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rait pu lui avoir été conféré-Attendu qu'il résulte des déclarations de Rolly qu'il désirait voir terminer cette affaire par Me P..., et qu'il eut, du 10 au 12 déc., plusieurs entrevues avec lui dans ce but;-Attendu que ce n'est pas Rolly qui est allé après la tentative d'adjudication trouver M L... pour le charger de la vente de sa maison, mais bien le notaire L... qui, par sa lettre précitée, a sollicité le vendeur;-Que son offre, inférieure à la mise à prix proposée, était faite par un amateur présent à l'adjudication, qui y avait porté des enchères ;-Attendu que ledit L... a, dans des circonstances toutes particulières, sollicité, le 12 déc. 1864, un nouveau mandat du sieur Rolly;-Attendu que ce notaire n'a fait aucune démarche auprès de son confrère pour s'entendre avec lui sur la vente dont il s'agit, et qu'il s'est substitué audit Me P... pour lui enlever les bénéfices d'une opération commencée en son étude; -Attendu que Me L... a pris avec le vendeur un arrangement à l'égard des frais sans le consentement de Me P..., qu'il n'a pas vu; -Attendu que, déjà, des faits semblables ont été signalés à la chambre contre M° L... par M. le procureur impérial, suivant sa lettre du 7 juillet 1864;- Considérant que Me L... a reçu le contrat de la vente de la maison Rolly, au profit du sieur Houziaux, le 13 décembre, et cinq jours après la mise en adjudication en l'étude de Me P... el sans en avoir prévenu ni appelé son confrère; qu'il résulte des débats qu'en agissant comme il l'a fait, M L... a manqué à la confraternité, à la délicatesse, à la dignité et aux devoirs que les notaires se doivent entre eux;" -Par ces motifs, etc. >>

POURVOI en cassation par Me L..., pour excès de pouvoir, en ce que la chambre de discipline a prononcé contre lui une peine disciplinaire à raison d'un fait qui n'était de sa part que l'exercice d'un droit ou d'une faculté légitime et qui n'avait rien de contraire à la probité, à la délicatesse ou à l'honneur, savoir: le fait d'avoir, conformément au mandat à lui donné par les parties, reçu le contrat de vente d'un immeuble qui avait été précédemment l'objet d'une vaine tentative d'adjudication dans l'étude d'un autre notaire.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi:-Vu les art. 2 et 14 de l'ordonnance du 4 janv. 1843;-Attendu que la justice disciplinaire, quelle que soit l'étendue de son action, ne peut rechercher et punir des faits ou des actes qui, n'ayant en euxmêmes, ni par les circonstances dont ils sont accompagnés, rien de contraire à la probité, à la délicatesse ou à l'honneur, ne seraient que l'exercice d'un droit où d'une faculté légitime; Attendu que tel est, de la part de Mo L. le fait d'avoir communiqué directement au sieur Rolly l'offre qui lui était

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faite par l'un de ses clients d'acquérir sa maison pour le prix de 25,000 fr., au lieu de s'adresser à M. P... qu'il savait avoir été chargé par le sieur Rolly de vendre cette maison, et d'avoir, en suite de Tacceptation par le sieur Rolly de l'offre qui lui était ainsi faite, reçu le contrat de vente dont il s'agit;

Attendu que la décision attaquée ne constate, d'ailleurs, l'existence d'aucune circonstance pouvant imprimer à ce fait le caractère d'un manquement aux devoirs professionnels ;-Qu'il résulte, au contraire, de la plainte elle-même de Me P..., transcrite dans la délibération de la chambre de discipline, que M. L... lui a fait demander par son clerc les indications nécessaires pour rédiger cet acte, et qu'il lui a proposé de le signer comme notaire en second et d'en partager les honoraires;-D'où il suit qu'en prononçant contre le demandeur, à raison de ce fait, la peine de la privation de voix délibérative aux assemblées générales pendant un an, la chambre de discipline des notaires de l'arrondissement d'Arras a excédé les pouvoirs à elle attribués par les articles ci-dessus, visés, et par suite violé lesdits articles;-Casse, etc.

