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ou qu'elle aurait date certaine? Sans cela il serait très facile au débiteur de mauvaise foi de faire une cession simulée ou antidatée pour tromper son créancier. »>

Caen (1).

« Le fait du consentement du cédant suffit sans doute pour opérer son expropriation au bénéfice du cessionnaire; mais si ce fait n'est pas rendu constant par un acte authentique, ou par une signification du transport, peut-il être opposé à un créancier saisissant?

>> Un acte de transport sous seing-privé fait après coup anéantira l'effet des saisies-arrêts, parce qu'il constatera le fait du consentement les droits des créanciers peuvent être compromis par des actes clandestins. Il faut donc ajouter à cet article pourvu que le transport ait été fait par acte authentique, ou qu'il ait été signifié au débiteur. »

Orléans (2).

« Dans le droit actuel, la signification du transport peut seule opérer la saisine du cessionnaire, tant à l'égard des créanciers du cédant que du débiteur. C'est aussi ce que veut l'art. 4 du titre XVIII ci-après, pour opérer le privilège sur la créance donnée en nantissement. Rien ne semble nécessiter la distinction établie ici pour le cas de la cession. »

Paris (3).

<< Si l'on maintient le code hypothécaire actuel (11 brumaire an VII), comme nous comptons le proposer, la principale question que l'on a entendu résoudre par ces articles (38 et 39 du titre des contrats), celle relative à l'expropriation des immeubles, se trouve décidée, car le code hypothécaire déclare expressément que l'expropriation des immeubles ne s'opère que par la transcription du contrat sur le registre du conservateur des hypothèques et non par le contrat même...

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>> Mais en supposant que ce code soit aboli, nous croyons que l'ancien principe sur l'expropriation des immeubles puisé dans le droit romain et adopté par la jurisprudence doit être conservé; c'est-à-dire que la propriété des immeubles passe d'une main à l'autre, non par le seul contrat d'aliénation et les différentes clauses qu'il contient, mais par la tradition réelle et la mise en possession du nouvel acquéreur.

» Il ne s'agit pas de savoir comment s'opère l'expropriation du vendeur lui-même; on convient que, par rapport à lui, il est exproprié par son seul fait et le consentement qu'il donne à l'entrée en jouissance de l'acquéreur; toute la difficulté roule vis-à-vis des tiers, l'expropriation ne peut s'opérer que par un fait extérieur et public, qui avertisse que la propriété a changé de main... Ce fait ne peut consister que dans la dépossession.

» La nécessité d'une tradition réelle et de fait est le seul moyen qui remédie à tout; les rédacteurs l'ont senti par rapport aux meubles; pourquoi ont-ils suivi d'autres vues relativement aux immeubles ?

» A l'égard des dettes actives, on ne conçoit pas comment les rédacteurs ont fait dépendre l'expropriation de la seule remise du titre (!!) qui d'ailleurs n'est pas toujours sous la main du vendeur, au lieu de l'attacher avec la coutume de Paris, qui forme en cette partie le droit commun, à la signification du transport ou à son acceptation comme à la mise en possession de l'acquéreur, la moins suspecte et la moins équivoque que comporte la matière.

» Nous croyons qu'il ne faut point innover dans tout cela et qu'on doit s'en tenir aux anciens principes.

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C. DÉLIBÉRATIONS DU CONSEIL D'ÉTAT.

Nous voici arrivé à la deuxième phase. Le Conseil d'Etat, par l'organe de sa Section de législation, s'empare du projet, prend connaissance des observations des tribunaux et soumet aux travaux législatifs une rédaction définitive, qui est celle de l'art. 1690 Le cessionnaire n'est saisi de la créance vis-à-vis des tiers que par la signification du transport faite

au débiteur ou par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique (1).

Les hommes du Code civil ont donné ici un bel exemple de leur souplesse de langage.

La rédaction amendée est d'une ambiguité parfaite; in terminis elle donne à la fois satisfaction aux vues opposées des juges de Caen et de Paris, pour ne citer que les deux opinions typiques.

Devant le Corps législatif, le conseiller d'Etat PORTALIS fait un exposé des motifs impénétrable (2).

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Les orateurs se sont renfermés dans un vague dont la prudence est probablement voulue.

A cette occasion nous nous permettrons de faire remarquer que cet extrême scrupule des rédacteurs, cette sobriété et cette discrétion incomparables ont beaucoup contribué à faire du Code civil un chef-d'œuvre de législation; c'est à la grande latitude qu'il laisse au travail d'adaptation et d'évolution de la jurisprudence qu'il doit sa longévité, bientôt séculaire.

