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toire envahi ou prêt à l'être, nous remportâmes de brillantes victoires.

Les principaux événemens de cette guerre aussi brillante que cruelle, sont la conquête de la Hol lande par l'armée du Nord, les hardis campemens pendant l'hiver de celles de la Moselle et du Rhin, et les exploits qui amenèrent la victoire mémorable de Fleurus et l'invasion de la Belgique.

La guerre entre les généraux français et le Stathouder, qui amena la conquête de la Hollande, mérite d'abord de fixer nos crayons.

Au premier signal de guerre entre la France et la Hollande, Dumouriez qui venoit d'envahir la Belgique, fit sommer Mastricht de se rendre, et bientôt après, Miranda son lieutenant fut chargé d'en faire le siége, tandis que lui-même alloit tenter la conquête des Provinces-Unies; mais la place de Mastricht avoit eu le temps de recevoir des renforts, et il s'y étoit jeté un corps d'élite d'émigrés, qui avoit à sa tête le valeureu: marquis d'Autichamp. La partie étoit d'autant plus inégale, que vingt mille Français se présentcient à peine devant ses remparts, tandis que vers la fin de l'ancienne monarchie, on avoit toujours remarqué qu'il en falloit soixante mille pour former les attaques, outre une seconde armée d'observation, pour protéger la conquête de ce boulevard de la Hollande.

Pendant ce tems, Dumouriez, génie ardent,

et qui croyoit ne pouvoir éluder la haine des démagogues qu'à force d'audace guerrière et de victoires, tentoit de se rendre maître de l'héritage de la maison d'Orange,avec un corps d'élite de douze à quinze mille hommes.

Il commença par se liguer avec les patriotes hollandais, ennemis du stathoudérat héréditaire, qui, réfugiés dans Anvers, y avoient organisé une légion batave; ensuite il envoya prendre Bréda et Gertruydemberg par le général Darçon, si connu par la folie héroïque des batteries flottantes de Gibraltar; mais la Convention lui arracha des mains la victoire, en lui ordonnant avec empire d'abandonner l'expédition de Hollande.

Cette faute amena des revers. Une armée im

périale, commandée par le prince de Saxe-Cobourg, et où l'archiduc Charles déployoit une bravoure qui devoit un jour être si fatale à la république, battit les troupes françaises à Aldenhoven, et l'obligea à se replier sur Aix-la-Chapelle, qui fut bientôt évacuée. Le triomphe des Impériaux amena la levée du siége de Mastricht.

Bientôt après, l'ennemi passa la Meuse, et il força le général Valence à se retirer en désordre sous les murs de Louvain,

La Convention ajoutoit à ces revers par l'ineptie de ses décrets : elle envoyoit des hommes de robe en qualité de proconsuls, dicter des lois

aux hommes d'épée, et suppléer à la tactique militaire par d'absurdes proclamations, et des plans de campagne, imaginés à la tribune des Jacobins, ou dans les comités de la montagne.

Dumouriez arriva sous ces auspices sinistres à Anvers; il y trouva un commissaire exécutif, du nom très-obscur de Chaussard, mais qui croyoit le relever, en usurpant celui de Publicola ; il le trouva, dis-je, maîtrisant les clubs, proscrivant les notables, et emprisonnant les magistrats; il le fit sortir de la ville; et en lui rendant la paix, il n'en devint que plus odieux au parti dominateur des régicides.

Le général répondit à ses ennemis en se couvrant de quelque gloire à la journée de Nerwinde, qui honora presque également les vaincus et les vainqueurs. Il y a même grande apparence que, sans la défaite de Miranda, qui perdit la tête à l'aile gauche qu'il commandoit, Dumouriez auroit eu un triomphe complet. L'aile droite sous les ordres de Valence qui fut blessé d'un coup de sabre, fit des prodiges de valeur et resta maîtresse du champ de bataille. Ce champ de bataille, un siècle auparavant, et presque jour pour jour, avoit été le théâtre de la gloire des Français commandés par le célèbre Luxembourg. M. de Toulongeon qui, dans son, Histoire de France pendant la révolution, a traité en homme de l'art toutes ces opérations militaires, prétend

qu'en réunissant les résultats des deux journées de Nerwinde, sous Louis XIV et sous la république, ce terrible champ d'honneur ensevelit quarante mille hommes.

Les Français exécutèrent d'abord leur retraite avec ordre et assurance: mais, bientôt découragés et dispersés, ils ne résistèrent plus à l'armée impériale, et ce ne fut plus jusqu'à la frontière de France qu'une déroute continuelle. C'est dans ce désordre que Louvain, Anvers, Bruxelles et Namur furent évacués.

La Convention ne vouloit que des revers militaires, pour forcer Dumouriez à la trahison, et pour l'envoyer à l'échafaud. Nous avons vu que le général préféra le rôle de Coriolan, et de ce moment il cesse d'occuper un rang dans les pages. de l'histoire.

Pendant ce temps-là Custines, non moins mal, heureux, évacuoit Mayence pour se retirer vers Landau, et abandonnoit ainsi toutes les conquêtes de la précédente campagne.

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Cette retraite fit soupçonner à des républicains ombrageux, que Custines, d'une ancienne no blesse, pouvoit trahir la cause des sans-culottes. Un de ses aides-de-camp, qui étoit de cette dernière caste, eut la hardiesse de lui en faire publiquement des reproches à Weissembourg : l'impétueux général exhala son courroux en injures, Alors le démagogue saisit un pistolet, et le po

sant avec emportement sur la table, Général, lui dit-il, cette réponse est pour vous ou pour moi, et portant l'arme terrible à sa bouche, il tomba mort sur le parquet.

Ce suicide n'étoit ni celui des Décius, ni celui des Codrus; il ne sauva point la patrie. La Conven tion imagina la proscription du 31 mai, pour ramener l'opinion publique, et elle l'éloigna plus que jamais; jamais l'état de la république n'avoit été plus désespéré qu'en ce moment: ses généraux étoient envoyés au supplice,ses armées ne savoient exécuter que des retraites; ses frontières étoient envahies, ses meilleures places menacées, une guerre civile embrasoit tous les départemens de l'Ouest. La Convention opposa à tant de fléaux réunis celui de la terreur, et contre toutes les probabilités humaines, elle finit par réussir. Ce système étrange servit surtout l'état auprès des gens de guerre. Ceux-ci, importunés par l'image toujours renaissante des dissensions domestiques, n'avoient guère que la vue des champs d'honneur, pour les distraire de leurs sinistres souvenirs: le fracas des armes les empêchoit d'entendre les cris des victimes, et ils se déroboient aux idées pénibles d'échafauds, en méritant, * force de valeur, leur apothéose.

Cependant le péril croissoit sans cesse; une armée combinée d'Autrichiens, de Prussiens, d'Anglais ét de Hollandais, inondoit les frontières du

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