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ne sauraient se fonder sur ce que le motif qui a déterminé la société à délivrer à l'abonné des quittances libératoires établies sur des chiffres inexacts n'a pas été l'emploi par l'abonné des procédés incriminés, mais bien la crainte, si elle ne pouvait faire la preuve de la fraude, d'éprouver des ennuis à la suite d'une vérification infructueuse, et de s'exposer à une campagne de presse dans le journal publié par l'abonné, en telle sorte que la manœuvre frauduleuse n'aurait pas été la cause déterminante de la remise des quittances (1) (Id.).

En effet, bien loin qu'il résulte de ces énonciations que la société ait librement et volontairement consenti à accepter les conséquences de la fraude commise, il en ressort, au contraire, qu'elle n'a délivré à l'abonné les quittances portant sur des sommes inférieures à celles réellement dues que sous l'empire d'une contrainte morale, causée, non seulement par la crainte de ne pouvoir faire apparaitre ladite fraude, mais aussi par celle d'une campagne de presse (2) (C. pén., 64, 405).

(Soc. anonyme d'éclairage du bassin houiller de Mons C. Crauffon). ARRÊT (apr. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Sur le premier moyen, pris de la violation de l'art. 405, C. pén., de l'art. 408, C. instr. crim., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a refusé de reconnaitre, dans les faits de la cause, les caractères du délit d'escroquerie, pour l'unique motif qu'au moment où le directeur de l'usine avait remis à Crauffon les quittances de sa consommation, il soupçonnait la fraude, et qu'ainsi les manoeuvres n'ont pas été la cause déterminante de la remise des quittances: Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt que Crauffon, abonné

introduire une solution, à notre avis, critiquable, dans la théorie du vol, en appliquant l'art. 379, C. pén., au vol d'électricité, nous paraît avoir, dans l'arrêt actuel, intervenu quelques jours auparavant à propos de fraudes également commises au sujet de l'électricité, déformé la notion d'un autre délit celui de l'escroquerie, et dénaturé en même temps la notion de la contrainte morale.

D'une part, elle a vu le dépouillement, que l'art. 405, C. pén., suppose pour l'accomplissement du délit d'escroquerie, dans une remise de quittances libératoires faite par une société d'électricité à son abonné, alors que la société était parfaitement consciente de la fraude que l'abonné avait commise à son égard. On croyait, au contraire, jusqu'à présent, que l'escroquerie supposait une tromperie ourdie avec un art propre à séduire même de bons esprits. La Cour de cassation elle-même, l'avait dit autrefois. V. l'arrêt du 24 avril 1807 (S. et P. chr.). V. égal., Cass. 28 mai 1808 (S. et P. chr.). On rangeait donc ce délit parmi les abus de la crédulité d'autrui. V. notre C. pén. annoté, par Garçon, sur l'art. 405, n. 4. La jurisprudence lui attribue maintenant un autre caractère la crédulité n'est plus en cause; l'erreur de la victime n'est plus nécessaire; l'escroquerie peut être commise au détriment de personnes qui ont parfaitement percé à jour la fraude de l'escroc. C'est une nouvelle interprétation du Code pénal. On se demande seulement à

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pour la force motrice et pour l'éclairage à la Société anonyme d'éclairage du bassin houiller de Mons, dont Ménier est le représentant à Tulle, a branché, sur les fils fournissant la force motrice au prix de 0 fr. 40 le kilowatt, un fil lui permettant de se servir, pour l'éclairage, de l'électricité qu'il aurait dû, pour cet usage, payer 0 fr. 70; Attendu que, pour décider que ces manœuvres frauduleuses ne constituaient pas le délit d'escroquerie, la Cour d'appel déclare que le motif, qui a détermine Ménier à délivrer à Crauffon des quittances libératoires, ainsi rendues inexactes, est autre que l'emploi par Crauffon des procédés incriminés qu'elle ajoute que, si Ménier « a donné à Crauffon les quittances mensuelles, c'est qu'il craignait de ne pouvoir faire la preuve de la fraude, qu'il redoutait les ennuis qui auraient pu résulter pour lui d'une vérification restée infructueuse et aussi une campagne de presse »; Mais attendu que, loin qu'il résulte de ces énonciations que Ménier ait librement et volontairement consenti à accepter les conséquences de la fraude commise, il en ressort, au contraire, que le représentant de la Société d'éclairage de Mons n'a délivré à Crauffon les quittances, portant sur des sommes inférieures à celles réellement dues, que sous l'empire d'une contrainte morale, causée, non seulement par la crainte de ne pouvoir faire apparaître ladite fraude, mais aussi par celle d'une campagne de presse dans le journal publié par Crauffon; D'où il suit qu'en relaxant le prévenu par le motif susénoncé, l'arrêt attaqué n'a pas donné une base légale à sa décision; Sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi; Et attendu que l'action publique est éteinte; Casse, mais seu

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quoi répondent, dans cette théorie, les manœuvres frauduleuses que la loi a exigées pour caractériser le délit nécessaires, lorsqu'on exigeait la tromperie de la victime pour séparer le dol pénal du simple dol civil, elles ne le sont plus, si le délit peut exister, quand la victime se dépouille elle-même en complète connaissance de

cause.

D'autre part, la Cour de cassation donne de la contrainte morale une notion qui, probablement, rencontrera des résistances. Jusqu'ici, l'idée qu'on se faisait de la contrainte morale était celle d'une force agissant sur la volonté d'une personne, et poussant celle-ci à entrer contre son gré dans une voie déterminée. L'art. 64, C. pén., parle de force à laquelle l'agent n'a pas pu résister; et ce texte est commun à la contrainte morale comme à la contrainte physique. Or, ce n'est plus la notion qu'en propose la jurisprudence, qui aperçoit maintenant l'existence d'une contrainte morale dans la crainte de la victime de ne pas faire la preuve de la fraude commise à son égard. Quelque fondée, en fait, que soit cette crainte, ce n'est pas le danger que prévoyait le législateur; et l'abstention de la victime n'est pas le résultat d'une force à laquelle elle a cédé, mais l'effet de la réflexion, de la prudence, qui lui ont montré l'inutilité d'une action en justice; c'est tout l'opposé de la contrainte; autrement, il conviendrait de dire de toute personne qui s'abstient d'un procès téméraire qu'elle agit par contrainte; et seuls les

lement en ce qui concerne les intérêts civils, l'arrêt de la Cour de Limoges, du 14 déc. 1911, qui a prononcé le relaxe de Crauffon (Joseph-Pierre), etc.

