Images de page
PDF
ePub
[merged small][ocr errors]

LA COUR; Attendu qu'il résulte des constatations du jugement attaqué que X... a été déclaré en état de faillite, le 5 avril 1900, par le tribunal de commerce d'Agen, et qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel de cette ville, le 25 juill. 1900, à 50 fr. d'amende, pour banqueroute simple, et, le 29 oct. 1902, à six mois d'emprisonnement, pour escroqueries, avec sursis à l'exécution de cette peine; Attendu

que, X... n'ayant pas été condamné dans la période de cinq ans qui s'est écoulée depuis le dernier jugement précité, ladite condamnation est comme non avenue, et les peines accessoires, ainsi que les incapacités qui en résultaient, ont cessé d'avoir effet, conformément à l'art. 2 de la loi du 26 mars 1891; Mais attendu que si, aux termes de l'art. 1er de la loi du 23 mars 1908, les faillis peuvent, trois ans après le jugement qui a déclaré la faillite, et sans avoir obtenu la réhabilitation commerciale, étre inscrits sur les listes électorales, c'est à la condition qu'ils n'aient pas été condamnés pour banqueroute simple ou frauduleuse que, X... ayant été déclaré banqueroutier, il importe peu qu'il ait été réhabilité de plein droit de la condamnation du 25 juill. 1900, par le seul effet du temps écoulé depuis l'expiration de la peine, en vertu des art. 8 et 10 de la loi du 5 août 1899, modifiée par la loi du 11 juill. 1900; que cette réhabilitation laisse subsister l'état de faillite, qui ne prend fin, pour les banqueroutiers, en ce qui concerne les droits électoraux, que par la réhabilitation commerciale, que X... n'a pas obtenue; D'où il suit que c'est à bon droit que le jugement attaqué a refusé d'ordonner l'inscription de X... sur les listes électorales de la commune d'Agen; - Rejette le pourvoi formé contre le jugement du tribunal de paix du 2o canton d'Agen, en date du 19 févr. 1912, etc. Du 12 mars 1912. Ch. civ. - MM. Baudouin, le prés.; Broussard, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.).

[blocks in formation]

par application des art. 8 et 10 des lois des 5 août 1899 et 11 juill. 1900, ne pouvait avoir pour conséquence de lui rendre son droit électoral, sans quoi les dispositions, par lesquelles les lois des 30 déc. 1903 et 23 mars 1908 déclarent exclure du bénéfice de leur application les banqueroutiers, seraient destituées de tout effet. La réhabilitation de plein droit, en vertu des lois des 5 août 1899 et 11 juill. 1900, de la condamnation pour banqueroute, demeure sans influence sur l'incapacité électorale du failli; celle-ci est exclusivement régie par les lois des 30 déc. 1903 et 23 mars 1908, et, ces lois ayant formellement exclu du bénéfice de la réintégration dans la capacité électorale, qu'elles accordent aux faillis après trois ans, les banqueroutiers, ceux-ci restent placés sous le régime du décret organique du 2 févr. 1852, qui édicte contre eux (art. 15, 17°) une incapacité perpétuelle, laquelle ne peut cesser que par la réhabilitation commerciale. V. d'ailleurs, dans le sens de l'ar

ÉLECTORALE, INSCRIPTION, PERMANENCE
DES LISTES, PREUVE CONTRAIRE, RADIATION,
RÉSIDENCE, POUVOIR DU JUGE, APPRÉCIA-
TION SOUVERAINE (Rép., v Elections, n. 405
et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 815 et s.).

2o COLONIES, ETABLISSEMENTS FRANÇAIS DE L'INDE, LISTE ÉLECTORALE, INSCRIPTION, RÉSIDENCE, DOMICILE, PRINCIPAL ÉTABLISSEMENT, RADIATION (Rép., vo Elections, n. 425 et s.; Pand. Rép., Suppl., vo Elections, n. 672 et s.).

1 Le principe de la permanence des listes électorales a simplement pour effet de dispenser l'électeur de l'obligation de demander son maintien sur la liste où il est inscrit, et de rapporter la preuve qu'il a le droit de figurer sur cette liste (1) (Décr. organ., 2 févr. 1852, art. 18).

Mais cet électeur ne doit pas moins étre rayé, lorsqu'il est établi contre lui que son inscription ne remplit aucune des conditions requises par la loi (2) (Id.).

2o Ni l'art. 14 de la loi du 5 avril 1884, ni l'art. 5 de la loi du 7 juill. 1874, tous deux concernant l'électorat municipal dans la métropole, n'ayant été promulgués dans les Etablissements français de l'Inde, lesdits Etablissements restent régis, quant aux conditions d'inscription sur la liste électorale, par l'art. 13 du décret organique du 2 févr. 1852, promulgué par arrêté local du 17 févr. 1876 (3) (Décr. organ., 2 févr. 1852, art. 13; LL. 7 juill. 1874, art. 5; 5 avril 1884, art. 14).

Sous le régime de cet article, il y a lieu de s'attacher uniquement au fait de la résidence, sans rechercher, en outre, si, d'après les règles tracées par les art. 102 et s., C. civ., l'électeur, quoique ne résidant pas actuellement dans la commune, n'y aurait pas du moins le siège de son principal etablissement, c'est-à-dire son domicile réel (4) (Id.).

Spécialement, la radiation d'électeurs de la liste électorale sur laquelle ils sont inscrits est à bon droit prononcée par le jugement qui déclare que, d'un examen minutieux du dossier, il résulte que ces électeurs n'ont jamais eu de résidence dans la commune, qu'ils n'auraient jamais dù figurer sur la liste électorale, et que c'est à tort qu'ils y ont été inscrits, l'année précédente, par la commission municipale (5) (Id.).

rêt ci-dessus rapporté, Cass. 19 mars 1906, cité par Faye, Man. de dr. élect., append. X, p. 474, ad notam.

(1-2) Ces principes sont certains. V. Cass. 12 nov. 1907 (S. et P. 1909.1.215; Pand. pér., 1909.1.215); 27 mars 1912 (S. et P. 1912.1.229; Pand. pér., 1912.1.229), et les notes. Adde, Faye, Man. de dr. élect., n. 114.

