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teur, pour se décharger du poids de la tutelle, ne supposât à son pupille une capacité précoce, qu'il ne le persuadât au conseil de famille, et que l'émancipation ne devînt ainsi un funeste abandon.

Autre différence : s'il s'agit d'un mineur qui soit sous la 479 tutelle d'un simple parent ou d'un étranger, et que ce tuteur, soit pour se maintenir dans une grande gestion ou par tout autre motif, laisse passer à son mineur l'âge de dix-huit ans sans solliciter son émancipation, que l'on suppose méritée par une bonne conduite et une capacité suffisante, tout parent du mineur au degré de cousin-germain ou à des degrés plus proches pourra lui-même provoquer la réunion du conseil de famille pour délibérer sur l'émancipation; mais cette faculté n'aura jamais lieu contre un père administrateur ou tuteur, ni contre une mère tutrice, parce qu'ils sont juges suprêmes en cette partie, et que leur autorité ne doit, jusqu'à la majorité de leurs enfans, recevoir d'autres limites. que celle qu'y mettra leur propre volonté.

Après avoir posé cette double distinction relative à ces deux espèces de mineurs, si l'attention se porte sur les effets de l'émancipation, on verra qu'ils sont les mêmes pour tous les émancipés.

Administrer ses biens et toucher ses revenus, tel est le 48. droit qu'acquerra l'émancipé; mais il sera loin d'avoir tous les droits du majeur.

Ainsi, il ne pourra vendre ni aliéner ses immeubles que 484 selon les formes prescrites pour les autres mineurs, ni recevoir un capital mobilier sans l'assistance d'un curateur.

Il ne pourra même faire d'emprunt; les prêts, fléau de 483 l'inexpérience, ne doivent pas exister pour un mineur même émancipé.

Cependant, puisqu'il est appelé à l'administration de ses 481-484 biens, il doit avoir les moyens d'y pourvoir.

Il aura donc la faculté d'acheter les choses utiles à son

entretien et à l'exploitation de ses biens; mais, jusque

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dans l'exercice de cette faculté, il sera placé sous une législation spéciale; car s'il contractait des obligations immodérées, les tribunaux pourront les réduire en prenant en considération la fortune de l'émancipé, la nature de ses dépenses et la bonne ou mauvaise foi des personnes qui auront contracté avec lui.

Dans ce cas, il y aura preuve d'inconduite, ou tout au moins de mauvaise administration; et ceci a fait naître l'idée d'une disposition tendant à faire rentrer en tutelle l'émancipé qui se serait rendu indigne ou montré incapable de gérer ses biens.

Dans cette disposition, le gouvernement a aperçu des résultats d'une grande utilité; car l'émancipation deviendra un stage pour la jeunesse.

L'émancipé craindra d'en perdre le bénéfice; et, averti que son sort dépend de sa conduite, il contractera dès le commencement de sa carrière civile les bonnes habitudes qui doivent avoir une si heureuse influence sur le reste de la vie : ce point de législation peut seul produire une révolution utile dans l'ordre moral.

Tel est, citoyens législateurs, le plan général du projet de loi sur la Minorité, la Tutelle et l'Emancipation.

Si nous n'avons motivé que ses dispositions principales, et spécialement celles qui s'écartent le plus de l'ancienne législation, nous avons cru devoir nous arrêter là, dans une matière qui n'offre au surplus que des détails nombreux sans doute, mais simples, faciles, et peu susceptibles de commentaires.

COMMUNICATION OFFICIELLE AU TRIBUNAT.

Cette communication eut lieu le 27 ventose an XI (18 mars 1803), et M. Huguet vint faire le rapport à l'assemblée générale du Tribunat le 3 germinal (24 mars).

RAPPORT FAIT PAR LE TRIBUN HUGUET.

Tribuns, je viens vous faire connaître l'opinion de votre section de législation sur le projet de loi relatif à la Minorité, à la Tutelle et à l'Emancipation.

C'est une des lois du Code civil qui doit appeler plus particulièrement et votre intérêt et votre sollicitude. Elle détermine d'une manière positive les règles qui seront à suivre pour l'administration des personnes et des biens des enfans mineurs, de ces êtres faibles qui réclament, par l'intérêt qu'ils inspirent, l'appui et toute la bienveillance de l'autorité publique.

Ce n'est point une législation nouvelle qui vous est soumise; ce n'est point un système nouveau qui vous est présenté; c'est un choix de préceptes, de maximes et de règles déjà éprouvés par l'expérience des siècles, et que la raison a justifiés depuis long-temps; c'est un choix fait, soit dans le droit écrit, soit dans le droit coutumier, des meilleures institutions sur cette matière.