Du 27 juill. 1912. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Bourdon, rapp.; Séligmann, av. gén.; Hannotin, av.

CASS.-CRIM. 19 avril 1912. CONTRIBUTIONS INDIRECTES, BOISSONS, DÉPLACEMENT, ACQUIT-A-CAUTION, EXPÉDITEUR, FAUSSE DÉCLARATION, DÉTENTEUR DES BOISSONS (Rép., vo Boissons, n. 401 et s., 451; Pand. Rép., v° Impôts, n. 6312 et s.).

Il y a contravention à l'art. 10 de la loi du 28 avril 1816, lorsque le titre de mouvement qui accompagne une boisson renferme la désignation, non de celui qui réalise l'expédition, mais d'une tierce personne, qui a consenti à figurer dans les pièces de régie en qualité d'expéditeur (3) (L. 28 avril 1816, art. 10).

Spécialement, cette contravention existe, lorsqu'une récolte de vin, qui a fait l'objet de deux ventes successives, par le producteur à un premier acheteur, et par celui-ci à un sous-acheteur, est expédiée à ce dernier avec un acquit-à-caution au nom du producteur, qui n'était plus que le simple détenteur de ces vins (4) (Id.).

Il en est ainsi même sous l'empire de l'art. 2 de la loi du 18 juill. 1904, dont la disposition, généralisée par l'art. 10 de la loi du 6 août 1905, porte que, lorsque la déclaration d'enlèvement n'est pas faite par le détenteur actuel des boissons, elle doit étre accompagnée d'une attestation de ce dernier, confirmant la réalité de l'opération (5) (LL. 28 avril 1816, art. 6 et 10;

plaideurs inconsidérés seraient les êtres libres ! Il est vrai que la Cour de cassation donne, dans l'arrêt, une seconde base à la contrainte de la victime de la soi-disant escroquerie, à savoir la crainte d'une campagne de presse que dirigerait contre elle le fraudeur, si elle ne parvenait pas à faire la preuve de sa fraude. Assurément, celui qui agit sous l'empire d'une campagne de presse déjà entamée, dans la surexcitation et l'affolement que provoque chez lui cette campagne, pourra alléguer l'existence d'une contrainte morale. Mais, quand la campagne de presse n'est pas commencée, quand elle est simplement à venir, quand, par conséquent, elle n'a pu encore produire aucun trouble actuel dans l'intelligence de la personne menacée, et qu'il est impossible de constater ses effets destructeurs sur la volonté de cette dernière, parler de contrainte, c'est certainement donner à cette expression une signification imprévue et inattendue. Comp. Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 3o éd., t. 1, n. 352. Comme l'observe notre collaborateur, M. Roux, dans sa note sous l'arrêt du 8 août 1912, précité, la nécessité de donner satisfaction aux besoins de la défense sociale ne doit pas faire oublier la maxime: Penalia non sunt extendenda; autrement, on en reviendrait aux errements des juges dans l'ancien droit, lorsqu'ils créaient de nouveaux délits. (1-2) V. la note qui précède.

(3-4-5) Lorsqu'un marchand en gros achete la récolte d'un propriétaire récoltant, et qu'il la laisse

18 juill. 1904, art. 2; 6 août 1905, art. 10).

Si, en effet, cet article, qui exige que le détenteur actuel de la boisson fournisse une attestation confirmant la réalité de l'opération, dispense le détenteur de l'accomplissement de cette formalité lorsqu'il fait la déclaration d'enlèvement, c'est pour ce motif que l'attestation ferait alors double emploi avec la déclaration, et il n'en résulte pas, pour le détenteur, le droit de figurer, dans tous les cas, comme expéditeur sur les titres de mouvement (1) (Id.).

Et le détenteur ne peut être désigné, en qualité d'expéditeur, sur les titres de mouvement, que s'il possède réellement cette qualité (2) (L. 28 avril 1816, art. 10).

Les juges font à bon droit remonter la responsabilité de la contravention dont il s'agit jusqu'à l'expéditeur, qui a donné des instructions au détenteur pour faire l'expédition en son nom (3) (Id.).

(Gignoux C. Admin. des contrib. indir.).

M. Gignoux, marchand de vins en gros à Nîmes, a acheté à M. Cornu, viticulteur à Saint-Etienne-du-Grès, 140 hectolitres de vin. Il a fait procéder au dépotage des vins, en a pris possession, les a agréés, et les a revendus à M. Duverrier, marchand de vins en gros à Pournier (Rhône), le tout sans que les vins eussent quitté le domaine de M. Cornu. D'autre part, un accord est intervenu entre M. Gignoux et M. Cornu, aux termes duquel celui-ci a consenti à remplir les formalités à la circulation. M. Cornu, exécutant cette convention, a soumissionné à la recette buraliste de Saint-Etienne-du-Grès, en qualité d'expéditeur, un acquit-à-caution pour le transport des vins de son domaine dans les magasins de M. Duverrier. En gare de Tarascon, les agents de la Régie ont examiné le chargement, et, renseignements pris, procès-verbal a été dressé contre M. Gignoux parce qu'il aurait dû faire une déclaration à son nom pour ne pas fausser le taux du calcul de la licence ». Un jugement du tribunal correctionnel de Tarascon, en date du 18 mai 1909, a renvoyé M. Gignoux des fins de la poursuite. Mais un arrêt infirmatif de la Cour d'appel d'Aix, en date du 19 janv. 1911, a con

dans les caves de celui-ci, après en avoir pris livraison, au nom de qui doivent être libellés les acquits-à-caution en cas d'expédition à un acheteur? Est-ce au nom du marchand en gros, qui est devenu propriétaire de la récolte? Ou bien est-ce au nom du récoltant, demeuré détenteur de la marchandise, et des caves duquel celle-ci est sortie? La Cour de cassation répond que l'acquità-caution doit porter le nom du marchand en gros, qui est le véritable expéditeur. Cette solution paraît exacte. Une autre aurait permis une fraude. En faisant, en effet, soumissionner les acquits par le récoltant, le marchand en gros aurait dissimulé le chiffre de ses ventes annuelles; et, comme le montant de la licence du marchand en gros est proportionné à la quantité d'hectolitres vendus dans l'année, cette dissimulation aurait porté préjudice au fisc. Dès lors, lorsque l'art. 10 de la loi du 28 avril 1816 ordonne de porter, sur la pièce de mouvement qui doit accompagner la bois

damné le prévenu à une amende, pour la contravention de fausse déclaration du nom de l'expéditeur.