Du 17 juin 1867.- Ch. civ.- MM. Troplong, 1er prés.; Mercier, rapp.; de Raynal, 1er av. gén. (concl. conf.); Bellaigue, av.

CASS.-REQ. 26 mars 1867.

CHOSE JUGÉE, ACTION CIVILE, ACTION CRIMINELLE, ABUS DE CONFIANCE, ACQUE

REUR.

Le jugement correctionnel qui, à raison du détournement, par le notaire d'un vendeur, du prix de l'immeuble vendu, que ce vendeur lui avait donné mandat de recevoir de l'acquéreur, a condamné le notaire comme coupable d'abus de confiance au préjudice de l'acquéreur, lequel, malgré ce premier paiement libératoire envers le vendeur, a été tenu, envers les créanciers inscrits, de payer le prix une seconde fois, n'a point autorité de chose jugée contre l'acquéreur qui se pourvoit au civil à l'effet d'obtenir, à cause de ce second paiement, son recours contre le vendeur (1). (C. Nap., 1351; C. instr. crim., 3.) (Depret C. Debressy.)

Les faits du procès sont précisés dans les motifs d'un jugement du tribunal civil d'Avesnes, du 25 août 1865, ainsi conçu : «Attendu que par acte d'adjudication en date du 16 mars 1863, passé par Me Marchant, alors notaire à Avesnes, les époux Depret ont vendu à Pierre Debressy une pâture,

(1) Sur l'autorité de la chose jugée au criminel, V. Cass. 23 déc. 1863 (P.1865.426.-S. 1865.1.187), et le renvoi. V.aussi Gass. 9 juill. 1866, et la note (P.1866.964.-5.1866.1.347).

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conséquence, que Pierre Debressy avait va-
lablement payé le prix de son acquisition
entre les mains du notaire; qu'il s'était libéré
envers les vendeurs, et que c'est à juste titre
qu'il réclame à ceux-ci la restitution du prix
qu'il a dû payer une seconde fois par la faute
de leur mandataire ;- Attendu que de tout
ce qui précède, il ressort qu'il n'y a aucune
contradiction entre cette décision et le juge-
ment correctionnel précité, puisqu'il est
certain que le notaire Marchand avait com-
mis un abus de confiance au préjudice de
Pierre Debressy en détournant les fonds
qu'il avait reçus pour en faire un emploi dé-
terminé, et dont ce dernier était par les
mains de son mandataire resté détenteur
jusqu'au jour où les créanciers désignés dans
l'acte seraient désintéressés et en l'expo-
sant à payer une seconde fois son prix d'acqui-
sition, et que, d'un autre côté, il est égale-
ment certain que Pierre Debressy s'était va-
lablement libéré envers les vendeurs, et que
c'est par leur faute ou par celle de leur man-
dataire qu'il a payé deux fois sa dette;
Par ces motifs, etc. >>

pour le prix de 1,286 fr. 68 c., à la charge par eux de rapporter à leurs frais les mainlevées et le certificat de radiation des inscriptions qui pourraient grever l'immeuble lors de la transcription; que le prix était stipulé payable en l'étude du notaire Marchant, le 16 mai suivant; que, pour se conformer à cette condition, Pierre Debressy a versé son prix dans l'étude désignée; que les mainlevées ne lui ayant pas été remises, il fit, par exploit du 1er juin 1863, notifier son contrat d'acquisition aux créanciers inscrits, avec offre d'acquitter les charges hypothécaires grevant l'immeuble dont il était acqué reur; qu'un ordre fut ouvert, mais que le notaire Marchant, ayant dans l'intervalle emporté ou dissipé les fonds versés entre ses mains, Pierre Debressy fut obligé de payer de nouveau son prix d'acquisition pour désintéresser les créanciers hypothécaires; que, dans ces circonstances, il assigna les défendeurs en restitution de ce prix; Attendu que les époux Depret opposent à cette demande l'exception de la chose jugée, fondée sur un jugement en date du 11 janv. 1864, rendu par le tribunal de police correctionnelle qui, après avoir déclaré l'exnotaire Marchand convaincu d'abus de confiance pour avoir détourné ou dissipé 1286 fr. 68 c. au préjudice de Pierre Debressy, le condamne à deux ans de prison; qu'ils pré-jugement attaqué a condamné les vendeurs tendent qu'il a été jugé définitivement que ce notaire était le mandataire de Pierre Debressy, en ce qui concernait cette somme de 1286 fr. 68c.; qu'en conséquence, celui-ci en doit seul supporter la perte; qu'ils ne sont pas tenus de la lui restituer;-Attendu qu'il est de principe que les jugements rendus au criminel constituent la chose jugée envers et contre tous, même à l'égard des parties qui n'étaient point en cause devant la juridiction criminelle; mais que ce principe n'est vrai que pour ce qui a été jugé, et qu'autant qu'il y aurait contradiction formelle entre cette chose jugée et la décision réclamée devant la juridiction civile...; Attendu

