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mande tendait à porter atteinte à la chose jugée résultant de cette déclaration, parce que le jury aurait écarté non-seulement la participation morale de l'accusé aux faits qui étaient la base de l'accusation, mais encore sa participation matérielle. Or, c'est là qu'est l'erreur le verdict du jury ne contient qu'une décision de non-culpabilité, c'est-àdire celle-là même qui, d'après l'art. 358, C. inst. crim., ne fait pas obstacle à l'allocation des dommages-intérêts réclamés par la partie civile. Interpréter une telle déclaration comme négative du fait matériel imputé à l'accusé, c'est faire de cet article une lettre morte, car il n'est pas un cas, sauf celui d'aveu, où l'on ne pût dire que le jury ayant écarté la matérialité, l'action civile n'est pas possible. L'arrêt déclare que l'effet qu'il attribue au verdict du jury tient à l'indivisibilité des faits compris dans l'accusation écarté par le jury; il considère que le coup sur la nuque se lie aux excès commis immédiatement après sur le corps de Maurice Roux, à savoir la ligature, la strangulation, etc. Tout cela formerait, selon l'arrêt, un tout indivisible indiquant nécessairement chez l'auteur une intention coupable et persévérante; or, le jury ayant écarté la prévention d'homicide volontaire et la question posée comme résultant des débats à l'égard de coups et blessures volontaires sur Maurice Roux, il aurait ainsi fait disparaître toute participation, tant morale que matérielle, d'Armand à chacun des actes dont il était accusé. Le système d'indivisibilité n'a aucune base légale, aucune portée juridique; les termes du verdict ne l'autorisent point, ils laissent absolument dans le doute, sur la pensée du jury. Nul, si ce n'est Dieu, ne peut savoir si le jury n'a pas été conduit à l'acquittement par l'opinion qu'il se serait formée de l'absence d'intention criminelle. Du reste, il n'est pas exact de dire que le jury dût admettre tous les faits relevés par l'accusation on les rejeter tous; il eût été dans son devoir, alors qu'il était interrogé sur une pluralité de violences dont une partie seulement lui aurait paru prouvée à la charge de l'accusé, de ne point acquitter celuici. Les faits étant ainsi susceptibles d'être considérés distinctement, ceci exclut nécessairement la prétendue indivisibilité à l'aide de laquelle l'arrêt attaqué a déclaré l'action de Maurice Roux irrecevable, au lieu d'examiner, d'après les éléments du fond, s'il y avait eu faute de la part d'Armand, c'est-àdire coup porté involontairement et par accident. Enfin, l'arrêt a appuyé la fin de non-recevoir sur cette considération qu'après avoir accusé Armand d'une tentative d'homicide volontaire et de violences qualifiées crime, Maurice Roux ne pouvait plus ne lui imputer qu'un coup involontaire. Raisonner ainsi, c'est oublier que toute partie civile qui a soutenu l'accusation criminelle dans toute son étendue, est recevable, malgré l'acquittement, à reprocher, à titre de quasi-délit, à

l'individa acquitté par le jury, le fait dont elle a à se plaindre et à raison duquel elle réclame des dommages-intérêts. C'est là le droit consacré par l'art. 358, C. inst. crim., et méconnu dans la cause par la Cour de Grenoble.

ARRET (après délib. en ch. du cons.).