POURVOI en cassation par M. Gignoux.

ARRET.

LA COUR; Sur le moyen unique, pris de la violation et de la fausse application des art. 1, 6 et 10 de la loi du 28 avril 1816, 2 de la loi du 18 juill. 1904, 10 de la loi du 6 août 1905, 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a considéré comme constitutive de fausse déclaration du nom de l'expéditeur, la soumission d'un acquit-à-caution, faite par un propriétaire récoltant, détenteur actuel de vins achetés dans son domaine, d'accord avec son acheteur, sous le prétexte arbitraire que la régularité, proclamée expressément et sans restriction par la loi, de la déclaration faite par le détenteur actuel, premièrement, serait subordonnée à la condition que ce détenteur n'aurait pas cessé d'être propriétaire des vins par livraison sur place; secondement, en tout cas, cesserait d'exister au cas où ce détenteur ne continuerait pas de figurer, à titre d'expéditeur, dans les papiers du chemin de fer, dressés à la gare postérieurement à la déclaration et à l'enlèvement: Attendu qu'il est énoncé dans l'arrêt attaqué que Gignoux, marchand de vins en gros à Nimes, a acheté 140 hectolitres de vins provenant de la récolte faite sur son domaine par Cornu, propriétaire à SaintEtienne-du-Grès; qu'après avoir pris livraison du vin et l'avoir fait dépoter, tout en le laissant dans les caves du propriétaire récoltant, il l'a vendu à Duverrier, marchand de vins en gros à Pournière, et l'a expédié à son acquéreur, en signant la feuille de voiture à la gare de départ; que, néanmoins, en vertu d'un accord intervenu entre lui et Cornu, ce dernier a fait la déclaration d'enlèvement, en se présentant comme l'expéditeur de la boisson, et a, dès lors, figuré à ce titre dans l'acquit-à-caution qui l'a accompagnée; Attendu que, s'appuyant sur ces faits, après avoir déclaré que Cornu, simple détenteur pour le compte de Gignoux, n'avait pas personnellement qualité pour

son, les nom, prénoms et profession de l'expéditeur, c'est de celui qui est le véritable expéditeur, c'està-dire du vendeur, qu'il s'agit, et non pas d'un mandataire ou d'un tiers, détenteur de la marchandise. C'est d'ailleurs ce qui avait été jugé sous le droit antérieur à cette loi. V. Cass, 3 mars 1809 (S. et P. chr.); 5 juill. 1810 (P. chr ). Vainement enfin objecterait-on l'art. 2 de la loi du 18 juill. 1904, généralisé par l'art. 10 de la loi du 6 août 1905, aux termes duquel la déclaration d'enlèvement, lorsqu'elle n'est pas faite par le détenteur actuel des boissons, doit être accompagnée d'une attestation de ce dernier confirmant la réalité de l'opération, pour soutenir que la solution précédente a été modifiée, et que le propriétaire récoltant doit désormais figurer sur les titres de mouvement comme expéditeur, en sa qualité de détenteur. Ce serait dénaturer le sens et la portée de ces dispositions législatives, qui ont eu pour but de mettre fin au système des

réaliser l'expédition de la boisson, l'arrêt constate en fait qu'il ne l'a pas réalisée, et que le véritable expéditeur a été Gignoux; qu'il en déduit, à bon droit, l'inapplicabilité de l'acquit-à-caution, pour ce motif que cette pièce renfermait, avec la désignation de Cornu, une fausse désignation de l'expéditeur, d'où il résultait une contravention à l'art. 10 de la loi du 28 avril 1816; qu'à bon droit aussi, il a fait remonter la responsabilité de cette infraction jusqu'à Gignoux, qui avait donné des instructions à Cornu; Attendu qu'il est soutenu qu'aux termes de l'art. 2 de la loi du 18 juil. 1904, dont la disposition a été généralisée par l'art. 10 de la loi du 6 août 1905, le détenteur actuel d'une boisson à un titre quelconque a, à raison de cette seule détention, et indépendamment de toute autre circonstance, qualité pour figurer comme expéditeur dans les titres de mouvement destinés à suivre la boisson par lui détenue; - Mais attendu que l'article précité a été édicté uniquement pour établir une garantie de nature à empêcher la soumission d'acquits-à-caution fictifs, correspondant à des enlèvements non réalisés; qu'à ces fins, il exige que le détenteur actuel de la boisson fournisse une attestation confirmant la réalité de l'opération; que, s'il dispense le détenteur de l'accomplissement de cette formalité, lorsque celui-ci fait la déclaration d'enlèvement, c'est pour ce motif que l'attestation ferait alors double emploi avec la déclaration; qu'il n'a eu nullement pour objet et n'a pas pour effet de donner au détenteur, dans tous les cas, le droit de figurer comme expéditeur dans les titres de mouvement; que le détenteur ne peut y être désigné en la qualité susindiquée que s'il la possède réellement; qu'en effet, en exigeant que les passavants, congés et acquits-à-caution ne puissent être délivrés que sur des déclarations énonçant notamment les noms, prénoms et professions des expéditeurs, l'art. 10 de la loi du 28 avril 1816 a eu en vue le véritable expéditeur, celui pour le compte duquel voyage la marchandise; Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'une insuffisance de motifs, en ce que, ayant énoncé que Cornu aurait pu figurer comme expéditeur dans

acquits fictifs, qui, au moyen d'un enlèvement supposé de boissons de chez le récoltant, permettait au marchand en gros de faire disparaître un excédent de marchandises dans ses magasins, obtenu, soit par un mouillage soit par une entrée clandestine. Mais elles n'ont pas eu comme objet de modifier les règles touchant la personne qui doit figurer comme expéditrice dans les pièces de mouvement; elles ajouteraient plutôt une exigence nouvelle un certificat d'attestation, qui est distinct de l'acquit. L'art. 2 de la loi du 18 juill. 1904 sépare fort nettement ces deux pièces.

