ce système sont inadmissibles, c'est que le système lui-même est vicieux et doit être rejeté. D'ailleurs, comment admettre que les rédacteurs du Code aient omis de retoucher l'article 1094, en supposant qu'ils aient toujours conservé l'intention d'en faire le pendant des articles 913 et 916 relatifs à la quotité disponible ordinaire ? 3o Enfin, la discussion de l'art. 1098 au Conseil d'État n'a rien de concluant, car si certains orateurs semblèrent attribuer à l'art. 1094 un sens extensif, d'autres lui attribuèrent positivement un sens restrictif du disponible ordinaire. Le second système est, du moins encore, plus généralement adopté que le premier 1. Il paraît singulier que le Code, après avoir autorisé une quotité disponible d'un quart en pleine propriété et d'un quart en usufruit, ajoute que cette quotité pourra être de moitié de l'usufruit seulement. Mais cette disposition se comprend par cette pensée du législateur, de limiter à la moitié des biens la libéralité même de simple usufruit qu'un époux peut faire à son conjoint; par là il prévient la difficulté d'évaluer à sa valeur réelle l'usufruit qui porterait sur une plus grande somme de biens que ceux qui peuvent être donnés ou légués en pleine propriété. Lorsque l'un des époux a disposé de l'usufruit de la moitié de ses biens en faveur de son conjoint, peut-il disposer encore, au profit de l'un de ses enfants ou d'un étranger, du quart en nue propriété complétant la quotité disponible fixée par l'art. 1094? Cette question est des plus controversées. Les uns voient dans la quotité de l'art. 1094 une faveur personnelle aux époux et dont eux seuls peuvent profiter. En conséquence, ils se prononcent pour la négative. Les autres disent que l'époux donateur pourra toujours atteindre la limite extrême de cette quotité, par la raison qu'il est censé avoir voulu d'abord imputer la libéralité faite à son conjoint 1 V. Dalloz, Rép., vo. Disp. entre-vifs et test., n. 814 et suiv. sur le disponible particulier aux époux, et se réserver la libre disposition au profit de ses enfants ou même d'un étranger de la différence qui existe entre ce disponible exceptionnel et le disponible ordinaire. Cette dernière opinion nous paraît plus conforme à l'intention de l'époux donateur et, comme aucun texte ne la condamne, nous l'adoptons 1. Dans le troisième cas, c'est-à-dire quand l'époux disposant a laissé des enfants d'un premier lit, la quotité disponible vis-à-vis de son conjoint est beaucoup plus faible; elle ne peut jamais excéder ni le quart des biens, ni même une part d'enfant le moins prenant, dans le cas où celle-ci serait inférieure au quart. La part d'enfant qui peut être attribuée au nouveau conjoint se calcule eu égard au nombre des enfants que le de cujus a laissés à son décès, et qui ont accepté sa succession. En effet, il faut être héritier pour avoir droit à la réserve, ainsi que nous l'avons précédemment expliqué. Comment doit-on entendre l'article 1098, lorsqu'une personne ayant des enfants d'un premier lit a contracté successivement plusieurs mariages? L'ancienne jurisprudence décidait que tous les conjoints réunis ne pouvaient jamais prétendre qu'à une part d'enfant le moins prenant. Il résulte de la discussion du Code que cette sage disposition a été maintenue. La quotité disponible entre époux, quand il y a des enfants d'un premier lit, est restrictive de la quotité disponible ordinaire, parce que les seconds mariages sont vus avec défaveur. Le législateur craint que l'affection des nouveaux époux l'un pour l'autre n'affaiblisse ou ne détruise celle due aux enfants issus du premier mariage. Comme les dispositions que nous venons d'expliquer ont été établies dans l'intérêt de ces enfants, eux seuls peuvent intenter l'action en réduction. Cass., 1 Sic Colmet de Santerre, t. IV, n. 281 bis. Aubry et Rau, t. V, § 689, p. 613 et 614, note 19. Contrà, Troplong, n. 2599 et suiv. 2 août 1853. S'ils meurent avant le disposant, ou s'ils renoncent à sa succession, les libéralités que l'époux marié en secondes noces a faites à son conjoint restent inattaquables. Si la réduction est opérée, il va sans dire que les enfants communs en profitent; car toute succession se partage également entre les enfants de la même ligne, qu'ils soient issus ou non du même mariage 1. Pour sanctionner les prohibitions qui précèdent, le Code a établi des présomptions de fraude, en vertu desquelles sont annulées les libéralités qui paraissent faites contrairement à ces prohibitions. L'article 1099 a donné lieu à diverses interprétations. Dans un premier alinéa, il déclare que les donations indirectes ne peuvent excéder la quotité disponible, et, dans un