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coutume, un véritable droit de propriété, mais que la jouissance de ce droit avait été abrogée par le statut de la reine Anne, lequel, après les délais par lui fixés, refusait tout recours utile aux auteurs.

Ce dernier point fut décidé par une simple majorité de six juges contre cinq. Le douzième juge était le comte de Mansfield, faisant alors partie de la noble Chambre, et dont l'opinion, déjà exprimée dans l'affaire Taylor, était demeurée favorable à la reconnaissance du droit absolu des auteurs. Mais, malheureusement pour les écrivains, le comte de Mansfield crut devoir s'abstenir, dans cette circonstance, par délicatesse, « étant contre l'usage, disent les auteurs de The Standard library Cyclopædia', qu'un pair soutienne en appel, à la Chambre des lords, l'opinion qu'il a déjà exprimée dans un jugement de première instance. >>>

« Il est assez remarquable, ajoutent les mêmes auteurs, que ce qui peut à peine être appelé un jugement, puisque en fait les juges furent partagés d'opinion en nombre égal, ait été depuis considéré comme un précédent si important, et confirmé ultérieurement en tant de circonstances, qu'on doive regarder aujourd'hui comme définitivement passé en loi que la perpétuité du droit de copie a été détruite par les statuts. >>>

Cependant Christian, dans l'une de ses notes sur la partie des Commentaires de Blackstone, qui traite de la propriété littéraire 2, s'exprime ainsi à ce sujet :

1 Standard library Cyclopædia of political, Constit. Knowlege, in four vol., London, 1818; t. II, p. 611, VO COPYRIGHT.

V. Commentaries on the law of England, book II, p. 107, in-80, London, 1800.

<< Ces questions ont été définitivement résolues en ce sens qu'un auteur n'a plus de droit maintenant, au delà des limites fixées par les statuts. Mais comme cette décision fut rendue contrairement à l'opinion de lord Mansfield, le savant commentateur, et de plusieurs autres juges, chacun, sans s'exposer à être taxé de présomption, peut encore se permettre de suivre son opinion personnelle sur cette matière. >>>

Un premier statut de George III (statut 41, G. III, cap. 107), tout en conservant la durée de jouissance de quatorze et vingt-huit ans, améliora cependant, sur quelques autres points, la condition des auteurs et des libraires; puis, un second statut (G. III, 54, с. 156) porta la durée de jouissance à vingt-huit ans, et décida qu'en cas de survivance de l'auteur, à l'expiration de ces vingt-huit ans, il conserverait la propriété de ses ouvrages jusqu'à sa mort.

Tel était l'état de la législation anglaise sur cette matière, lorsqu'en 1737 un homme d'une rare intelligence, doué tout à la fois d'imagination, de sens pratique et de cette persistance qui forme l'un des traits distinctifs de la race saxonne, tenta de nouveaux efforts en faveur des hommes de lettres. Nous voulons parler de M. Talfourd, avocat à la Cour des plaids communs (sergeant at law), célèbre aussi bien comme jurisconsulte que comme littérateur, car on le compte parmi les essayistes les plus distingués de l'Angleterre, et il est l'auteur d'une tragédie d'Ion, qui a obtenu un grand succès à Londres.

Membre de la Chambre des communes, M. Talfourd y présenta, à plusieurs reprises, une motion qui, soutenue avec une chaleureuse éloquence 1, fut accueillie avec faveur, et obtint plusieurs lectures, mais, par suite de divers incidents politiques et parlementaires, ne put arriver à être convertie en loi.

Néanmoins, les généreux efforts du sergent Talfourd, les discussions approfondies qu'ils suscitèrent dans le Parlement et dans la presse, les pétitions qui vinrent les appuyer, et parmi lesquelles on cite celles de l'historien Alison, du poëte Wodsworth, et le factum si spirituel et si original de l'écrivain Carlyle, dont M. Laboulaye, à qui nous empruntons la plupart de ces détails, a donné une fine traduction dans l'excellent travail que nous avons déjà eu occasion de mentionner: tout cela ne pouvait demeurer complétement stérile.