(3-4-5) V. conf., Cass. 14 juin 1900 (S. et P. 1904.1.197; Pund. pér., 1901.1.472), et les observations qui accompagnent cet arrêt; 7 nov. 1905 (S. et P. 1906.1.144); 25 oct. 1911 (S. et P. 1911. 1.592; Pand. pér., 1911.1.592), et la note. Adde, Faye, op. cit., append. XX, p. 486.

(6) C'est un point certain qu'il appartient au juge de paix de décider souverainement, d'après les faits de la cause, si un particulier possède dans une commune une résidence lui donnant le droit d'être inscrit sur la liste électorale. V. Cass. 6 mai 1878 (S. 1880.1.373. -P. 1880.898); 11 août

30 Il appartient, d'ailleurs, au juge de paix de décider souverainement, par une appréciation des faits de la cause, si un citoyen possède dans la commune la résidence lui donnant le droit d'être inscrit sur la liste électorale (6) (L. 5 avril 1884, art. 14).

(D'Leno). ARRÊT.

[ocr errors]

LA COUR; Attendu que, d'une part, le principe de la permanence des listes a simplement pour effet de dispenser l'électeur de demander son maintien sur la liste où il est déjà inscrit, et de rapporter la preuve qu'il a le droit de figurer sur ladite liste; mais que cet électeur ne doit pas moins être rayé, lorsqu'il est établi contre lui que son inscription ne remplit pas les conditions requises par la loi; que, d'autre part, ni l'art. 14 de la loi du 5 avril 1884, ni l'art. 5 de la loi du 7 juill. 1874, tous deux relatifs à l'électorat municipal dans la métropole, n'ont été promulgués dans les Etablissements français de l'Inde, lesquels sont régis, quant aux conditions d'inscription sur la liste électorale, par le décret organique du 2 févr. 1852, promulgué par arrêté local du 17 févr. 1876; Attendu qu'aux termes de l'art. 13 de ce dernier décret, sont inscrits sur la liste tous les électeurs habitant dans la commune depuis six mois au moins, et ceux qui, n'ayant pas atteint, lors de la formation de la liste, les conditions d'âge et d'habitation, doivent les acquérir avant la clôture définitive; que, sous le régime dudit article, il y a lieu de s'attacher uniquement au fait de la résidence, sans qu'il y ait lieu de rechercher, en outre, si, d'après les règles tracées par les art. 102 et s., C. civ., l'électeur, quoique ne résidant pas actuellement dans la coinmune, n'y aurait pas fixé du moins le siège de son principal établissement, c'est-à-dire son domicile réel; - Et attendu que le jugement attaqué déclare qu'il résulte d'un examen minutieux du dossier que les frères D'Cruz n'ont jamais eu de résidence à Mahé; que, par suite, ils n'auraient jamais dû figurer sur la liste électorale de cette commune, et que c'est à tort qu'ils y ont été inscrits, en 1911, par la commission municipale;

[ocr errors]

Attendu qu'il appartient au juge de paix de décider souverainement, par une

1885 (S. 1887.1.78. - P. 1887.1.162), et les renvois de la note sous Cass. 15 mars 1904 (S. et P. 1906.1.463). Adde, Faye, Man. de dr. élect., n. 50. Le même pouvoir lui a été reconnu en ce qui concerne la détermination de la date qui sert de point de départ pour le calcul de la durée de la résidence. V. Cass. 15 mars 1904, précité, et la note. Mais, si le juge de paix apprécie souverainement les questions d'habitation réelle, c'est à condition que son appréciation ne contienne pas une interprétation illégale des éléments qui constituent la résidence; autrement, la Cour de cassation exercerait légitimement son contrôle. V. Cass. 9 mai et 27 juin 1877 (S. 1877.1.378. P. 1877. 951); 11 août 1885, précité; Greffier, Format, et revis. ann. des listes élect., 4° éd., n. 119; Faye, op. cit., p. 79, n. 50; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Elections, n. 1263; Pand. Rép., eod. verb., n. 1725.

appréciation des faits de la cause, si un citoyen possède dans la commune la résidence lui donnant le droit d'être inscrit sur la liste électorale; - Attendu qu'en confirmant, en l'état de ces constatations, la décision de la commission municipale de Mahé, et en maintenant la radiation des frères D'Cruz de la liste électorale de cette commune, le jugement attaqué s'est conformé aux principes de la matière, et n'a violé aucun texte de loi; Rejette le pourvoi contre le jugement du juge de paix de Mahé du 26 mars 1913, etc. Du 3 juin 1913. Ch. civ. MM. Baudouin, fer prés.; Ruben de Couder, rapp.; Lombard, av. gén.

[ocr errors]

CASS.-Civ. 3 juin 1913.

ELECTIONS (EN GÉNÉRAL), LISTE ÉLECTORALE, INSCRIPTION, DEMANDE, COMMISSION MUNICIPALE, FORMES, DÉLAI, RECOURS, JUGE DE PAIX, APPEL, FIN DE NON-RECEVOIR, CASSATION, TIERS ÉLECTEUR, Remise AU SECRÉTAIRE DE MAIRIE, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION MUNICIPALE, REFUS, CONSTATATION, EXPLOIT D'HUISSIER, RÉITÉRATION DE LA DEMANDE (Rép., vo Elections, n. 836 et s., 769 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 975 et s., 1485 et s.).

La demande aux fins d'inscription sur la liste électorale, adressée à la commission municipale, n'est assujettie à aucune forme particulière; il suffit qu'elle ait été introduite dans les délais légaux (1) (Décr. organ., 2 févr. 1852, art. 19).

Lors donc que l'existence de la demande est reconnue, le juge de paix, qui, néanmoins, déclare l'appel non recevable, mé

(1-2-3) La seule disposition qui ait trait aux formes de la demande d'inscription ou de radiation sur les listes électorales est celle de l'art. 19 du décret organique du 2 févr. 1852, où il est dit: Il sera ouvert dans chaque mairie un registre sur lequel les réclamations seront inscrites par ordre de date. Le maire devra donner récépissé de chaque réclamation». Il a été reconnu que c'est là uniquement une obligation imposée à l'autorité municipale, et que la validité des réclamations n'est pas subordonnée à l'accomplissement de ces formalités. La demande d'inscription est donc valable, bien qu'elle n'ait pas été portée sur le registre des réclamations prévu par l'art. 19. V. Cass. 14 mai 1890 (Bull. civ., n. 89); 14 mai 1902 (S. et P. 1904.1.368; Pand. pér., 1904.1. 492); 8 avril 1903 (S. et P. 1904.1.198), et les renvois. Adde, Greffier, De la format. et de la revis. ann. des listes élect., 4 éd., p. 161, n. 218; ChanteGrellet, Tr. des élect., t. 1, p. 208, n. 176; Faye, Man. de dr. élect., n. 106.

