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seule et même disposition, la portion de l'un d'eux, devenue vacante, accroît - elle aux autres, lors méme que le lestateur a déclaré qu'après son décès ils recueilleraient ·la chose léguée par portions égales? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 1044.

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PLANTÉ, C. DUBRANA.

3.

On connaissait dans les lois romaines deux espèces de droit. d'accroissement l'une se faisait par nécessité, potestate juris (L. 13, ff, de hæred. instit.), et indépendamment de toute conjonction entre les légataires; et l'autre dérivait de la conjonction même entre les légataires. La première es‐ pèce avait lieu entre les héritiers du sang appelés par la loi, soit en ligne directe, soit en ligne collatérale; elle avait également lieu dans la délation d'hérédité par testament, par institution ou substitution directe. Lorsqu'il s'agissait de la succession testamentaire, le droit d'accroissement était fondé sur la maxime Nemo pro parte testatus, pro parte intestatus decedere potest. En matièrè de succession légale,

reposait sur le principe suivant lequel l'hérédité représente une seule et unique personne. De là cette maxime de droit: Hæres succedit in universum jus defuncti, vel in re, vel saltem in spe: Et ces règles de l'ancien droit romain, confirmées par la loi unique, § 10, au Code, de caducis tolS lendis, ont été maintenues, pour la succession légitime, par l'art. 786 du Code civil. La part du renonçant, y est-il dit, accroît à ses cohéritiers.

Mais le droit d'accroissement n'avait pas indistinctement lieu entre tous les colégataires: il ne s'effectuait que lorsque le legs était fait à plusieurs conjointement. Il avait son principe dans cette disposition conjointe, qui donne à chaque légataire un droit à la chose entière, de la même manière que si chacun d'eux était considéré comme seul et unique légataire de la totalité. (Voy. la loi unique, Code, de caduc. tollend., § 10, et la loi 8o, ff., de leg. 3°:)

Les légataires pouvaient être conjoints de trois manières :

re, aut rẻ et verbis, aut verbis tantum. L. 142, ff., de verb. signif.-Si les légataires étaient unis par la chose léguée, le droit d'accroissement avait toujours lieu. Il en était de même, et à plus forte raison, s'ils étaient unis par les paroles et par la chose. Mais il en était autrement si la conjonction ne se rencontrait que dans les paroles. Cependant, s'il était évident que dans ce cas même la volonté du testateur était d'établir le droit d'accroissement, on faisait exception au principe général. L. 41, in princip.,, de legat. 2°.

Maintenant, et d'après les dispositions des art. 1044 et 1045 du Code civil, l'accroissement a lieu 1o lorsque le legs est fait à plusieurs par une seule et même disposition, et que le testateur n'a pas assigné la part de chacun des colégataires dans la chose léguée;, 2o lorsque la chose léguée, non susceptible d'être divisée sans détérioration, a été donnée par le même acte à plusieurs personnes, même séparément.

Mais la disposition par laquelle le testateur a institué plusieurs légataires par une seule et même disposition, pour par tager le legs par portions égales, est-elle attributive de parts, dans le sens de l'art. 1044 du Code civil?

Telle est la question qui s'est présentée dans l'espèce sui

vante.

1

Le sieur Laporte avait fait, le 20 messidor an° 12, un testament dans lequel, après avoir fait quelques legs'en faveur des enfans du sieur Dubrana, son héritier présomptif, il ajoutait cette disposition: « Et au restant de tous mes biens meubles et immeubles, noms, droits, raisons et actions, présens et à venir, je fais, nomme, crée et institue pour mes héritiers généraux et universels, demoiselles Marie-Madeleine Plante, épouse de Godefroy Dessolies, officier de santé, Antoinette Plante, fille majeure, et le sieur Jean Plante, actuellement professeur à Coleyrat, frère et sœurs, mes neveux, pour par eux jouir, faire et disposer de mon entière hérédité, après mon décès, par portions égales, à leur volonté, en payant mes dettes, legs et oeuvres pies. »

4

Antoinette Planté décède avant le testateur.

Lors de l'ouverture de la succession du sieur Laporte, les deux autres légataires se firent envoyer en possession de tous les biens qui la composaient. Le sieur Dubrana soutint qu'en sa qualité de seul héritier légitime du sieur Laporte, le legs, devenu caduc par le prédécès d'Antoinette Planté, devait lui revenir en conséquence, il s'opposa à ce que les scellés fussent levés hors sa présence, requit qu'il fût fait inventaire, et demanda le partage de la succession entre les légataires. et lui.