qu'à l'égard des vendeurs, l'acquéreur n'était tenu qu'à l'obligation résultant pour lui de la cinquième clause de l'acte d'adjudication, à savoir de payer son prix dans l'étude de Me Marchant; qu'il a rempli cette obligation, ainsi que cela résulte d'une quittance en date du 16 mai 1863; Attendu que le notaire était constitué par les époux Depret leur mandataire à l'effet de toucher le prix de la vente; que cela résulte notamment de l'acte passé en date du 16 mars 1863, par lequel il donne procuration au sieur Lenet, clerc de l'étude de Marchant, de toucher et recevoir le prix de la vente, en principal et intérêts; que le sieur Lenet n'a évidemment servi dans cette circonstance que de prête-nom à son patron; que cela résulte, indépendamment de toutes les circonstances de la cause, de divers lettres et documents versés au procès qui prouvent que le notaire a dirigé toute cette affaire; Attendu, en

POURVOI en cassation par les époux Depret, pour violation des art. 3, C. inst. crim., et 1351, C. Nap., et fausse application des art. 1108, 1984 et 1993, C. Nap., en ce que le

comme responsables envers l'acquéreur de son prix d'acquisition détourné par le notaire à qui il l'avait confié, alors que du jugement correctionnel rendu contre le notaire comme coupable d'abus de confiance pour avoir détourné au préjudice de Debressy (l'acquéreur) la somme dont il s'agissait «< laquelle somme (est-il dit dans le jugement correctionnel), ne lui avait été remise qu'à titre de mandat et à charge d'en faire un emploi déterminé », il résultait que la remise des fonds dans les mains du notaire était le fait dudit acquéreur, qui devait seul, dès lors, supporter les conséquences du détournement.

ARRÊT.

LA COUR;-Attendu, sur la première branche du moyen, qu'il est incontestable que les jugements rendus au criminel ont, à l'égard de tous, l'autorité de la chose jugée, mais qu'il n'a nullement été jugé par la sentence correctionnelle dont excipe le pourvoi que Debressy fût encore, au jour de la fuite du notaire Marchant, propriétaire de la somme de 1286 fr. 68 cent. détournée par ce notaire; qu'il a été décidé seulement que ce détournement portait préjudice à Debressy, en ce sens que celui-ci était exposé à payer deux fois le prix de son acquisition; que cette décision laissait intactes et entières les questions de garantie naissant de ice double paiement;-Attendu, sur la deuxième branche du moyen, qu'il est souverainement jugé, en fait, par le jugement attaqué que les conventions intervenues entre les parties

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CASS.-REQ. 15 avril 1867.

TITRE, ACTE RÉcognitif, Effet rétroactif, CONDITIONS.

L'art. 1337, C. Nap., qui détermine les conditions auxquelles les acles récognitifs dispensent de la représentation du titre primordial, a introduit un droit nouveau et ne saurait, dès lors, régir un tel acte antérieur au Code (1).

Au surplus, il ne résulte pas de la disposition de cet article que la transcription littérale du titre primordial soit une condition essentielle de la validité du titre récognitif : il suffit que la convention originaire y soit relatée dans ses clauses principales (2).

(De Montailleur C. Bouilloux.)