D'ailleurs, la demande d'inscription n'est assujettie à aucune forme spéciale. V. Cass. 9 avril 1888 (S.1888.1.269. P. 1888.1.640; Pand. pèr., 1888.1.183); 14 mai 1890 et 14 mai 1902, précités; 26 avril 1910 et 1er avril 1912 (S. et P. 1912.1. 230; Pand. pér., 1912.1.230), et les renvois; Greffier, op. cit., n. 217 et s.; Chante-Grellet, op. cit., t. 1, n. 141, et n. 176, p. 208; Faye, loc. cit.; et notre Rép. gen. du dr. fr., v° Elections, n. 769 et 8., 969; Pand. Rep., eod. verb., n. 975 et s. Elle peut résulter d'une lettre missive (V. Cass. 26 avril 1910 et 1 avril 1912, précités, et les

connait sa compétence, et sa décision encourt la cassation (2) (Id.).

Spécialement, doit être cassé le jugement, qui, tout en reconnaissant la remise, en temps voulu, par un tiers électeur, entre les mains du secrétaire de la mairie, d'une demande d'inscription, et le refus par le président de la commission de recevoir la réclamation, déclare, sur le recours formé par le tiers électeur devant le juge de paix, Vappel non recevable, par le motif que, pour mettre la commission municipale en demeure de statuer, le réclamant aurait du réitérer sa demande par exploit d'huissier qui aurait fait titre à son profit, ce qu'il n'avait pas fait » (3) (Id.).

[blocks in formation]

LA COUR; Vu l'art. 19 du décret organique du 2 févr. 1852; Attendu que le sieur David avait réclamé, en sa qualité de tiers électeur, l'inscription sur la liste électorale de Canala, pour l'année 1913, des sieurs Pallot (Joanny) et Pallot (Antonin); qu'il a soutenu et offert de prouver qu'il avait, le 30 janv. 1913, remis au secrétaire de la mairie une demande à cet effet, et que le président de la commission municipale avait refusé de la recevoir, ce qui n'avait pas permis à cette commission de se prononcer sur la réclamation; que cette omission de statuer, équivalant

une décision de rejet, ne laissait aux citoyens intéressés d'autre voie ouverte, pour obtenir justice, que le recours au juge de paix; Attendu que ce magistrat, constitué ainsi juge d'appel, tout en reconnaissant le dépôt de la réclamation aux mains du secrétaire de la mairie et le refus par le président de la commission d'en faire état, a, néanmoins, déclaré le sieur

renvois); ou d'une déclaration verbale, faite, soit par le réclamant lui-même (V. Cass. 23 mars 1896, S. et P. 1897.1.143, et la note; 14 mai 1902, sol. implic., précité; Chante-Grellet, op. cit., t. 1, p. 178, n. 141; Faye, op. cit., n. 106, p. 137), soit par un mandataire, même non porteur d'une procuration écrite, sauf à justifier de l'existence du mandat. V. Faye, loc. cit.

Lorsqu'il y a eu mention sur le registre ou que le récépissé délivré par le maire est représenté, ces pièces font pleine foi de l'existence et de la date de la réclamation. Mais, à leur défaut, on pourra recourir à tous les moyens de preuve pour établir que la demande a été réellement formée, en temps utile, entre les mains d'une personne ayant qualité pour la recevoir. V. Cass. 14 mai 1902, précité. Le plus ordinairement, des témoignages seront invoqués; c'est, par exemple, le secrétaire de la mairie qui viendra attester qu'il a reçu la réclamation, et qu'elle a été égarée, ou inscrite sur un registre qui n'a pu être retrouvé. Le juge de paix appréciera souverainement la déposition (V. Cass. 17 juin 1901 et 12 juill. 1904, cités par Faye, op. cit., append., n. 43, p. 512, note 1); mais il ne pourra l'écarter par un motif de droit tiré de l'inadmissibilité de la preuve. V. Cass. 17 juin 1901, pré

cité.

En fait, dans l'espèce, l'existence de la demande n'était pas contestée; elle était même formellement reconnue par le jugement déféré à la Cour suprême. Seulement ce jugement déclarait n'en vouloir tenir aucun compte, parce que, sur le refus du président de la commission municipale de la recevoir, la

[ocr errors]

David non recevable en son appel, par le motif que, pour mettre la commission en demeure de statuer, le réclamant aurait dù réitérer sa demande par exploit d'huissier, qui aurait fait titre à son profit, ce qu'il n'avait pas fait »: - Attendu qu'en le décidant ainsi, le jugement attaqué a violé l'article de loi susvisé; Attendu, en effet, que le texte de cet article ne soumet les réclamations à aucune forme particulière; qu'il suffit qu'il soit constaté que la demande a été réellement adressée à la commission municipale dans les délais légaux; que, du moment où ce fait était établi, comme dans l'espèce, le juge de paix ne pouvait déclarer l'appel non recevable sans méconnaître sa compétence; - Casse le jugement du juge de paix de Canala du 28 févr. 1913, etc.

Du 3 juin 1913. Ch. civ. MM. Baudouin, er prés.; Ruben de Couder, rapp.; Lombard, av. gén. (concl. conf.).

CASS.-CIV. 29 octobre 1912. EXPROPRIATION POUR UTILITÉ PUBLIQUE, JUGEMENT D'EXPROPRIATION, FORMALITÉS, VISA DES PIÈCES, AFFICHES, ENQUETE, CERTIFICAT DU MAIRE, PROCÈS-VERBAL, RÉQUISITOIRE DU PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE, REFERENCE (Rép., vo Expropriation_pour cause d'utilité publique, n. 722 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 540 et s.).

