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Évidemment non !

Puisque l'une de mes dettes est de 3000 fr. et que je n'offre que 2000 fr.

Et si je lui offrais 3000 francs?

Je pourrais sans doute alors les imputer sur la dette de 3000 fr.

Mais, pour les imputer sur la dette de 2000 fr., ilme faudrait en déduire 1000, que je ne pourrais pas reporter sur l'autre dette, puisqu'elle est de 2000 fr. et qu'il ne me reste plus que 1000 fr.

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On voit, par ces exemples, combien le droit du créancier restreint, en effet, souvent le droit du débiteur, et que la faculté d'imputation, qui est accordée à celui-ci par l'article 1253, n'est, en réalité, comme on l'appelle, arbitraire, que dans une assez étroite limite. (Comp. supra, no 6.)

32.

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Ce qu'il importe aussi de remarquer, c'est qu'il faut que l'imputation soit faite par le débiteur, au moment même du payement :

« Dum in re agenda fiat.... (L. II, ff. De solut.) «Tempore solutionis.... (L. I, Cod. 'De solut.)

L'article 1253 exprime la même idée, en disposant que c'est lorsqu'il paye, que le débiteur peut exercer son droit d'imputation.

Après le payement accompli, il serait trop tard!

Et l'imputation serait désormais soumise à d'autres règles. (Comp. infra, no34; art. 1255-1256; et le tome IV de ce Traité, no368.)

33.Ce serait alors le rôle de l'imputation légale, si la quittance était muette.

Et s'il n'y avait pas de quittance?

Le débiteur de plusieurs dettes, en faisant un ou plusieurs payements à son créancier, s'est borné à lui remettre lui-même ou à lui faire remettre une somme ou des sommes successivement, pour lesquelles le créancier ne lui a pas délivré de quittance, et dont il a fait

mention sur son registre domestique, conformément à l'article 1331.

C'est sur cette hypothèse que Duranton pose la question de savoir si le débiteur s'est tacitement réservé le droit de dicter, dans la suite, l'imputation comme il l'entendrait, si l'on doit regarder les choses comme étant entières, tant qu'il n'a pas reçu de quittance; ou bien, au contraire, s'il s'en est reposé sur le créancier ou sur la loi, pour faire l'imputation dès le principe et d'une manière irrévocable.

Nous croyons que c'est aussi, dans ce cas, l'imputation légale, qui doit être appliquée.

L'imputation, soit par le débiteur, soit par le créancier, doit être faite dans la quittance (art. 1253, 1255, 1256);

Or, nous supposons qu'aucune quittance n'a été délivrée par le créancier au débiteur;

Donc, cette imputation doit être faite entre eux par la loi.

Telle est aussi finalement la conclusion de Duranton, quoique peut-être un peu hésitante. (T. XII, no 196.)

34. -Le droit du débiteur de diriger l'imputation sur celle de ses dettes qu'il veut acquitter, implique évidemment, pour lui, comme conséquence, le droit de faire constater par le créancier cette imputation dans la quittance;

Puisqu'il ne pourrait recevoir une quittance pure et simple, sans voir s'anéantir son droit d'imputation! (Art. 1255, 1256; comp. Larombière; t. III, art. 1253, n° 3.)

Voilà l'imputation par le débiteur (supra, no 4.) 35.b. Voici maintenant l'imputation par le créan

cier.

Article 1255: « Lorsque le débiteur de diverses dettes << a accepté une quittance par laquelle le créancier a <«< imputé ce qu'il a reçu sur l'une de ces dettes spéciale

«<ment, le débiteur ne peut plus demander l'imputation << sur une dette différente, à moins qu'il n'y ait eu dol «ou surprise de la part du créancier. »

C'est le créancier qui a dirigé l'imputation; il l'a dirigée au détriment du débiteur, et à son avantage, sur la dette, par exemple, qui ne produit pas d'intérêts, plutôt que sur la dette qui en produit.

Le débiteur néanmoins a accepté la quittance ainsi faite. Eh bien! c'est un contrat qui s'est formé par leur mutuel consentement (comp. Cass., 8 déc. 1874, Raveneau, Dev., 1875, I, 209).

Et il est tout simple que le débiteur, en effet, ne puisse plus demander l'imputation sur une dette différente. 36. Le débiteur, dit l'article 1255.

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Et le créancier ?

Tout de même !

Les conventions légalement formées forment la loi commune des parties (art. 1134).

Si notre texte ne mentionne que le débiteur, c'est sans doute que le législateur a pensé qu'une réclamation contre cette imputation ne viendrait pas du créancier, puisque c'est lui qui l'a faite.

