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choses possédées, pour qu'en constituant les droits garantis, nous pussions, du même coup, constituer dès aujourd'hui la transmissibilité sans limites à travers le temps. En l'investissant, dans cette loi, des conditions d'une possession complète, nous avons donc cru devoir la limiter dans sa durée.

« Nous n'avons mis aucune limite à ses droits; nous lui avons mis une borne dans le temps. Le jour où le législateur, éclairé par l'épreuve qu'elle va faire d'ellemême, jugera qu'elle peut entrer dans un exercice plus étendu de ses droits naturels, il n'aura qu'à ôter cette borne; il n'aura qu'à dire toujours, où notre loi a dit cinquante ans, et l'intelligence sera émancipée. >>>

La loi fut définitivement rejetée le 2 avril 1841, à la majorité de 154 voix contre 108. Ce qui amena ce résultat paraît être la conviction qui s'était emparée de la Chambre, qu'en effet, la nature de la propriété intellectuelle n'était pas encore suffisamment étudiée et définie, et qu'en pareille situation il convenait d'ajourner une nouvelle réglementation législative.

Voilà donc, sur cette matière, tous les faits de quelque valeur qui se sont produits en France. Il nous reste à passer en revue, mais plus rapidement encore, ceux de même nature que peut offrir l'histoire littéraire des pays étrangers. Nous avons dû commencer par notre pays, non pour céder au sentiment naturel du patriotisme, mais parce que sur ce point, comme sur tant d'autres, notre histoire est la plus complète, la plus instructive. C'est chez nous que s'est élevée, qu'a été scrutée, débattue d'abord, la haute question qui nous occupe. Quelles que soient nos vicissitudes politiques, durant l'enivrement de nos grandeurs ou l'humiliation de nos revers et de nos affaissements momentanés, dans la paix ou dans la guerre, aux yeux de l'Europe et du monde, ça toujours été, ce sera longtemps encore, nous l'espérons, la glorieuse destinée de notre patrie, d'être la grande initiatrice des peuples à la vie sociale, d'offrir la représentation la plus complète du cours de la civilisation générale.

Notre préférence était donc légitime sous tous les rapports, et nous pouvons nous écrier, comme autrefois un illustre professeur, célèbre à bien d'autres titres: J'ai eu raison de choisir la France 1!

Mais c'est aussi justice dans la circonstance, immédiatement après la France, l'Angleterre. Là, comme chez nous, le droit de propriété des auteurs sur leurs œuvres paraît avoir existé, en vertu du droit commun, avant toute disposition législative spéciale. A cet égard, Richard Godson, dans son Traité des lois sur les patentes

pour inventions et sur le droit de copie, etc. 2, s'exprime ainsi : « Il suffira de dire qu'on admettait autrefois qu'aux termes de la coutume (common law), l'auteur d'un livre avait le droit illimité de disposer, même après la publication, des productions de cette nature de la manière qu'il lui plaisait, et que le statut de la huitième année du règne d'Anne fut fait uniquement pour garantir ce droit, en soumettant à des peines sévères ceux qui usurperaient cette propriété littéraire. >>>

Guizot, Histoire de la civilisation en France, t. I, p. 5. • Regnault, Traduct., Paris, 1826, in-80, p. 199.

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Nous transcrirons ici le titre, le préambule et l'article 1er de ce statut, qui a servi de base à la législation actuelle de l'Angleterre sur le droit des écrivains :

«Acte de la huitième année du règne d'Anne, c. 19, ayant pour objet d'encourager l'instruction en conférant, dans les délais y énoncés, aux auteurs et à leurs acquéreurs, un droit de copie sur les livres imprimés.

