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(V. ad notam). Il nous semble démontré que, se fùt-il agi, dans l'espèce, d'un chemin vicinal supprimé et de l'application de l'art. 19 de la loi de 1836, l'arrêt attaqué a fait une exacte application de la loi, en déclarant que la commune d'Azay ne pouvait s'opposer au droit de préemption exercé par les défendeurs, et que, pour l'incorporation à leur domaine qu'ils ont faite de la parcelle déclassée du chemin, ils n'avaient nul besoin du consentement de la commune. Le pourvoi de celle-ci ne saurait donc être accueilli et l'arrêt attaqué doit être main

tenu.

Un second moyen que l'arrêt ci-après fait suffisamment connaître, était encore proposé dans l'intérêt de la commune.

des députés de la loi de 1812, l'art. 4 ne se
trouvait pas dans le projet; il fut ajouté sur
la proposition de M. Vivien qui craignait de
voir, dans le silence de la loi, une lacune
préjudiciable aux riverains. Or, voici en
quels termes M. Legrand, sous-secrétaire
d'Etat des travaux publics, s'exprimait au nom
du Gouvernement sur la proposition de
M. Vivien: « Nous ne nous opposons pas le
moins du monde à l'article additionnel; mais
je voudrais que la chambre comprît bien que
ce n'est pas une omission de notre part et
que l'amendement ne change pas la législa-
tion actuelle, mais la confirme simplement.
L'art. 53 de la loi de 1807 s'applique à toutes
les voies publiques, aux routes royales, aux
routes départementales, aux chemins vici-
naux. Dans l'exécution de cette loi, nous
avons toujours reconnu aux riverains des
voies publiques le droit d'acheter par privi-
lége le terrain délaissé. M. Vivien établit de
nouveau ce droit par son amendement. Cet
amendement est la consécration d'un prin-
cipe existant, non introduction d'un prin-
cipe nouveau c'est à ce titre que nous y
adhérons. Après une pareille déclara-
tion et l'argumentation qui l'a précédée,
nous n'ajouterons plus rien pour établir
que le texte et l'esprit de la loi condui-
sent nécessairement à l'interprétation que
nous avons donnée de l'art 19 de la loi de
1836. Il nous suffit de montrer en peu de
mois que cette interprétation est la seule
conforme aux principes sur lesquels repose le
droit de préemption, ainsi qu'au but d'utilité
publique que le législateur, en consacrant ce
droit, s'est efforcé d'atteindre. Ainsi, d'une
part, le droit de préemption dérive, suivant
la juste remarque de M. le comte Roy, de
ce que l'établissement du chemin a eu lieu
aux dépens des propriétaires riverains à qui,
dans l'intérêt de la viabilité publique, on
avait imposé une cession de partie de leurs
propriétés, et de ce que, le chemin étant sup-
primé, il est juste de rendre aux propriétai-
res riverains le terrain qu'ils avaient été for-
cés d'abandonner. Ce droit se fonde, d'autre
part, comme l'a dit fort bien encore M. Roy,
sur ce qu'il ne serait pas tolérable que, par
suite de la suppression du chemin, des étran-
gers pussent venir s'établir au milieu de l'hé-
ritage du propriétaire riverain et quelquefois
même jusqu'au milieu de sa cour. Eh bien!
que ce soit la commune ou tout autre
étranger qui vienne s'établir entre les fonds
riverains d'une voie, est-ce que les incon-
vénients d'un tel voisinage ne sont pas
manifestes? Ne seraient-ils pas même des
plus graves, si la parcelle délaissée de ter-
rain était l'objet d'une jouissance commune
des habitants? A quelque point de vue
qu'on se place, notre thèse est donc plei-
nement justifiée, et si, comme nous l'a-
vons dit en commençant, elle est combat-n
tue par plusieurs auteurs dont l'autorité est
invoquée par la commune, elle a pour elle
des autorités non moins recommandables

