tionné les productions, agrandi et accéléré le cours des prospérités sociales. Outre ces diverses industries qui tendent toutes à obtenir des produits physiques, il en est d'accessoires qui consistent dans les soins à prendre de certains intérêts des producteurs et des consommateurs, par exemple, de leur santé, de leurs affaires, de leurs droits civils, de leur instruction; de la culture et des plaisirs de leur intelligence. Tels sont les services que la société reçoit ou espère des médecins, des jurisconsultes, des instituteurs ou professeurs, des écrivains, des artistes, tous hommes qu'il convient de compter parmi les producteurs, si en effet ils aident ou enseignent à produire, et s'il est sûr qu'on produirait moins sans le secours de leurs industries auxiliaires. En général, et à fort peu d'exception près, tout membre de la société est à la fois consommateur et producteur : cette distinction conçue comme une division de la population en deux classes, est extrêmement erronée. Des capitalistes, des rentiers sont des producteurs, puisqu'ils fournissent ou ont fourni les produits accumulés qui servent à reproduire. Les dépositaires même ou agens de l'autorité, les fonctionnaires civils et militaires, si leurs ser vices ne sont ni malfaisans, ni superflus, ni chimériques, deviennent réellement les gardiens des propriétés, les protecteurs des travaux, et par conséquent de vrais coopérateurs : ils remplissent des tâches importantes, indispensables, dans ce laboratoire immense dont la société offre aujourd'hui le spectacle. Un tyran, doué d'un rapide instinct ou d'une vaste pénétration, a dû concevoir l'idée de se faire l'entrepreneur ou directeur universel de tous les travaux, de transformer tous les travailleurs en employés, d'assigner à chacun sa tâche et ses salaires, d'assujettir les mouvemens de l'industrie à des lois communes, et de les comprendre tous dans la sphère de l'adminis tration politique. Quelque gigantesque que soit ce système, il est pourtant le seul capable d'établir le parfait despotisme dans un pays où les arts commenceraient à faire des progrès. Aussi voyons-nous que durant les siècles d'esclavage, si l'on ne s'est pas élevé tout-à-fait jusqu'à ce système, on s'en est rapproché le plus possible, à force d'environner d'obstacles presque tous les efforts de l'industrie. Nous allons distinguer jusqu'à dix expèces d'entraves imaginées pour la comprimer, et nous ne sommes pas sûrs de n'en oublier aucune mais celles qui ne seraient pas comprises dans ces dix classes, auraient, sinon les mêmes formes, du moins les mêmes caractères et les mêmes effets. Avant d'entamer ce détail, nous devons avouer que l'état présent des habitudes, des opinions, et surtout des pratiques administratives, ne permet guère à l'industrie d'espérer prochainement sa complète délivrance. Elle n'a sujet d'accuser le pouvoir que lorsqu'il s'avise ou de la surcharger de nouveaux liens, ou de renouer ceux qui s'étaient rompus, ou de resserrer plus étroitement ceux qui subsistent. On a quelquefois interdit comme nuisibles, non pas seulement les industries bien peu nombreuses dont les produits étaient naturellement pernicieux, ou dont les procédés entraînaient des périls imminens, mais encore celles dont on feignait de redouter pour la société les abus, les inconvéniens, les conséquences indirectes; et, comme en effet il y en a un très-grand nombre dont il est fort possible d'employer abusivement les procédés ou les produits, nous voyons que rien ne gênerait le pouvoir, s'il lui suffisait, pour en proscrire quelqu'une, de prévoir les effets accidentels qu'elle peut amener. N'ayez peur qu'il inter dise les plus contraires aux bonnes mœurs et à l'honnêteté publique; mais il prohiberait les plus honorables si elles lui semblaient menacer les intérêts particuliers qu'il s'est créés à luimême. D'autres lui paraîtront bonnes à maintenir, mais trop critiques, trop délicates pour être indifféremment abandonnées à quiconque voudra les exercer. Il ne les permettra qu'à ceux qui auront subi certaines épreuves, donné certains gages de leur habileté et de leur fidélité. Nous n'hésiterions guère à dire que loin de préserver la société d'aucune espèce d'impéritie ou de fraude, ces probations ne serviront le plus souvent qu'à donner du crédit à l'ignorance, des titres au charlatanisme; qu'elles se réduiront à de vaines formalités et à des prestations pécuniaires : car on ne pourra pas négliger de si belles occasions de recueillir quelque argent au profit de l'autorité suprême, ou d'un ordre quelconque de préposés, ou de je ne sais quelle corporation gothique. Cependant les peuples semblent tellement accoutumés à ce régime, que beaucoup d'imaginations s'alarmeraient vivement s'il redevenait permis de s'intituler médecin, pharmacien, homme de loi, sans avoir soutenu des thèses et payé des diplômes. Passons donc ce point, à condition que ces épreuves ne seront pas trop chères et qu'elles ne rendront jamais ces professions inaccessibles à ceux qui s'y seront plus raisonnablement préparés. : Une troisième pratique est de limiter le nombre des personnes à qui une industrie sera permise. Pour le coup, voilà bien transformer en offices publics des professions particulières, et confondre à plaisir ce qu'il est toujours facile de distinguer. Que l'autorité fixe le nombre des officiers qu'elle institue, rien n'est plus simple mais comment lui appartient-il d'instituer des manufacturiers, des voituriers, des ouvriers, des artistes? Qu'est-ce, par exemple, qu'un imprimeur, sinon un artiste qui entreprend pour son compte ou pour le compte d'au. trui, de multiplier les copies des productions littéraires? Pourquoi, par des priviléges réservés à quelques personnes, abolir le droit commun que nous avons tous d'embrasser, à nos risques et périls, l'une ou l'autre de ces professions? à quel titre prétendrait-on circonscrire et diriger tous les travaux humains, depuis les plus hautes entreprises jusqu'aux humbles services pour lesquels l'enfance et l'indigence obtiennent les plus modiques salaires ? N'est-il |