Un arrêt de la Cour de Dijon, du 7 mars 1866, avait statué en ces termes : « Considérant qu'il est constant, en fait, et qu'il résulte des titres, soit de Bouilloux, soit de la dame de Montailleur, que le moulin à deux tournants, situé commune d'Azé, lieu dit Montchanin, la rivière de Monge, sur laquelle il est établi, les prés de la Balme et Picot, et la source dite de la Balme qui prend naissance entre ces deux prés, dépendaient autrefois de la seigneurie de Montchanin et appartenaient en 1674 à Bernard de Veau, et en 1760 à Jean-François-Ferdinand-Ollivier de Tallignant comte de Senozan, auteurs communs de Bouilloux et de la dame de

(1) V. conf., Pau, 14 août 1828; Cass. 3 juin 1835 (P. chr.-S.1835.1.324). En sens contraire, Pau, 30 janv. 1828, et MM. Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 6, § 760 bis, note 4, p. 420.

(2) V. en ce sens, Poitiers, 28 fév. 1823; Cass. 11 juin 1833 (P. chr. S. 1833.1.763) et 3 juin 1835 (P. chr. S. 1835.1.324); MM. Rolland de Villargues, Répert. du notar., vo Titre nouvel, n. 30; Toullier, t. 10, n. 334; Bonnier, Tr. des preuves, t. 2, n. 785; Marcadé, sur l'art. 1337, n. 4, note 1; Larombière, des Oblig., t. 4, sur l'art. 1337, n. 5; Zachariæ, édit. Massé et Vergé, t. 3, § 585, 482; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. 6, $760 bis, p. 420, note 8.

p.

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Montailleur ; Considérant que si l'acte du 10 déc. 1674, par lequel Bernard de Veau, seigneur de Montchanin, a accensé et asservissé à Gaspard et Jacques de Beaufort le moulin dont Bouilloux est aujourd'hui propriétaire, n'est pas représenté, sa teneur, dans ce qu'il pouvait avoir d'essentiel à lá cause, se trouve relatée dans un acte du 25 avril 1760, par lequel Etienne et Georges Miot, auteurs de Bouilloux, reconnaissent tenir, à titre d'asservissage et arrentement perpétuel, du comte de Senozan, seigneur de Montchanin, le moulin en question; -Considérant, au surplus, que cet acte, émané du comte de Senozan lui-même ou de son mandataire spécial, a toute la valeur d'un titre contradictoire, soit à l'égard de la dame de Montailleur, soit à l'égard de Bouilloux, qui tous deux représentent ledit seigneur, et fait foi entière de toutes les énonciations qu'il renferme; Considérant qu'il résulte

de ses dispositions que le moulin de Montchanin a été accensé avec les eaux, cours d'eau, aisances et appartenances sur la rivière de Monge, le tout dépendant de la seigneurie de Montchanin; et qu'indépendamment de la rente annuelle et foncière de cent livres dont les meuniers étaient tenus, obligation leur était imposée de moudre sans rétribution tous les grains nécessaires à l'usage des fermiers résidant à Montchanin;- Considérant qu'il est juste et naturel de supposer que le seigneur de Senozan a entendu céder au censitaire le droit d'user des eaux de la source de la Balme qui lui appartenait, et qui, alors comme aujourd'hui, étaient dirigées par un fossé traversant le pré de la Balme et le pré Picot, sur une longueur d'environ 80 mètres, et venaient se jeter dans la rivière de Monge, en amont de l'écluse du moulin; que c'est ainsi que doivent être interprétées les expressions géminées relatives aux eaux, que l'on trouve dans le contrat; qu'on ne peut admettre que le seigneur de Senozan se soit réservé l'usage exclusif d'une fontaine dont les eaux, surtout dans les temps de sécheresse, étaient nécessaires au mouvement de l'usine qu'il aliénait; qu'il a pu sans doute ne point s'interdire le droit d'irriguer ses prés, mais à la charge de n'user des eaux que dans de justes limites, ou de les rendre à la Monge, en amont du bief, après l'irrigation; Considérant que c'est dans cette mesure et à ces conditions que doivent être restreints les droits du propriétaire actuel de la source, pour qu'ils puissent se concilier avec ceux que le seigneur de Senozan, son auteur, a conférés à l'usinier; Considérant que cette interprétation du titre de Bouilloux résulte encore de ces circonstances de fait que les propriétés aujourd'hui divisées ont été réunies dans la même main; qu'à l'époque de cette réunion existait déjá le fossé conduisant les eaux de la source de la Balme dans la rivière de Monge, au-dessus du bief du moulin; qu'aucun barrage ne retenait alors ces eaux; qu'aucun travail per

