-Bru. t. 4. § 1233. V. au surplus, sur le pouvoir qui appartient aux juges de rectifier les erreurs qui se sont glissées dans leurs décisions, Cass. 15 juill 1903 (S. et P. 1910.1.180, ad notam: Pand. pér., 1910.1.180, ad notam); 7 nov. 1904 (S. et P. 1906.1.284), et les renvois.

tégralité des dots. et, par suite, des 110.000 fr. versés de ce chef par M. Richebraque. Néanmoins, toutes compensations opérées entre cette somme et le montant des reprises de leur mère, les enfants Richebraque, d'après l'état liquidatif de la succession, dressé par le notaire, demeuraient créanciers de leur père.

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Sur

opposition au partage de la part de deux créanciers de M. Richebraque, auxquels s'est trouvée ultérieurement substituée Mine Bailleul, le tribunal civil de Dieppe a ordonné que les enfants Richebraque fourniraient le compte détaillé des reprises de leur mère. Sur appel, la Cour de Rouen, par arrêt du 10 janv. 1903, a décidé que, par suite de la rétroactivité attachée au décès du prémourant des constituants, Mme Richebraque avait seule supporté les dots, et avait été, à son décès, débitrice et non créancière de son mari; que, dès lors, elle devait faire état des sommes encaissées depuis la liquidation de ses reprises. En conséquence, les parties étaient renvoyées devant le notaire pour faire rectifier la liquidation. Sur pourvoi en cassation, un arrêt de la chambre des requêtes, du 27 avril 1904 (S. et P. 1905.1.81, avec la note de M. Esmein et le rapport de M. le conseiller Potier), a consacré le principe de la rétroactivité de la dette à la charge de la succession de Mme Richebraque. Les consorts Richebraque avaient formulé contre l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Rouen, le 10 janv. 1903, un grief spécial d'après eux, contrairement aux motifs de l'arrêt, la succession de leur mère ne pouvait être comptable des intérêts des sommes encaissées par elle en paiement de ses reprises. A cet égard, le dispositif de l'arrêt se bornait à les condamner à faire état des sommes et intérêts à encaisser par Mme Richebraque », ce qui pouvait exclure les intérêts des sommes encaissées. Devant la chambre des requêtes, ils concluaient ainsi : « II appartiendra à la Cour, soit de casser, en ayant égard aux motifs, soit de rejeter le pourvoi dans sa dernière branche, si elle estime que le dispositif seul doit être envi sagé ». La chambre des requêtes n'a retenu que le dispositif, et, dans une partie de l'arrêt précité du 27 avril 1904, qui, ne présentant pas d'intérêt pour le litige alors pendant, a été omise au Recueil, elle statuait ainsi : Attendu que, par la formule de son dispositif, l'arrêt attaqué décide uniquement qu'il doit être fait état au passif du compte des reprises de la femme de la somme de 110.000 fr. versée sur les dots....... ». Aussi le notaire liquidateur, tout en débitant le compte de Mme Richebraque des 110.000 fr. supportés par son mari pour la constitution des dots, et après avoir constaté qu'elle demeurait débitrice de 4.634 fr. 02, n'a fait figurer aucun intérêt accessoirement à cette dette. Le notaire constatait d'ailleurs, parmi les encaissements faits au nom de Mme Richebraque par imputation sur ses reprises, que 18.661 fr. 02 avaient été touchés par son mari comme mandataire, et que 29.427 fr. 17 l'avaient été avec le concours de son mari et sans emploi. - Le travail du notaire a été critiqué par les deux parties. Mme Bailleul

a soutenu que la succession de Mme Richebraque devait tenir compte des intérêts des sommes qu'elle avait encaissées. Les consorts Richebraque ont opposé la chose jugée, et se sont refusés à déduire du crédit de la succession maternelle les encaissements faits, soit par leur père comme mandataire de leur mère, soit par celle-ci avec le concours de son mari et sans emploi, sur le motif qu'elle n'avait profité d'aucun de ces encaissements. Par arrêt du 31 mars 1906, la Cour d'appel de Rouen a accueilli, en principe, le contredit des consorts Richebraque, en décidant qu'il y avait lieu de déduire du compte de la liquidation des reprises de Mme Richebraque toutes les sommes touchées par M. Richebraque comme mandataire de sa femme, ou payées sur quittances de celle-ci, avec l'assistance de son mari, dont il ne serait pas justifié que Mme Richebraque eût réellement profité, soit par remise directe entre ses mains, soit par emploi quelconque à son profit; mais la Cour de Rouen a accueilli en même temps le contredit de Mme Bailleul, concernant les intérêts des sommes encaissées par Mme Richebraque.

