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(Nourrissier.)-ARRÊT.

LA COUR;-Attendu que, pour relaxer le nommé Nourrissier de la poursuite dirigée contre lui par le ministère public, le juge de police a constaté, en fait, que si le terrain sur lequel cet inculpé, en labourant son propre champ, a fait passer ses chevaux et tourner sa charrue, avait été récemment labouré, il n'était ni ensemencé ni chargé de récoltes, soit sur pied, soit coupées, et que l'on n'y a remarqué d'ailleurs aucune trace pouvant établir la preuve du passage personnel dudit inculpé; Attendu que c'est avec raison que, dans cet état de l'affaire, le jugement attaqué a refusé de faire application au nommé Nourrissier, soit des art. 471, §§ 13 et 14, et 475, § 10, C. pén., soit de l'art. 479, § 10, du même Code;-Attendu, en effet, qu' u'en l'absence de toute preuve de la participation personnelle de l'inculpé au passage sur le terrain préparé dont il s'agit au procès, le § 13 du premier de ces articles ne pouvait être invoqué contre lui; et qu'il devait en être de même du § 14 dudit artiS cle, ainsi que du § 10 de l'art. 475, ces dispositions n'étant applicables au passage de chevaux sur le terrain d'autrui qu'autant que ce terrain est ensemencé ou chargé de récoltes, ce qui, en fait, n'existait pas dans l'espèce;-Attendu, en outre, qu'il résultait des circonstances de fait prérappelées que, dans l'état où se trouvait le terrain, le passage des chevaux ne pouvait être considéré comme constituant la contravention prévue par l'art. 479, § 10, C. pén.;-Que ce paragraphe, en effet, n'étant que la reproduction de l'art. 24, titre 2 de la loi des 28 sept.-6 oct. 1791, n'est applicable, comme cet article, qu'au fait de celui qui mène sur le terrain d'autrui des bestiaux dont le passage ou les actes de dépaissance peuvent causer un

elle se fonde sur une infraction qui est liée à l'ordre public et dont elle demande la répression. Cette règle ne reçoit aucune exception en matière de contraventions rurales. L'art. 24, tit. 2 de la loi des 28 sept.-6 oct. 1791 punissait, à la vérité, le délit de conduite de bestiaux sur le terrain d'autrui, d'une amende égale à la valeur du dédommagement; d'où il suivait qu'il n'y avait pas de peine, et par conséquent pas de délit, quand il n'y avait pas de dommage. Mais le Code pénal n'a pas reproduit cette espèce de pénalité conditionnelle; sa disposition ne distingue point si des dégâts ont été commis, et n'exige point ces dégâts : elle doit donc être appliquée dans tous les cas. » Notre arrêt considère au contraire la disposition du Code pénal comme étant la reproduction de celle du Code rural de 1791; d'où il conclut qu'il n'y avait pas de contravention dans l'espèce, à défaut de dommage.

(1-2) Au premier abord, cette décision semble peu conciliable avec le respect dû au droit de propriété. Ainsi, voici un propriétaire qui, après avoir obtenu judiciairement la résiliation d'une

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Le jugement qui déclare résiliée la location d'un terrain faite par un propriétaire à une compagnie, dans le but, connu et approuvé de lui, d'y établir un chemin de fer déclaré d'utilité publique, n'a pas l'autorité de la chose jugée sur le point de savoir si ce propriétaire peut, à titre d'exécution dudit jugement, et sans tenir compte de l'existence du chemin, se remettre, au moyen d'une voie de fait, même protégée par la force publique, en possession de son terrain (1).