:

(1-2) V. la note qui précède.

(3) Il était logique de faire remonter la contravention pour fausse déclaration dans le titre de mouvement jusqu'au marchand en gros, le propriétaire récoltant n'ayant agi que sur ses ordres, et en quelque sorte comme son préposé. Comp. Cass. 20 avril 1893 (S. et P. 1895.1.477; Pand. pér., 1893.1.488), la note et les renvois.

les pièces de régie, s'il avait reçu de Gignoux le mandat de faire l'expédition de la marchandise, l'arrêt écarte par une simple affirmation l'existence de ce mandat; Mais attendu qu'à aucun moment, le prévenu n'a allégué avoir donné à Cornu le mandat ci-dessus défini; que l'arrêt n'y a fait allusion que pour rendre plus complètes les considérations tendant à établir que Cornu n'avait pas qualité pour réaliser l'expédition à une tierce personne de vin acheté et possédé par Gignoux; qu'après avoir, dans ces conditions, envisagé par hypothèse le cas où il y aurait eu mandat, il lui a suffi de l'écarter purement et simplement, sans avoir à donner sur ce point des motifs spéciaux;

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Attendu, d'ailleurs, qu'aucune autre partie de l'arrêt n'est en contradiction avec l'énonciation qui exclut l'existence d'un mandat; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé; Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix, du 19 janv. 1911, etc.

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Du 19 avril 1912. MM. Bard, prés.; La Borde, rapp.; Séligman, av. gén.; Bressolles et Aubert, av.

(1-2-3) L'arrêt que nous reproduisons ci-dessus présente de l'intérêt à un double point de vue :

1° Il range la poudre de noix vomique parmi les préparations pharmaceutiques, et non pas parmi les drogues simples. C'est ce qui avait déjà été jugé, pour la poudre de quinquina, par un ancien arrêt du 9 sept. 1813 (S. et P. chr.). Mais l'ordonn. du 20 sept. 1820 a placé la noix vomique râpée parmi les drogues simples, à ce titre dispensées de la nécessité d'être vendues en conformité avec la formule du Codex; et on pouvait se demander si l'ordonnance ne devait pas s'appliquer à la poudre de noix vomique. La Cour de cassation repousse l'assimilation, en distinguant la poudre de noix vomique de la noix vomique râpée, soit peut-être parce que toute exception est de stricte interprétation, et qu'il faut une disposition formelle pour comprendre au rang des drogues simples un produit susceptible d'un emploi curatif, soit que simplement, comme le dit son arrêt, la pulvérisation de la noix vomique, à raison des manipulations diverses qu'elle nécessite, demande la connaissance de l'art de la pharmacie, pour que la poudre obtenue soit de bonne qualité, et contienne, au dosage voulu, ses éléments utiles. La même distinction a été faite, pour un motif analogue, entre la scille verte, considérée par l'ordonn. du 20 sept. 1820 comme drogue simple, et la poudre de scille, rangée dans la catégorie des produits pharmaceutiques. V. Poitiers, 11 mars 1869 (S. 1869.2.260. P. 1869.1019), et le renvoi; Ruben de Couder, Dict. de dr. comm., vo Pharmacien, n. 38.

2° L'arrêt ci-dessus contient, en outre, en ce qui concerne les fabriques de produits pharmaceutiques, une importante décision. Le demandeur au pourvoi, fabricant de produits pharmaceutiques en gros, soutenait qu'il pouvait détenir dans ses magasins des produits pharmaceutiques, drogues composées, non conformes aux prescriptions du Codex. La loi du 21 germ. an 11, disait-il, impose aux pharmaciens deux obligations, celle de ne livrer et débiter les drogues composées ou médicaments que d'après une ordonnance de médecin, et celle de se conformer aux formules des formulaires des écoles de pharmacie. Or, ces deux obliga

CASS.-CRIM. 1er juin 1911.

MÉDICAMENTS, POUDRE DE NOIX VOMIQUE, PRÉPARATION PHARMACEUTIQUE, PHARMACIEN EN GROS, MISE EN VENTE (Rép., vo Pharmacie, n. 220 et s., 274 et s.; Pand. Rép., vo Médecin et pharmacien, n. 729 et s.).

La poudre de noix vomique, à la différence de la noix vomique râpée, placée par l'ordonn. du 20 sept. 1820 dans la catégorie des drogues simples, est une préparation pharmaceutique (1) (Ordonn., 20 sept. 1820).

Par suite, la détention par un pharmacien de poudre de noix vomique non conforme au Codex constitue l'infraction prévue par l'art. 32 de la loi du 21 germ. an 11, qui prescrit aux pharmaciens de se conformer, pour les préparations pharmaceutiques, aux formules insérées et décrites dans les formulaires rédigés par les écoles de médecine (2) (L. 21 germ. an 11, art. 32).