LA COUR;-Attendu que si, en thèse générale, le verdict négatif du jury sur la question de culpabilité laisse subsister le fait matériel comme base possible d'une action civile en dommages-intérêts, il en est autrement dans certaines circonstances exceptionnelles où la matérialité du fait et l'intention de l'agent sont indivisibles; qu'il n'est plus possible dans ce cas d'isoler le fait de la volonté qui l'a produit, sans remettre en question la chose irrévocablement jugée par le verdict du jury;-Attendu qu'il appartient au juge du fait de rechercher dans les documents de la cause les éléments de cette indivisibilité; de l'affirmer ou de la nier selon leur conviction, sans que leur décision sur ce point puisse encourir la censure de la Cour de cassation; que ce pouvoir était d'autant moins contestable dans l'espèce que, par suite de la cassation de l'arrêt de la Cour d'assises du département des Bouchesdu-Rhône et du renvoi qui lui avait été fait de la cause, le tribunal de première instance el après lui la Cour impériale de Grenoble, investis de la plénitude de la juridiction, pouvaient rechercher même en dehors de.la procédure criminelle les éléments de leur conviction; Attendu que l'arrêt attaqué, appréciant à ce point de vue tous les éléments de la cause, déclare en fait « que le « coup porté et les blessures faites à Roux << se lient d'une manière intime aux excès «< commis immédiatement après sur le corps « de Roux, savoir: la ligature des pieds et << des mains, ainsi que celle du col ayant << produit un commencement d'asphyxie; « qu'ils forment un tout indivisible, une « série de violences concomitantes, quoi« que successives, dont l'ensemble et la « gravité révèlent chez leur auteur une in«<tention coupable et persévérante »>; que de cette indivisibilité constatée entre les faits relevés par l'action civile comme «< accom«< plis en un moment de vivacité », c'està-dire volontairement, et ceux constituant la culpabilité écartée par le jury, l'arrêt attaqué a pu, sans violer les dispositions de l'art. 358, C. inst. crim., déclarer que, dans l'espèce, la décision du jury ne laissait plus subsister aucun fait constitutif d'une faute pouvant servir de base à une action en dommages-intérêts ;-Rejette, etc.

Du 11 déc. 1866.-Ch. req.-MM. Bonjean, prés.; D'Oms, rapp.; Savary, av. gén. (concl. conf.); de Saint-Malo, av.

CASS.-CIV. 10 décembre 1866. DOMMAGES-INTÉRÊTS, ACQUITTEMENT, CHOSE JUGÉE, COUPS ET BLESSURES.

La déclaration de non-culpabilité rendue par le jury en faveur d'un accusé n'exclut pas nécessairement l'exercice ultérieur d'une action civile en dommages-intérêts contre celui-ci à raison du préjudice résultant du fait même qui servait de base à la poursuite criminelle. Ainsi, l'individu acquitté d'une accusation de coups et blessures peut, sur une action intentée par la partie lésée, être condamné à des dommages-intérêts envers elle, malgré l'acquittement prononcé au criminel (1). (C. Nap., 1351, 1382; C. instr. crim., 358.)

(Roussin C. Lecorre.)

Lecorre a eu la jambe cassée; Attendu que les violences de cette rixe ont toutes été, selon la nature des choses, purement volontaires, et que l'accident arrivé à Lecorre ne saurait être considéré comme le résultat d'une imprudence qu'on ne signale pas et qu'on ne définit pas; Attendu que cette appréciation ne saurait être considérée comme en opposition avec la décision du jury qui, en répondant négativement à la question posée, a dû nécessairement se préoccuper de l'exception de légitime défense et déclarer que Roussin n'était pas coupable de blessures volontaires si la légitime défense lui a été démontrée ; Attendu que le fait de la blessure étant seul établi, sans que, comme on vient de le dire, les circonstances caractéristiques de l'imprudence soient définies, ni même indiquées de quelque façon que ce soit, le tribunal ne saurait accueillir une action qui se fonde sur un maintien non prouvé.