En pareil cas, la location devant être réputée contenir, de la part du propriétaire, un consentement à sa dépossession sans indemnité préalable, la voie de fait par lui commise est punissable comme constituant la contravention prévue par les art. 21 de la loi du 15 juill. 1845 et 61 de l'ordonnance du 15 nov. 1846, sans qu'il soit possible de voir dans cette répression unc négation de son droit de propriété, ce droit restant entier pour faire déterminer l'indemnité de dépossession qui lui est due (2).

location qu'il avait consentie, et lorsqu'il veut, en vertu du jugement qui met fin à la jouissance du locataire, reprendre possession de sa chose, en se faisant assister des officiers de justice, est considéré, sinon comme un malfaiteur, du moins comme un délinquant; sa mainmise sur cette chose est réputée voie de fait, et, comme conséquence, une condamnation correctionnelle est prononcée contre lui. Or, que lui serait-il advenu de plus, si, sans faire consacrer à l'avance son droit de propriétaire et l'obligation, pour le locataire, de cesser sa jouissance, il eût, de sa propre autorité, appréhendé la chose louée? Il est vrai que, dans l'espèce, le terrain que le locataire était condamné à délaisser avait, en vertu d'un décret impérial, et du consentement du propriétaire, reçu une destination d'utilité publique, à savoir l'établissement d'un chemin de fer, et c'est en raison de cette destination que l'arrêt ci-dessus déclare que le droit de propriété ne pouvait s'exercer au mépris des lois et règlements qui défendent de s'introduire dans l'enceinte des chemins de fer et d'y entraver la circulation. S'il en est ainsi, quel était donc, pour le proprié

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sans fixation de durée, des terrains du sieur Ardoin, ces terrains étant, dit l'arrêté, nécessaires à l'installation des aménagements de la voie de fer à son arrivée à la gare d'eau.

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Le sieur Ardoin, propriétaire de divers terrains dans la plaine de Saint-Ouen, en avait fait location à la compagnie des docks - Le 28 décembre, opposition à cet arrêté de Saint-Ouen dont il était le vice-prési- est formée devant le conseil de préfecture.dent, pour y établir un tronçon de chemin L'époque fixée par le jugement du 3 fév. 1865 de fer et une gare; mais aucune formalité pour la restitution des terrains étant arrivée, d'expropriation n'avait été remplie. Des diffi- le sieur Ardoin fait commandement à la cultés s'étant élevées entre la compagnie et le compagnie d'exécuter le jugement.-Puis, sieur Ardoin, celui-ci réclama la restitution ce commandement étant resté sans effet, de ses terrains. Un jugement du tribunal il se présente, le 29 janv. 1866, accomcivil de la Seine du 3 fév. 1865, confirmé par pagné de son avoué, d'un huissier et d'un arrêt de la Cour de Paris du 17 août 1865, commissaire de police, pour reprendre posordonna cette restitution, et en fixa l'époque session de ses terrains; à titre de proau 1er janv. 1866. Le 18 déc. 1865, inter-priétaire, il fait démolir 45 mètres environ vint un arrêté de M. le préfet de la Seine qui autorisa l'occupation temporaire, mais

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taire, le moyen d'exécuter le jugement qui consacrait son droit de propriété? Ce droit, malgré l'existence d'un tel jugement, devait-il demeurer à l'état de lettre morte? Non, dit l'arrêt en pareil cas, les voies légales restent ouvertes au propriétaire pour faire déterminer l'indemnité qui est due. L'indemnité! mais il n'y a lieu à indemnité qu'en cas de dépossession et d'expropriation. L'arrêt ne le nie pas; mais, dit-il, le propriétaire n'a-t-il pas consenti lui-même à cette dépossession du jour où il a loué son terrain avec la connaissance de la destination publique que ce terrain allait recevoir? Et s'il n'a pas, dès ce moment, exigé d'indemnité préalable, son droit n'est-il pas sauvegardé, puisque la faculté d'en obtenir une ultérieurement lui demeure acquise? -En résumé, la thèse de l'arrêt revient à dire que celui qui donne à loyer un terrain qu'il sait destiné à l'établissement d'un chemin de fer déclaré d'utilité publique, doit, par cela même, être réputé en avoir consenti, au profit de la compagnie locataire, dans le cas où elle l'exigerait, et sauf fixation ultérieure de l'indemnité, sa dépossession amiable, et que cette dépossession doit produire effet en faveur de la compagnie, alors même que par jugement rendu contradictoirement avec elle cette compagnie aurait été condamnée à déguerpir. Ainsi envisagée, la question ne manque assurément ni d'intérêt, ni de difficulté.