Avant de rendre un jugement d'expropriation, le tribunal doit, à peine de nulTité, vérifier lui-même si toutes les formalités prescrites par la loi ont été remplies; et cette obligation entraine pour conséquence la nécessité, pour le tribunal, de constater cette vérification dans le jugement

réclamation aurait dû être réitérée par exploit d'huissier. C'était là une exigence qui n'est pas formulée par l'art. 19 du décret du 2 févr. 1852, et qui est contraire à l'esprit de cette disposition. Sans doute, afin d'éviter toute contestation ultérieure, la difficulté de rapporter la preuve de la remise de la demande, les appréciations que pourra faire le juge de paix de la preuve rapportée dans l'exercice légitime de sa souveraineté, la prudence la plus élémentaire commande au réclamant de faire inscrire sa demande sur le registre spécial ouvert à cet effet dans chaque mairie, d'exiger du maire un récépissé, et, si ce dernier en refuse la délivrance, de faire constater ce refus par huissier. Mais, quels que soient les avantages qu'assure cette forme de procéder, elle ne s'impose pas, à l'exclusion de tous autres modes de preuve. Il pourra être plus difficile à l'intéressé d'établir le fait de sa réclamation, voilà tout. L'absence de constat ne constituera jamais à elle seule une fin de non-recevoir contre l'action du demandeur.

La réalité de la réclamation en temps utile étant établie, la commission municipale était réputée saisie; le refus ou l'omission de statuer équivalait à une décision de rejet, et ne laissait aux intéressés d'autre voie ouverte pour obtenir justice que le recours au juge de paix, comme s'il y avait eu réellement une décision de la commission municipale. V. Cass. 20 avril 1901 (S. et P. 1903.1.479); 14 mai 1901 (S. et P. 1904,1.142); 27 déc. 1904 (S. et P. 1906.1.518), et les notes et renvois. Le juge de paix, en déclarant, dans ces conditions, l'appel non recevable, méconnaissait donc sa compétence.

[ocr errors]

lui-même, et, par suite, de viser les pièces transmises à l'appui de la demande d'expropriation (1) (L. 3 mai 1841, art. 14, §1).

Par suite, il y a lieu de casser le jugement, qui, s'il vise expressément la décision de la commission départementale declarant d'utilité publique le projet de construction d'un chemin vicinal, les plan et état parcellaires et l'arrêté préfectoral prescrivant l'enquête, vise, dans une for mule globale, les pièces relatives à l'enquete», sans faire aucune mention, ni du certificat du maire, relatif, soit à l'avertissement donné collectivement aux parties intéressées de prendre communication du plan déposé à la mairie, soit aux publication et affiches dudit avertissement, ni du procès-verbal d'enquête dressé par le maire à l'effet de recevoir les observations des intéressés (2) (Id.).

Il importe peu que le jugement reproduise intégralement le requisitoire du ministère public, visant spécialement chacune des pièces constatant l'accomplissement des formalités prescrites par le titre 2 de la loi du 3 mai 1841, le visa du ministère public ne peuvant suppléer à la constatation formellement exprimée d'une vérification personnelle et directe par le tribunal des pièces produites (3) (Id.).

(Veuve Saulié C. Comm. de St-Jean-d'Avelanne). ARRÊT.

LA COUR; Sur le troisième moyen additionnel : - Vu l'art. 14 de la loi du 3 mai 1841; - Attendu qu'avant de rendre un jugement d'expropriation, le tribunal doit vérifier lui-même si toutes les formalités prescrites par la loi ont été remplies; que cette obligation entraîne pour conséquence la nécessité de constater cette vérification dans le jugement lui-même, et, par suite, de viser les pièces transmises à l'appui de la demande d'expropriation;

Attendu que, si le jugement attaqué vise expressément la décision de la commission départementale déclarant d'utilité publique le projet de construction du chemin vicinal n. 4 de Saint-Jean-d'Avelanne, les plan et état parcellaires et l'arrêté préfectoral prescrivant l'enquête, il se borne à viser dans une formule globale les pièces relatives à l'enquête », sans faire aucune mention, ni du certificat du maire d'Avelanne, relatif, soit à l'avertissement donné collectivement aux parties intéres

[ocr errors]

(1-2-3) V. conf., Cass., 27 avril 1911 (S. et P. 1911.1.480; Pand. pér., 1911.1.480), et la note. V. aussi, Cass. 28 nov. 1911 (S. et P. 1912.1.528; Pand. per., 1912.1.528), et la note.

(4-5) L'arrêt rendu dans la présente affaire par la chambre criminelle (V. Cass. 26 janv. 1911, S. et P. 1911.1.432; Pand. pér., 1911.1.432) avait fait, entre l'annonce d'une prime, qu'il déclarait licite, et la spécification de la nature même de la prime offerte, une distinction qui nous avait paru critiquable (V. la note sous cet arrêt), et que les chambres réunies condamnent à leur tour. Mais, tandis qu'il nous avait paru que l'annonce d'une prime vendue avec un journal n'avait rien de contraire aux prescriptions de l'art. 1er de la loi du 19 mars 1889 (V. la note précitée), les chambres réunies, donnant de cette disposition l'interprétation la plus rigoureuse qu'elle puisse com

ées de prendre communication du plan déposé à la mairie, soit aux publication et affiches dudit avertissement, ni du procèsverbal d'enquète dressé par le maire à l'effet de recevoir les observations des intéressés; Attendu, il est vrai, que la décision attaquée reproduit intégralement le réquisitoire du ministère public, qui vise spécialement chacune des pièces constatant l'accomplissement des formalités prescrites par le titre 2 de la loi du 3 mai 1841, mais que le visa du ministère public ne peut suppléer à la constatation formellement exprimée d'une vérification personnelle et directe par le tribunal des pièces produites; que, dès lors, en omettant de viser expressément les pièces ci-dessus désignées, dont la production était nécessaire pour justifier de l'entier accomplissement de toutes les formalités légales, le tribunal de première instance de Bourgoin a violé l'article susvisé; - Sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi; - Casse le jugement du tribunal de Bourgoin du 5 janv. 1912, etc.

Du 29 oct. 1912. Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Ditte, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.).

CASS.-REUN. 12 juin 1912. CRIEUR DE JOURNAUX OU CRIEUR PUBLIC, JOURNAUX, VENTE, ANNONCE, PRIME, INFRACTION (Rép., vo Colportage, n. 258 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 242 et s.).