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen : Attendu que le règlement fait le 27 sept. 1834 par le préfet du département d'Indre-et-Loire, avec l'approbation du ministre de l'intérieur, en vertu de l'art. 21 de la loi du 21 mai 1836, a établi dans son a art. 289, conformément au principe posé dans l'art. 53 de la loi du 16 sept. 1807 et reproduit dans les lois postérieures sur la matière, que lorsque les chemins vicinaux auraient plus que la largeur légale, les propriétaires riverains pourraient être autorisés par mesure d'alignement à avancer leurs constructions jusqu'à l'extrême limite de cette largeur, sauf à payer la valeur du terrain; Attendu que ce droit accordé aux propriétaires riverains sur la partie du chemin qui cesse d'avoir une destination d'intérêt général, est fondé sur les plus puissantes considérations déduites de la situation des riverains, et notamment de l'existence des servitudes légales qu'ils avaient sur la voie publique;-Attendu qu'un arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 31 déc. 1856, pris en exécution du règlement susénoncé, avait, sur les délibérations des communes intéressées, classé au nombre des chemins vicinaux d'intérêt commun le chemin n. 37 d'Azay à Loches et fixé sa largeur à 6 mètres, que cette fixation de largeur ayant pour conséquence le retranchement d'une portion du terrain de la voie publique, le préfet a donné, par un second arrêté du 8 août 1862, aux époux de Lagrange, propriétaires riverains, un alignement qui les a autorisés à s'avancer sur cette bande de terrain jusqu'à la limite du chemin rectifié pour les constructions qu'ils se proposaient d'y élever à l'effet de clore leurs propriétés limitrophes; Attendu que cet arrêté d'alignement n'était que l'exécution, prévue par le règlement du 27 sept. 1854, des mesures relatives au redressement et à la fixation de largeur du chemin d'Azay à Loches, lesquelles avaient été prises sur délibération de la commune intéressée; qu'il emportait virtuellement la cession, au profit des époux de Lagrange qui la réclamaient, de la portion retranchée de la voie publique ;-Que, d'après

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l'art. 53 de la loi du 16 sept. 1807 qui a dis posé pour ce cas, il ne restait plus qu'à faire fixer par des experts la valeur due par les époux de Lagrange du terrain qu'ils étaient autorisés à occuper par leurs constructions, mais que la nécessité de cette e estimation n'empêchait pas la prise de possession immédiate des époux de Lagrange, et qu'en jugeant, dans cet état des faits, qu'ils avaient pu disposer du terrain à eux délaissé, la Cour impériale d'Orléans n'a violé ni la loi du 21 mai 1836, ni aucune autre loi;

Sur le deuxième moyen, pris du défaut de soumission faite par les époux de Lagrange de payer le terrain :-Attendu que ce moyen est nouveau; que, d'ailleurs, il serait repoussé par les motifs donnés à l'appui du rejet du premier moyen;-Rejette, etc.

Du 25 fév. 1867. - Ch. civ. MM. Pascalis, prés.; Quénault, rapp.; Blanche, av. gén. (concl. conf.); Brugnon et Groualle, av.

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LEGS, CONDITION, VIDUITÉ.

La condition de viduité imposée par un mari à sa femme survivante, pour qu'elle puisse profiter des libéralités contenues dans son testament, n'est contraire ni à la loi ni

(Bernard C. Bernard.)

et

Le tribunal de Périgueux avait, par jugement du 30 août 1865 considéré comme nulle la condition de viduité imposée par le sieur Bernard à la dame Bernard, son épouse, dans la clause' de son testament qui l'instituait sa légataire. Ce jugement 'était ainsi motivé : — « Attendu que le mariage est, à tout âge, un acte la liberté naturelle, le complément de la destinée humaine, l'exercice d'un droit dont chacun doit pouvoir disposer pleinement, volontairement, à ses risques et périls: Attendu que, si le célibat, en lui-même, libre et volontaire, n'a rien de contraire à la morale et à l'ordre public, cependant, lorsqu'il est imposé contre la volonté, il devient illicite, parce qu'alors on porte atteinte à la liberté de l'homme, à la loi naturelle et morale du mariage, en un mot à l'ordre public et aux mœurs, et que de pareilles conditions doivent être I réputées crites en conformité des dispositions non écrites, en de l'art. 900, C. Nap.; Attendu qu point de vue de la liberté naturelle et morale, la liberté de contracter un second mariage ne doit pas être moins entière que celle de former une première union; Attendu, dans l'espèce, que la clause qui impose à la dame Claude Bernard la condition de viduité, ne peut se justifier par aucun motif sérieux'; ni par l'intérêt de la legataire, ni par enfants, ni par une prévoyance légitime du testateur, etc.»