<< Considérant que, dans ces derniers temps, les imprimeurs, libraires et autres personnes se sont souvent permis d'imprimer, réimprimer et publier, ou de faire imprimer, réimprimer et publier des livres et autres écrits sans le consentement des auteurs ou propriétaires de cés livres et écrits, à leur grand préjudice, et trop souvent à leur ruine aussi bien qu'à celle de leur famille;

<< Afin d'empêcher ces abus de se renouveler, et d'encourager les hommes instruits à composer et écrire des ouvrages utiles;

<< Plaise à Votre Majesté, de l'avis et du consentement des lords spirituels et temporels des communes composant le Parlement actuel, ordonner et faire décréter, par l'autorité de ce Parlement, les dispositions ci-après:

<< A compter du 10 avril 1710, l'auteur de tout livre ou livres déjà imprimés, qui n'a point transporté à un tiers la copie de ces livres ou de portions d'iceux, de même que les libraires ou imprimeurs, ou toutes autres personnes qui ont acheté ou acquis les copies de livres quelconques, dans le but de les imprimer ou réimprimer, auront le droit et la faculté exclusifs d'imprimer ces livres pendant le terme de vingt et un ans, à partir dudit jour 10 avril, et non au delà; et l'auteur d'un ou de plusieurs livres quelconques déjà composés, mais non imprimés et publiés, ou qui seront, à l'avenir, composés, ainsi que ses concessionnaires, auront la faculté exclusive d'imprimer et réimprimer ces livres pendant le laps de quatorze ans, à courir du jour de la première publication de l'ouvrage, et non au delà, etc. >>>

On contesta que cet acte n'eût eu pour intention et pour effet que de garantir le droit des auteurs pendant un certain temps, plus efficacement que la loi commune, sans avoir entendu limiter la durée de ce droit lui-même. La question soulevée donna d'abord lieu au procès de Thomson contre Collins, qui ne reçut pas de solution définitive, mais bientôt elle se renouvela, en 1769, dans l'affaire Millar versus Taylor; et, à ce propos, non-seulement la durée, mais la nature même de la propriété littéraire furent l'objet d'une discussion profonde. William Murray, comte de Mansfield, et le célèbre commentateur Blackstone furent au nombre des juges.

Je traduis ici le récit des faits tel qu'il est donné par Lowndes dans son Historical Sketch of the law of Copyright'.

« Le libraire Millar acheta en 1729, de Thomson, la propriété de son poëme des Saisons, publié depuis un an environ. En 1763 (c'est-à-dire bien après l'expiration du délai de jouissance de vingt et un ans fixé par le statut de la reine Anne), Taylor, le défendeur, publia une autre édition de cet ouvrage. Millar, par suite de ce fait, porta une action en dommages contre Taylor, en se fondant sur le droit de la coutume (common law right), et quoique tous les droits pouvant ressortir du statut fussent expirés depuis 1756 ou 1757. Les arguments produits contre le droit de propriété littéraire furent divisés en trois classes :

1 Lowndes, p. 42 et suiv.

« 1o D'après sa nature même, le droit en question ne pouvait pas constituer une propriété véritable;

<< 2o A supposer qu'une semblable propriété pût se concevoir, il n'était pas prouvé qu'elle eût jamais existé d'après la coutume;

<< 3o Enfin, alors même qu'il serait prouvé qu'une telle propriété eût existé d'après la coutume, le statut de la huitième année du règne d'Anne, C. 19, l'avait définitivement détruite pour la remplacer par un dreit de jouissance purement temporaire. >>>

Les avocats de Taylor appuyèrent ces divers points de leur système sur tous les arguments qui ont été produits jusqu'à ce jour par les différents adversaires de la propriété littéraire. La cause fut plaidée devant la Cour du Banc-du-Roi, et trois juges sur quatre se prononcèrent en faveur du droit de propriété absolue des écrivains.

La même question se représenta, en 1774, dans une affaire Donaldson et Becker, portée devant la Chambre des pairs, par appel d'une première décision rendue par la Cour de la chancellerie, dans le même sens que l'arrêt de l'affaire Taylor. Mais ici, la Chambre des lords cassa la sentence de la Cour de la chancellerie, en décidant que les auteurs avaient bien sur leurs écrits, d'après la

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