Appel par Lecorre; et, le 4 mars 1864, arrêt infirmatif de la Cour de Rennes, ainsi conçu : «Considérant qu'il est de doctrine et de jurisprudence que les jurés, en déclarant un accusé non coupable d'un crime pouvant motiver l'application d'une peine, ne préjugent en rien la question de savoir si, ou non, cet accusé est auteur du fait qui lui est imputé, et si ce fait constitue une faute engageant sa responsabilité civile; que, dès

Dans une rixe qui s'éleva entre Roussin et Lecorre, celui-ci fut renversé par son adversaire, et, dans sa chute, se brisa la jambe gauche; il en résulta pour lui une longue maladie et une claudication permanente. A raison de ces faits, Roussin fut traduit devant la Cour d'assises du Morbihan, comme s'étant rendu coupable de coups et blessures volontaires, ayant occasionné une incapacité de travail de plus de vingt jours, circonstance qui, avant la révison de l'art. 309, C. pén. (L. 13 mai 1863), rendait l'auteur des coups et blessures justiciable de la juridiction criminelle. Le 2 juin 1862, lors, la Cour d'assises n'entrave en rien la le jury déclara l'accusé non coupable. Lecorre, qui ne s'était pas porté partie civile devant la Cour d'assises, a alors actionné Roussin devant le tribunal civil de Lorient, pour le faire condamner à des dommagesintérêts en réparation du préjudice qu'il lui

avait causé.

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(1) L'arrêt rendu dans cette espèce applique la doctrine générale consacrée par la jurisprudence et reconnue par l'arrêt qui précède (V. la note qui y est jointe), lequel déclare l'action civile irrecevable par la seule raison de l'indivisibilité du fait matériel et de l'intention de l'agent, eu égard aux circonstances tout exceptionnelles de la cause. Dans l'espèce actuelle, la question d'indivisibilité n'a pas même été soulevée. Elle n'aurait pu l'être qu'à tort, car s'il est vrai de dire qu'il s'agissait aussi, comme dans l'affaire Roux contre Armand, de coups et blessures qui, d'après l'accusation, auraient été volontairement portés, il résultait en même temps des circonstances du débat criminel que l'accusé n'avait pas nié purement et simplement, comme Armand, les faits matériels à lui imputés. Il convenait de la rixe qui avait amené la fracture de la jambe du plaignant, et c'était dans les circonstances de cette

libre appréciation des tribunaux civils,
chargés d'examiner, plus si ce même
fait offre les caractères d'un crime, mais s'il
constitue une faute et rend son auteur passi-
ble de dommages-intérêts en vertu des dis-
positions de l'art. 1382; Considérant qu'il
est prouvé par les dépositions des témoins
que, dans les premiers jours de mai 1862,
Roussin a porte deux coups à Lecorre, qu'il
l'a terrassé et lui a causé une blessure grave
dont le traitement a
a été long et dispendieux;
qu'il a été articulé et non contesté que ce
traitement avait causé une dépense totale

rixe, présentée par lui comme s'étant engagée par la faute du plaignant, qu'il puisait ses moyens de défense. Par suite, le dans son omnipotence, avait pu déclarer la non-culpabilité de l'accusé,

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non en ac
en admettant que celui-ci n'était pas l'au-
ur des coups suivis de la chute de son adver-
saire, mais en considérant l'accusé
comme ayant
été suffisamment provoqué pour qu'il dût échap-
per à la responsabilité pénale que lui imputait
l'accusation. En cet état de la cause, le système
d'indivisibilité n'aurait eu aucune base, et il
n'y avait, dès lors, rien qui s'opposât à la re-
cevabilité de l'action civile portée devant la ju-
ridiction ordinaire par l'individu qui avait été
victime de la rixe, en fondant sa demande sur
les faits qui, dégagés de la criminalité écartée par
la déclaration du jury, étaient néanmoins sus-
ceptibles d'être qualifiés quasi-dělit, et, comme
tels, de donner lieu à des dommages-intérêts.

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sans intention C criminelle; Qu'il résulte

Roussin n'était pas, coupable du crime à lui imputé; mais que si cette déclaration fait disparaître à jamais l'accusation, elle n'interdisait pas à la juridiction civile, en se saisissant des faits de la cause à son point de vue, d'examiner si dans les circonstances données Roussin n'avait pas commis à l'égard de Lecorre un fait dommageable dont il lui dût réparation; Que c'est dans ces termes que l'arrêt allaqué a reconnu que Roussin avait, le 10 mars 1862, non pas commis un crime, mais commis un fait qui avait été pour Lecorre la cause d'un préjudice dont Roussin devait réparation; qu'en jugeant ainsi, la Cour de Rennes a suffisamment notivé sa décision, et que, loin de se mettre en contradiction avec la chose jugée, elle n'a fait que rendre hommage au principe de l'indépendance des deux juridictions civile et criminelle; Rejette, etc..