à la morale, et doit dès lors être respec- qu'elle ne s son ni par l'avenir des

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alors surtout que rien n'autorise

tée (1),
à penser que le testateur ait été inspiré par
un motif répréhensible (2). (C. Nap., 900.)

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(1-2) C'est une question fort grave et trèscontroversée que celle de savoir si la condition de pas as se marier, imposée par un téstateur à son légataire, doit être réputée non écrite comme contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs. Le dernier arrêt intervenu sur cette question a été

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test., t. 1, n.
donne pour

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.-M. Duranton, t. 8, n, 128. de cette distinction, qu'en ge

le convol est moins

qu'un preauteur ne re

néral
mier mariage. Toutefois,
garde la condition de viduité comme licite qu'a
tant qu'elle

est

"

imposée dans des vues afte

rèndu par la Cour de Paris le 1er avril 1862; 1 bizarre Puis il'

juge que cette condition n'est pa
pas absolument
nulle par elle-même, et qu'il appartient aux juges,"
appréciateurs des circonstances, de décider s'il
y a lieu ou non de l'annuler, selon qu'elle a
été dictée au testateur par un calcul mauvais et
un acte purement arbitraire, ou u par un sentiment
honnête. (V. sous cet arrab
rapporté P.1862.949.

S.1862.2.145, los annotations détaillées d

MM. Labbé et Dutruc et le relevé complet de la
doctrine et de la jurisprudence).—Quoi qu'il en
soit, les arrêts et les auteurs, même ceux qui ré-
putent non écrite la condition'de ne pas
as se marier,
sont presque unanimes pour considérer comme va-
lable la condition de viduité apposée à
un legs.
V. Toulouse, 25 avril 1826; Lyon, 22 déc. 1829,
Rouen, 16 juill. 1834 (P. chr.S.1834.2.443);
Poitiers, 14 juin 1838 (P.1838.2.459. S.1838.
2.373); Pau, 21 déc. 1844 (P.1845.2.324.S.
1845.2.454); Donai, 11 janv. 1848 (P.1848.2.
290.-S.1848.2.437, implic.),
), et 19 janv.
7.1861
(P.1861.563. S.1861.2.472, implic.); Mont-
pellier, 14 juill. 1858 (P. 1859.130.-S.1859.2. |
305), et la note. Adde M. Demolombe, Donat. et

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utiles et et non par suite d'un caprice of caprice précise encore cette dernière 'restriction restriction en disant Nous considérons la condition comme licite, en un mot, quand elle est imposée à une personne ayant des enfants par le conjoint ou les parents de celui-ci. Alors le motif est sensible: le donateur ne veut pas que ses biens passent t dans une famille étrangère. Celte doctrine, comme on le voit, se rapproche de celle de l'arrêt précité de' Cour de Paris de 1862, puisqu'elles aboutissent l'une et l'autre à faire dépendre des circonstances fa validité ou la nullite de la condition imposée, soit

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2009

soit dans l'affection du donateur pour sa famille personnelle, n'a rien de contraire à la morale; que d'ailleurs rien n'autorise à penser que, dans l'espèce, la, stipulation attaquée ait été inspirée au testateur par aucun condiquée motif répréhensible; Attendu qu'en l'état des faits, la Cour impériale de Bordeaux a pu à déclarer non écrite la condition

passiduité insérée dans le testament de

de

Claude Bernard, sans violer aucunement l'art. 900, C. Nap,; Rejette, etc.

Du 18 mars 1867. -Ch. req.-MM. Bonjean, prés.; Hély-d'Oissel, rapp.; Savary, av. gén. (concl. conf.); Housset, av.