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manent ne les dérivait pour l'irrigation des prés; qu'enfin l'auteur commun a laissé les choses dans cet état en vendant l'usine; Par ces motifs, émendant, renvoie Bouilloux de la demande de la dame de Montailleur, etc. »

POURVOI en cassation par la dame de Montailleur, pour violation des art. 691, 695, 1134 et 1337, C. Nap., en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'immeuble de la demanderesse frappé d'une servitude discontinue, alors cependant que l'acte constitutif de cette servitude n'était pas représenté, que l'acte récognitif que l'on produisait pour y suppléer n'émanait pas du propriétaire du fonds assujetti, et que, dans tous les cas, cet acte récognitif ne renfermait pas la mention expresse de la servitude reconnue.

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ARRÊT.

LA COUR; Sur la première branche du moyen de cassation... (sans intérêt); Sur la deuxième branche, relative au défaut de représentation du titre constitutif de la servitude et à l'absence d'une mention expresse de ladite servitude dans l'acte du 25 avril 1760 : Attendu que si le titre originaire constitutif de la servitude n'est point représenté, il est valablement remplacé par l'acte du 25 avril 1760 précité; Attendu que l'art. 1337, C. Nap., invoqué par le pourvoi, a introduit un droit nouveau et ne saurait régir un titre récognitif qui remonte à 1760;

Attendu, d'ailleurs, qu'en supposant que cet article fût applicable à la cause, on ne saurait induire de ses dispositions que la transcription littérale du titre primordial soit une condition essentielle de la validité du titre récognitif; — Qu'il suffit que la convention originaire s'y trouve relatée dans ses clauses principales; Attendu, sous un autre rapport, que si les servitudes doivent ètre formellement énoncées dans les actes qui les constituent, il n'existe point, à cet égard, d'expressions sacramentelles; - Attendu que l'arrêt attaqué constate, par une appréciation souveraine du titre du 25 avril 1760, que la convention constitutive de la servitude s'y trouve relatée dans ses clauses essentielles, notamment en ce qui concerne la destination, la nature et l'étendue de la servitude dont il s'agit; Qu'une semblable décision n'a violé ni les articles invoqués par le pourvoi, ni aucune autre disposition de la loi ; Rejette, etc.

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Du 15 avril 1867.-Ch. req.-MM. Taillandier, prés.; Calmètes, rapp.; Savary, av. gén. (concl. conf.); Bozérian, av.

CASS.-REQ. 15 mai 1867.

NOM, PROPRIÉTÉ, POSSESSION.

Ea propriété d'un nom patronymique, bien qu'elle ne puisse s'acquérir par la prescription (art. 2226, C. Nap.), a pu être considérée comme résultant légitimement au profit

d'une famille, à l'encontre d'une autre famille qui en est incontestablement propriétaire, d'une possession ancienne ayant tous les caractères de la bonne foi.-L'appréciation, à cet égard, de la durée nécessaire, de la loyauté et des effets de la possession invoquée, rentre dans les pouvoirs souverains des juges du fond (1).

Spécialement, la possession d'un nom a pu être déclarée à bon droit suffisante pour en faire acquérir la propriété, alors même que l'identité de ce nom ne serait établie dans la famille qui le revendique qu'à travers diverses transformations, si d'ailleurs, en s'attachant à la pratique des générations les plus rapprochées, cette possession, révélée par l'inscription du nom revendiqué dans une série d'actes de l'état civil, a eu, sans réclamation aucune de la part de tiers intéressés, une durée de plus d'un siècle (2).

(De Crussol d'Uzès C. de Crussol des Epesse.)