deuxième alinéa, que les donations déguisées ou faites à personnes interposées sont nulles. Faut-il voir, dans ces deux manières de s'exprimer, deux théories différentes ou une seule ? Les uns sont pour la première opinion: la loi, disent-ils, devait frapper d'une nullité absolue les donations cachées du second alinéa, puisque, par leur nature même, elles sont plus propres à échapper aux règles de la quotité disponible. Au contraire, on comprend que les donations du premier alinéa soient seulement réductibles, puisque, n'ayant rien de caché, elles ne méritent pas d'être si sévèrement traitées. D'ailleurs, dit-on, le second alinéa de l'article 1099 serait inutile, s'il n'avait pas un sens différent du premier 2. Les autres prétendent que le second alinéa n'est que le développement du premier : le mot indirectement aurait pu recevoir une application trop étroite, et le Code a voulu la prévenir. D'ailleurs, il faut interpréter la loi par son intention; or, ici, elle a évidemment voulu protéger les héritiers 1 Aubry et Rau, t. V, § 690, p. 680. Troplong, IV, n° 2723. 2 G. Demante, Rec. de l'Acad. de lég. de Toul., t. IV, p. 22. de Santerre, t. IV, n. 279 bis, II, Grenoble, 29 nov. 1862. - Colmet à réserve contre des donations excessives; mais, comme l'action en réduction suffit à cette protection, la nullité complète dépasserait le but, et il faut la rejeter 1. Il y a présomption d'interposition de personnes, toutes les fois que la donation est faite aux enfants d'un premier lit ou aux personnes dont le conjoint du donateur était l'héritier présomptif au moment de la donation. Au surplus, peu importe que l'époux du donateur ait été ou non l'héritier réel du donataire : la donation sera valable, pourvu qu'au moment où elle a été faite il ne fût point son héritier présomptif; comme aussi elle serait nulle si, ayant été son héritier présomptif, il ne lui avait pas cependant survécu et par conséquent succédé. Aux termes de l'art. 1350, les présomptions ci-dessus ne sont pas susceptibles de preuve contraire. LIVRE III, TITRE III. Des contrats ou des obligations conventionnelles en général, Décrété le 7 février 1804; promulgué le 17 du même mois. CHAPITRE PREMIER DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES. ART. 1101. Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. 1102. Le contrat est synallagmatique ou bilatéral lorsque les contractants s'obligent réciproquement les uns envers les autres. 1103. Il est unilatéral lorsqu'une ou plusieurs personnes sont obli 1 Zachariæ, édit. Massé, t. III, § 461. Lyon, 18 nov. 1862. gées envers une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces dernières il y ait d'engagement. 1104. Il est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne, ou de ce qu'on fait pour elle. Lorsque l'équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte pour chacune des parties, d'après un événement incertain, le contrat est aléatoire. 1105. Le contrat de bienfaisance est celui dans lequel l'une des parties procure à l'autre un avantage purement gratuit. 1106. Le contrat à titre onéreux est celui qui assujettit chacune des parties à donner ou à faire quelque chose. 1107. Les contrats, soit qu'ils aient une dénomination propre, soit qu'ils n'en aient pas, sont soumis à des règles générales, qui sont l'objet du présent titre. Les règles particulières à certains contra's sont établies sous les titres relatifs à chacun d'eux; et les règles particulières aux transactions commerciales sont établies par les lois relatives au commerce. Observation. - Nous avons vu, dans le tome Ier, que les droits se divisent en droits RÉELS et droits PERSONNELS, et nous avons en même temps indiqué les principales différences qui les séparent. Le livre II du Code a été consacré à la théorie des divers droits réels, ou du moins des plus importants, tels que la propriété, l'usufruit, l'usage, l'habitation et les servitudes. Le titre que nous allons étudier contient celle des droits personnels ou des OBLIGATIONS. DEFINITION de l'OBLIGATION. - L'obligation est un lien de droit par lequel une personne est astreinte, envers une autre, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. Celui au profit duquel existe l'obligation s'appelle créancier, et celui qui est tenu de l'exécuter s'appelle débiteur. On dit que l'obligation est un lien de droit, parce que le créancier peut contraindre le débiteur à remplir son engagement. On ap pelle action, l'instrument que la loi met entre les mains du créancier pour obtenir son payement. L'action s'exerce par une demande en justice, qui est suivie d'un jugement, lequel, à son tour, est exécuté avec l'assistance de la force pu |