Et d'abord, on peut se demander ce que, en présence d'une telle décision prise par le juge correctionnel, devient la décision du juge civil qui maintient le bailleur dans la propriété de la chose louée, et condamne le preneur à en sortir. L'arrêt que nous recueillons écarte cette première objection en décidant que le jugement rendu au civil n'a pas l'autorité de la chose jugée quant au point de savoir si le bailleur peut se remettre en possession de son terrain malgré l'existence du chemin de fer qui y était assis. Mais ne pourrait-on pas répondre que le jugement qui ordonne au locataire de sortir accorde nécessairement et implicitement au propriétaire le droit de rentrer, et que c'est précisément pour donner au propriétaire le moyen d'avoir raison du refus fait par le locataire d'obéir aux ordres de la justice, que le jugement est revêtu de la force et de la

de clôture en planches et clouer deux barres transvervales sur la porte d'entrée

si

formule exécutoires? Dans l'espèce, d'ailleurs, serait-il permis de dire que les juges civils ignoraient que le terrain revendiqué était occupé par un chemin de fer, puisque c'était précisément la compagnie exploitant ce chemin qui était en cause? En tout cas, et même en écartant, si l'on veut, l'autorité de la chose jugée, on a peine à comprendre que celui qui passe un contrat de louage doive être par cela même réputé avoir consenti une vente, et que, lorsqu'il veut, à l'expiration de la location, rentrer en possession de son immeuble, il puisse être repoussé comme s'il revendiquait une chose appartenant à autrui. Sans doute, par cela même que le terrain loué avait reçu une destination déclarée d'utilité publique, la compagnie locataire eût été en droit, elle eût voulu en devenir propriétaire, d'en poursuivre, dans les formes et conditions voulues, l'expropriation pour cause d'utilité publique; mais tant qu'elle n'avait pas agi par cette voie, considérer la dépossession de la propriété comme résultant du simple fait de location joint à la déclaration d'utilité publique du chemin assis sur le terrain loué, n'est-ce pas créer, en dehors des prévisions et des conditions légales, un nouveau mode d'expropriation dépourvu des garanties auxquelles a droit celui qui est obligé de faire à l'utilité publique le sacrifice de sa propriété?-Nous ne nous dissimulons pas que, dans l'espèce, les circonstances particulières, et notamment ce fait que le locateur du terrain réunissait, lors de la location, à la qualité de propriétaire celle de viceprésident de la compagnie qui faisait établir le chemin de fer, ont pu influer notablement sur la décision. Peut-être aussi la Cour de cassation s'est-elle préoccupée, bien qu'elle n'en dise rien dans les motifs de son arrêt, du fait relevé par les juges du fond, à savoir qu'antérieurement à la tentative de reprise de possession par le propriétaire, un arrêté préfectoral (qui du reste avait été plus tard annulé) avait prescrit l'occupation temporaire du terrain revendiqué.-Quoi qu'il en soit, il nous a paru utile, en rapportant cette intéressante solution, de signaler les doutes dont, au point de vue strict des principes, elle peut paraître susceptible.

établie dans la clôture pour livrer passage au chemin de fer. Procès-verbal à raison de ces voies de fait, à la suite duquel Ardoin est cité devant le tribunal correctionnel de la Seine, comme prévenu des délits et contraventions prévus par les art. 456, C. pén., 21 de la loi du 15 juill. 1845 et 61 de l'ord. du 15 nov. 1846.

7 juill. 1866, jugement qui condamne Ardoin à 16 fr. d'amende pour infraction aux loi de 1845 et ordonnance de 1846. Ce jugement se fonde principalement sur l'arrêté d'occupation du 18 déc. 1865, et sur ce que, tant que cet arrêté n'avait pas été rapporté, l'exercice des droits d'Ardoin s'en était trouvé paralysé.

Appel; mais, le 9 août 1866, arrêt confirmatif de la Cour de Paris qui adopte les motifs des premiers juges, et, en outre, se fonde sur ce que, le chemin de fer dont s'agit ayant été établi en vertu d'un décret impérial sur le terrain du sieur Ardoin, ce terrain s'était trouvé, par l'effet même de ce décret de concession, et encore bien que le propriétaire n'eût pas été régulièrement exproprié, affecté à un service public, et soumis aux règlements et lois sur la police des chemins de fer.

