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fait l'honneur de m'écrire le 28 avril dernier, vous m'avez fait connaître que le défenseur du nommé Jacques R...., canonnier d'artillerie de marine, ayant manifesté l'intention de recourir à la clémence de Sa Majesté en faveur de cet individu, que le 2. conseil de guerre maritime, séant à Toulon, venait de condamner à cinq ans de travaux publics, M. le vice amiral de Missiessy avait donné l'ordre de surseoir pendant un mois à l'exécution de ce jugement.

Le recours en grâce de R.... ne m'étant point encore parvenu, je n'ai pu l'examiner, ni prendre à l'égard de ce condamné les ordres du Roi.

Au surplus, Votre Excellence pense avec raison que les instructions contenues dans la circulaire du 20 vendémiaire an 11, relative au recours en grâce, n'ont point cessé d'être en vigueur, et qu'on doit continuer de s'y conformer,`aiusi que vous l'avez fait connaître à M. le général de Missiessy (1).

Agréez, M. le comte, l'assurance de ma haute considération.

Le Garde des sceaux, Ministre de la justice,

Signé PASQUIER.

(1) La circulaire du 20 vendémiaire an 11 et la lettre du B messidor an 13 qui la confirme, sont ainsi conçues ;

LETTRE du Grand-Juge, Ministre de la justice, aux Commissaires près les tribunaux criminels et aux conseils de guerre, pour leur faire connaire que les recours en grâce et les demandes de sursis doivent avoir lieu pendant le cours de l'ins

truction.

Paris, le 20 Vendémiaire an

MESSIEURS, plusieurs tribunaux ayant accordé des sursis à l'exécution des jugemens criminels, sur la simple déclaration du condamné qu'il entendait user du recours en grâce, j'ai eu l'honneur d'en' rendre compte au P. C.

Il me charge de vous marquer qu'à l'avenir, et jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, les recours en grâce et demandes de sursis doivent avoir lieu dans tous les tribunaux ou conseils de guerre indistinctement, pendant les délais de l'instruction, soit que le recours vienne de l'accusé ou de sa

(N. 56.) LETTRE du Garde des sceaux, Ministre de la justice, au Ministre de la marine, sur une erreur commise en fait de compétence, à l'égard des militaires, en matière de propos séditieux.

Paris, le 28 Août 1818.

MONSIEUR, par la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 28 avril, vous m'avez informé que le procureur du Roi près le tribunal de Toulon avait refusé de mettre à la disposition de M. le commandant de la marine

famille, soit que les tribunaux aient cru devoir m'en référer pour recommander l'accusé à la clémence du P. C., et sans qu'en aucun cas le recours puisse suspendre la procédure ni le jugement définitif.

Prévenu ainsi de la peine que peut craindre l'accusé et des motifs qu'il est dans le cas d'invoquer pour s'en garantir, je pourrai vous transmettre la décision du P. C. avant l'instant marqué par la loi pour l'exécution du jugement.

Si la grâce ou le sursis ne vous sont pas parvenus au moment où l'exécution doit avoir lieu, il est de votre devoir d'y faire procéder conformément aux

lois.

Vous ne manquerez pas de m'accuser la réception de la présente dans le plus bref délai,

Je vous salue.
Signé REGNIER.

LETTRE du Grand-juge, Ministre de la justice, aux Procureurs géneraux près les Cours de justice criminelle et spéciale, pour leur rappeler les dispositions de la Circulaire du 20 vendémiaire an 11.

Paris, le 13 Messidor an 13.

Ma circulaire du 20 vendémiaire an 11, Messieurs, a pour objet de prévenir les retards que les demandes de grâce pourraient occasionner dans les affaires criminelles et dans l'exécution des jugemens; je crois devoir vous rappeler ses dispositions, afin que les recours en grâce ne puissent, sous aucun prétexte, suspendre l'exécution des jugemens définitifs, à moins qu'un ordre exprès, portant sursis, ne vous ait été, par moi, adressé avant l'expiration des délais marqués par la loi pour l'exécution.

Vous voudrez bien, Messieurs, m'accuser réception de la présente.
Recevez l'assurance de mes sentimens affectueux.

REGNIER.

en ce port, deux canonniers qui étaient dans le cas d'être poursuivis en justice, comme prévenus de propos séditieux. M. le procureur général en la cour royale d'Aix m'a transmis des renseignemens sur cette affaire. Il en résulte que, par une fausse interprétation de l'article 10 de la loi du 9 novembre 1815, on a cru pendant long-temps, dans le ressort de cette cour, que les tribunaux de police correctionnelle avaient une compétence exclusive sur les délits prévus par cette loi, quelle que fût la qualité des prévenus. C'est par suite de cette erreur que les deux canonniers au sujet desquels votre excellence m'a écrit, ont été traduits devant les juges ordinaires. J'ai donné, le 19 mai, des instructions au procureur général pour qu'on observât exactement à l'avenir les règles de compétence à l'égard des militaires, et il y a lieu de croire que votre excellence ne recevra plus de plaintes de la même nature.

Agréez, Monsieur, l'assurance de ma haute considé

ration.

Le Garde des sceaux, Ministre de la justice,
PASQUIER.

(N.° 57.\ LettRE du Garde des sceaux, Ministre de la justice, au Ministre de la marine, sur le conflit élevé par M. le Commandant de la marine au port et arrondissement de Cherbourg, à l'occasion d'un jugement rendu contre trois canonniers du s. bataillon d'artillerie de marine, prévenus d'avoir volé un mouton.

Paris, le 24 Février 1819.