Appel; et le 27 fév. 1866, arrêt infirmatif | par les lois des 5 brum. et 17 Div. an 2, de la Cour de Bordeaux ainsi conçu :-« At- n'est plus aujourd'hui interdite par aucune tendu que l'art. 900, C. Nap., dispose d'une disposition de loi; Attendu, en second manière générale que les conditions con- qui sa juseu, que cette condition, e la légataire, traires aux Τοίς ου PALERUMI 81s seront consi tilication soit dans l'intérêt dérées comme non écrites dans les actes de libéralité entre-vils ou testamentaires Que l'art. 1er de la loi du 5 brum, an 2 et l'art. 12 de celle du 17 niv. d de la même année, qui prohibent expressément la condine pas se remarier, ont été abrogés par l'art. 7 de la loi du 30 vent. an 12, et que leurs dispositions à ce sujet n'ont pas, été reproduites dans le Code Napoléon; que cette condition n' donc pas contraire à la loi; Que si l'art. 900 de ce Code, qui n'a pas défini les conditions qui devaient être, réputées contraires aux mœurs, a, par cela même, laissé aux tribunaux le soin d'appré cier leur moralité, les motifs qui peuvent dicter à un époux celle dont il s'agit sont trop naturels et trop légitimes pour qu'on puisse la considérer comme blessant les principes de la plus saine morale; Attendu, dès lors, que la condition de garder viduité, mise par Claude Bernard, dans son testament olographe du 25 oct. 1862, aux gomme survilibéralités qu'il y a sa diverti ou, détourné au préjudice de ses co1o Le fait, par un heritier, d'avoir, soit vante, est donc valable; que la veuve Ber héritiers, soit dissimulé ou re recélé des effets nard peut d'autant moins en contester l'hon- de la succession, tel qu'il est prévu par l'art. nêteté et la validité, qu'elle l'a acceptée et s'y 792, C. Nap., n'implique pas nécessaireest soumise dans son contrat de mariage, en ment, en l'absence de circonstances précises acceptant la de nature à lui en imprimer les caractères Lui a été faite d'une rente viagère de 1,000 fr. par an, déterminés par la loi pénale, les éléments avec cette même condition; que les premiers constitutifs d'un délit n'est, par lui `juges, en déclarant qu'elle tombait sous la même, qu'un quasi-délit ou une fraude. prohibition de l'art. 900, C. Nap., et devait Par suite, l'action civile en réparation à laêtre réputée, non écrite, en ont méconnu le quelle ce fait peut donner lieu n'est point véritable caractère; Par ces motifs, etc. » prescriptible par trois ans, mais seulement par trente ans (1), (C. Nap., 792, 2262; C. inst. crim., 638.).on

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1

faite d'une nation entre-vifs qui lui a

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POURYOr en cassation par la la veuve Bernard, pour violation de l'art. 900, C. Nap., en ce que l'arrêt a refuse de decl refusé de déclarer non écrite et d'annuler comme contraire à l'ordre public la condition de viduité imposée à la demanderesse par le testament de son mari.. tom ng з,949 9ARKET.b490 al 20019biznes LA COUR-Sur le moyen tiré de la viola tion de l'art. 900, C. Nap.: Attendu que la condition de viduité, imposée par le testateur à sa femme, survivante pour qu'elle puisse profiter de ses libéralités, et prohibée

(1-2) La Cour de cassation avait déjà, par un arrêt du 1er (et non 8) déc. 1848 (P.1850-1.289. -S.1849.1.205), rendu en chambre criminelle, refusé de voir un vol dans le simple reçel ou la simple dissimulation d'un objet de la succession dont le cohéritier recéleur se trouvait de fait, en possession. Y aussi dans le même sens, Mont pellier, 21 nov. 1853 (P.1855.1.41. 2.94); MM. Bourguignon, Jurisp. des God. crim., t. 3, sur l'art, 380, C. pen.; Rauter, Dr. crim., t. 2, n. 507.-Mais l'arrêt de 1848 semble faire des réserves au point de vue de l'abus de confiance, et admettre, dans ses motifs, que, selon

S.1854.