POURVOI en cassation par le sieur Ardoin, pour violation des art. 1350 et 1351, C. Nap., 544, 545, 552 et 555, même Code, et fausse application des art. 21 de la loi du 15 juill. 1845 et 61 de l'ordonn, du 15 nov. 1846.

-Le point de départ du pourvoi, a-t-on dit, c'est la violation des art. 1350 et 1351, C. Nap., c'est-à-dire de l'autorité de la chose jugée. Cette violation est évidente: la juridiction civile ayant reconnu au sieur Ardoin, par le jugement du 3 fév. 1865, le droit dé reprendre la libre disposition de ses terrains à partir du 1er janv. 1866, ce droit ne pouvait lui être dénie par la juridiction correctionnelle. Il est vrai que, en général, la chose jugée au civil n'exerce aucune influence sur le criminel; mais il en est autrement lorsque la question jugée au civil est préjudicielle à l'action publique. C'est ainsi qu'il ne peut y avoir lieu à la répression d'un délit forestier, après qu'il a été décidé par un tribunal civil que le prévenu du délit est propriétaire du terrain sur lequel a été commis le fait incriminé.. Supposons que, dans l'espèce, le jugement du 3 fév. 1865 n'eût pas existé, et que le sieur Ardoin, ayant opposé à la poursuite ses droits de propriétaire, eût été renvoyé devant la juridiction civile pour faire apprécier le mérite de ses prétentions; supposons que ses droits cussent été reconnus par cette juridiction; estce que, revenu devant la juridiction correctionnelle, il aurait pu être condamné pour avoir voulu en user? Evidemment, non. Eh bien, l'effet qui, dans cette bypothèse, eût été produit par le jugement civil, devait être ici produit par le jugement du 3 fév. 1865. Ceci posé, que reste-t-il à exami

ner? La valeur des deux motifs qui, d'après l'arrêt attaqué, s'opposaient à ce que Ardoin pût exercer ses droits de propriétaire. — Estil vrai, d'abord, que par cela seul qu'un chemin de fer a été établi sur un terrain, en vertu d'un décret de concession, ce terrain se trouve par la toute- puissance de ce décret affecté à tout jamais à un service public et fasse désormais partie du domaine public? La négative est certaine, et cela par deux raisons 1° parce que ce décret ne détermine même pas les terrains sur lesquels le chemin de fer sera établi; cette désignation n'est faite que par l'arrêté de cessibilité dont parlent les art. 2, § 2, et 11 de la loi du 3 mai 1841; 2° parce que ce décret ne peut produire effet qu'à la condition de l'accomplissement de certaines formalités dans l'espèce, une expropriation prononcée par l'autorité judiciaire, et le paiement de l'indemnité préalablement à la prise de possession. - Quant au consentement donné par Ardoin à l'établissement du chemin de fer sur son terrain, les effets en avaient été limités par le jugement du 3 fév. 1865 au 1er janv. 1866.-Estil vrai ensuite qu'il y eût lieu de faire état de l'arrêté d'occupation du 18 déc. 1865? La négative est encore certaine, et cela par trois raisons: 1° parce que, dès le 28, Ardoin avait frappé cet arrêté d'opposition devant le conseil de préfecture de la Seine, et, qu'en cas pareil, l'opposition est suspensive (Christophle, des Travaux publ., t. 2, p. 106); 2o parce que si le tribunal et la Cour voulaient faire état de cet arrêté, ils auraient dù en apprécier la légalité, l'autorité judiciaire ne devant accorder aide et soutien aux actes administratifs que lorsqu'ils sont réguliers et conformes aux lois (art. 471, § 15, C. pén.); 3° parce qu'au jour où le tribunal a statué, ce même arrêté avait été annulé par le conseil de préfecture de la Seine, et qu'indépendamment de l'effet rétroactif qui devait faire remonter au jour de l'opposition (28 déc.) les conséquences de cette annulation, cette annulation enlevait à l'avance toute base légale à une condamnation. L'arrêt a donc, en même temps qu'il a faussement et à tort appliqué les art. 21 de la loi du 5 juill. 1845 et 61 de l'ordonn. du 15 nov. 1846, violé: 1° l'art. 544, C. Nap., qui porte que la propriété est le droit de jouir des choses de la manière la plus absolue; 2° l'art. 545, aux termes duquel nul ne peut t être contraint de céder sa propriété, sans une juste et préalable indemnité; 3° l'art. 552, aux termes duquel la propriété du sol emporte celle du déssus et du dessous; 4° enfin l'art. 555, qui permet au propriétaire d'un terrain sur lequel des constructions ou ouvrages ont été établis par par un tiers d'en demander la suppression, et par conséquent d'y faire procéder. En résumé, la situation du sieur Ardoin est celle-ci; autorisé par par une décision souveraine de la juridiction civ civile à exercer des droits de propriété qui ne pouvaient lui être sérieusement contestés, il a été pour