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Mme Bailleul s'est pourvue en cassation contre cet arrêt. Moyen unique. Violation des art. 217, 1134, 1449, 1450, 1549, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué, sans répondre aux conclusions de Mme Bailleul, a décidé que le mari demeurait responsable des sommes touchées par sa femme avec son assistance ou son autorisation, à moins qu'il ne fût établi que la femme en eut tiré profit, notamment au moyen d'un emploi quelconque, alors, d'une part, que ces sommes avaient été encaissées après une séparation de biens judiciaire, qui donnait à la femme pleine capacité pour les recevoir en dehors de l'assistance de son mari; alors, d'autre part, que, même avant la séparation de biens, c'est-à-dire à une époque où l'autorisation maritale lui eût été nécessaire, la femme tenait de son contrat de mariage le droit de toucher et transporter ses créances, rentes sur l'Etat ou autres capitaux quelconques, sans être obligée de fournir caution ou emploi; alors, enfin, que la responsabilité édictée par la loi contre le mari, pour le défaut d'emploi ou de remploi, après la séparation de biens, s'applique au cas d'une vente faite en sa présence ou de son consentement, mais non au cas de réception de créances. 1er ARRÊT

(apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le moyen unique : Vu les art. 1449 et 1450, C. civ.; Attendu que, d'après l'art. 1449, la femme séparée judiciairement reprend la libre administration de ses biens; qu'elle peut donc, sauf les restrictions qui seraient insérées au contrat de mariage, recevoir seule ses capitaux et en donner quittance, et que, si l'art. 1450 déclare le mari garant du défaut d'emploi ou de remploi du prix des biens aliénés par elle, lorsque la vente a été faite en sa présence et de son consentement, aucun texte de loi n'étend

cette responsabilité au cas où il a simplement assisté à la réception par la femme de capitaux formant des reprises, c'est-àdire à un acte d'administration où sa présence était inutile; Attendu que, statuant sur des difficultés relatives au compte des reprises de la dame Richebraque, femme dotale séparée de biens judiciairement, l'arrét attaqué a décidé qu'il y avait lieu de retrancher du compte les sommes payées sur quittances délivrées par elle en présence de son mari, s'il n'est pas justifié qu'elle ait réellement profité de ces sommes, soit par un emploi quelconque, soit par une remise directe entre ses mains »; - Attendu qu'en tenant ainsi Richebraque pour responsable, par cela seul qu'il avait assisté à des actes d'administration pour lesquels la femme n'avait pas besoin de son concours ou de son autorisation, l'arrêt a violé les articles de loi susvisés; Casse, mais seulement au chef qui fait l'objet du pourvoi des époux Bailleul;... renvoie devant la Cour d'appel de Caen, etc.

Du 31 janv. 1911. — Ch. civ. · MM. Ballot-Beaupré, le prés., Douarche, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Pérouse et Gosset, av.

2.

Les consorts Richebraque se sont également pourvus en cassation contre l'arrêt de la Cour de Rouen du 31 mars 1906. Mais l'exécution de cet arrêt ayant été poursuivie par le curateur à la succession vacante de M. Richebraque, le notaire, devant lequel la liquidation avait été renvoyée pour la seconde fois, a procédé à un nouveau travail. D'après son projet, Me Richebraque n'aurait profité d'aucun des encaissements faits, soit par son mari comme mandataire, soit par elle avec le concours de son mari. Dans le même travail, le notaire a dressé un compte dans lequel il se conformait à l'arrêt du 31 mars 1906, en ce qui touche le calcul des intérêts à la charge de la succession de Mme Richebraque. Il constatait, d'autre part, que M. Richebraque, par suite des encaissements faits du chef de sa femme, était détenteur et comptable de 48.088 fr. 19; et, toutes compensations faites, il reconnaissait la succession de Mme Richebraque créancière de 570 fr. 69. Ce nouveau compte a été critiqué par Mme Bailleul devant la Cour d'appel de Rouen, qui a statué par un arrêt du 29 juin 1907. Cet arrêt du 29 juin 1907 a modifié encore une fois le travail du notaire. Il a décidé que divers encaissements avaient profité à Mme Richebraque, qui en avait fait l'emploi au paiement de certaines dettes de son mari; mais, d'autre part, il l'a formellement reconnue créancière jusqu'à concurrence d'encaissements s'élevant à 34.234 fr. 39, dont elle n'aurait pas profité. L'arrêt du 29 juin 1907 a été frappé de pourvoi par les consorts Richebraque, qui en ont demandé la cassation par voie de conséquence de la cassation de l'arrêt du 31 mars 1906, qu'ils sollicitaient par leur premier pourvoi. Ils ont, à l'appui de leurs pourvois, invoqué trois moyens. 1er Moyen. Violation de l'art. 1351, C. civ.; fausse application des art. 1179, 1378 et