C'est dans les lois diverses qui régissent en cette partie les différentes contrées de la France qu'on a puisé avec habileté ce qui était le plus conforme à nos mœurs, le plus convenable à nos habitudes, et le plus juste, pour n'en faire qu'une seule loi uniforme et générale.

Vous n'aurez point à examiner si les dispositions du projet de loi sont admissibles, ce fait est reconnu; mais seulement votre jugement s'exercera comparativement sur chacune de ces institutions pour se fixer sur la meilleure.

Ainsi, par exemple, le droit coutumier en général veut qu'à l'égard du père la tutelle soit dative, qu'il ne puisse être le tuteur de ses enfans sans avoir l'avis de sa famille confirmé par le juge; le droit écrit, au contraire, veut que le père en soit l'administrateur né, le tuteur naturel, légitime et de droit. Vous aurez à vous décider entre ces deux règles. C'est ainsi que vous jugerez le projet de loi.

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Pour vous mettre à même de le faire, je vais vous rendre compte de ses dispositions.

Je me permettrai très-peu de réflexions; il est inutile de tout dire à des hommes éclairés souvent il me suffira de vous présenter le simple texte de la loi pour vous mettre à même de l'apprécier; ma tâche sera plus courte, et vos momens, si précieux d'ailleurs à la chose publique, seront plus ménagés..

Ce projet de loi est le dixième titre du Code civil.
Il est divisé en trois chapitres.

Le premier traite de la minorité;

Le second, de la tutelle;

Et le troisième, de l'émancipation.

CHAPITRE Ier.

De la Minorité.

Il est composé d'un seul article.

Il porte: «Le mineur est l'individu de l'un ou de l'autre << sexe qui n'a point encore l'âge de vingt-un ans accomplis. » Cet article m'entraîne malgré moi dans l'examen d'une question souvent controversée; celle de savoir si la majorité doit continuer à être fixée à vingt-un ans, ou si on doit la rétablir à vingt-cinq ans.

Dans l'ancien droit français, la majorité était pour les garçons à quatorze ans et pour les filles à douze ans ; à cet âge ils n'avaient plus besoin de tuteurs.

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Mais, lors de la rédaction des coutumes, dans le quinzième siècle, l'étude du droit romain avait fait tant de progrès, que la disposition relative à la majorité à vingt-cinq ans qu'il contient fut adoptée dans une très-grande partie de nos coutumes.

Il me semble qu'alors on aurait pu prendre un juste milieu, celui précisément que propose le projet de loi.

Et en effet, si la majorité à quatorze ans présentait et présenterait encore aujourd'hui beaucoup d'inconvéniens, il

faut en convenir, la majorité à vingt-cinq ans, qui est un autre extrême, n'en présente pas moins.

L'interdiction des personnes jusqu'à vingt-cinq ans, la privation jusqu'à cet âge de l'exercice de leurs droits civils, est autant préjudiciable à leurs intérêts personnels que nuisible au grand intérêt de la société.

Les laisser privés de toutes actions civiles jusqu'à ce qu'ils aient atteint le tiers présumé de leur vie, vouloir qu'ils soient jusqu'à ce temps sous la dépendance d'autrui, c'est enchaîner des hommes faits, c'est leur ôter tout essor, c'est amortir leurs facultés, ces facultés avec lesquelles ils peuvent entreprendre des améliorations nécessaires et faire des contrats et des transactions utiles.

C'est le temps de l'effervescence des passions, nous diton : la maturité de l'homme n'est qu'à vingt-cinq ans; ce n'est qu'à cet âge qu'il est propre à gérer ses affaires. Vain langage! faux calcul!

C'est le temps des passions! Mais qui peut précisément en fixer l'époque? Et quand ce serait vrai, est-il dit qu'il faille les encourager, les souffrir, les entretenir? n'est-il pas possible de leur opposer une digue, et de chercher dans les institutions des moyens d'en arrêter le cours? Je crois que la fixation de la majorité à vingt-un ans a nécessairement ce but.

Et en effet, peut-on espérer que les hommes seront plus sages, plus propres à exercer leurs droits civils lorsque leurs passions se seront enracinées jusqu'à vingt-cinq ans?

J'aime mieux que de bonne heure on les force à exercer leur raison, dussent-ils même commettre quelques erreurs; j'aime mieux qu'il soit dit à cet adolescent, à ce jeune homme de dix-huit à vingt ans, sensible, encore pur et plus susceptible d'impressions : Les passions vont vous assiéger, mais mettez-vous en garde, défendez-vous, luttez contre car dans un an ou deux vous serez appelé à la dignité de l'homme en société ; vous jouirez de vos droits civils les actes que vous ferez feront le bonheur ou le mal

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