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suivi et condamné par la juridiction correctionnelle pour avoir voulu mettre cette décision à exécution avec l'intervention de la force publique dûment et légalement requise. Si l'arrêt attaqué était maintenu, et si, comme il le dit dans ses motifs, un terrain pouvait être affecté à un serv service public au mépris des droits du propriétaire qui n'aurait pas été préalablement exproprié, si cette affectation pouvait avoir pour résultat l'anéantissement du droit sacré de propriété, si, par le fait de cette affectation, le propriétaire perdait à jamais la possibilité et l'espérance de reprendre sa chose sans avoir maille à partir avec le Code pénal, on arriverait indirectement à un genre d'expropriation inconnu jusqu'à ce jour l'expropriation sans indemnité par jugement correctionnel; la propriété cesserait d'être un droit, elle deviendrait un mot. Song- olimme ARRÊT.

LA COUR; Sur l'unique moyen tiré de la violation prétendue de l'autorité de la chose jugée et de celle des art. 544 et suiv., C. Nap., relatifs au droit de propriété : -Attendu que, par décret impérial du 24 mars 1855, la compagnie des docks a été autorisée à établir un chemin de fer destiné à relier la gare d'eau de Saint-Ouen au chemin de fer de ceinture; qu'en fait, ce chemin a été établi, après expropriation légalement poursuivie des terrains nécessaires à son assiette;

Qu'en ce qui concerne les terrains appartenant à Ardoin, sur lesquels repose une partie de la voie ferrée, Ardoin, lié alors d'intérêts avec la compagnie, et qui en était le vice-président, a consenti, sans expropriation préalable, à l'établissement du chemin de fer sur lesdits terrains, a concouru lui-même à la construction de la voie, et s'est contenté alors de céder lesdits terrains sous forme de location verbale consentie à la compagnie des docks; Attendu, il est vrai, qu'à la suite de difficultés survenues ultérieurement entre Ardoin et la compagnie, par un jugement du tribunal civil de la Seine du 3 fév. 1865, confirmé par un arrêt de la Cour impériale de Paris du 17 août suivant, Ardoin a fait prononcer la résiliation de la location verbale et la cessation de la jouissance de la compagnie au 1er janv. 1866, terme fixé par lesdites décisions; mais que ces décisions, rendues au civil, ne l'ont point été au point de vue de la difficulté actuelle; qu'elles n'ont point tranché la question de savoir si Ardoin pouvait se remettre en en possession ses terrains au moyen d'une voie de fait, et sans tenir compte de l'existence sur lesdits terrains d'un chemin de fer que lui-même avait concouru à établir;-Qu'au point de vue de la contravention qui lui est imputée, Ardoin ne saurait donc invoquer l'autorité de la chose jugée;