1473 du même Code, en ce que la Cour de Rouen, après avoir, par le dispositif clair et précis d'un premier arrêt, dit que Mme Richebraque devra faire état des termes et intérêts par elle encaissés à titre de reprises, a, par un deuxième arrêt, étendu cette condamnation aux intérêts produits par les sommes encaissées, en faisant sur ce point sortir des motifs du premier arrêt une décision autre et plus étendue que le dispositif, et en prétendant, sans constater aucunement la mauvaise foi, que ladite dame n'aurait pu faire siens les intérêts, sous le seul prétexte qu'elle aurait su que, en cas de prédécès, il serait rétroactivement dû récompense à son mari pour les sommes encaissées par elle.

2 Moyen. Violation des art. 882, 1167, 788, C. civ., en ce que la Cour de Rouen a étendu les effets d'une opposition à partage au delà de l'importance des droits du créancier opposant.

3 Moyen. Violation de l'art. 130, C. proc., en ce que la Cour de Rouen a ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage sur une instance en opposition à un partage amiable entre majeurs.

2o ARRET (apr. délib. en ch. du cons.). LA COUR; En ce qui concerne l'arrêt de la Cour de Rouen du 31 mars 1906 :

Sur le premier moyen Attendu que, des qualités et des motifs de l'arrêt attaqué, il résulte que les époux Richebraque, mariés sous le régime dotal avec société d'acquets, avaient doté chacun de leurs trois enfants, en s'obligeant solidairement, mais avec une clause d'imputation sur la succession du premier mourant, lequel serait censé avoir seul constitué les dots; que, la dame Richebraque ayant obtenu sa séparation de biens et renoncé à la communauté, il fut procédé à la liquidation de ses reprises, et qu'elle fut reconnue créancière de son mari, sous la réserve des conséquences éventuelles de l'imputation stipulée; qu'elle vint ensuite à décéder la première; et qu'un arrêt du 10 janv. 1903 décida que, constituée provisoirement créancière de son mari par l'acte liquidatif dressé en 1890, elle s'est, au contraire, à cette date, rétroactivement trouvée sa débitrice par le seul fait de son décès, et qu'elle devra faire état des sommes et intérêts par elle encaissés ; Attendu que la dame Bailleul, qui avait figuré dans l'instance comme opposante au partage et comme agissant au nom de Richebraque, en vertu de l'art. 1166, C. civ., conclut à ce que le compte de la dame Richebraque fut, à dater de la demande en séparation de biens, débité des intérêts produits par les sommes et intérêts encaissés par elle; - Attendu qu'à bon droit l'arrêt attaqué a accueilli cette demande; qu'en effet, d'une part, aux termes de l'art. 1473, applicable en cas de renonciation comme en cas d'acceptation de la communauté, les récompenses et indemnités dues à celle-ci par les époux emportent les intérêts de plein droit à partir du jour de sa dissolution; et que, d'autre part, aux termes de l'art. 1445,

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(1) La jurisprudence de la Cour de cassation

le jugement qui prononce la séparation de biens remontant, quant à ses effets, au jour de la demande », c'est au jour de la demande que la communauté, légalement, est réputée dissoute; Attendu que, la décision étant ainsi justifiée, il n'y a pas lieu d'examiner si c'est à tort, comme le prétend le pourvoi, que la Cour d'appel a considéré là question comme déjà jugée en ce sens par l'arrêt du 10 janv. 1903; Sur le deuxième moyen : Attendu que l'arrêt attaqué a déclaré avec raison que la dame Bailleul, exerçant les actions de Richebraque, avait le droit de critiquer les opérations de la liquidation pour faire. rentrer dans le patrimoine de son débiteur tous les biens qui devaient y être compris et qui formaient le gage commun de tous les créanciers, sans qu'on eût à se préoccuper du plus ou moins d'importance de sa propre créance;

Sur le troisième moyen: - Attendu que, les parties succombant respectivement sur quelques chefs, la Cour d'appel avait, par application de l'art. 131, C. proc., un pouvoir souverain pour répartir les dépens, et qu'elle a usé de ce pouvoir, en disant qu'ils seraient employés en frais privilégiés de partage;

En ce qui concerne l'arrêt de la Cour de Rouen du 29 juin 1907: - Attendu que le pourvoi ne formule contre cet arrêt aucun moyen spécial, et demande seulement sa cassation comme conséquence de la cassation qui serait prononcée de l'arrêt du 31 mars 1906; que le pourvoi des consorts Richebraque contre les deux arrêts doit donc être rejeté; - Rejette, etc.