Et il importe peu, dès lors, que la poudre de noix vomique ait été saisie dans le magasin où le prévenu la mettait en vente, qu'il fût droguiste en gros, ne débitant pas au détail, et ne tenant pas d'officine ouverte aux malades et aux médecins (3) (Id.).

tions sont corrélatives, afin que le médecin, connaissant la composition du corps employé, puisse libeller son ordonnance sans danger pour le malade et obtenir l'effet curatif cherché. Elles ne concernent donc que les pharmaciens qui exécutent les ordonnances médicales, et qui débitent des médicaments à tout venant, c'est-à-dire les pharmaciens tenant officine ouverte. Mais le fabricant de produits pharmaceutiques n'exécute pas d'ordonnance; il ne voit pas venir à lui les malades; il ne prépare pas les remèdes; il ne tient pas officine ouverte; il approvisionne simplement les pharmacies de détail; dès lors, il échappe, non pas sans doute à toutes les prescriptions de la loi de l'an 11,

car il est notamment soumis à l'inspection médicale, comme détenteur de produits pharmaceutiques ou hygiéniques (L. 25 juin 1908, S. et P. Lois annotées de 1908, p. 745; Pand. pér., Lois annotées de 1908, p. 745), mais du moins à celles qui concernent le débit des médicaments au détail.

La Cour de cassation n'a pas accepté le système du pourvoi. Et, en effet, le fabricant de produits pharmaceutiques serait-il par hasard un droguiste ou un chimiste-droguiste? Evidemment non; car l'art. 33 de la loi de l'an 11 interdit aux droguistes la vente des drogues simples au poids médicinal, et, d'une manière absolue, en gros ou au poids médicinal, la vente des drogues composées. Le fabricant de produits pharmaceutiques ne peut donc détenir licitement dans ses magasins des drogues composées que s'il a la qualité de pharmacien, et s'il exerce l'art de la pharmacie. Il serait dès lors singulier que, pharmacien pour être autorisé à vendre des produits pharmaceutiques, il échappât aux obligations que la loi de l'an 11 impose aux pharmaciens, et qu'il ait une situation différente de la leur.

L'objection que les fabricants de produits pharmaceutiques n'ont pas d'officine ouverte à tout venant n'est pas d'ailleurs décisive. Cette circonstance n'intéresse guère que l'application de l'art. 27 de la loi du 21 germ. an 11, qui autorise exceptionnellement les médecins et officiers de santé à fournir de médicaments, simples ou composés, les personnes auprès desquelles ils sont appelés, dans les bourgs ou villages où il n'y a

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LA COUR; Sur le premier moyen du pourvoi, pris de la violation des art. 32 et 33 de la loi du 21 germ. an 11, et de l'ordonn. du 20 sept. 1820, en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur comme contrevenant à l'art. 32, précité, pour détention de poudre de noix vomique non conforme au Codex, alors que la noix vomique a été légalement classée comme drogue simple, et que la conformité au Codex n'est prescrite que pour les préparations et compositions pharmaceutiques :

Attendu que l'art. 32 de la loi du 21 germ. an 11 prescrit aux pharmaciens de se conformer, pour les préparations et compositions qu'ils doivent exécuter et tenir dans leurs officines, aux formules insérées et décrites dans les dispensaires ou formulaires; Attendu, il est vrai, que l'ordonn. du 20 sept. 1820 a classé la noix vomique râpée dans la catégorie des drogues simples que peuvent vendre, en gros, les épiciers et droguistes, mais qu'il n'est pas question dans cette ordonnance de la poudre de noix vomiAttendu que que; la pulvérisation de la

pas d'officine de pharmacien. La présence dans! a localité d'une fabrique de produits pharmaceutiques, bien évidemment, n'empêchera pas l'application de cette disposition, si cette fabrique n'a pas ouvert d'officine pour la vente au détail. Mais cette particularité n'exclut pas l'application de l'art. 32, qui exige que le pharmacien se conforme aux prescriptions du Codex, et ne détienne dans ses magasins que des produits composés conformément à ces prescriptions. Ils se conformeront, dit ce texte, pour les préparations et compositions qu'ils devront exécuter et tenir dans leurs officines, aux formules insérées ou décrites dans les dispensaires ou formulaires Il n'y est question que d'officine, c'est-à-dire de laboratoire; et le texte n'ajoute pas que l'officine doive être ouverte aux malades. Sans aucun doute, il serait puéril d'affirmer que la loi de l'an 11 ait songé aux fabriques de produits pharmaceutiques, qui n'existaient pas à son époque; alors, la pharmacie extrayait les médicaments principalement des plantes, et chaque pharmacien préparait ses drogues et composait lui-même ses pilules. Aujourd'hui, une transformation complète s'est opérée dans la pharmacie, non seulement dans le choix des remèdes, extraits ordinairement des minéraux, mais aussi dans leur préparation. Le pharmacien ordinaire, à qui le public a affaire, est devenu un débitant de spécialités; il ne prépare plus en général les remèdes; il les reçoit pour la plupart tout prêts du fabricant de produits pharmaceutiques. Dès lors, on conçoit que ce soit une mesure parfaitement logique de remonter jusqu'à la source, et d'exiger que le fabricant, qui approvisionne les pharmaciens, ne détienne que des produits conformes au Codex. Il y va de la santé publique, pour que l'effet curatif cherché soit obtenu; car le pharmacien, la plupart du temps, n'a pas les moyens de vérifier la composition des remèdes, que le nouvel art médical emprunte aux minéraux, et qui lui viennent tout préparés d'un laboratoire de pharmacie. Celui-ci est en quelque sorte une annexe de l'officine où se débitent aux malades les médicaments prescrits par les ordonnances de médecins; il doit être soumis au même régime protecteur de la santé publique.

noix vomique, à raison des manipulations diverses qu'elle comporte, demande la connaissance de l'art de la pharmacie, pour que la poudre obtenue soit de bonne qualité, conforme aux prescriptions du Codex, et qu'elle contienne, au dosage voulu, les éléments utiles exigés par ce formulaire; que la poudre de noix vomique est donc une préparation pharmaceutique; - Attendu que l'arrêt attaqué constate que Danjou est pharmacien, et qu'il a mis en vente de la poudre de noix vomique, qui, d'après l'analyse, a été reconnue comme contenant une quantité d'alcaloïde sensiblement inférieure à celle qui est exigée par le Coder; que cette constatation suffit à justifier l'application à Danjou des dispositions de l'art. 32, visé au moyen, et que, dans ces conditions, il n'y a lieu de statuer sur la question de savoir si cet art. 32 s'applique aux drogues ou médicaments simples qui ne seraient pas conformes au Codex, comme aux préparations et compositions pharmaceutiques;