Attendu qu'il reste à u'il reste à examiner si l'exception proposée par Ardoin, et tirée de son droit incontestable de propriété sur les terrains dont ont il s'agit, est de nature,

conformément aux termes de l'art. 182, C. forest., à ôter au fait qui sert de base aux poursuites tout caractère de délit ou de contravention Attendu que la contravention imputée à Ardoin consiste dans le fait matériel, par lui reconnu et avoué, de s'être introduit dans l'enceinte du chemin de fer et d'avoir entravé la circulation par le dépôt sur la voie de matériaux et autres objets, contravention prévue et punie par les art. 21 de la loi du 15 juill. 1845 et 61 de l'ordonn. du 15 nov. 1846; Attendu que la contravention ne disparaît pas par cela seul qu'Ardoin était resté propriétaire d'une partie des terrains sur lesquels est assis le chemin de fer; qu'en effet, c'est là une voie ouverte en vertu d'un décret d'utilité publique; que l'oeuvre elle-même avait ce caractère et devait être respectée;--Que l'acte auquel Ardoin a eu recours ne saurait trouver d'excuse dans le droit de propriété ;- Que ce droit, si absolu qu'il soit, rencontre une limite dans les termes mêmes de l'art. 544, C. Nap., lequel défend d'en faire un usage prohibé par les lois ou par les règlements; et que l'exacte observation des règlements sur la police et la sûreté des chemins de fer est du plus haut intérêt pour la sécurité publique ;-Attendu, enfin, que le pourvoi soutient à tort que le résultat de la poursuite est la négation, au préjudice d'Ardoin, de son droit même de propriété; qu'en effet, ce droit reste entier, et que, s'il a convenu à Ardoin, dans le principe, de consentir sa dépossession sans exiger la juste et préalable indemnité que la loi lui assurait, il n'en est pas moins certain que les voies légales lui restent ouvertes pour faire déterminer l'indemnité qui lui est due;-Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que le caractère délictueux du fait imputé à Ardoin n'a pas disparu; - Rejette, etc.

Du 7 fév. 1867. Ch. crim.-MM. Vaïsse, prés.; Barbier, rapp.; Bédarrides, av. gén. (concl conf.); Bozerian, av.

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(1) Jugé, en principe, que le conseil municipal n'a pas le droit de restreindre ou empêcher l'exercice de la vaine pâture sur des terres qui sont soumises à cette servitude d'après les dispositions de la loi des 28 sept.-6 oct. 1791: Cass. 4 mai 1848 (P.1849.2.218.-S.1849.1.383) et fév. 1859 (P.1859.904. S.1859.1.437). V. aussi MM Jay et Beaume, Tr. de la vaine pâture, n. 159, et suiv.; Bourguignat, Tr. de droit rural, 'n.

1200

(Bergeron.)

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LA COUR ; Sur le moyen unique, pris d'une violation des art. 110, 111, 112, 113 et 115 du décret du 4 juill. 1853, sur la pêche côtière du deuxième arrondissement maritime, en ce que l'arrêt attaqué a jugé que les défendeurs, possesseurs de terres sur le territoire de Bréhal, mais non habitants de cette commune, avaient le droit d'y récolter le goëmon de rive, pour le vendre et le trans→ porter hors de la commune :- Vu lesdits articles; Attendu que l'ordonnance de 1681, livre Iv, titre x, art. 1 et 3, attribuait exclusivement aux habitants de chaque commune des bords de la mer le goëmon croissant sur le rivage, à charge de l'employer à l'amélio

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LA COUR; Attendu que l'art. 2, section IV, titre 1er de la loi des 28 sept.-6 oct. 1791, maintient le droit de vaine pâture dans les lieux où il était autorisé par un usage immémorial ; Que, si l'art. 3 de la même loi porte que ce droit de vaine pâture ne sera exercé que conformément aux règles et usages locaux, et si l'art. 9 ajoute qu'il ne pourra s'exercer sur les prairies artificielles et sur les terres ensemencées couvertes de quelque production que ce soit, il ne s'ensuit pas que les arrêtés municipaux puissent restreindre le droit lui-même et soustraire à son exercice certains lieux non clos qui ne seraient couverts d'aucune récolte ; — Que, dans l'espèce, la délibération du conseil municipal et l'ar-ration des terres du territoire et sous condirêté du maire déclarent que les lieux dits la Vergue-des-Ponts et l'Ile-des-Sensés, qui sont en partie plantés en bois, seront interdits au parcours;-Que le procès-verbal ne constate pas que les bestiaux de Bergeron aient été trouvés dans la partie de ces terrains plantée en bois, et que le jugement attaqué déclare, en fait, que les terrains non plantés, ainsi enlevés au parcours, sont d'une certaine importance; Que, dès lors, en déclarant que l'arrêté dont il s'agit a excédé les limites des pouvoirs de l'autorité municipale et n'est pas, par conséquent, obligatoire en ce qui concerne l'interdiction générale qu'il contient, et en renvoyant, par suite, le prévenu des fins de la poursuite, le jugement allaqué n'a commis aucune contravention à la loi; Rejette le pourvoi formé contre le jugement du tribunal de police de Cognac du 23 fév. 1866, etc.

