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sans dol et faute de la part de l'usufruitier, il est dispensé de les représenter à la fin de l'usufruit. Mais sur l'observation de M. Tronchet, portant << qu'il est difficile que les meubles soumis à l'usu>> fruit soient tellement consommés par l'usage, » qu'il n'en reste absolument rien; que cepen>> dant on donnerait à l'usufruitier la facilité de » les soustraire à son profit, si on ne l'obligeait >> pas à représenter ce qui reste, » cette dernière partie de l'article fut retranchée; d'où il résulte que la seule peine que les auteurs du code aient voulu imposer à l'usufruitier qui ne représente pas les restes des meubles dont il s'agit, c'est d'être présumé les avoir distraits à son profit, et de s'être par là rendu passible de la restitution du prix estimatif porté à l'inventaire.

Ainsi l'usufruitier qui aliène les meubles de cette nature, ne se rend pas coupable d'un acte abusif qui puisse autoriser contre lui une action en déchéance de son droit, ou en dommages et intérêts, puisque loin de nuire au propriétaire, il rend sa condition meilleure.

1082. Vainement dirait-on qu'on ne peut accorder à l'usufruitier la faculté d'aliéner, sans blesser tous les principes de la matière, puisque le droit de disposer est essentiellement inhérent à celui de propriété, et ne peut conséquemment appartenir qu'au propriétaire.

Il est, en effet, très-vrai qu'en général l'usufruitier ne saurait avoir le droit de disposer, puisqu'il est tenu de conserver: mais dans l'hypothèse particulière, il faut considérer que le droit d'usufruit est presque tout, et qu'au contraire

celui de propriété n'est presque rien, puisqu'il n'a plus qu'une utilité purement éventuelle pour le cas où le meuble ne se trouvera pas anéanti dans ses fonctions, à la fin de l'usufruit; qu'en conséquence le droit de propriété est pour ainsi dire absorbé par celui d'usufruit, et qu'enfin l'usufruitier n'étant pas tenu de conserver la chose dont il s'agit, puisqu'il peut l'anéantir par l'usage qu'il en fait, jusqu'à la rendre inutile et de nulle valeur, il n'y a réellement pas de contradiction à lui accorder la faculté d'en disposer sans fraude. 1085. Vainement nous opposerait-on encore, que l'usufruitier ne pouvant pas même louer les meubles dont il s'agit, doit, à plus forte raison, être exclus du droit de les vendre.

Il est vrai, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, que l'usufruitier ne peut céder ni louer son droit de jouissance sur des meubles qui ne sont point destinés à être loués; mais que résulte-t-il de là? Rien autre chose, sinon que, s'il les a loués, il ne pourra se libérer en les représentant dégradés à la fin de l'usufruit, parce qu'on lui opposera que c'est par sa faute qu'ils se trouvent détériorés, et qu'en conséquence il en doit payer l'estimation, comme s'il les avait distraits et qu'il ne lui fût plus possible d'en représenter les restes

CHAPITRE XXIII.

Des Droits de l'usufruitier sur les animaux.

1084. Le droit d'usufruit peut être établi sur

toutes sortes d'animaux utiles au service de l'homme, même sur ceux qui ne sont destinés qu'à offrir des spectacles au public, soit qu'ils aient été élevés à exécuter quelques tours d'adresse, soit qu'ils soient montrés comme des objets rares dans un pays (1): il suffit qu'on retire quelque revenu des spectacles dans lesquels ils sont un objet de curiosité, pour que l'usufruit en soit véritablement utile. 1085. L'usufruit établi sur des animaux, est, sous plusieurs rapports, semblable à celui qui porte sur des meubles inanimés; mais il en diffère aussi sous des points très-essentiels, comme nous le ferons remarquer plus bas, et c'est pourquoi nous avons voulu en traiter spécialement dans ce chapitre.

L'usufruit des animaux convient d'abord avec celui des autres choses mobilières non fongibles, en ce que l'usufruitier n'en devient pas propriétaire par la remise qui lui en est faite, et que l'estimation portée à l'inventaire ne les met point à ses risques et périls; à moins qu'il ne s'agisse

(1) Voy. dans LANGUNEZ, tractatu de fructibus, part. 1, cap. 34, n. 32 et suiv.

d'animaux uniquement destinés au commerce; c'est-à-dire d'animaux acquis pour être revendus par un homme faisant cette espèce de négoce : tels que les chevaux achetés par un entrepreneur aux remontes de l'armée, ou les boeufs acquis par un fournisseur des vivres; ou même les boeufs mis en pâture par un particulier, pour les engraisser à l'usage des boucheries; ce qu'on appelle dans quelques pays, boeufs d'embouche. L'estimation portée à l'inventaire, pour les animaux ayant cette destination, aurait pour l'usufruitier sinon tous les effets d'une vente, au moins celui de les placer à ses risques et périls du moment de son envoi en jouissance, en sorte que, s'ils venaient à périr, la perte n'en serait que pour lui, et il n'en devrait pas moins le paiement du prix estimatif, par la raison qu'il serait vrai de dire que rem vendendam acceperit ut pretio uteretur: d'où l'on devrait conclure, avec le jurisconsulte Ulpien, que suo periculo rem habebit (1).

Le droit d'usufruit sur des animaux convient encore avec celui qui serait établi sur des meubles inanimés, en ce qu'il ne donne à l'usufruitier que la faculté de les employer aux usages pour lesquels ils avaient été destinés, sans pouvoir les soumettre à un service plus nuisible: puisque c'est une règle générale en cette matière, que l'usufruitier doit user en bon père de famille, etne doit jouir que comme le propriétaire luimême.

(1) L. 4, ff. de rebus creditis, lib. 12, encore ce qui est dit sous le n.o 1016.

tit. I;

voyez

1086. Ainsi, l'usufruitier qui succède à un loueur de chevaux et de voitures, peut continuer le même usage à son profit; mais celui qui succède à un propriétaire qui n'employait ses chevaux et ses voitures qu'à son usage particulier, ne pourrait, sans compromettre sa responsabilité, les louer à d'autres, à moins qu'il ne paraisse l'intention du testateur a été de lui accorder que cette faculté: intention qu'on pourrait présumer de ce que le légataire de l'usufruit aurait été luimême, à l'époque de la confection du testament, loueur de chevaux par état, et que le testateur en aurait eu connaissance: Et si fortè auriga fuit cui usus equorum relictus est, non puto eum circensibus his usurum: quia quasi locare eos videretur. Sed si testator sciens eum hujus esse instituti et vitæ, reliquit, videtur eum de hoc usu sensisse (1).

1087. L'usufruitier des animaux a le droit de profiter de leur travail ainsi que des fumiers et engrais qu'ils peuvent donner : il perçoit en outre comme fruits, les laitages, les laines et le croît que ces animaux peuvent produire. Bien entendu qu'il doit aussi les nourrir et soigner convenablement, soit en temps de santé, soit en temps de maladie, et fournir à toutes impenses nécessaires à leur conservation.

L'espèce de fruit qui consiste dans le produit des animaux et dans le croît qui arrive par la naissance des jeunes bêtes, appartient à la classe des fruits naturels (583), qui ne sont acquis qu'à

(1) L. 12, S. 4, de usu et habitat., lib. 7, tit. 8.

ΤΟΜ. ΙΙΙ.

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