Les colporteurs et vendeurs de journaux ne peuvent les offrir en vente en proférant des cris autres que ceux limitativement spécifiés par l'art. 1er de la loi du 19 mars 1889; en dehors de l'annonce même de la publication par son titre, son prix, l'indication de son opinion et les noms de ses rédacteurs, toute addition est interdite (4) (L. 19 mars 1889, art. 1er).

En conséquence, il y a infraction à la loi du 19 mars 1889, de la part des vendeurs, qui, en annonçant : « L'Action française, journal monarchiste, anti-républicain », font suivre cette annonce des mots : avec sa prime, la photographie du duc d'Orléans, futur roi de France » (5) (Id.). (Denime, Gillet, Leroy, Landragin et Lecomte).

Le tribunal de simple police d'Epernay, statuant sur le renvoi ordonné par l'arrêt

porter, décident qu'il y a infraction à la loi de 1889 dans le fait d'annoncer, en même temps que le titre et l'opinion d'un journal, la prime qu'il offre à ses lecteurs.

a

Malgré toute l'autorité qui s'attache aux arrêts des chambres réunies, nous conservons, sur l'exactitude de cette solution, les doutes que nous avions déjà exprimés. Annoncer tel journal avec sa prime », ce n'est pas faire suivre l'annonce du journal de mots prohibés par la loi du 19 mars 1889, comme ne rentrant pas dans ceux que cette loi excepte, mais c'est en réalité faire deux annonces, annoncer deux choses séparément un journal et une prime, qui ne sont pas matériellement réunies, quoique le colporteur les offre conjointement au public. Ni dans son esprit, ni dans sa lettre, la loi du 19 mars 1889 n'a voulu interdire, en même temps que la vente des journaux, la distribution

de la chambre criminelle du 26 janv. 1911, rapporté S. et P. 1911.1.432; Pand. pér., 1911.1.432, a, par jugement du 3 mai 1911, prononcé de nouveau la relaxe des prévenus, par les mêmes motifs que le jugement cassé.

POURVOI en cassation par le ministère public près le tribunal de simple police. d'Epernay.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique, pris de la violation des art. 1 et 2 de la loi du 19 mars 1889: Vu lesdites dispositions; - Attendu que l'art. 1er de ladite loi porte: Les journaux et tous les écrits ou imprimés, distribués ou vendus dans les rues et lieux publics, ne pourront être annoncés que par leur titre, leur prix, l'indication de leur opinion et les noms de leurs auteurs ou rédacteurs »; Attendu que, pour assurer le maintien du bon ordre et de la décence sur la voie publique et dans les lieux publics, ce texte y prohibe l'annonce des journaux et de tous écrits ou imprimés dans des termes autres que ceux qu'il autorise; qu'en conséquence, les colporteurs et vendeurs de ces publications ne peuvent les offrir en vente en proférant des cris autres que ceux limitativement spécifiés par le texte, et qu'en dehors de l'annonce même de la publication mise en vente, toute addition constitue une contravention; Attendu qu'il résulte du jugement attaqué que les prévenus Denime, Gillet, Leroy, Landragin et Lecomte ont, le 6 nov. 1910, sur la voie publique, à Reims, annoncé le journal l'Action franraise, qu'ils colportaient et vendaient, par les cris: l'Action française, journal monarchiste, anti-républicain, et qu'ils ont fait suivre cette annonce des mots : « avec sa prime, la photographie du duc d'Orléans, futur roi de France »; Attendu qu'en ajoutant à l'annonce du journal les mots avec sa prime..., les prévenus ont commis précisément l'abus que le législateur de 1889 a voulu prévenir et réprimer; D'où il suit qu'en les relaxant de la poursuite dirigée contre eux, le jugement attaqué a violé le texte susvisé; Casse, etc.

[blocks in formation]

CASS.-CRIM. 3 août 1912. VOL, ELECTRICITÉ, APPRÉHENSION, APPROPRIATION (Rép., vo Vol, n. 43 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 136 et s.).

L'électricité, livrée par celui qui la produit

(1-2) C'est la première fois que la Cour de cassation est appelée à se prononcer sur le vol d'électricité. Jusqu'à présent, cette question n'avait donné lieu qu'à des décisions de Cours d'appel ou de tribunaux, qui avaient appliqué l'art. 379, C. pén. V. Toulouse, 7 juin et 3 juill. 1901 (S. et P. 1902.2.185; Pand. pér., 1903.2.302 et 188); Trib. corr. de Nantua, 7 mars 1903 (S. et P. 1904. 2.116); Nancy, 13 juill. 1904 (S. et P. 1904.2.304; Pand. pér., 1905.2.87); Trib. corr. de Toulouse, 27 janv. 1910 (S. et P. 1911.2.28; Pand. pér., 1911.2.28). V. en sens divers les autorités citées dans la note sous les arrêts précités de la Cour de Toulouse. Adde, dans le sens de l'application des peines du vol : en France, Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 2" éd., t. 5, p. 383, n. 2090; Pilon, Le problème juridique de l'électricité (Rev. trim. de dr. civ.,1904, p. 5 et s.); à l'étranger: C. d'appel de Rome, 5 avril · 1911 (La Giustizia penale, 1911, p. 1462); 18 juill. 1911 (Ibid., p. 1005); Frassati, L'energia electrica e il furto (Rivista penale, Suppl., t. 6, p. 257); de Sanctis, Furto di energia electrica (Monit. dei pretori, t. 24, p. 13); Giurati, Delitti contra la proprieta; et dans le sens de la non-application, en France, notre C. pén. annoté, par Garçon, sur l'art. 379, n. 264; à l'étranger: Manzini, Trattato del furto, vol. 2, p. 360 et 8., et note dans la Giustizia penale, sous l'arrêt de la Cour de Rome du 5 avril 1911, précité; Pipia, L'elettricita nel diritto.