Du 10 déc. 1866. Ch. civ. MM. le cons. Renouard, prés.; Rieff, rapp.; Blanche, av. gén. (concl. conf.); Housset et Guyot, av.

février 1867.

CASS.-REQ. 6 fé

1° SERVITUDE VUE DROITE, PRESCRIPTION, MUR, EXHAUSSEMENT, SUPPRESSION.. 2° PREUVE, TITRE PRODUIT. 3° GARANTIE, DEPENS, VENTE.

1° L'existence trentenaire d'une fenêtre ouvrant presque immédiatement sur le mur plein du voisin, et qui, par cela même, ne cause aucun préjudice et n'impose aucune géne à celui-ci, n'implique point une possession utile pour prescrire. Dès lors, elle ne saurait, part, faire obstacle à

l'exhaussement mur, ni, d'autre part,

demande en suppression ou réduction de la fenêtre (1).-Rés, par la Cour imp.

de là que les mêmes faits sur lesquels le jury a rendu un verdict de non-culpabilité peuvent être considérés par la juridiction civile comme étant des fails, nuisibles et comme devant par suite commander une réparation de la part de celui qui les a commis; Que c'est là une conséquence forcée des art. 358, 359 et 366, C. inst. crim., qui, en investissant, même en cas d'acquittement, les Cours d'assises du droit de statuer sur les dommages-intérêts, supposent nécessairement que tout n'a pas été vidé par une déclaration non-culpabilité rendue par le jury d'une manière générale et indéterminée, et que les magistrats peuvent, après que le jury a accompli sa tâche, accomplir la leur avec une entière liberté dans l'appréciation des faits, l'un des à leur délibération éléments nécessaires

sur les dommagesintérêts; Attendu, en fait, que le verdict du jury du Morbihan se borne à déclarer que

(1-2) La première de ces s solutions se trouve bien réellement et de la façon la plus expresse dans la décision attaquée. Il semble donc qu'il y ait, sous ce rapport, comme une erreur de fait dans l'arrêt de rejet ici rapporté, où il est ditc t que la Cour d'Orléans aurait jugé que le droit de conserver une vue droite, établie dans les conditions de l'espèce, a pu s'acquérir par prescription. Cette Cour a émis u une décision contraire, et, en le faisant, elle s'est rangée à la doctrine et à la jurisprudence le plus généralement suivies V. V. Pau,

Dans tous les cas, et alors même que la jouissance d'une

mur du voisin poutetre ainsi obstruée par le

être considérée comme acquisitive de prescription, il n'en saurait du moins résulter la servitude non altiùs tollendi, ni celle ne luminibus officiatur (2).

2. Tout titre versé au procès devient un élément de decision commun aux deux plaideurs; par suite, la partie qui a produit ce titre ne peut empêcher son adversaire de l'invoquer à l'appui de droits par lui prétendus (3). (C. Nap., 1315.)

20 nov. 1865 (P.1866.1034.-S.1866.2.284), et le renvoi. En tout cas,' un tout cas, alors même que, dans l'hypothèse, on admettrait que le droit de vue a pu être acquis par la prescription, il est évident que ci ma pu s'acquérir que dans la le comme juge la chambre des requêtes, ce mesure où il a été possédé tantum præscriptum quantum possessum.

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(3) Conf., Cass. 22 mai 1865 (P.1865.901.S. 1865.1.359), et les autorités citées à la note.

