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divisions d'Augereau et de Massena avaient passé à la gauche du fleuve avant la pointe An 5. du jour. Les avant-postes autrichiens furent culbutés, mais on trouva la résistance la plus opiniâtre au village d'Arcole, dont la position était fortifiée naturellement au milieu des marais et des canaux profonds qu'on avait garnis d'artillerie. Ce village arrêta une partie de l'armée pendant toute la journée En vain les généraux, sentant que la prise de ce poste décidait du succès de la bataille, se précipitaient à la tête des colonnes, pour braver avec elles le feu de l'ennemi : les généraux Verdier, Bon, Vernes, Lannes furent mis hors de combat. Augereau, empoignant un drapeau, se porte sur un pont qu'il fallait absolument franchir pour emporter le village; il est forcé de reculer. Bonaparte, témoin des difficultés qu'éprouve le passage du pont d'Arcole, ordonne au général Guieux de descendre l'Adige avec un corps de deux mille hommes; de passer ce fleuve, sous la protection de l'artillerie légère, à un bac qui se trouvait à deux milles au-dessous de Ronco, vis-à-vis d'Albaredo, et de tourner le village d'Arcole. Cette marche était longue, et la journée avançait vers sa fin.

Bonaparte, avec son état-major, se porte sur le front de la division d'Augereau; il s'avance à la tête des grenadiers pour forcer

le même passage. Le pas de charge sonne. On 1797. était à trente pas du pont, lorsque le feu terrible de l'ennemi le rompit. Bonaparte luimême fut renversé dans un marais d'où, sous le feu des Autrichiens, on eut beaucoup de peine à le retirer. La colonne se rallia bientôt ; mais la nuit, qui s'avançait, ne permettait plus de renouveller l'attaque. Le général Guieux, traversant l'Adige avec la plus grande rapidité, avait attaqué de revers le village d'Arcole ; il y pénétra, quoique l'attaque fût abandonnée, et en sortit au milieu de la nuit, conduisant avec lui quelques centaines de prisonniers et quatre pièces de canon.

La bataille recommença le lendemain, et fut soutenue de part et d'autre avec l'opiniâtreté la plus héroïque. La nuit força encore les combattans à se séparer, sans que la victoire se fût déclarée pour l'un ou l'autre parti.

Une nouvelle attaque avait été combinée pour le 27. Massena devait se porter sur la gauche, et Augereau attaquer de front le village d'Arcole, tandis que la plus grande partie de la garnison de Porto-Legnago, favorisée par un train d'artillerie considérable, établirait une diversion sur les derrières de l'ennemi.

La colonne de Massena trouva moins de résistance; mais celle d'Augereau, repoussée de nouveau au pont d'Arcole, se retirait avec

quelque désordre vers Ronco, lorsqu'ayant reçu un renfort considérable de la division de AN 5. Massena, on attaqua de nouveau l'ennemi,

qui, se voyant tourné par sa gauche, abandonna le champ de bataille, et fit sa retraite sur Vicence.

Cependant l'aile gauche de l'armée française avait été forcée à la droite de l'Adige. Le général Davidowick, s'étant emparé du poste important de Rivoli, s'avançait jusqu'à Castello-Nuovo, à huit lieues de Mantoue. Bonaparte profitant de la déroute d'Alvinzi, dont l'armée était dispersée, ordonne à la division de Massena de repasser l'Adige, et de se réunir à celle de Vaubois. Davidowick est attaqué le 1.er frimaire, et poursuivi le long de l'Adige jusqu'aux montagnes du Tyrol. Le maréchal Trivulce appelait la journée de Marignan une bataille de géans. Il eût sans doute donné ce nom à un combat qui dura quatre jours, avec un acharnement dont il n'est presque point d'exemple dans l'histoire. Davidowick se retira derrière l'Arisio, et Alvinzi derrière la Brenta; mais ses troupes étaient tellement effrayées que, sans la connivence du sénat de Venise, jamais il ne fût venu à bout de les rassembler.

Bonaparte, de retour à Milan, en informait le directoire en ces termes : « Le sénat de Venise ayant accablé de soins le général Al

VII.

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vinzi, j'ai cru devoir prendre de nouvelles

1797. précautions, celle de m'emparer du château de Bergame, qui domine la ville de ce nom, afin d'empêcher les postes ennemis de gêner nos communications de l'Adda à l'Adige. Cette province de Venise est mal intentionnée à notre égard. Il y avait dans la ville de Bergame un comité chargé de répandre les nouvelles les plus ridicules sur le compte de l'armée. C'est sur le territoire de cette province qu'on a le plus assassiné de nos soldats, et c'est de là qu'on favorisait la désertion des prisonniers autrichiens. Quoique l'occupation de la citadelle de Bergame ne soit pas une opération militaire, il n'en a pas fallu moins de talent et de fermeté pour réussir. Le général Baraguay-d'Hilliers, que j'en avais chargé, s'est dans cette occasion parfaitement conduit. Je vais lui donner le commandement d'une brigade, et j'espère qu'aux premières affaires il méritera sur le champ de bataille le grade de général de division.

Dans ces différens combats, on fit à l'ennemi environ cinq mille prisonniers; on leur prit dix-huit pièces de canon et quatre drapeaux. Du côté des Français, presque tout l'état-major avait été tué ou blessé. Bonaparte écrivait au directeur Carnot: Jamais champ de bataille n'a été aussi disputé que celui d'Arcole. Je n'ai presque plus de généraux. Le

général de brigade Lannes voulut combattre, quoiqu'il ne fût pas encore guéri de la bles- AN 5. sure qu'il avait reçue à Governolo; il était, à trois heures après midi, étendu sur son lit, souffrant cruellement, lorsqu'apprenant que je me portais moi même à la tête de la colonne, il remonte à cheval et vient auprès de moi ; il reçut, à la tête du pont d'Arcole, un coup qui l'étendit sans connaissance.

Parmi les officiers moissonnés par la mort dans cette journée, on distingua le jeune Biron, aide-de-camp de Bonaparte, et qui reçut le coup mortel à côté de ce général, à quarante pas du pont d'Arcole. Il avait servi depuis les premiers jours de la révolution dans le corps de l'artillerie, et s'était distingué au siège de Toulon; il y fut blessé en entrant par une embrâsure de canon dans la principale redoute anglaise.

Son père avait été fermier-général, il partageait alors la captivité de ses confrères, et se voyait sur le point de subir avec eux le sort fatal qui leur était destiné. Le jeune Biron se présente à la convention nationale et au comité révolutionnaire de sa section; ses larmes et son éloquence auraient été sans doute infructueuses, mais son sang répandu parlait si hautement en sa faveur, qu'il obtint la liberté de son père. Bonaparte, rendant un éclatant témoignage aux talens et au courage des offi

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