Nous avons déjà dit (V. la note sous les arrêts précités de la Cour de Toulouse) qu'à notre avis, l'application du Code pénal dépendait intimement de la manière dont on interprète les phénomènes électriques. S'il convient de voir dans l'électricité un courant, qui circule le long d'un fil, lorsque celui-ci est en communication avec les armatures d'une machine électrique, il n'est pas douteux qu'il y ait un vol dans le fait de brancher frauduleusement sur une ligne électrique un fil de dérivation. C'est que, par hypothèse, une chose appropriée, le fluide électrique, passe de la ligne sur le fil, et sort, à l'insu du propriétaire, de la possession de celui-ci pour entrer dans la possession du fraudeur: ce qui constitue une soustraction, tout comme si on dérivait, au moyen d'une canalisation clandestine, une certaine quantité d'eau ou de gaz. V. sur ces hypothèses, Cass. 10 déc. 1887 (S. 1888.1.38. P. 1888.1.62; Pand. pér., 1888.1.27), avec le rapport de M. le conseiller Sallantin; Paris, 7 déc. 1907 (S. et P. 1908.2.301; Pand. pér., 1908.2.301), et la note. Adde, notre C. pén. annoté, par Garçon, sur l'art. 379, n. 253, 254 et 256.

Mais, si les phénomènes électriques consistent en des vibrations extrêmement rapides de l'éther, qui pénètre les corps, il ne saurait plus être parlé de vol d'électricité, parce qu'il manque essentiellement l'élément matériel de l'infraction, le déplacement de possession. La réunion d'un fil à une ligne, qui vibre électriquement, fait entrer à son tour ce fil en vibration, et propage les mouvements de vibration de l'éther, sans que rien sorte de la possession du producteur de l'énergie électrique. La comparaison avec un détournement d'eau ou de gaz est impropre. Il conviendrait plutôt de songer à la transmission du mouvement qui se produit dans une bicyclette à billes, où le mouvement est ANNÉE 1913. 6 cah.

[ocr errors]

à l'abonné qui la reçoit pour l'utiliser, passe, par l'effet d'une transmission qui peut être matériellement constatée, de la possession du premier dans celle du second; dès lors, elle doit être considérée comme une chose », au sens de l'art. 379, C. pén. (1) (C. pén., 379).

communiqué d'un bout à l'autre du tube, de bille en bille, sous l'action sans doute de la bille qui précède, mais comme une force particulière, propre à chaque bille. La question du vol d'électricité se ramène donc à un problème scientifique. Or, c'était là, comme nous l'avons montré, un problème qui, en 1900 et en 1902, n'avait pas encore reçu de solution, la nature de l'électricité, dont on sait si admirablement utiliser les phénomènes, demeurant impénétrable. Il s'ensuivait que le devoir des juges était tout tracé: il consistait, contrairement à ce qu'avait décidé la pratique, à relaxer les inculpés, poursuivis pour vol d'électricité, puisqu'on ne pouvait les convaincre de soustraction que dans l'hypothèse de courants électriques dont la démonstration scientifique était à faire. V. notre note précitée, ainsi que notre article, Le vol et l'électricité (Journ. des parquets, 1900.1.85).

Aujourd'hui, la question se pose exactement dans les mêmes conditions. Assurément, depuis le commencement du siècle, il y a eu un magnifique développement des applications de l'électricité. Certainement encore, les théories de Maxwell et de Herz, sur la parenté de la lumière et de l'électricité, qui condamnaient la supposition d'un fluide soustrait, ont trouvé une éclatante confirmation dans la découverte de la télégraphie sans fil, grâce à laquelle on peut transporter, sans conducteur, l'énergie électrique à travers l'espace à plus de 1.000 kilomètres de distance. Mais, malgré tous les efforts, la nature de l'électricité demeure mystérieuse; on n'est pas plus avancé que précédemment, et le voile qui la cache n'a pas été déchiré. Toutes les explications, ou toutes les comparaisons, que l'on emploie pour rendre compte des phénomènes électriques, ne sont, au dire d'un physicien, qui résume l'opinion générale, que ་ de véritables métaphores scientifiques, qui habillent l'ignorance de vêtements plus ou moins bien ajustés ou commodes, mais qui la laissent subsister entière (L. Poincaré, L'électricité, p. 5). V. égal., Vaschy, Théorie de l'électricité, t. 1o, p. XII.

[ocr errors]

Ce n'est donc pas sans une certaine surprise que l'on voit la Cour de cassation affirmer quand les savants hésitent, et déclarer que l'électricité est une chose qui passe, par l'effet d'une transmission qui peut être matériellement constatée, de la possession du producteur dans celle de l'abonné qui la reçoit pour l'utiliser. Comment peut-elle établir que l'électricité est une chose, quand les physiciens ne le savent pas eux-mêmes, et que, si quelquesuns d'entre eux lui attribuent en effet le caractère d'un fluide, d'autres, et en plus grand nombre depuis les hypothèses de Maxwell et les expériences de Herz, y voient un état ou une forme de la matière, comme le son, la lumière et la chaleur en sont d'autres? V. Lodge, Les théories modernes sur l'électricité, trad. Meylan, préface, p. x; Mascart, Leçons sur l'électricité et le magnétisme, t. 1er, p. 12; Pellat, Cours d'électricité, t. 2, p. 355. Or, un état de la matière n'est pas, au point de vue juridique, une chose. On ne dit pas que la santé du corps, son état de maladie, de force ou de faiblesse, sont des choses. On ne dit pas davantage que l'état sonore, chaud ou froid, lumineux ou obscur d'un corps sont des choses. Comment pouvoir, dès lors, le dire de l'état électrique, qui, d'après la majorité

Et l'arrêt, qui constate un fait direct, à l'aide duquel le prévenu s'est approprié une certaine quantité d'énergie électrique contre la volonté du producteur, relève ainsi les éléments de la soustraction frauduleuse (2) (Id.).

des physiciens, ne différerait des précédents que par le nombre des vibrations?

Ce n'est pas que l'état électrique d'un corps ne puisse pas, comme d'autres états de la matière, d'ailleurs, constituer un bien, au sens juridique de ce mot. La santé n'est pas seulement, d'après ceux qui passent pour être sages, le premier de tous les biens; elle en est un aussi pour le législateur, qui la garantit contre les atteintes dont elle pourrait être l'objet. L'énergie électrique, que l'action de l'homme produit dans un but lucratif, en vue d'une utilisation déterminée, est également un bien; cela n'est pas douteux. Mais faut-il rappeler que chose et bien ne sont pas synonymes, et qu'il est de nombreux biens qui ne sont pas des choses? V. Planiol, Tr. de dr. civ., 6o éd., t. 1er n. 2171. Or, lorsqu'un état est un bien, comme il est inséparable de la personne ou de l'objet qui le possède, comme on ne peut le concevoir isolément, ou plutôt comme c'est cette personne ou cet objet eux-mêmes se présentant avec une certaine forme, on ne saurait soustraire un état qu'avec le corps lui-même. On peut donc bien comprendre le vol d'électricité dans l'enlèvement d'un accumulateur qui est chargé, mais non pas dans le branchement d'un fil sur une ligne électrique ce serait admettre la possibilité de voler la forme d'un objet!