Mais il est évident que si le créancier voulait lui-même se raviser, il ne le pourrait pas non plus. (Comp. Cass., 13 juin 1834, Dev., 1835, I, 298.)

37. - Deux conditions sont requises pour que l'imputation faite par le créancier soit valable et, de part et d'autre, obligatoire :

1° Il faut qu'elle soit faite au moment même du payement... statim atque solutum est, et insérée dans la quittance que le débiteur accepte, et qui sera son titre de libération. (Comp. supra, no 29.)

C'est, en effet, à ce moment, que le contrat se forme. Si l'imputation faite par le créancier ne convient pas au débiteur?

Il peut refuser de payer

TRAITÉ DES OBLIGATIONS.

Y-3

Si le créancier y persiste?

Il peut refuser de recevoir..

Les choses alors sont entières.

Elles ne le seraient plus après le payement, qui serait constaté par une quittance pure et simple.

Ce serait le cas de l'imputation légale de l'article 1256. (Comp. L. I et 2 ff. de Solut.; Pothier.)

38.2° Il faut qu'il n'y ait pas eu dol ou surprise de la part du créancier.

Que le débiteur puisse réclamer contre l'imputation faite par le créancier dans la quittance, lorsqu'il ne l'a acceptée que par suite des manoeuvres dolosives que le créancier a pratiquées envers lui, dans les termes de l'article 1116, cela n'a rien que de conforme au droit commun. (Comp. art. 1109; et le tome I de ce Traité, no 166.) Mais le législateur va plus loin, en autorisant le débiteur à réclamer, lors même que le créancier n'aurait pas pratiqué envers lui un dol caractérisé. Il a pensé que, dans ce cas particulier, le débiteur, se bornant à faire un payement, pourrait y apporter peut-être moins d'attention, qu'il se trouvait plus exposé à des tromperies, et qu'il était nécessaire de lui subvenir d'une, manière spéciale.

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Il suffit donc qu'il y ait eu une surprise, c'est-à-dire que le créancier ait abusé de la bonne foi du débiteur, qui aurait signé de confiance, ou de sa simplicité et de son ignorance. C'est ainsi que Pothier, pour expliquer cette disposition, mettait en scène un procureur délivrant une quittance à un paysan (no 566).

Il se pourrait aussi que, prenant à dessein l'attitude d'un homme très pressé, le créancier n'eût pas même laissé au débiteur le temps de lire la quittance, afin de pouvoir y glisser, en termes plus ou moins couverts, cette insidieuse imputation.

Question de fait à décider par les magistrats d'après les circonstances, la qualité des parties, le caractère de

l'imputation, suivant qu'elle sera plus ou moins onéreuse pour le débiteur, et qu'il y aura lieu dès lors de présumer que le débiteur l'aura acceptée par erreur ou sciemment. 39. M. Larombière remarque que le dol ou la surprise doit être le fait personnel du créancier, comme dans les cas ordinaires de rescision pour dol caractérisé. Si c'était, dit-il, un tiers qui en fût l'auteur, sans la participation du créancier, le débiteur ne pourrait attaquer l'imputation et n'aurait d'action que contre ce tiers pour ses dommages-intérêts (t. III, art. 1255, no 5)..

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Nous le pensons de même, en exceptant toutefois le cas qui sera peut-être, en ces sortes d'affaires, le plus fréquent, où l'imputation, qui serait de résultat d'un dol ou d'une surprise, aurait été faite par le représentant du mineur, par son tuteur ou par son mandataire. (Comp. notre Traité de la Minorité; - De la Tutelle et de l'Émancipation, t. II, nos 426-427.)

40.- Dans quel délai le débiteur doit-il réclamer contre ce dol ou cette surprise du créancier?

Ce n'est point ici, à vrai dire, une question de droit; c'est plutôt une question de fait!

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Soit que l'on décide, avec Duranton, que cette action dure trente ans, aux termes de l'article 2262, parce qu'elle n'est point une action en nullité ou en rescision de contrat, à laquelle on puisse appliquer l'article 1304, qui fixe à dix ans la durée de ces sortes d'actions (t. XII, no 193);

Soit que l'on applique, au contraire, l'article 4304, comme nous pensons qu'il est applicable, puisqu'il s'agit, en effet, d'une action en rescision d'une convention pour cause de dol;

La pratique s'en souciera peu.

Car il est manifeste que, à moins de circonstances exceptionnelles, le débiteur serait considéré comme ayant approuvé l'imputation faite par le créancier, s'il ne formait sa réclamation qu'après un délai qui serait

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