Le discours de GRENIER, orateur du Tribunat, au Corps législatif, comprend bien trois lignes : « La vente ou cession de cette espèce de biens tient à des principes particuliers, qui sont établis par le projet de loi sur des bases certaines, et qui étaient posées par des lois existantes » (3).

FAURE, dans son rapport au Tribunat, avait été plus explicite. Il donne quelques indications sur les règles propres à la matière garantie, tradition, vente d'une hérédité, loi anasthasienne. Voici le seul passage de son discours qui concerne le principe : « Ce n'est qu'après la signification du

(1) Tout ce que nous savons des délibérations du Conseil d'Etat se réduit à ceci : la rédaction de l'art. 1690 fut présentée dans la séance du 30 frimaire an XII par GALLI, elle fut votée le 9 nivôse suivant. V. Procès-verbaux du Conseil d'Etat, Paris, imprimerie de la République, an XII, t. III.

(2) LOCRÉ, Législ. civ., t. VII, p. 86, no 47.

(3) Locré, t. VII, p. 115, no 36.

transport au débiteur, ou l'acceptation qu'il en a faite dans un acte authentique, que le cessionnaire est saisi à l'égard des tiers. Avant la signification ou l'acceptation, le débiteur a pu payer au cédant au préjudice du cessionnaire, et par là se libérer valablement, car le transport ne lui était pas légalement connu »> (1).

§ 13.

- Essai infructueux d'interprétation littérale.

Nous avons suivi l'art. 11 du titre de la vente dans ses transformations successives et nous avons dit que le texte rédigé par le Conseil d'Etat était d'une ambiguité parfaite, qui se pliait avec une égale souplesse aux exigences formulées par les tribunaux d'appel de Caen et de Paris.

Les magistrats de Caen disaient : Le consentement du cédant suffit pour opérer son expropriation, mais il convient, dans l'intérêt de la sécurité des transactions, de stipuler l'authenticité de l'acte ou la signification du transport au débiteur.

Or, que porte l'art. 1690? Le transport ou l'acceptation authentique confère la saisine au cessionnaire à l'égard des tiers.

La saisine, qu'est-ce?

Nous touchons au cœur du problème. Les mots acquièrent une valeur fort grande, la plus inflexible précision est de rigueur.

La saisine, c'est la possession. Mais la possession sous un régime qui opère le déplacement de la propriété par l'effet du seul consentement n'est plus qu'un acte de publicité.

Alors le texte veut dire : Il n'y aura de cession publique à l'égard des tiers que celle qui sera signifiée au débiteur, ou sera acceptée par lui dans un acte authentique.

D'un autre côté, les magistrats de Paris tenaient ce langage : Le projet supprime à tort la nécessité de la tradition pour les immeubles; rétablissons-la. Le projet la maintient pour

(1) LOCRÉ, t. VII, p. 101, no 31.

l'aliénation des choses mobilières (interprétation erronée de l'art. 1141); faisons de même pour les créances, tenonsnous-en aux anciens principes, à la Coutume de Paris et faisons dépendre l'expropriation du cédant de la signification du transport.

Il est à peine besoin de déclarer que le texte de l'art. 1690 s'adapte de nouveau à cette doctrine; il est la reproduction presque littérale de l'art. 108 de la Coutume de Paris.

Le tribunal de Paris partait de cette hypothèse : L'art. 39 du titre des contrats (C. civ., art. 1141) établit en principe que l'aliénation des meubles s'opère par la tradition. Par voie de conséquence, la propriété des créances se déplacera par la signification du transport, formalité représentative de la tradition. La saisine étant attributive de propriété, rien n'est plus juste que de traduire saisi par propriétaire.

Nous nous trouvons donc en présence de deux solutions, conciliables l'une et l'autre avec le texte.

L'interprétation doctrinale fera connaître quelle est celle qui doit prévaloir.

§ 14. Interprétation d'après l'économie de la loi.

Nous croyons devoir insister sur la base d'argumentation que nous allons tirer de l'économie de la loi.

Le principe fondamental établi pour les choses mobilières et immobilières est le transfert par l'effet du consentement.

Nous rappelons les indications historiques que nous avons exposées sur le développement et l'évolution de ce principe, et que fortifiaient les enseignements des philosophes (1).

Le principe nouveau s'affirme avec netteté dans les déclarations des juristes qui ont défriché le Code civil et dans le projet de la Commission du Gouvernement (2). Il ne fut nul

(1) GROTIUS, De jure pacis et belli, 1. 2, cap. 12, no 15; HUBER, Digres., 1. 4, cap. 8.

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(2) CAMBACÉRÈS. Le €9 août 1793; dépôt du premier projet de Code civil à la Convention Nationale au nom du Comité de législation.

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