Mais, dit l'arrêt de la Cour de cassation, il y a bien quelque chose qui passe de la ligne sur le fil, puisqu'il se produit une transmission qui peut être matériellement constatée. Il est à craindre qu'en faisant ce raisonnement, la Cour suprême ne soit partie d'une hypothèse sur la nature de l'électricité, qui peut être vraie, mais que la science n'a pas actuellement vérifiée. Certainement, il passe quelque chose de la ligne sur le fil de dérivation, si l'électricité est un fluide qui circule le long des conducteurs métalliques. Mais, si elle est une vibration extrêmement vive de l'éther, ou un état vibratoire du conducteur, qui transmet ces vibrations au corps en contact avec lui, comme un résonateur communique les vibrations dont il est animé, aux corps qui le touchent, plus rien ne passera de la ligne sur le fil. Sans aucun doute, l'aiguille du galvanomètre, que l'on place audessous d'un fil mis en communication avec les armatures d'une machine électrique, indique, par sa dérivation, qu'il se produit dans le fil un phé nomène, dont l'intensité peut même être très exactement mesurée par l'amplitude de ses mouvements. Mais quelle est la nature de ce phénomène? en quoi consiste-t-il? est-ce un courant qui passe dans le fil, comparable à un ruisseau dont l'eau s'écoule? est-ce une modification de l'état et des propriétés magnétiques du fil métallique? De cela, le galvanomètre ne nous dit rien. Également, quand on place un corps froid à proximité d'une source de chaleur, le thermomètre nous révèle l'élévation de la température dans le corps qui était froid. Le phénomène se constate. Mais ce qu'on sait moins, c'est comment s'est produit ce résultat. La chaleur s'est-elle transportée d'un corps à l'autre? Le froid s'est-il retiré du corps le moins chaud? ou bien encore, ce dernier s'est-il de lui-même échauffé en s'opposant aux radiations de la source chaude? Le résultat est I PART. 43

(Marius Berroud C. Soc. des forces motrices du Rhône).

ARRÊT (apr. délib, en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le moyen pris de la violation, par fausse application, des art. 379 et 401, C. pén., en ce que l'appréhension de la chose d'autrui contre le gré de celui qui en est propriétaire, élément essentiel du délit de vol, ne se rencontre pas dans l'espèce : Attendu que l'arrêt attaqué énonce qu'au cours d'une perquisition faite dans l'usine de Berroud, il a été découvert un appareil dissimulé sous un amas de planches, et qui était destiné à soustraire à la vérification des compteurs une certaine quantité de l'énergie électrique fournie à Berroud par la Société des forces motrices du Rhône; que l'arrêt ajoute que cette installation, dont il donne la description, avait permis au prévenu de s'approprier une partie de l'énergie électrique sans la payer; Attendu, en l'état de ces constatations, qu'il a été fait à

connu ; mais le mécanisme qui le produit reste ignoré. V. L. Poincaré, op. cit., p. 5. Et cependant, c'est cette connaissance qui seule permettra de dire si, en droit, on est en présence d'un déplacement de possession.

Il est vrai que le contraire a été soutenu. On a prétendu que le problème juridique du vol de l'électricité était indépendant de la nature de l'électricité, et qu'il n'était pas nécessaire de prendre parti sur celle-ci pour résoudre celui-là. V. Pilon, op. cit., p. 11 et s. La classification des biens, a-t-on dit, a été faite par la loi en laissant de côté les différentes hypothèses sur la matière; il est donc également possible de déclarer dans quelle catégorie de biens, meubles ou immeubles, on doit ranger l'électricité, en faisant totalement abstraction des hypothèses présentées en physique pour expliquer sa nature. L'électricité se comporte-t-elle comme une chose mobilière, susceptible d'appropriation prévue? Voilà toute la question que le juriste a à examiner. Or, ce qui caractérise un meuble, c'est d'être facilement transporté d'un lieu dans un autre, d'être perceptible à nos sens, et de pouvoir être mesuré pour l'appréciation de sa valeur pécuniaire. L'électricité possède tous ces caractères. Elle est facilement transportable, soit au moyen de fils conducteurs, soit dans des accumulateurs, soit même sans l'aide d'aucun conducteur solide. Le courant électrique affecte, d'autre part, d'une façon souvent désagréable, le sens du toucher. Enfin, il peut, à l'aide du galvanomètre, être mesuré avec une extrême précision. La conclusion est donc que l'électricité, jouissant des propriétés des choses mobilières, est, au même titre qu'elles, susceptible d'un détournement frauduleux. V. Pilon, op. cit., p. 13 et s.

Que vaut cette argumentation? A notre sens, pour ingénieuse qu'elle soit, elle ne permet pas de sortir d'embarras, car elle repose sur des prémisses qui sont erronées. Sans aucun doute, il n'est pas nécessaire, il est même vain, de prendre parti sur une controverse scientifique, quand celle-ci n'intéresse d'aucune façon la solution de la question de droit qui est en jeu. On peut évidemment, sans connaître la nature intime de la matière, ou les corps qui la composent et leur enchevêtrement, régler la propriété ou la possession des biens matériels. Il n'est pas utile, pour attribuer la propriété d'une maison, ou savoir qui l'habite, de

At

bon droit application des art. 379 et 401, C. pén.; Attendu, en effet, d'une part, que l'électricité est livrée par celui qui la produit à l'abonné qui la reçoit pour l'utiliser; qu'elle passe, par l'effet d'une transmission qui peut être matériellement constatée, de la possession du premier dans la possession du second; qu'elle doit. dès lors, être considérée comme une chose, au sens de l'art. 379, C. pén., pouvant faire l'objet d'une appréhension; tendu, d'autre part, que l'arrêt relève à la charge de Berroud un fait direct, à l'aide duquel il s'est approprié une certaine quantité d'énergie électrique qui ne lui a pas été livrée volontairement par la Société des forces motrices du Rhône, et qu'il y a eu ainsi une soustraction frauduleuse; D'où il suit que, loin d'avoir violé les textes visés au moyen, l'arrêt attaqué en a fait une exacte application;

Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la Cour de Lyon, en date du 24 janv. 1912, etc.

chercher de quels matériaux elle est construite, et comment le ciment joint les pierres qui la forment. Il est clair encore qu'il n'est pas nécessaire d'aborder une discussion d'ordre scientifique, pour rechercher la solution d'un problème juridique, si, quelque explication que l'on donne de la question scientifique, la solution du problème de droit ne s'en trouve pas modifiée. Ce serait faire un étalage oiseux de savoir. Mais tel n'est pas le cas pour le vol d'électricité. On est en face d'une situation particulière, où les juges, pour appliquer à l'électricité un texte qui ne l'a pas prévue et ne la vise pas formellement, sont obligés d'appeler à leur aide les personnes de science, parce que la notion du vol n'est pas une notion générale, qui soit applicable à toutes les catégories de biens, et que l'art. 379, C. pén., en subordonne l'admission à des conditions précises et rigoureuses.

C'est ainsi que l'art. 379 est étranger au détournement de l'énergie, ou de la force motrice, provenant de chutes d'eau, ou de machines à vapeur, quoique, manifestement, il y ait là des biens appropriés. V, notre C. pén. annoté, par Garçon, sur l'art. 379, n. 258 et s. Si donc l'électricité est une force, son détournement échappera, pour la même raison, à l'application des règles du vol. Ainsi encore, l'art. 379 ne concerne pas le préjudice causé aux biens d'autrui, lorsque ce préjudice n'est pas le résultat d'une soustraction. On n'a jamais considéré comme un voleur le gamin qui s'accroche derrière une voiture et monte sur celleci, à l'insu du cocher, pour faire sans fatigue une partie de sa route, ou le voyageur, qui commet une fraude semblable, en voyageant sans billet dans un train de chemin de fer. V. Cass. 8 déc. 1870 (S. 1870.1.416.-P. 1870.1059); notre article précité dans le Journal des parquets, p. 90; et notre C. pén. annoté, par Garçon, loc. cit., n. 260. Si donc, lorsqu'on met un fil en contact avec une ligne électrique, on fait simplement entrer en vibration ce fil, en profitant de l'énergie produite par un autre, ce fait, quelque dommageable qu'il soit au propriétaire de la source électrique, ne constitue pas un vol, parce qu'on n'y trouve pas l'élément d'une soustraction.

On ne voit donc pas comment on pourra affirmer que les conditions, auxquelles l'art. 379, C. pén., subordonne la notion du vol, se rencontrent à propos de l'électricité, sans savoir quelle en est la nature, si on est en présence d'une force ou d'un

[blocks in formation]

CASS.-CRIM. 27 juillet 1912. ESCROQUERIE, MANOEUVRES FRAUDULEUSES, ELECTRICITÉ, ABONNEMENT, FORCE MOTRICE, ECLAIRAGE, DÉTOURNEMENT, REMISE DE QUITTANCES, CONNAISSANCE ACQUISE, CONTRAINTE MORALE (Rép., vo Escroquerie, n. 54 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 104 et s.).

Le fait, par l'abonné d'une société d'électricité, de brancher, sur les fils fournissant la force motrice, un fil lui permettant de se servir, pour l'éclairage, de l'électricité, qu'il aurait dû, pour cet usage, payer un prix supérieur, a le caractère d'une ma noeuvre frauduleuse constitutive du délit d'escroquerie (1) (C. pén., 405).

Et les juges, pour relaxer le prévenu,

fluide, et en ignorant même si le producteur d'électricité fait à ses abonnés une datio rei ou une locatio operis! Quant à croire qu'il suffit de s'arrêter aux apparences pour ranger l'électricité parmi les choses mobilières susceptibles de vol (V. Pilon, op. cit., p. 17), c'est perdre de vue complètement que le vol n'a pas été étendu à tout ce qui peut se mouvoir ou se transporter. La force d'une chute d'eau, celle que produit une machine à vapeur, peuvent également, au moyen de courroies ou d'arbres de transmission, se transporter d'un lieu dans un autre ; elles affectent pareillement le sens du toucher, et se mesurent très exactement en chevaux-vapeur pour l'appréciation de leur valeur pécuniaire. Personne, jusqu'à présent du moins, n'a prétendu que le tiers, qui les utilisait frauduleusement à son profit, commettait un vol. V. Manzini, note dans la Giustizia penale, 1911, p. 1464; et notre C. pén. annoté, par Garçon, loc. cit., n. 259.

Notre conclusion demeure donc la même qu'il y a onze ans en l'état actuel des textes, et de la science, le vol d'électricité ne tombe pas sous l'application de l'art. 379, O. pén. La jurisprudence, qui le punit, a fait œuvre prétorienne, utile peutêtre, si on se place au point de vue des intérêts à protéger, mais certainement critiquable en droit. Il est vrai que, depuis quelques années, c'est une constatation que nous avons eu souvent à faire, que la pratique ne s'en tient plus à la lettre de la loi. V. not., Cass. 18 mars 1909 (S. et P. 1912.1. 236; Pand. pér., 1912.1.236); 17 juin 1911 (8. et P. 1912.1.65; Pand. pér., 1912.1.65); 12 janv. 1912 (S. et P. 1912.1.417; Pand. pér., 1912.1.417); 3 janv. 1913 (Supra, 1 part., p. 281), avec les notes sous ces arrêts. V. aussi, Cass. 27 juill. 1912, qui suit. C'est devenu comme une doctrine nouvelle. En droit pénal comme en droit civil, le devoir du juge, que les auteurs, jusqu'à ces derniers temps, avaient constamment opposé, serait maintenant le même ce serait celui qu'indique l'art. 4, O. civ., qui fait défense au juge de s'abstenir sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi. La maxime: Pœnalia non sunt extendenda, et la règle : Nulla pæna sine lege ulla, ne seraient bonnes tout au plus que pour les théoriciens! V. Rev. pénit., 1913, p. 145 et s.

J.-A. ROUX.

(1) La Cour de cassation, qui devait, par son arrêt du 3 août 1912 (V. l'arrêt qui précède),

« PrécédentContinuer »