3o Encore bien qu'il soit reconnu que l'acquéreur, qui se prétendait menacé d'éviction, était fondé au moins en partie à appeler son vendeur en cause, les dépens de la demande en garantie peuvent être mis en entier à sa charge, si, en définitive, il ne subit aucune éviction á la garantie de laquelle le vendeur soit condamně (1). (C. Nap., 1630; C. proc. civ., 130 et 185.)

(Bernier-Blondeau C. Lemaire et Delaune.)

Une maison, sise à Romorantin, que le sieur Bernier-Blondeau a acquise, le 1er mai 1855, des héritiers Delaune, est séparée d'un mur appartenant au sieur Lemaire par une ruelle d'un mètre de large. Sur cette ruelle, et par conséquent à moins de 19 décimètres du fonds voisin, se trouve une fenêtre éclairant la cave de la maison.- En 1856, le sieur Lemaire a fait surélever son mur pour l'établissement d'une grange. Le sieur Bernier, prétendant alors que cette surélévation avait pour effet de diminuer la clarté qu'il recevait par la fenêtre de sa cave, a assigné le sieur Lemaire pour voir dire qu'il serait tenu de raser son mur à la hauteur qu'il avait avant les travaux d'exhaussement.-De son côté, celui-ci a soutenu qu'il était propriétaire, ou tout au moins copropriétaire, de la ruelle séparative de leurs constructions, et a réclamé tout à la fois la suppression ou au moins la réduction de la fenêtre ouvrant sur cette ruelle, et la démolition d'un contre-mur que le sieur Lemaire y avait fait édifier pour le placement de ses fumiers. Ces deux instances ayant été joinles, le sieur Bernier y a appelé en garantie ses vendeurs de 1855. A la suite d'enquête et de contre-enquête, le tribunal de Romorantin a, par jugement du 21 janv. 1865, admis la demande du sieur Bernier el repoussé celle du sieur Lemaire.

Appel de la part de ce dernier; et, le 29 juill. 1865, arrêt de la Cour d'Orléans qui, Cour d'Orléans qui, sur la prétention de l'appelant quant à la pro

(1) Lorsque l'action en garantie est reconnue fondée en partie seulement, c'est évidemment de l'appréciation seule des magistrats que dépend le point de savoir qui paiera les frais de l'instance, et si ces frais se partageront entre le garant et le garanti, ou s'ils tomberont en entier à la charge de l'un ou de l'autre. Il est, en effet, de jurisprudence constante que les juges peuvent, en vertu de leur pouvoir discrétionnaire, condamner une partie en tous les dépens, bien qu'elle ait obtenu gain de cause sur quelques points, si elle a succombé sur d'autres: V. Cass. 6 juill. 1864 et 9 janv. 1865 (P.1865.545 et 123.-S.1865.1. 230 et 63), ainsi que le renvoi joint au dernier de ces arrêts. Mais, en est-il de même quand l'appel en cause du garant a été déclaré fondé en tous les points? Il y a là une question qui, controversée déjà sous l'ancienne législation, l'est également sous l'empire des art. 1630, C. Nap., et 185, C. proc. civ. De l'arrêt ici repro

