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basse sur les principes. A force d'exalter nos droits, elle a jeté un vernis de ridicule sur nos devoirs; en courbant toutes les têtes sous le joug du civisme républicain, elle a anéanti autant qu'il étoit en elle la piété filiale, les saintes lois de l'hymen, l'honneur, la décence et la vertu.

La France, ainsi devenue une vaste prison, où l'homme sans frein se battoit avec ses chaînes contre celui qui partageoit son infortune, il restoit au sage un dieu consolateur qui lui tendoit les bras pour l'appeler dans son sein. La Convention, pour ne plus laisser ni espérances, ni avenir à ses victimes, a tenté de détrôner ce Dieu qu'elle avoit tant offensé, et c'est à elle qu'on doit le premier attentat de ce genre, dont depuis l'origine du globe se soient jamais souillés les représentans d'un grand peuple, le renversement par système de toute religion.

Telle est l'idée qu'on doit se former de cette assemblée essentiellement désorganisatrice, qui s'est assise si long-temps sur les débris du trône de soixante-trois rois je n'en ai point chargé le tableau; tout ici repose sur les faits, et l'histoire sans eux ne seroit qu'une vaine déclamation oratoire, destinée à mourir dans l'oubli.

Des hommes qui tiennent à la Convention, sinon par ses crimes, du moins par le nom malheureusement célèbre qu'elle a laissé, tout en avouant sa longue tyrannie, semblent s'extasier

du moins sur son énergie. Ils disent que sortant par ce grand caractère de la classe vulgaire des représentans de la souveraineté, elle a un titre à la mémoire des hommes, et même à leur reconnoissance.

J'ai déjà observé que cette énergie ne devoit point s'imputer à la masse de la Convention, qui, composée d'ambitieux sans principes, d'être nuls ou foiblement organisés, soit pour le crime, soit pour la vertu, fut presque toujours en tutelle sous une bande turbulente de Catilinas. L'énergie qu'on m'oppose ne fut vraiment l'apanage que de la montagne, et encore dans cette montagne se glissa-t-il quelques faux frères, qui, ne déployant

une éloquence incendiaire que pour se faire pro

téger, et n'exposant leur vie que pour la conserver, soupiroient intérieurement après un autre ordre de choses que celui dont ils se faisoient les apôtres. Vingt hommes parmi les tribuns du peuple ont seuls montré du caractère; vingt hommes ont dicté les crimes qui ont souillé nos annales; vingt hommes ont tenu dans leurs mains les destinées de vingt-cinq millions d'hommes.

D'ailleurs, avant de faire une vertu públique de cette énergie, la philosophie devroit s'occuper à la caractériser.

Trois cents Spartiates se dévouent pour la patrie aux Thermopyles; Coclès, sur un pont de Rome, défie une armée; Las-Casas défend avec

sa plume de feu le Nouveau-Monde contre les Espagnols, ses concitoyens, qui y ont pris douze millions de victimes. Voilà l'énergie utile au genre humain, l'énergie par excellence, l'énergie dont l'histoire n'aura jamais à rougir.

Mais en quoi a consisté l'énergie de la Convention? à décréter d'enthousiasme l'organisation d'une république, dont elle n'avoit pas les prémiers élémens; à forcer les juges de Louis XVI, en votant à haute voix, d'imprimer sur leur front le sceau de leur ignominie ; à publier les actes de son gouvernement pervers; à s'honorer aux yeux de l'Europe de l'incendie du Cap, de la glacière d'Avignon, des bateaux à soupapes de Nantes, des longs massacres de la Vendée, du décret qui ordonne d'égorger de sang froid des soldats désarmés et à genoux sur un champ de bataille.

Assurément une telle énergie est un fléau pour la terre, et l'homme qui a l'audace de s'en honorer, est jugé à jamais, soit pour son siècle, soit pour la postérité.

Il reste à la Convention l'idée neuve d'avoir voulu réorganiser le monde, en lui ôtant ses principes de sociabilité, le courage que donne à de grands conspirateurs le désespoir d'échapper à la vengeance publique, et cette gloire d'Érostrate qui consista à brûler un temple d'Ephèse, pour occuper une place dans la mémoire des hommes.

CHAPITRE II (1).

Campagne de seize mois en 1794 et 1795.

Nombreux revers de la république. — Invasion de la France par les puissances coalisées; prise de ses places; victoire de Hondschootte. - Campagne mêlée de défaites et de succès; journée mémorable de Fleurus. Guerre avec l'Espagne. Décret contre la Hollande; invasion de cette république par Pichegru. - Portrait de ce général. Campagne désastreuse de 1796.

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diplomatie.

Opérations de

AVANT de voir marcher l'acte constitutionnel de 1795, revenons un moment sur nos pas, et jetons un coup d'oeil rapide sur les diverses guerres, émanées de la coalition des puissances, qui, en détruisant nos arts, notre commerce et notre industrie, en minant lentement notre population, n'en ont pas moins amené la république la plus désorganisatrice qui ait jamais existé, à

(1) Il est impossible, yu la variété des événemens militaires qui se croisent, de placer une date précise en tête de ce chapitre et à la marge des pages qui le composent; mais, pour concilier la chronologie avec la rapidité de l'histoire, on trouvera parmi les Pièces justificatives les fastes exacts, et presque jour par jour, des événemens de toutes ces campagnes.

!

être d'abord la terreur, et ensuite l'arbitre de l'Europe.

Le sang de Louis XVI, assasiné sur un échafaud, fumoit encore, quand ses juges accumulant les crimes sur les crimes, appelèrent la guerre étrangère sur la mer qui baignoit les côtes de la France, et sur ses frontières continentales, en publiant des décrets et des manifestes, soit contre la Hollande, soit contre l'Angleterre.

Cette violation des premiers principes de la politique, que le ciel, qui avoit notre grand attentat national à punir, sembla légitimer par le succès, amena une guerre de seize mois, qui, contre l'attente publique, ne fit le gouvernement français.

que consolider

Les armées des puissances coalisées étoient fortes de quatre cent quatorze mille hommes, et il y en avoit trois cent soixante-six mille de plus dans celles de la république.

Depuis 1793 jusqu'au printemps de 1794, l'armée française du Nord n'avoit fait aucun progrès. A peine auroit-on soupçonné son existence sans la bataille de Hondscootte, où le duc d'Yorck fut défait, et le débloquement de Maubeuge.

Mais après une suite de revers, qui déchirèrent l'état sans le renverser, l'enthousiasme civique fit des progrès; des généraux pleins d'ex-périence rendirent à nos soldats le sentiment de leurs forces, et sur tous les points de notre terri

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