Du 13 juill. 1866.—Ch. crim.- MM. Legagneur, prés.; Faustin Hélie, rapp.; Savary, av. gen.

CASS.- -CRIM. 6 juillet 1866.
GOEMON, VENTE OU TRANSPORT, PROPRIÉ-

TAIRES FORAINS.

Le droit de vendre ou de transporter le goëmon hors de la commune où il a été récolté, n'appartient qu'aux habitants de la commune: les propriétaires forains sont tenus d'employer le goëmon par eux récolté dans la circonscription même de la commune où ils possèdent des terres (1). (Décr. 4 juill. 1853, art. 110 et suiv.)

276. Toutefois, les conseils municipaux, appelés par l'art. 19 de la loi du 18 juill. 1837 à régler le mode de jouissance de la vaine pâture dans leur commune, peuvent, sans excéder leurs pouvoirs, affranchir de la vaine pâture une partie des propriétés soumises à cette servitude, lorsque cette mesure, conforme d'ailleurs aux usages anciens, n'a pour but que de rendre le passage des troupeaux plus facile et plus commode : Cass. 17 avril 1849 (P. 1849.2.409. S. 1849.1. 164).

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tion de ne pas le transporter au dehors, et ne faisait aucune mention des possesseurs de terres sur le territoire, non habitants de la commune; Que, si l'usage et la jurisprudence ont fait rentrer les possesseurs de terres, habitants d'autres communes, au nombre des habitants en faveur de qui était établie cette concession, c'est que l'attribution du goëmon devant profiter à la terre plutôt qu'à la personne, il y avait convenance et équité à ce que les immeubles appartenant aux forains, qui avaient à souffrir du voisinage de la mer, comme ceux des habitants, obtinssent le même dédommagement; Mais attendu que le décret du 4 juill. 1853 statue distinctement sur les habitants et les propriétaires forains; que, par son art. 110, il fait abandon exclusivement aux habitants de chaque commune du littoral du goëmon de rive que ses art. 111, 112 et 113 règlent l'exercice de ce privilége de l'habitant; qu'ils lui permettent le transport hors de la commune, si le conseil municipal l'y autorise ; et que, dans l'ile de Bréhat, il permet sous condition ce transport au dehors, à l'égard de la zostère marine, connue vulgairement sous le nom de pailleule, qui forme une catégorie particulière de goēmon; Qu'au contraire, son art. 115, qui détermine seul les droits des individus non habitants, possesseurs de terres dans la commune, loin de leur attribuer les mêmes facultés, ne les autorise à couper et récolter le goëmon sur les rivages de cette commune que sous la condition de l'employer dans sa circonscription; que, d'ailleurs, cette concession pourvoit suffisamment aux besoins de l'agriculture; —Que cette limitation a été

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(1) Nous généralisons la solution, bien que l'arrêt fasse une application spéciale du décret du 4 juill. 1853, relatif au 2o arrondissement maritime: les trois décrets du même jour relatifs aux 1er, 3 et 4 arrondissements maritimes, contiennent, en effet, des dispositions tout à fait identiques sur la matière (V. ces divers décrets, P. Lois, décrets, etc., p. 188, 203, 220 et 229. S. Lois annotées de 1853, p. 109, 116, 127 et 132).

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