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priété ou copropriété de la ruelle, confirme la décision des premiers juges; dit toutefois que Bernier devra démolir le contre-mur établi par lui dans cette ruelle; puis qui, sur les prétentions de celui-ci, infirmant, décide qu'il n'y a lieu d'ordonner l'abaissement du mur, et condamne Bernier à la moitié des dépens de son instance principale et à tous ceux de la demande en garantie, dont il sera toutefois remboursé d'un quart par Lemaire. Cet arrêt est ainsi motivé': - « En ce qui touche la fenêtre du rez-de-chaussée :Attendu qu'il résulte des documents de la cause que cette fenêtre, qui, par son état matériel, serait de nature à constituer une vue droite et non un simple jour de souffrance, est, depuis un temps immémorial, obstruée par le mur de la grange Lemaire, qui n'est qu'à un mètre environ; Attendu que Bernier, qui n'a aucun titre à l'appui de cette servitude, n'a pu l'acquérir par la prescription; qu'en effet, pour prescrire, il faut posséder; que le droit de vue empêchant le voisin d'établir à moins de dix-neuf décimètres de la fenêtre des constructions qui puissent en empêcher ou en diminuer l'usage, il en ré sulte que le propriétaire du fonds dominant qui laisse établir ces constructions à une moindre distance, cesse d'avoir la possession complète, paisible et incontestée, nécessaire pour prescrire, puisque, notamment, dans l'espèce, la vue ne s'étend pas au delà de son propre terrain; que Bernier n'est donc pas fondé à se plaindre de la surélévation du mur de Lemaire en regard de sa fenêtre de cave; mais que, réciproquement, Lemaire n'est pas fondé davantage à demander, soit la suppression, soit la réduction de ladite fenêtre; qu'en effet, Lemaire est sans droit par le double motif que la vue en question, étant obstruée par son mur, ne le gêne en rien, et que, d'un autre côté, tant que ce mur existera, il n'a point à craindre, pour les motifs ci-dessus déduits, que Bernier puisse prescrire contre lui ;-En ce qui touche la ruelle :

duit, d'accord en cela avec un arrêt de Grenoble du 30 nov. (non 30 mars) 1824, il résulterait que, pour que le garant dût être nécessairement condamné aux dépens de la mise en canse, il faudrait que, non-seulement cette mise en cause fût reconnue bien fondée, mais encore que l'éviction de l'acquéreur eût été prononcée. — Mais il a, au contraire, été jugé que le garant doit supporter les frais de la demande en garantie, alors même que la demande principale en éviction serait repoussée: Angers, 18 août 1826; Grenoble, janv. 1845 (S.1845.2.344). C'est ce que la Cour de cassation elle-même a admis dans une espèce où le demandeur en éviction était insolvable 3 janv. 1833 (P. chr. S.1833. 1.92). V. aussi dans ce sens, MM. Duvergier, Vente, t. 1er, n. 386; Zachariæ, édit. Massé et Vergé, t. 4, § 685, note 13, p. 297; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 3, § 355, p. 259.

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Attendu que Lemaire, prétendant être propriétaire ou au moins copropriétaire avec Bernier de la ruelle existant entre sa grange et les bâtiments de Bernier, demande que celuici soit tenu de démolir un contre-mur qu'il a établi le long du mur de la grange....; Attendu que les titres produits en appel par Lemaire ne sont pas de nature à justifier sa prétention à la propriété ou copropriété de la ruelle; Mais attendu qu'il résulte de l'état des lieux et du titre d'acquisition de Bernier, en date du 1er mai 1865, que Lemaire a sur ladite ruelle un droit d'égout et de tour d'échelle pour sa grange; que l'exercice de ce dernier droit serait nécessairement gêné par l'établissement d'un contremur dans l'espace étroit existant entre ladite grange et le bâtiment de Bernier espace qui est à peine d'un mètre; que la demande de Lemaire est fondée en ce point; - En ce qui touche la demande en garantie:-Attendu que c'est à bon droit que Bernier a appelé en cause les héritiers Delaune, ses vendeurs, sur la demande de Lemaire tendant à le faire reconnaître propriétaire de la ruelle par eux vendue à Bernier; mais que c'est à tort que ce dernier les avait appelés en ce qui concerne les autres points du litige; qu'en effet, quant à la fenêtre de la cave, le simple aspect des lieux avertissait de sa nature Bernier auquel, d'ailleurs, il n'avait pas été dit que l'existence de cette vue fût autrement consacrée par un titre ; que, pour le surplus, il existait en faveur de Lemaire un droit d'égout et un tour d'échelle que Bernier était dès lors tenu de respecter; Par ces motifs, etc. »>

POURVOI en cassation par le sieur Bernier. -1er Moyen. Violation de l'art. 678, C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'ordonner l'abaissement du mur que le défendeur éventuel avait surélevé à moins de 19 décimètres de la fenêtre éclairant la cave du demandeur en cassation.