MONSIEUR, le procureur général en la cour royale de Caen m'informe que la chambre d'accusation de cette cour a mis en accusation les nommés A..., B... et L. B..., canonniers au 5. bataillon d'artillerie de marine, au sujet desquels votre excellence m'a fait l'honneur de m'écrire le

19 janvier, et qu'elle les a renvoyés, pour être jugés, devant la cour d'assises du département de la Manche. Depuis que l'arrêt a été rendu, M. le commandant de la marine à Cherbourg a adressé au procureur du Roi à Coulances un mémoire par lequel il revendique, pour le conseil de guerre, la connaissance de l'affaire, et déclare en conséquence qu'il élève un conflit (1).

(1) Le contre-amiral commandant de la marine au port et arrondissement de Cherbourg, vu l'arrêt d'accusation rendu par la cour royale de Cuen, contre les nommés Leb....., A....... et B...., canonniers au 5. bataillon d'artilierie de marine, lesquels ont été renvoyés par cet arrêt devant la cour d'assises de Coutances pour y être jugés comme prévenus du vol d'un mouton, déclare à M. le procureur du Roi près ladite cour qu'il élève le conflit pout en recourir à la cour de cassation. I fonde sa réclamation sur les motifs exposés comme suit.

La cour royale de Caen a appuyé sa décision sur l'article 76 du décret du 12 juillet 1806; mais cette foi ne pouvait être invoquée, dans le cas dout il s'agit, que par une fausse interprétation, puisqu'elle ne concerne que les marins et soldats embarqués sur les bâtimens de l'Etat. Les troupes d'artillerie de marine sont justiciables, pour tous les délits dont ils se rendent coupables, de conseils de guerre permanens établis dans chaque arrondissement maritime en vertu de la loi du 13 brumaire an 5 : ces conseils de guerre sont les mémes que ceux des troupes de l'armée de terre, et les peines qu'ils infligent sont celles portées dans le code pénal du 12 mai 1793, code qui n'est nullement applicable aux marins.

Les bataillons d'artillerie de marine sont des corps organisés militairement, à l'instar de ceux de la guerre; ils sont régis, pour la répression des délits et le maintien de la discipline, par les mêmes lois qui régissent les différens corps de l'armée de terre: la jurisprudence des conseils de guerre n'a jamais varié à cet égard; une foule de jugemens rendus l'attesteraient au besoin. Ce n'est que lorsque les militaires sont embarqués, qu'ils cessent d'être justiciables des conseils de guerre permanens. Dans ce cas-là seul, ils tombent sous l'empire du décret du 12 juillet 1806.

Les canonniers Léb........... A........... B...., faisant partie du 5.a bataillon d'artillerie de marine, stationné à Cherbourg, ayant dérobé un mouton, sans complicité avec des bourgeois, et en dedans des limites de la garnison, doivent, en conséquence, être renvoyés par-devant le conseil de guerre permanent du premier arrondissement maritime, conformément au décret du 21 février 1808.

La chambre du conseil du tribunal de Cherbourg a déclaré, dans son prononcé, que ces trois militaires étaient pasibles d'une petite înfarmante.

Le procureur du Roi m'a transmis le mémoire de M. de Canilliac, avec les pièces de la procédure.

J'ai l'honneur de vous renvoyer ce mémoire, et je vous prie de faire observer à M. de Canilliac que, pour qu'il y ait lieu à élever un conflit de la part d'un administrateur, il faut que fa question qui fait l'objet de la difficulté ait été attribuée, par la foi, à l'autorité administrative, c'est-à-dire, qu'il s'agisse de décider si le fait qui donne lieu au conflit est de la compétence 'de l'administration, ou si la connaissance en appartient à l'ordre judiciairé. Ce cas n'est pas celui de l'affaire des trois canonniers de marine dont il s'agit. Ici il n'y a nul doute sur la compétence de l'autorité judiciaire, puisqu'il est question d'un vol. La difficulté consiste à savoir si les accusés doivent être jugés

Cette assertion est tout-à-fait erronée; la loi du 1 novembre 1796 (") n'ayant pas été abrogée, ils ne sont passibles que des peines portées dans les articles, 2 et 3 du titre VI de cette loi; ce n'est que dans le cas de récidive que la maraude emporte les travaux forcés. ( Article 4 de la loi précitée.)

L...... A.... et B.... ne peuvent être en effet considérés que comme maraudeurs. Il existe même plusieurs circonstances qui atténuent le fait ils n'ont dérobé te mouton que dans un chemin où il se trouvait seul; il l'ont payé 15 francs au propriétaire, qui, après avoir reçu cette somme, est allé les dénoncer. D'ailleurs ces militaires se sont toujours trèsbien conduits, et l'état d'ivresse bien constaté dans lequel ils étaient a pu seul les porter à un délit qui ne peut entraîner leur déshonneur.

D'après toutes ces considérations, le commandant de la marine a l'honneur de demander à M. fe procureur du Roi près la cour d'assises de Coutances un sursis au jugement des dénoncés ci-dessus, afin que la décision de M. le garde des sceaux, sollicitée par le ministre de la marine, puisse être connue et fixer la jurisprudence à cet égard, ou qu'il soit recouru à la cour de cassation.

Il demande, en même temps, à M. le procureur du Roi acte de sa déclaration.

A Cherbourg, le 27 janvier 1819.

Vicomte DE CANILLIAC.

(1) Code des délits et des peines pour les troupes, du 21 brumaire an 5 ou 15 novembre 1796; contenu au Bulletin des lois", "n." 39 de la seconde serie.

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