Les enfants des Epesse, au nombre de quatre, sont nés en 1822, en 1825, en 1828 et en 1833. Tous quatre sont inscrits dans leurs actes de naissance comme enfants de Louis-François de Crussol des Epesse, qui a signé dans l'un du nom de des Epesse de Crussol, et dans les trois autres, de celui de de Crussol des Epesse. Cependant ce dernier, né le 20 germ. an 3, n'était inscrit dans son acte de naissance que sous le nom de des Epesse, et c'est encore sous le même nom seulement qu'il est désigné dans son acte de mariage du 3 oct. 1821, et dans son acte de décès du 8 déc. 1836. En remontant plus haut, on voit pour la première fois, en 1761, apparaître dans la famille le nom de Crussol; c'est, en effet, sous le nom de Pierre de Crussol des Epesse qu'est inscrit, dans son acte de naissance du 12 août de cette année, l'aïeul paternel des défendeurs au pourvoi.

Le 2 fév. 1863, ces derniers ont présenté requête au président du tribunal de SaintFlour, à l'effet d'obtenir la rectification des actes de l'état civil concernant leur père, et même de ceux qui les concernaient personnellement, en ce sens que les noms de des Epesse et de des Epesse Crussol, devraient être remplacés uniformément par ceux de de Crussol des Epesse. — Le sieur de Crussol, duc d'Uzès, est intervenu dans l'instance, prétendant que le nom de de Crussol appartenait exclusivement à sa famille, et que celle des Epesse était sans droit pour le revendiquer.

Mais un jugement du tribunal de SaintFlour, du 25 janv. 1864, a ordonné la rectifi

(1-2) V. sur cette importante question, les décisions rappelées sous l'arrêt attaqué de la Cour de Riom du 9 janv. 1865 (P.1865.91.-S.1865. 2.7), et dans les conclusions de M. l'avocat général Fabre reproduites plus loin.-V. aussi M. A. Levesque, du Droit nobiliaire français, n. 197 et suiv.

1

cation demandée par la famille des Epesse; et ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour de Riom du 9 janv. 1865, rapporté P. 1865.91.-S.1865.2.7.

POURVOI en cassation par le duc d'Uzès, pour violation des art. 57 et 347, C. Nap; violation et fausse application des art. 99 et suiv.,320 et suiv., 2226 et 2229, niême Code, et des principes qui régissent la propriété des noms, en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la rectification d'actes de l'état civil signalés comme inexacts et incomplets, et l'addition, dans ces actes, du nom de Crussol, quoiqu'il soit constant et reconnu par cet arrêt même : 1° que ce nom de Crussol appartient au duc d'Uzès; 2° que le nom véritable des défendeurs éventuels est de Coursule ou de Cursule; 3° enfin que la transformation de ce nom en celui de Crussol ne provient que de la prononciation locale et de l'incurie ou de l'ignorance des rédacteurs d'actes.

Le rapport, sur cette importante affaire, avait été préparé par M. le conseiller Renault d'Ubexi.-Nous jugeons utile de reproduire les principaux passages de l'intéressant travail de ce savant et regrettable magistrat.

Après avoir posé en principe que le nom patronymique constitue une propriété, et que la loi donne à chacun de ses membres une action en justice pour défendre cette propriété contre l'usurpation dont elle pourrait être l'objet; après avoir reconnu en outre que celui qui prétend interdire à une famille l'usage du nom qu'il porte lui-même, doit, pour réussir dans son action, prouver deux choses: 1° que ce nom lui appartient légitimement; 2° que ceux auxquels il le conteste n'y ont aucun droit; enfin, après avoir établi, avec les constatations de l'arrêt attaqué, que le nom de Crussol appartient incontestablement au duc d'Uzės, M. le rapporteur continue ainsi qu'il suit:

Le même nom peut, il est vrai, appartenir simultanément à plusieurs, et il ne suffirait pas au duc d'Uzès d'avoir justifié de son droit au nom de Crussol, si, en même temps, il n'était établi que la famille des Epesse à laquelle il le conteste, ne peut légitimement y prétendre. Or, suivant l'arrêt, cette preuve ne serait pas faite, et les défendeurs éventuels trouveraient au contraire, dans une possession remontant à 1761, an titre justifiant leur prétention et consacrant légitimement leur droit. Nous nous trompons peut-être; mais une pareille solution donnée par la Cour de Riom å la question capitale du procès, nous paraît être la violation la plus flagrante de tous les principes de la matière, en présence des faits acquis, des titres produits et des constatations les plus formelles de l'arrêt attaqué. Ces faits, ces titres, ces constatations, le pourvoi les respecte; en ce qui les concerne, tout est souverainement décidé par les juges du fond; mais ce qu'il conteste, et il en a le droit, ce sont les conséquences juridiques et légales qu'ils ont cru pouvoir en déduire; ainsi, il accepte comme établie, avec tous les caractères que l'arrêt lui assigne, cette possession que, depuis 1761, la famille des Epesse aurait eue du nom de Crussol... Mais ce qu'il conteste, c'est

qu'en droit une telle possession, reconnue contraire à une possession ancienne également justifiée, soit un titre légal, et ait pu avoir pour conséquence de transformer, en l'altérant, le nom primitif des des Epesse. Or, il est de toute évidence que la question, ramenée à ces termes, est une question de droit qui ne peut avoir été souverainement tranchée; sur sa solution, votre contrôle, et, le cas échéant, votre censure peuvent dès lors s'exercer en toute liberté. Examinons-la donc, et voyons si elle résiste à la discussion.

« Les principes qui régissent la propriété du nom et servent à déterminer, avec sa nature et son caractère, sa transmissibilité et les preuves par lesquelles elle s'établit, sont élémentaires et depuis longtemps consacrés par une jurisprudence constante. Le nom individualise l'homme dans la société; sans le nom qui imprime sur lui un caractère distinct, il serait impossible de le reconnaître au milieu de la foule qui se meut et se succède dans l'etat social, et il ne laisserait pas même un souvenir après lui; que le nom, naturellement né des rapports des hommes entre eux, n'ait eu dans l'origine d'autre titre que la posses→ sion, et pour régle que le caprice et la volonté de celui qui le prenait ou le recevait, cela n'est pas douteux; mais les rapports, en se multipliant, et les intérêts qu'ils mettaient en contact, en se compliquant, ne tardèrent pas à amener de nouvelles exigences, et l'on comprit la nécessité de fixer le nom et l'état civil des personnes; de là ce principe accepté par tous, et consacré à diverses reprises par d'anciennes ordonnances, que le nom, s'il est la propriété de celui qui le possède, est une propriété sui generis, dont il n'a pas la libre disposition, qu'il doit conserver intacte pour la remettre à ses descendants, qu'il ne peut compromettre par son fait, qu'il ne pourrait directement aliéner, et qui, constitué dans un intérêt supérieur et d'ordre public, échappe à la prescription même la plus longue...

« Cette théorie que la Cour de Riom admet en principe, elle se croit, dans l'application, le droit de l'écarter sous prétexte que, prise dans ce qu'elle a d'absolu, elle compromettrait l'intérêt public et jetterait le trouble et la perturbation dans les intérêts privés de la famille, tous intérêts cependant qu'elle a pour but de sauvegarder. Ainsi, après avoir proclamé l'imprescriptibilité du nom, c'est sur la possession récente de la famille des Epesse, possession dont elle fixe d'une manière certaine le point de départ à 1761, et qu'elle-même elle reconnaît être en contradiction avec une possession ancienne et comptant une durée de plusieurs siècles, qu'elle se fonde uniquement pour déclarer cette famille propriétaire légitime du nom de de Crussol, et en ordonner, par voie de rectification, l'insertion dans des actes de l'état civil qui, jusqu'à présent, ne le mentionnaient pas. Aucun lien de parenté ne rattache la famille des Epesse à la famille de Crussol d'Uzès; ce sont deux familles complétement étrangères Pune à l'autre; l'arrêt le constate... Donc, sous ce premier rapport, la filiation que l'arrêt juge cependant être le seul mode légal de la transmission du nom, en l'absence de décret du souverain, échappe aux consorts des Epesse; elle leur échappe également

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