2e Moyen. Violation des art. 1165 et 1319, C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué, pour reconnaître au profit du défendeur éventuel des servitudes d'égout et de tour d'échelle, s'est fondé sur l'état des lieux et sur un acte qui était complétement étranger à ce dernier.

3 Moyen... (sans intérêt).

4e Moyen. Violation des art. 130, 185, C. proc., et 1630, C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué, tout en reconnaissant que la demande en garantie dirigée par le sieur Bernier contre ses vendeurs était bien fondée pour partie, l'a cependant condamné à tous les frais de cette demande..

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LA COUR; Sur le premier moyen : Attendu, en fait, que le sieur Bernier a acquis des héritiers Delaune, par acte du 1er mai 1855, une maison située à Romorantin; que cet acte énonce que la cave de la maison vendue a une grande fenêtre sur la ruelle;

|

Que l'arrêt attaqué constate que cette fenêtre, établie originairement sans titre constitutif d'une servitude de vue droite sur la propriété du, sieur Lemaire, était obstruée par le mur de clôture de celui-ci, situé de l'autre côté de la ruelle, à une distance moindre de 19 décimètres; Attendu que

Su

Lemaire ayant exhaussé le mur prémentionné, il s'agit de savoir si Bernier pouvait exiger que ce mur fût démoli en partie, pour être ramené à sa hauteur primitive, et, d'autre part, si Lemaire était en droit de demander la suppression de la fenêtre de son voisin; Attendu que Lemaire n'ayant point formé de recours en cassation, il devient perflu d'examiner si Bernier a pu acquérir par prescription, ainsi que l'arrêt attaqué l'a décidé, le droit de conserver une fenêtre ouvrant presque immédiatement sur le mur de Lemaire, et qui, par cela même, ne causait aucun préjudice et n'imposait aucune gêne à celui-ci ;- Mais attendu que Bernier n'ayant possédé qu'une fenêtre obstruée par le mur de Lemaire avant son élévation, n'a pu prescrire, dans tous les cas, que ce qu'il avait possédé;- Que la possession d'une fenêtre dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ne pouvait avoir créé, en faveur du demandeur, sur le fonds de Lemaire, ni une servitude de vue droite, ou d'aspect, dont il n'avait jamais joui, ni, par suite, la servitude non altius tollendi, ou ne luminibus officiatur; Attendu, d'ailleurs, qu'il n'a nullement été constaté que la surélévation du mur de Lemaire ait diminué ou rendu plus incommode l'exercice du droit acquis à Bernier par la prescription (art. 701, C. Nap.);

-

Sur le deuxième moyen :-. - Attendu que le sieur Bernier, pour repousser la demande du sieur Lemaire tendant à faire décider qu'il était copropriétaire de la ruelle litigieuse, produisit spontanément le contrat du 1er mai 1855, par lequel les hoirs Delaune lui avaient vendu la maison dont il s'agit, avec la ruelle attenante; Que ce contrat étant ainsi devenu dans le litige un élément de décision commun aux deux parties, le sieur Lemaire a pu légitimement en invoquer la disposition qui lui reconnaît un droit de tour d'échelle et un droit d'égout sur ladite ruelle; Sur le troisième moyen :...

Sur le quatrième moyen : Attendu que la demande en garantie se trouvant écartée, la Cour impérale a pu, sans violer les articles invoqués par le pourvoi, condamner Bernier aux dépens envers les garants; Attendu, en effet, qu'aux termes de l'art. 1630, § 3, C. Nap., les frais faits sur la demande en garantie ne sont dus par le vendeur que lorsque l'acquéreur a subi une éviction; que, d'autre part, l'art. 185, C. proc., suppose qu'il est intervenu un jugement de condamnation contre le garant, ce qui ne se rencontre pas dans l'espèce, Bernier n'ayant été évincé d'aucune partie de l'objet par lui aequis des héritiers Delaune; Attendu,

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