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COUR D'APPEL DE PARIS.

Les arbitres sont-ils juges de leur compétence? (Rés. nég Cod. de proc. civ., art. 1028.

ROUSTAN, C. GARÇON-RIVIÈRE ET CONSORTS.

Les sieurs Garçon-Rivière, Roustan, Pradelle, Poudrel et Jubie, avaient formé entre eux, le 11 nivôse an 6, une société de commerce. Cette société fut bientôt dissoute. Aux termes de l'acte qui l'avait organisee, des arbitres furent choisis pour en opérer la liquidation, Ils rendirent, l 13 août 1806, une décision qui condamnait par provisionle sieur Roustan à payer à la société Garçon-Rivière, Roustan, Pradelle et compagnie, la somme de 91,662 fr. Il existait encore des difficultés entre les parties. La décision que le tribunal arbitral venait de rendre était seulement provisoire. Désorganisé par la démission de plusieurs de ses membres, il ne pouvait rendre la décision définitive qu'on attendait. On recourut aux tribunaux pour élire de nouveaux arbitres. Le choix tomba sur MM. Poirier, Porcher, Hemery, Cham pion et Garnier de Bourneuf. Ils furent chargés de prononcer en dernier ressort sur toutes les contestations relatives aux compte, règlement et liquidation de la société établie le nivôse an 6.

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Il n'était point question dans le compromis de société antérieure; cependant les sieurs Pradelle, Poudrel et Jubie, vou. laient que les arbitres prononçassent, avant tout, sur la ques tion de savoir si le sieur Roustan n'avait pas été membre d'une société préexistante à celle du 11 nivôse an 6. Le sieur Roustan prétendit que cette question était hors des termes du compromis, et que les arbitres ne pouvaient en connaître. Ce débat donna lieu à une décision unanime, rendue le 22 décembre 1807, dans laquelle les arbitres, sans rien décider de positif, considéraient qu'ils n'avaient à statuer que sur les contestations relatives aux règlement, compte et liquidation de la société

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i nivôse, et qu'ils étaient étrangers à tout ce qui lui antérieur.

s mêmes arbitres rendirent, le 18 juillet 1808, une on définitive, mais seulement à la pluralité des voix. s avoir considéré que les pouvoirs qui leur avaient lélégués étaient à l'effet de juger toutes les contestarelatives aux règlement, compte et liquidation de la té du nivôse an 6; que dans l'ordre des contestaentrait nécessairement celle qui s'élève sur une qualité quelle peut résulter un debet d'un associé envers la so, et qu'ils resteraient au-dessous de leurs pouvoirs, s'ils rononçaient pas sur cette difficulté, parce que les parties eindraient pas l'objet de leurs vœux respectifs, qui est de gler définitivement entre elles; et partant de là, les ares déclarèrent le sieur Roustan membre d'une société aneure à celle du 11 nivôse an 6.

e sieur Roustan, appuyé sur l'art. 1028 de Code de proire civile, provoqua la nullité de cette décision arbie; et pour l'obtenir, il traduisit directement ses adversaidevant la Cour d'appel.

e 13 décembre 1808, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, mière chambre, MM. Piet, Archambault et Billecoq avos, par lequel:

LA COUR,

Faisant droit sur le tout; Considérant › les cinq arbitres nommés en exécution d'arrêt de la Cour, les membres de la société contractée entre les parties, acte du 11 nivôse an 6, sous la raison sociale Rivière, ustan, Pradelle et compagnie, ne l'ont été que pour star sur les contestations relatives aux règlement, compte iquidation de ladite société, ainsi que lesdits arbitres l'ont :onnu par leur décision unanime du 22 décembre 1807; Considérant que la question de savoir si Roustan, l'un 5 membres de cette société, est aussi membre d'une autre ciété antérieure, connue sous la dénomination de Garçonvière et compagrie, est hors des pouvoirs accordés auxts arbitres, à la nomination desquels ladite maison Gar

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con-Rivière et compagnie, qui n'est point en cause, et do Roustan dénie être membre, n'a point concouru ; Co sidérant enfin que des arbitres dont le pouvoir de statu sur une question élevée devant eux est contesté par l'une d parties n'ont pas le droit de décider s'ils sont compéter pour en connaître; qu'un pareil droit appartient exclusive ment aux tribunaux; REÇOIT Roustan opposant à l'or donnance d'exequatur; et faisant droit sur sa demande, de clare la décision arbitrale du 18 juillet dernier nulle et de nu effet pour excès de pouvoir, etc. »

Nota. La Cour d'appel de Paris avait déjà décidé cett question par un arrêt du 25 mars 1808, « attendu, y est-i dit, que les arbitres ne sont point juges de leur compétence et que, lorsqu'ils diffèrent d'opinion sur leurs pouvoirs, e n'est point à un tiers arbitre, aussi incompétent pour cet ef

que les arbitres eux-mêmes, à vider le partage; mais que c'est aux juges ordinaires privativement qu'il appartient de le faire cesser, en déterminant d'une manière précise l'étendue et les bornes du pouvoir donné aux arbitres. »

COUR D'APPEL DE COLMAR.