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76 CASS.-Civ. 17 e avril 1867,000

1° SUCCESSION, Recel, PrescRIPTION, PARTAGE.29 ENQUÊTE, ASSIGNATIONS (COPIE D'), REPRÉSENTATION.

672

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Spécialement on ne peut considérer ni comme un vol (à défaut de soustraction frauduleuse, c'est-à-dire de déplacement de la possession contre le gré du propriétaire), ni comme un abus de confiance (en l'absence de preuve d'un contrat de mandat ou de dépot), le fait par un héritier qui, du vivant de l'auteur commun, gérait ses affaires, d'avoir, lors du partage, déclaré des valeurs moindres que celles dont il était réellement nanti et comptable au jour de l'ouverture de la succession (2).i jo omnind

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les circonstances, la détention par le cohéritier, dans l'intérêt t commun de la succession, de valeurs en dépendant, pourrait bien être considéré comme un mandat dont l'abus serait susceptible de tomber sous l'application de l'art. 408, C. pén. (V. anal sous ce dernier rapport, pour le cas de gestion d'une chose commune, Cass. 12 janv. 1866, P.1866.182.-S.1866.4.82). En tout cas, il est certain qu'il y a vol dans le fait, par un cohéritier, d'avoir soustrait frauduleusement une chose dépendant de la succession. V. l'arrêt de Montpellier précité et le renvoi; adde MM. Chauveau et Hélie, Th. C. pen., t. 5, n. 1741.-En ce qui

L'action des héritiers au préjudice desquels un cohéritier a diverti ou recelé des effets de la succession, est recevable encore bien que, lors d'un partage intervenu, les héritiers lésés auraient soupçonné ou connu le recel ou le divertissement: il suffit qu'ils n'aient pas renoncé à cette action (1).

2o La représentation, par les témoins, des copies d'assignations à eux signifiées, satisfait aux prescriptions de l'art. 269, C. proc.; il n'est pas indispensable, en ce cas, que les originaux de ces copies soient également représentés (2).

(Hospices de Bordeaux C. Groullié.)

Le sieur Groullié père est décédé en mars 1851, laissant sa veuve et deux fils, Jules et Adolphe. Depuis 1848, c'était son fils Jules qui administrait sa fortune. Le 30 sept. 1851, un acte liquidatif des créances chirographaires et des valeurs immobilières fut dressé, et les parties reconnurent s'être partagé tous les meubles meublants et tous autres objets pouvant dépendre tant de la succession de Groullié père que de la société d'acquêts ayant existé entre lui et sa femme. Groullié est décédé lui-même en 1861, après avoir légué toute sa fortune aux hospices de Bordeaux.

Jules

En 1862, la veuve Groullié et Adolphe Groullié ont actionné la commission administrative des hospices de Bordeaux à fin de partage de la succession, et, en même temps, pour voir ordonner que sur l'actif net de cette succession, il serait prélevé à leur profit une somme de 237,296 fr., pour leur tenir lieu et les indemniser des détournements dont Jules Groullié s'était rendu coupable à leur préjudice au décès de Groullié père. Plus tard, ils ont articulé des faits tendant à établir ces détournements, faits dont ils ont demandé à faire la preuve, expliquant: 1° que depuis 1848, Groullié père étant devenu infirme et presque aveugle, ses facultés mentales s'étaient affaiblies considérablement, et qu'il n'avait plus été en

touche particulièrement la durée de l'action ouverte par l'art. 792, M. Demolombe, Success., t. 2, n. 502, enseigne, conformément à la doctrine consacrée par l'arrêt ci-dessus, que l'action accordée par l'art. 792 n'est pas soumise à la prescription de trois ans, comme celle résultant d'un délit. C'est aussi ce qui est décidé par les auteurs à l'égard de l'action identique établie par l'art. 1477 pour le cas de recel d'effets de la communauté. V. MM. Rodière et Pont, Contr. de mar., t. 1, n. 843; Troplong, id., t. 3, n. 1698; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 4, § 519, n. 361. Sic, Paris, 24 juin 1843 (P.1843.2.179.-S.1843.2.331); V. aussi Cass. 16 avril 1851 (P.1851.2.513.S.1851.1.526) et Angers, 10 déc. 1851 (P.1854. 1.36.-S.1851.2.678).

