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sont tenus entre eux que chacun pour ses part et portion. Quel est l'effet de l'obligation solidaire? Elle donne le 1203-206 droit au créancier de s'adresser à celui des débiteurs qu'il veut choisir, ou de les actionner tous, et l'action qu'il forme contre l'un d'eux interrompt la prescription contre tous.

Trois sortes d'exceptions peuvent être opposées par le dé- 1208 biteur solidaire : 1° celles qui résultent de la nature de l'obligation; 2° celles qui lui sont personnelles; 3° celles qui sont communes à tous les codébiteurs.

Le projet prévoit le cas où la chose due a péri par la faute 1205 ou pendant la demeure de l'un ou de plusieurs des débiteurs solidaires. Alors, dit-il, le créancier peut demander le prix de la chose contre tous ces codébiteurs; mais il n'a d'action en dommages et intérêts que contre ceux par la faute desquels la chose a péri, ou qui étaient en demeure de la livrer. Il était juste de ne pas rendre les autres codébiteurs passibles de ces dommages et intérêts, puisqu'ils se trouvent étrangers à la cause qui y donne lieu.

Le créancier doit-il perdre toute action solidaire lorsqu'il consent à la division de la dette à l'égard de l'un des codébiteurs, soit par une convention ad hoc, soit en recevant la portion de ce codébiteur sans réserve?

Cette question a été très-controversée dans votre section. Il est de mon devoir de vous faire connaître les bases de chaque système.

Les uns pensaient que l'acte qui contient une obligation solidaire pouvait être considéré comme une espèce de société entre les codébiteurs, et à laquelle le créancier n'avait pas le droit de porter atteinte; que le lien qui unissait les codébiteurs entre eux était aussi indissoluble par le fait du créancier que celui qui les obligeait envers le créancier l'était de la part de ses codébiteurs; que dès-lors, si les codébiteurs ne pouvaient rien changer à leur obligation envers le créancier, ce dernier devait également se trouver dans

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l'impuissance de rompre la chaîne qui les avait liés entre eux par suite d'une confiance mutuelle.

On ajoutait que tel qui a contracté une obligation solidaire ne l'a fait que parce qu'il a compté non seulement sur la solvabilité, mais plus encore peut-être sur la moralité et sur la surveillance éclairée d'un des codébiteurs. S'il plaît au créancier d'affranchir ce codébiteur de la solidarité, il en résultera que l'autre est trompé, et qu'il est privé de la principale garantie qui l'avait déterminé à cette obligation solidaire: d'où l'on tirait la conséquence qu'il était juste que, dans ce cas, le créancier perdît toute action solidaire contre les autres codébiteurs.

Si ces raisons ont paru fortes, elles ont été balancées par d'autres qui ont obtenu la préférence. On a dit : «< que dans cette matière le créancier ne devait pas être plus enchaîné par la loi qu'il n'avait entendu s'enchaîner lui-mème par l'acte. De ce qu'il a bien voulu renoncer à la solidarité à l'égard de l'un des codebiteurs, il n'en résulte pas nécessairement une renonciation en faveur de tous les autres. Si la loi tirait cette conséquence, l'effet inévitable serait que le créancier, pour ne pas être victime de sa complaisance, ne renoncerait à la solidarité en faveur de personne; de sorte que celui qui aurait le plus grand besoin de cette grâce ne pourrait jamais l'obtenir. »

Il faut faire attention, a-t-on ajouté, que l'acte primitif qui a établi la solidarité contient deux obligations bien distinctes; l'une entre le créancier et les débiteurs, l'autre entre chaque débiteur et ses codébiteurs. Lorsque le créan, cier décharge l'un d'eux de la solidarité il use d'une faculté résultant de la première convention; car celui qui peut demander le paiement du tout peut se restreindre au paiement d'une partie.

D'ailleurs le projet décidant que le créancier qui aura consenti à la division à l'égard d'un de ses codébiteurs con

servera toujours la solidarité contre les autres debiteurs, ceux-ci ne peuvent avoir à s'en plaindre, 1o parce que la solidarité ne subsistera que sous la déduction de la part du débiteur déchargé; 2° parce que, s'il y a des débiteurs insolvables à l'époque où le restant de la dette est demandé à un débiteur, le débiteur déchargé n'est pas dispensé pour cela de supporter contributoirement la perte qui résulte de cette insolvabilité; 3° enfin, parce que le débiteur auquel le créancier s'adresse pour payer toute la dette, moins la part du débiteur déchargé, aurait été obligé de payer cette part de plus si elle n'eût pas été payée par le débiteur déchargé. C'est d'après ces motifs qu'on a adopté en principe que le créancier qui consent à la division de la dette à l'égard de l'un des codébiteurs conserve son action solidaire contre les autres, mais sous la déduction de la part du débiteur qu'il a déchargé de la solidarité.