Du 31 janv. 1911. - Ch. civ. MM. Ballot-Beaupré, 1er prés.; Douarche, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Gosset et Pérouse, av.

ne

$3.

Mme Bailleul, prétendant que l'arrêt de la Cour de Rouen du 29 juin 1907, en ordonnant l'inscription au crédit du compte de Mme Richebraque d'une somme de 34.234 fr. 39, avait commis une erreur matérielle, cette inscription faisant double emploi avec le crédit des reprises, tel qu'il avait été établi par le notaire dans son procès-verbal de liquidation, a formé une demande en interprétation et en rectification d'arrêt, sur laquelle la Cour de Rouen a statué le 16 avril 1908, en déclarant qu'il y avait eu erreur matérielle et involontaire, et qu'en conséquence, la disposition incriminée serait supprimée de l'arrêt.

POURVOI en cassation par les consorts Richebraque. Moyen unique. Violation de l'art. 1351, C. civ., et fausse application de l'art. 541, C. proc., en ce que, sans nier que le dispositif de l'arrêt du 29 juin 1907 soit clair et précis et ne comporte aucune interprétation, l'arrêt attaqué y a substitué une disposition nouvelle, sous prétexte d'erreur matérielle et non intentionnelle, alors que ce dispositif est conforme à des motifs exprès, et aboutirait tout au plus à

reçoit par cet arrêt une précision nouvelle et un

une contrariété de jugement avec des dispositions judiciaires antérieures.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique : Attendu que l'arrêt attaqué constate que la disposition de l'arrêt du 29 juin 1907, dont la rectification était demandée, repose sur une erreur matérielle de calcul; qu'en effet, l'inscription ordonnée d'une somme de 34.234 fr. 39, au crédit du compte de la dame Richebraque, fait double emploi avec le crédit des reprises, tel qu'il avait été établi dans le procès-verbal de liquidation dressé par le notaire; que l'arrêt décide en conséquence que cette disposition doit être purement et simplement supprimée;

Attendu que, s'il est de principe que l'autorité de la chose jugée fait obstacle à ce que les tribunaux, sous prétexte d'interprétation ou de rectification, enlèvent aux parties le bénéfice d'une disposition claire et précise, l'art. 541, C. proc., leur permet de redresser les erreurs matérielles ou les doubles emplois contenus dans un compte, soit amiable, soit judiciaire; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a violé aucun des textes visés par le pourvoi; Rejette, etc.

Du 31 janv. 1911. -- Ch. civ. MM. Ballot-Beaupré, le prés.; Douarche, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.); Gosset et Pérouse, av.

CASS.-REQ. 17 mai 1911.

LIBERTÉ DU COMMERCE, DE L'INDUSTRIE ET DU TRAVAIL, EMPLOYE, INTERDICTION DE FAIRE LE COMMERCE, INTERPRÉTATION, POUVOIR DU JUGE, LIMITATION QUANT A LA DURÉE, INTERDICTION GÉNÉRALE QUANT AU LIEU, COLONIE, NULLITÉ (Rép., v Liberté du commerce et de l'industrie, n. 133 et s., 186 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 372 et s.).

La clause d'un contrat passé entre une maison de commerce d'Indo-Chine et un employé, et par laquelle celui-ci s'engage à ne pas entrer dans une autre maison de commerce de la colonie pendant les quatre ans qui suivront sa sortie de la maison, à ne pas en fonder une, et à s'abstenir de toute affaire pour son compte personnel », peut être interprétée par les juges du fond comme emportant pour l'employé, non pas seulement l'interdiction d'exercer dans la colonie un commerce ou une branche de commerce similaire, de nature à être préjudiciable à ses patrons, mais une interdiction générale de faire un merce quelconque, et même aucune affaire, soit pour son compte, soit pour autrui (1) (C. civ., 1134).

com

Et, si les juges du fond constatent que celte interdiction a pour effet de mettre l'employé, qui est commerçant, et qui n'a d'autre moyen d'existence que l'exercice de celte profession, dans une véritable impossibilité de vivre, c'est à bon droit qu'ils décident que la clause litigieuse, bien que

développement qui paraissent bien conformes aux

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