(1) C'est ce qui ressort aussi de deux arrêts des Cours de Caen, du 5 juin 1845 (S.1845.2.424), et de Riom, du 10 avril 1851 (P.1852.2.118.-S.

situation de gérer et administrer sa fortune; 2° qu'à cette époque, Jules Groullié, s'étant trouvé seul auprès de son père, s'était emparé de la gestion et de l'administration de sa fortune, et que, depuis lors, jusqu'au partage de 1851, il avait seul perçu les revenus des immeubles et les intérêts des capitaux, réglé et acquitté les dépenses de la maison, reçu les remboursements des capitaux exigibles, et replacé les capitaux à sa guise; 3° que depuis 1848, Jules Groullié avait détenu seul les valeurs mobilières appartenant à son père. La commission administrative a opposé à la demande une fin de non-recevoir tirée de ce que les détournements prétendus auraient constitué soit un vol, soit un abus de confiance, c'està-dire un délit, d'où il résultait que l'action civile en réparation de ce délit a été, aussi bien que l'action publique, prescrite par trois ans (C. inst. crim., 638). Au fond, elle a conclu au rejet de la demande.

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25 fév. 1863, jugement du tribunal de Bordeaux qui repousse la fin de non-recevoir, mais qui, au fond, déclare les faits articulés inexacts et non pertinents; << Attendu, porte le jugement sur le premier point, que l'action civile résultant d'un délit se prescrit en même temps que l'action publique par un laps de trois ans; Mais qu'aux termes de l'art. 380, C. pén., les détournements que Jules Groullié avait commis au préjudice de sa mère n'auraient pu donner lieu qu'à des réparations civiles;-Qu'en ce qui concerne Adolphe Groullié, ils ne présenteraient past non plus les caractères d'un délit; que les valeurs de la succession de Groullié père étaient détenues par Jules Groullié, au moment du partage de 1851, comme copropriétaire et cohéritier, sans qu'il apparaisse aucune opposition de la part des autres héri tiers; Que, dans le fait incriminé, on ne trouve pas l'élément essentiel du vol qui consiste dans l'appréhension frauduleuse de la chose d'autrui;-Qu'on ne peut pas non plus y voir un abus de confiance, puisqu'il n'est

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(2) Conf., Bourges, 22 mai 1829; Grenoble, 16 déc. 1846 (P.1847.2.750), V. aussi Paris, 9 nov. 1848 (P.1848.2.655); Cass. 25 avril 1849 (P. 1849.2.32. S.1849.1.480); Carré et Chauveau, L. de la proc., quest. 1059; Pigeau, Comm. proc. civ., t. 1, p. 522; Thomine, id., t. 1, n. 315; Rodière, Compét. et proc., t. 2, P. 148; Bioche, Dict. de proc., v° Enquête, n. 414.-I Il est évident que, dans l'esprit de l'art. 269, C. pr., et

à défaut d'un texte formel qui dise le contraire, la production, par les témoins, des copies à eux delivrées, doit dispenser la partie de produire les originaux; la production de la copie semble même satisfaire plus complétement au vœu de la loi, puisqu'elle prouve, mieux encore que ne pourrait le faire celle de l'original, que la copie n'a pas été soufflée et qu'elle contient, comme le prescrit l'art. 260, la copie du dispositif du jugement.