Aussi, en 1842, l'historien lord Mahon ayant repris la motion, son projet, légèrement modifié, devint la loi qui régit aujourd'hui la propriété littéraire chez nos voisins d'outre-Manche, c'est-à-dire le statut 5 et 6, Victoria, cap. 45, par lequel la jouissance du droit de copie appartient aux auteurs pendant toute leur vie, et se prolonge encore sept ans après leur mort, ou quarante-deux ans à partir de la première publication. Certaines dispositions de ce statut, qui règlent clairement ce qui concerne les encyclopédies, les dictionnaires et les articles insérés dans les revues, journaux, ou Magazines, et enfin tous les livres à la rédaction desquels celui qui en est l'éditeur, ou qui en a conçu l'idée (publisher or pro

V. Talfourd's Miscellaneous writtings. Speeches on the law of copyright, 18 may 1837; april 25 1838; february, 28 1839; the modern British Essayists. Philadelp, 1850, 8°, v. p. 159 and sq.

jector), a employé divers écrivains', auraient empêché de naître, en Angleterre, un grand procès littéraire, dont les débats retentissaient tout récemment au Palais de Paris.

Disons encore que la loi anglaise, voulant prévenir une des objections dirigées contre la propriété littéraire, a pris ses précautions contre la suppression, peu probable, mais possible, de tel ou tel ouvrage, utile à la société; et, quoique cette législation, comme nous venons de le voir, n'ait pas admis la perpétuité, elle stipule néanmoins (statuts 5 et 6, Vict., cap. 45, 5o sect.) que si l'on adresse au Comité judiciaire du Conseil privé une plainte, portant que celui à qui appartient le droit de copie d'un livre refuse, après la mort de l'auteur, de le publier et imprimer de nouveau, ou d'en laisser opérer la réimpression, le Comité judiciaire peut accorder au plaignant le droit de publier le livre, de telle manière et à telles conditions que le Comité jugera convenables.

Enfin, nous ajouterons seulement quelques mots en ce qui concerne le droit international :

<< Il n'y a pas longtemps, dit M. Burke 2, qu'on débattait encore la question légale de savoir si, en Angleterre, un auteur étranger pouvait avoir, dans un cas quelconque, droit de propriété sur ses œuvres. Le procès récent de Boosey, versus Jeffery (20, Law Journal Reports, Exchequer, 354), a cependant élucidé la matière...

<< Dans cette cause, qui a été définitivement jugée sur

V. Standard library Cycl., vo COPYRIGHT.

:

2 Burke, The law of international Copyright between England and France. Edit. bilingue. Londres, 1852.

un appel comme d'abus, à la Chambre de l'Echiquier, devant le lord premier juge Campbell, etc., il a été reconnu que si un étranger, résidant en Angleterre, ou dans son pays, commence un ouvrage littéraire et le fait imprimer pour la première fois en Angleterre, il se trouve dans la catégorie des auteurs qui jouissent du bénéfice des statuts anglais en faveur de l'encouragement des sciences, et il y jouit du droit de propriété sur son ouvrage.

<< Mais il faut bien comprendre que cette espèce de propriété repose entièrement sur le fait d'une première publication en Angleterre. Si l'ouvrage de l'auteur étranger paraît d'abord dans son pays ou dans tout autre pays que le Royaume-Uni, sa production tombe, en Angleterre, dans le domaine public. C'est alors une propriété commune à tous, dont peut profiter quiconque veut s'en emparer, à moins que l'auteur étranger ne trouve protection par un arrangement mutuel entre le royaume britannique et le pays dont il est sujet. >>>

Or, si la publication n'a pas eu lieu primitivement en Angleterre, on sait qu'elle se trouve maintenant protégée par les récentes conventions internationales que tout le monde connaît 1.

Aux Etats-Unis, le Congrès, dans sa seconde session (1790), en vertu des pouvoirs conférés à cet effet par l'un des articles de la Constitution générale, passa d'abord un acte qui donnait à l'auteur, pendant sa vie, un

1 V. Actes des 7 et 8o années du règne de Victoria, ch. xII (10 mai 1844), et 15o et 16o, id.; ch. xII (28 mai 1852), et la convention signée à Paris le 3 novembre 1851, entre le gouvernement de la Grande-Bretagne et la République française, ratifiée le 8 janvier 1852.

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