Jugement du tribunal civil d'Agen, qui déboute le sieur Dubrana de ses prétentions. - Appel; et, le 3 mars 1806, arrêt par lequel la Cour d'appel de la même ville a dit qu'il avait été mal jugé, et a déclaré le sieur Dubrana seul investi de droit de la succession Laporte, sauf aux legataires à lui demander la délivrance du legs à eux fait, « attendu que, si les trois héritiers eussent été en vie à la mort de Laporte, le président du tribunal eût dû les envoyer en possession de l'hérédité, parce qu'ils auraient été légataires universels, et conséquemment, d'après les dispositions du Code civil, ils auraient été saisis de plein droit, et n'auraient pas été tenus de demander la délivrance, puisqu'il n'y avait pas. d'héritiers auxquels une quotité de biens fût réservée par la loi; mais un de ces légataires étant mort, il était question de décider si la portion avait accru à son frère et à sa sœur, ou si elle était dévolue aux héritiers ab intestat, dès que, d'après le Code civil, l'institution du défunt était devenue caduque; et de la solution de cette question dépendait celle de savoir si c'était les Dessoliés et Planté, ou Dubrana, qui devaient être envoyés en possession. Or, d'après les anciennes lois et leurs commentateurs, et notamment d'après Furgole, ceux à qui une même chose avait été léguée, par égales portions, n'étaient conjoints que par les paroles, et l'accroissement n'avait pas lieu entre eux. Le Code civil a conservé les dispositions de l'ancien droit, en décidant', par l'art. 1044, que l'accroissement n'a lieu que lorsque le legs

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est fait à plusieurs conjointement, et qu'il est fait conjointement lorsque le testateur n'a pas assigné la part de chacun dés colégataires dans la chose léguée, qu'ici le testateur a assigné la part des colégataires, puisqu'il veut qu'ils partagent par portions égales; qu'il n'y a donc pas lieu à accroissement; qu'une portion de la succession est devenue caduque; qu'elle appartient donc aux héritiers ab intestat, et que les légataires qui, s'ils avaient tous survécu au testateur, auraient été légataires universels, sont devenus légataires à tire universel; que, d'après les dispositions du Code civil, ils doivent demander à l'héritier ab intestat la délivrance du legs; que c'était done Dubrana, héritier ab intestat, qui devait être envoyé en possession, et non les Planté, qui ne sont que légataires à titre universel ».

Pourvoi en cassation de la part des colégataires, pour vio lation de l'art. 1044 du Code civil,

D'après cet article, disaient les demandeurs, il y a lieu à l'accroissement lorsque le legs est fait par une seule et même disposition, et que le testateur n'a pas assigné la part de chacun des colégataires dans la chose léguée. Il est indubitable que le testament du sieur Laporte ne contient qu'une seule et même disposition. Les noms des trois institués qui se suivent concourent à ne former qu'une seule phrase, et sont le régime des mêmes verbes ; ils sont réunis, englobés s; par cette expression collective, mes neveux; ils s'appliquent au même objet, à l'entière hérédité: Voilà bien la conjonetion re et verbis. Il est également indubitable que le testament n'assigne point à chaque légataire la part qu'il doit prendre car assigner une part, c'est la déterminer, la spécialiser, la détacher de la généralité de la disposition; c'est donner expressément le tiers, le quart, ou toute autre quotité fixe. Les mots portions égales ne sont pas attributifs de parts, ils ne déterminent rien, n'ajoutent rien au sens de la disposition: aussi, dans le cas où le testateur les aurait omis, le partage ne se ferait pas moins par portions égales, d'a près la maxime Partes non expresse censentur æquales.

La fixation de la part de chaque légataire était donc purement éventuelle, et subordonnée au nombre des institués qui survivraient au testateur. Cette indétermination laissait entière la conjonction re et verbis. Il y a done lieu à l'accrois

sement.

Le sieur Dubrana répondait que le testament ne renfermait qu'une conjonction verbis tantum, exclusive, dans l'ancien droit comme dans le nouveau, du droit d'accroissement. Selon le défendeur, la conjonction était seulement verbis, toutes les fois que la part de chaque légataire était déterminée soit d'une manière générale, comme dans l'espèce, lorsque le legs est fait par portions égales, soit d'une manière spéciale, comme il arrive lorsque le testateur indique numériquement la fraction qu'il destine à chaque légataire; et il s'appuyait de l'autorité d'Argou, Institution au Droit français, liv. 2, chap. 15, et de M. Grenier, Traité des Donations et Testamens, t. 2 P. 238.

Le 19 octobre 1808, ARRÊT de la section civile, M. Viel lart président, M. Gandon rapporteur, MM. Duprat et Mailhe avocats, par lequel :

« LA COUR,Sur les conclusions conformes de M. Daniels, substitut du procureur-général, et après un délibéré en la chambre du conseil; Vu l'art. 1044 du Code civil; -Considérant que les trois frère et sœurs Planté sont, par une seule et même disposition, institués héritiers universels de Laporte, pour disposer de son entière hérédité; que cette institution confonctive n'a point été dénaturée ni altérée par l'addition des mots pour jouir et disposer de ladite hérédité par portions égales; que cette expression n'annonce, d'aucune manière, que le testateur ait fait des parts et ait assigné une quote à chacun des héritiers qu'il instituait; mais, au contraire, qu'en les instituant tous ses héritiers universels, il voulait que sa succession fût partagée également entre ceux qui profiteraient de l'institution : d'où il suit que, dans l'espèce, il y a lieu à l'accroissement, et que

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