pas établi que Groullié père eût confié, à titre de mandat ou de dépôt, à Jules Groullié, les valeurs que celui-ci aurait détournées; Qu'il faut donc écarter la prescription proposée et examiner au fond le mérite de la demande; Au fond, etc. » Sur les appels respectifs des parties, arrêt de la Cour de Bordeaux du 16 fév. 1864, qui confirme quant au rejet de l'exception de prescription, et infirme quant à l'offre de preuve. Les motifs de l'arrêt sur l'exception de prescription sont ainsi conçus :-« Attendu que la demande, en tant qu'elle a pour objet un prélèvement à faire au profit des demandeurs sur la succession de Jules Groullié, leur fils et frère, n'a pas pour base unique le fait de soustractions imputées audit Jules Groullié, comme commises par lui dans la succession et au moment de la mort de son père, survenue le 4 mars 1851; que, si tel a été en effet le fondement attribué à la demande dans l'exploit introductif d'instance, en date du 10 avril 1862, cette articulation a pu, sans que l'objet de la demande fût aucunement changé, être modifiée, et l'a été en effet devant les premiers juges dans les conclusions signifiées par les demandeurs les 16 juin 1862 et 13 fév. 1863, où il est articulé que, dès 1848, Jules Groullié gérait la fortune de son père devenu infirme, et se trouvait, pour les besoins mêmes de cette gestion, nanti de toutes les valeurs mobilières appartenant soit à Groullié père, soit à la société d'acquêts stipulée entre les sieur et dame Groullié; Attendu que ce fait n'est point méconnu par l'administration des hospices, qui même en tire avantage dans ses conclusions devant la Cour; qu'il est d'ailleurs pleinement établi par un document irrécusable, à savoir le livret tenu par Jules Groullié et inventorié après sa mort, livret qui ne permet pas de douter que ledit Jules Groullie n'eût, bien avant le décès de Groullié père, le maniement complet des affaires de celui-ci et la possession effective des pièces, valeurs et titres y relatifs;-Attendu que cette possession, qu'elle dérivât d'un mandat exprès ou d'une simple gestion d'affaires tacitement consentie, suffit pour exclure l'hypothèse d'une soustraction frauduleuse commise par Jules Groullié sur les valeurs successorales après la mort de Groullié père, puisqu'elle est incompatible avec l'un des éléments essentiels de ce délit, le déplacement volontaire et frauduleux de la chose d'autrui ; - Qu'ainsi, l'exception de prescription manque en fait et en droit sous ce premier point de vue; - Attendu qu'en supposant même que la dissimulation et le recel de valeurs successorales dont Jules Groullié était en possession au moment du décès de son père, pussent être qualifiés d'abus de confiance dans les termes de la loi pénale, ce délit ne serait lui-même qu'un fait secondaire et subséquent à l'obligation purement civile de rendre compte et restituer que Jules Groullié avait contractée antérieu

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rement au résultat du mandat exprès ou même de la simple gestion d'affaires ci-dessus mentionnés; Attendu, dès lors, que la demande de la dame veuve Groullié et celle d'Adolphe Groullié, sans qu'il soit besoin de distinguer entre elles, ne prennent pas exclusivement leur principe dans un fait qualifié délit par la loi pénale; qu'elles reposent surtout sur un droit préexistant à ce fait, droit de nature et d'origine purement civiles; Attendu que cette circonstance suffit pour rendre inapplicable, même au point de vue de l'abus de confiance, l'excep tion de prescription invoquée contre les appelants; Attendu, en effet, que la courie prescription établie par la loi criminelle ne peut atteindre que celles des actions civiles qui, naissant directement d'un délit, y puisant tout à la fois leur origine et leur raison d'être, ne peuvent subsister que par la démonstration de ses éléments; mais qu'au contraire, si l'action civile pour principe un droit antérieurement acquis, le délit du débiteur, qui vient subséquemment renforcer cette action, ne saurait en même temps détériorer la condition du créancier en abrégeant le délai dans lequel il était tenu d'agir; qu'en pareil cas, la prescription trentenaire est et reste la seule applicable. »

L'enquête ordonnée en conséquence a eu lieu; puis, les parties étant revenues à l'audience, la validité en a été critiquée par la commission des hospices sur le motif que les poursuivants n'avaient pas satisfait à l'art. 269, C. proc., en représentant l'original des assignations donuées aux témoins. CATANETBALL

4 avril 1865, nouvel arrêt de la Cour de Bordeaux qui rejette ce moyen de nullité, en jugeant qu'il a été suffisamment obéi à l'art. 269 par la représentation faite par les témoins, des copies d'assignation à eux delivrées. Au fond, l'arrêt reconnait l'exis tence de divers recels de valeurs successorales, et condamne,de ce chef, les hospices, comme représentant Jules Groullié, au paiement de la somme de 29,188 fr.

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