Sur le second moyen, pris de la violation des art. 25, 27 et 33 de la loi du 21 germ. an 11, fausse application de l'art. 32 de la même loi, et violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur comme détenant dans une officine une drogue simple non conforme au Codex, alors que celui-ci, étant droguiste en gros et ne débitant pas au détail, ne tenait pas d'officine ouverte aux malades et aux médecins, mais possédait seulement des magasins: - Attendu que l'arrêt attaqué constate que le pharmacien Danjou vendait habituellement des préparations pharmaceutiques, et que la poudre de noix. vomique, non conforme au Codex, a été saisie par l'inspecteur des pharmacies dans le local où Danjou la mettait en vente; Attendu que, la poudre de noix vomique étant, ainsi qu'il vient d'être dit en réponse au premier moyen, une préparation pharmaceutique, Danjou ne pouvait la tenir et la mettre en vente qu'en sa qualité de pharmacien, et que l'infraction à la loi résulte de la seule détention par un pharmacien de cette préparation, non conforme au Codex, dans le magasin ou l'officine où se vendent habituellement des drogues ou médicaments; Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, du 14 mars 1911, etc.

Ch. crim.

Du 1er juin 1911. MM. Bard, prés.; Roulier, rapp.; Eon, av. gén.; de Valroger, av.

(1) V. dans la même affaire, l'arrêt de la Cour de Riom du 1er juill. 1911 (S. et P. 1912.2.105 ; Pand. pér., 1912.2.105), et la note. Nous avons, dans cette note, indiqué les objections que soulève l'interprétation donnée à l'art. 42 de la loi du 8 avril 1910 (S. et P. Lois annotées de 1910, p. 1140; Pand. pér., Lois annotées de 1910, p. 1140) par la Cour de Riom. La Cour de cassation s'est cependant rangée à l'avis de celle-ci. Il est probable que ce qui a déterminé sa décision, c'est le raisonnement suivant. Du moment que la fabrication des allumettes soufrées n'est soumise à la nécessité de l'autorisation préalable que pour les allumettes ayant moins de 10 cent. de longueur, cette même règle ne doit se retrouver

CASS.-CRIM. 27 juillet 1912 (2 ARRÊTS).

ALLUMETTES CHIMIQUES, BOIS D'ALLUMETTES, FABRICATION, DÉBITAGE, AUTORISATION (DÉFAUT D'), BOIS DE PLUS DE 10 CENTIMÈTRES, CONTRAVENTION (Rép., v° Allumettes, n. 107 et s.; Pand. Rép., v° Allumettes chimiques, n. 36 et s.).

L'art. 42 de la loi de finances du 8 avril 1910 n'assujettit les fabricants ou industriels qui se livrent au débitage des bois d'allumettes à l'obligation de se munir d'une autorisation préalable de la Régie que dans le cas où les bois qu'ils débitent ont moins de 0,10 de longueur (1) (L. 8 avril 1910, art. 42).

(Admin. des contrib. indir. C. Gallet).

L'Administration des contributions indirectes s'est pourvue en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel de Riom du 1er juill. 1911, rapporté S. et P. 1912.2.105; Pand. per., 1912.2.105.

ARRÊT (apr. délib, en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi, pris de la violation de l'art. 42 de la loi de finances du 8 avril 1910, en ce que l'arrêt attaqué a refusé de soumettre à l'obligation de se munir d'une autorisation préalable de la Régie un industriel se livrant au débitage des bois d'allumettes, sous le prétexte que seuls les bois d'allumettes de moins de 10 centimètres de longueur seraient assujettis à cette formalité, alors que le texte susvisé est général, et vise indistinctement toute opération de débitage: Attendu que Gallet, marchand de bois à Dunières, était poursuivi pour s'être livré dans son usine au débitage de bois ronds coupés uniformément à la longueur de 11 centimètres et à la grosseur d'une allumette, sans s'être muni au préalable d'une autorisation de la Régie; que l'Administration demanderesse prétend que, si l'art. 42 de la loi de finances du 8 avril 1910 ne soumet les fabricants d'allumettes soufrées à l'obligation de se munir d'une autorisation préalable que dans le cas seu lement où les produits de leur fabrication ont moins de 10 centimètres de longueur, il impose, au contraire, cette obligation dans tous les cas et d'une manière générale aux fabricants et industriels qui se livrent au débitage des bois d'allumettes, quelle que soit la longueur des bois débités; Attendu que l'art. 42, susvisé, est

pour le débitage des bois d'allumettes qu'en ce qui concerne les bois ne dépassant pas 10 cent.; car, autrement, il serait au pouvoir de la Régie, en refusant systématiquement l'autorisation pour le débitage des bois d'allumettes dépassant cette longueur, de supprimer la faculté de fabriquer des allumettes soufrées de 10 cent. et plus, que le législateur de 1910 a entendu laisser sous un régime de liberté : pas d'allumettes, en effet, sans bois. Il n'en reste pas moins vrai, d'abord, que cette argumentation ne saurait être appuyée sur le texte de l'art. 42 de la loi du 8 avril 1910, lequel, comme nous l'avons montré, séparant deux hypothèses, celle du débitage des bois d'allumettes, et celle de la fabrication des allumettes

ainsi conçu Nul ne pourra, sans autorisation de la Régie, se livrer, soit au débitage des bois d'allumettes, soit à la fabrication des allumettes soufrées ayant moins de 10 centimètres de longueur »; que, par lui-même, le texte de cet article n'implique pas qu'à la différence des fabricants d'allumettes soufrées, ceux qui se livrent au débitage des bois d'allumettes soient assujettis à la nécessité d'une autorisation préalable, quelle que soit la longueur des bois qu'ils débitent; que, d'autre part, loin d'avoir jamais eu en vue d'établir entre les industriels dont il s'agit une distinction qui n'existait pas dans la législation antérieure, le législateur de 1910 a uniquement entendu, par cette disposition, substituer à la nécessité d'une simple déclaration, qui leur était seule imposée par l'art. 28 de la loi du 30 janv. 1907, celle d'une autorisation préalable, et les assujettir par là à la même obligation que les détenteurs des produits de leurs fabrications respectives, et que c'est seulement dans le cas où les bois d'allumettes, aussi bien que les allumettes soufrées qu'ils détiennent, ont moins de 10 centimètres de longueur, que les détenteurs sont assujettis à la nécessité de l'autorisation préalable de la Régie; D'où il suit qu'en se fondant, pour relaxer Gallet, sur ce que les bois d'allumettes débités par lui avaient plus de 10 centimètres de longueur, l'arrêt attaqué n'a nullement violé le texte visé au moyen; Rejette, etc.