Et prévoyant le cas où, après la remise de la solidarité à 1215 l'un des codébiteurs, un autre devient insolvable, on a décidé que la portion de ce dernier sera contributoirement répartie entre tous les débiteurs, mème contre celui précédemment déchargé par le créancier.

C'est donc avec raison qu'on a décidé que l'insolvabilité d'un des débiteurs ne doit pas nuire au créancier, et que la remise de la solidarité à l'un des débiteurs ne doit pas nuire

aux autres.

Je passe aux obligations divisibles et indivisibles. Je sens sect. 5. qu'il est impossible dans une matière aussi abstraite de vous donner en peu de mots l'esprit de la loi sans vous rapporter ses propres expressions.

Le projet explique les cas dans lesquels une obligation est 1217 divisible ou indivisible. C'est, dit-il, selon qu'elle a pour objet une chose qui, dans sa livraison, ou un fait qui, dans son exécution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.

Cependant une chose peut être divisible par sa nature :

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mais si le rapport sous lequel elle est considérée dans l'obligation ne la rend pas susceptible d'exécution partielle, l'obligation est indivisible.

Ainsi, pour rendre le principe plus sensible, un testateur charge ses héritiers de bâtir un hôpital dans une certaine ville, et d'y employer une somme qu'il détermine. L'obligation (ainsi que le dit Pothier dont nous tirons l'exemple) qui aurait pour objet la construction de l'hôpital serait indivisible.

Au surplus, toute obligation susceptible de division doit être exécutée comme si elle était indivisible. La divisibilité n'a d'application qu'à l'égard des héritiers, qui ne sont tenus que pour la portion qu'ils prennent dans la succession. Encore faut-il distinguer,

Si la dette est hypothécaire ;

Si elle est d'un corps certain;

S'il s'agit de la dette alternative de choses au choix du créancier, dont l'une est indivisible.

Dans ces trois cas, l'héritier qui possède la chose due ou le fonds hypothéqué à la dette peut être poursuivi pour le tout sur la chose due ou sur le fonds hypothéqué, sauf son recours contre ses cohéritiers.

Il faut distinguer encore :

Si l'un des héritiers est chargé seul, par le titre, de l'exécution de l'obligation, il peut être poursuivi pour le tout, sauf son recours contre les autres;

Enfin, s'il résulte, soit de la nature de l'engagement, soit de la chose qui en fait l'objet, soit de la fin qu'on s'est proposée dans le contrat, que l'intention a été que la dette ne peut s'acquitter par parties;

Dans ce cas, le créancier peut poursuivre un des héritiers pour le tout, sauf également le recours de celui-ci contre ses cohéritiers.

Dans les cinq espèces d'exception le fait peut être divisible par sa nature, mais l'obligation a les effets de l'indivisibilité.

!

D'autres principes viennent éclaircir ceux qui précèdent, §2. en réglant les effets de l'obligation indivisible.

Ainsi chacun de ceux qui ont contracté conjointement une 1. 22 dette indivisible en est tenu pour le total, quoiqu'il n'y ait pas stipulation de solidarité : d'où il résulte que l'obligation indivisible a, quant à cet objet, le même effet que l'obligation solidaire.

Il en est de même à l'égard des héritiers de celui qui a 1223 contracté une pareille obligation.

Quant aux héritiers du créancier, l'un d'eux peut exiger 1224 en totalité l'exécution de l'obligation indivisible, mais il ne peut pas seul en faire la remise. Cette prohibition est fondée sur les mêmes motifs qui ont fait admettre la disposition de l'article 98, qui porte que la remise faite par l'un des créanciers solidaires ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier.

Cet héritier ne peut pas non plus recevoir seul le prix de la chose au lieu de toute la chose. Il ne pourrait le faire qu'autant qu'il y serait autorisé par ses cohéritiers. La loi l'autorise bien à poursuivre seul l'exécution de l'obligation, mais non pas à en dénaturer l'objet, qui ne peut l'être que par la volonté exprimée de tous les héritiers du créancier.

Quant aux héritiers du débiteur, si l'un d'eux est assigné 1225 pour la totalité de l'obligation, il peut demander un délai pour mettre en cause ses cohéritiers: différence essentielle à remarquer entre une obligation indivisible et une obligation solidaire; car pour celle-ci le débiteur assigné n'a pas le droit de demander ce délai. Il doit tout; il peut donc être assigué et poursuivi pour le tout.

Il ne me reste, citoyens tribuns, qu'à vous parler des sect. 6, obligations avec clauses pénales.

La clause pénale est définie; c'est celle par laquelle une 1226 personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution.

La nullité de l'obligation entraîne celle de la clause pénale; 1227

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