La donation faite au profit d'un mineur est-elle nulle parce que le tuteur l'a acceptée sans autorisation préalable du conseil de famille? (Rés, nég.) Cod. civ., art. 463. La circonstance que cette même donation n'a été transcrite qu'après le décès du donateur en entraîne-t-elle la révocation? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 941.

LES HÉRITIERS PFLIEGER, C. LES ÉPOUX Kieffer.

La donation entre vifs doit être acceptée : car la donation est un contrat, et ce n'est que par l'acceptation que la volonté du donataire, se joignant à celle du donateur, forme ce consentement mutuel sans lequel on ne peut concevoir de convention ni d'obligation. L. 1, § 2, ff., de pactis. Cette règle est générale et ne reçoit aucune exception. Ainsi les dona

tions mêmes qui sont faites aux mineurs doivent être acceptées : car, à leur égard comme en ce qui concerne les majeurs, sans consentement point de contrat.

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Mais un mineur peut être tellement voisin de l'enfance qu'il soit par lui-même incapable de vouloir, et de consentir; * et c'est pour suppléer à son insuffisance à cet égard que la loi permet au tuteur de consentir pour son pupille et d'accepter au nom de ce dernier les donations qui lui sont faites." Ce consentement du tuteur est-il assujetti à quelque solennité? La difficulté à cet égard peut naître de ce que le Code civil, art. 935, se réfère à l'art. 463, qui impose au tuteur la nécessité de consulter la famille. Mais doit-on en conclure que, s'il a accepté sans la consulter, l'acceptation qu'il fait de son chef est nulle? Non, sans doute. Et ce qui le prouve, c'est que le Code, qui prononce soigneusement la peine de nullité partout où il la croit nécessaire, ne l'inflige pas ici. L'on conçoit, en effet, que cette peine tournerait entièrement au préjudice du mineur, que la loi a voulu favoriser au point qu'elle permet généralement à tous ses ascendans de faire ladite acceptation, sans leur imposer la gêne d'aucune autre autorisation que celle que leur donne naturellement leur qualité et l'affection qu'ils portent au pupille. La donation est donc valable lorsqu'elle est acceptée d'une manière quelconque par le tuteur, et les héritiers du donateur ne peuvent nullement argumenter de la prétendue incapacité du mineur ou de ceux qui l'ont représenté.

Quant à la transcription, la loi ne fixe aucun délai dans lequel elle doive se faire; elle n'est point de l'essence de l'acte: elle tend seulement à le consolider, en lui assurant pour l'avenir, au regard des tiers, l'irrévocabilité qu'il a dès le principe vis-à-vis du donateur. Il importe donc peu qu'elle íntervienne du vivant de celui-ci ou après son décès, pourvu qu'elle intervienne avant que les tiers ne se soient mis en mèsure d'en empêcher l'effet (1). Tels sont les principes dont la

(1) Voy. un arrêt de la Cour de cassation, du 28 prairial ạn 13, rapporté tom. 6, pag. 261, de ce receuil.

Cour d'appel de Colmar nous semble avoir fait une juste ap plication à l'espèce suivante.

Par acte notarié du 19 décembre 1806, les trois soeurs Catherine, Anne-Marie et Françoise Pflieger, ont fait donation à Anne-Marie Kieffer, leur petite-nièce, de tous leurs biens meubles et immeubles, dont elles se sont toutefois réservé l'usufruit au profit de la dernière survivante d'entre elles, ladite donation (y est-il dit) acceptée par MorandKleiber, tuteur de la donataire, présent.

Le 6 janvier 1807, Françoise Pflieger, l'une des donatrices, est décédée. Quelques semaines après, la donataire s'est mariée à Joseph Kieffer; et, le 10 mars suivant, elle et son mari, déclarèrent accepter la donation dont il s'agit. Le surlendemain 12, cet acte fut transcrit au bureau des hypothèques, ainsi que la donation, après avoir été signifié la veille aux deux donatrices encore vivantes.

C'est dans ces circonstances que les héritiers de Françoise Pflieger ont demandé la nullité de la donation, pour n'avoir pas été acceptée avec l'autorisation du conseil de famille, avant le décès de la donatrice. La donataire et son mari renoncèrent alors aux meubles, et soutinrent la validité de la donation quant aux immeubles; subsidiairement ils conclurent à ce qu'en cas de condamnation, Morand Kleiber, ci-devant tuteur, appelé en cause, eût à les garantir. Ce tuteur, de son côté, conclut à ce que les héritiers fussent déboutés 'de leur demande principale, et subsidiairement il demanda à être renvoyé de la demande en garantie.

Du 29 juin 1807, jugement du tribunal civil d'Altkirch qui donne acte à la donataire et à son mari de ce qu'ils renoncent à la donation quant au mobilier, déboute les héritiers de leur demande, les condamne aux dépens, et renvoie le tuteur, aussi avec dépens.

Double appel de la part des héritiers Pflieger envers toutes les parties, et de la part de la donataire et de son mari visà-vis de Morand-Kleiber.

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