Du 27 juill. 1912. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Thibierge, rapp.; Séligman, av. gén.; Aubert et de Lapanouse, av.

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CASS.-CRIM. 3 novembre 1910. VENTE DE MARCHANDISES OU VENTE COMMERCIALE, FAUSSE DÉNOMINATION, Huile de SÉSAME, HUILE D'ARACHIDE, BONNE FOI, EXCUSE, INFRACTION MATÉRIELLE (Rép., vo Crimes, délits et contraventions, n. 58 et s.; Pand. Rép., vo Délit, n. 49 et s.).

L'art. 3 du décret du 11 mars 1908, qui interdit de détenir ou de vendre des huiles ne provenant pas exclusivement du fruit indiqué dans leur dénomination, a une portée générale et absolue, et, s'il ne vise

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soufrées, indique, seulement pour la seconde hypothèse, une condition de dimension; ensuite, que la solution consacrée par la jurisprudence semble dépasser l'intention du législateur de 1910, qui paraît avoir été uniquement de substituer, pour le débitage des bois d'allumettes, au régime de la déclaration préalable, qui était celui de la loi du 30 janv. 1907 (art. 28, § 2) (S. et P. Lois annotées de 1907, p. 560; Pand. pér., 1907.8. 93), le régime de l'autorisation préalable, sans que fût d'ailleurs rendue applicable à ce débitage une distinction suivant la longueur des bois, qu'il ne comportait pas d'après la loi du 30 janv. 1907.

expressément que les mélanges d'huiles, il s'applique, à plus forte raison, aux huiles dont la provenance est entièrement différente de celle à laquelle se rapporte leur dénomination (1) (Décr., 11 mars 1908, art. 3).

Ainsi, rentre dans les prévisions de ce texte, le fait de mettre en vente de l'huile d'arachide sous la dénomination d'huile de sésame (2) (Id.).

Il importe peu que le prévenu ait été de bonne foi, et qu'il n'ait eu aucun intérêt à dénommer faussement la marchandise vendue, l'huile de sésame étant, comme qualité et prix, inférieure à l'huile d'arachide; en effet, les infractions aux dispositions du décret du 11 mars 1908, pris en exécution de l'art. 11 de la loi du 1er août 1905, ont le caractère d'infractions matérielles, qui existent par cela seul que l'acte punissable a été accompli (3) (L. 1er août 1905, art. 11; Décr., 11 mars 1908, art. 3).

(Chaumont et Manem). - ARRÊT
(apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le moyen unique, pris de la violation, par défaut d'application, de l'art. 3 du décret du 11 mars 1908, en ce que l'arrêt attaqué a décidé que cette disposition visait uniquement la détention, le transport, la mise en vente ou la vente d'huiles provenant d'un mélange, et que le fait de mettre en vente une huile pure et non mélangée, sous une autre dénomination que celle qui lui convient, ne peut constituer qu'une tentative de tromperie sur l'espèce de la marchandise vendue, laquelle n'est réprimée par l'art. 1er de la loi du 1er août 1905 qu'au cas où l'intention frauduleuse est constatée : l'art. 3 du décret du 11 mars 1908; Attendu qu'aux termes de cette disposition, il est interdit de détenir où de transporter, en vue de la vente, de mettre en vente ou de vendre sous la dénomination d'huile d'olive, de noix ou de tout autre fruit ou graine, avec ou sans quali

Vu

(1-2-3) Il est intéressant de relever que l'infraction à l'art. 3 du décret du 11 mars 1908 (S. et P. Lois annotées de 1908, p. 631; Pand. pér., Lois annotées de 1908, p. 631), faisant défense de détenir en vue de la vente, de mettre en vente et de vendre des huiles sous un nom différent du produit qui a servi à les fabriquer (en l'espèce, de l'huile d'arachide désignée sous le nom d'huile de sésame), constitue, d'après la Cour de cassation, une infraction qui est punissable, malgré le défaut d'intention de fraude. Dans l'espèce de l'arrêt, la bonne foi du marchand était manifeste, puisque l'huile de sésame est inférieure, au point de vue de la qualité et du prix, à l'huile d'arachide. En fait, il est souvent difficile de dire, quand la loi ne l'exprime pas formellement, si une infraction de la compétence du tribunal de police correctionnelle exige ou non comme condition l'intention frauduleuse. Nous avons montré, sous l'arrêt du 22 avril 1910 (S. et P. 1912.1.480; Pand. pér., 1912.1.480), qu'il n'y avait pas de critérium absolument sûr, mais qu'il fallait s'attacher au but poursuivi par le législateur, à l'importance de la pénalité qu'il avait édictée, et à l'objet de l'infraction qu'il avait réprimée. A ces différents points de vue, la solution adoptée par la Cour de cassation peut certainement se défendre.

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ficatif, une huile ne provenant pas exclusivement des olives, des noix ou des fruits ou graines indiqués dans ladite dénomination; Attendu que cette disposition est générale et absolue, et que, si elle vise même les huiles ne provenant pas exclusivement des olives, noix, fruits ou graines indiqués, elle s'applique, à plus forte raison, aux huiles dont la provenance est entièrement différente de leur dénomination; Attendu qu'il résulte des consta tations de l'arrêt et qu'il n'est pas contesté que Chaumont et Manem, épiciers, ont mis en vente de l'huile d'arachide pure sous la dénomination d'huile de sésame; que ce fait rentre donc dans les prévisions de l'art. 3 du décret du 11 mars 1908; Attendu, à la vérité, qu'il est aussi constaté par l'arrêt que la bonne foi des prévenus était évidente; qu'ils avaient cru, à tort, mettre en vente de l'huile de sésame, et qu'ils n'avaient aucun intérêt à la dénommer ainsi, l'huile de sésame étant, comme qualité et prix, inférieure à l'huile d'arachide; Mais attendu que, si les infractions prévues par l'art. 3 du décret du 11 mars 1908 rentrent dans la catégorie des délits, au sens de l'art. 1er, C. pén., à raison de ce qu'elles sont punies de peines correctionnelles, il ne s'ensuit nullement que l'élément intentionnel soit nécessaire pour les caractériser légalement; qu'en effet, si l'intention coupable doit accompagner le fait incriminé comme délit pour le rendre passible de la peine, ce principe souffre des exceptions, notamment dans le cas où, par la nature des choses, ce fait rentre nécessairement dans la classe des infractions matérielles, qui existent par cela seul que l'acte punissable a été accompli; qu'il en est ainsi des dispositions prises par le décret du 11 mars 1908, en vertu de l'art. 11 de la loi du 1er août 1905, à l'effet de déterminer des mesures d'ordre purement matériel, en vue d'assurer l'exécution de ladite loi; D'où il suit qu'en relaxant les prévenus, contre les

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Peut-être néanmoins eût-il été préférable de voir la chambre criminelle se résoudre en sens opposé; car, si la fraude doit être rigoureusement poursuivie, il ne faudrait pas non plus tomber dans une exagération contraire, et imposer au commerce des charges et des responsabilités sans fin. Les commerçants ne sont pas des experts-chimistes; on peut leur adresser des huiles sous une dénomination inexacte. Si, de cette dénomination erronée, aucun préjudice ne résulte pour les acheteurs qui ont acquis une marchandise de valeur supérieure à celle qu'ils avaient demandée, il est bien rigoureux de faire intervenir une sanction pénale.

(4) L'erreur commise par la Cour de Paris, dans l'arrêt cassé par la Cour de cassation, était manifeste. Il n'était pas possible de poursuivre pour délit de falsification de marchandises un individu qui n'était ni le vendeur ni le préposé du vendeur des marchandises, frauduleusement altérées par lui dans le but d'écarter la concurrence d'une maison rivale. D'un autre côté, le vendeur, qui avait mis en vente cette marchandise altérée, devait être mis hors de cause, à raison de sa bonne foi, le délit de la loi du 1er août 1905 exigeant l'élément de fraude. V. Cass. 9 mai 1908 (Bull. crim., n. 188); 13 févr. 1909 (S. et P. 1911.1,417;

quels était requise l'application de l'art. 3 du décret du 11 mars 1908, l'arrêt attaqué a formellement violé ce texte; Casse l'arrêt rendu le 11 mars 1910 par la Cour d'appel de Bordeaux, etc. Du 3 nov. 1910. Ch. crim. MM. Bard, prés.; Bourdon, rapp.; Blondel, av, gén.

CASS.-CRIM. 9 novembre 1912.

1 ET 30 VENTE DE MARCHANDISES OU VENTE COMMERCIALE, LOI DU 1er AOUT 1905, LAIT, FALSIFICATION, DETERIORATION, QUALIFICATION DIFFÉRENTE, CASSATION, PEINE JUSTIFIÉE (Rép., vo Fraude commerciale, n. 63 et s.; Pand. Rép., vo Tromperie sur les marchandises, n. 189 et s.). 2o DÉGRA DATION OU DESTRUCTION DE MARCHANDISES OU EFFETS MOBILIERS, LAIT, DETERIORATION (Rép., v Destructions, dégradations et dommages, n. 28 et s.; Pand. Rép., vo Dégradations).

1o Le fait par un garçon livreur au service d'une laiterie d'avoir, en vue d'écar ter la concurrence du garçon livreur d'une autre laiterie, introduit de la presure en poudre dans des pols de lait livrés par ce dernier à une crémière et que celle-ci a vendus de bonne foi, ne constitue pas une fraude commerciale tombant sous l'application de la loi du 1er août 1905 (4) (L. 1er août 1905, art. 1er).

20 Mais ce fait constitue le délit de détérioration de marchandises, prévu par l'art. 443, C. pén. (5) (C. pén., 443).

3o Et, l'art. 8 de la loi du 1er août 1905 prescrivant que les poursuites exercées en vertu de cette loi devront être continuées et terminées en vertu des mêmes textes, il y a lieu de casser, nonobstant la disposition de l'art. 411, C. instr. crim., l'arrêt qui qualifie inexactement de délit de falsification le fait incriminé (6) (C. instr. crim., 411; L. 1er août 1905, art. 8).

Pand. pér., 1911.1.417); 25 févr. 1910 (Bull. crim., n. 100); Chesney et Roux, Tr, sur les fraudes et falsif., t. 1, n. 198 et s. Avec plus de raison, la Cour de cassation a aperçu dans les faits les éléments d'une autre infraction: celle de la détérioration de marchandises, prévue par l'art. 443, C. pén. V. la note qui suit.

(5) Il est généralement reconnu que l'expression de marchandises, que contient l'art. 443, C. pén., doit être prise dans sa signification la plus large, et appliquée à toute chose qui fait l'objet d'un commerce. V. notre C. pén, annoté, par Garçon, sur l'art. 443, n. 8.

(6) Quoique la peine prononcée en l'espèce par la Cour de Paris rentrât dans les limites de la répression du véritable délit commis par le prévenu, la Cour de cassation n'a pas cependant fait intervenir sa théorie de la peine justifiée; elle a cassé avec renvoi. Elle a vu un obstacle à l'application de cette théorie dans l'art. 8 de la loi du 1er août 1905 (S. et P. Lois annotées de 1906, p. 153; Pand. pér., 1905.8.249), d'après lequel toute poursuite, exercée en vertu de ladite loi, doit être continuée et terminée en vertu des mêmes textes.

Jusqu'ici, on avait entendu cette disposition comme destinée à empêcher qu'un changement

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