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sissement du donateur et de la tradition au donataire qui l'accepte ou pour lequel il est accepté ; Que l'acceptation, prescrite à peine de nullité pour les donations constatées par acte public, n'est pas moins nécessaire lorsqu'elles ont été faites manuellement; - Que cette espèce d'acceptation devait avoir lieu, dans l'espèce, d'une manière d'autant plus énergique et d'autant plus manifeste, qu'il n'y avait pas tradition directe aux donataires, des valeurs que Delbert avait l'intention de leur donner, et qu'elles avaient été déposées entre les mains d'un tiers pour ne leur être remises qu'à leur majorité; Attendu que Couterel, qui en était le dépositaire, ne peut être considéré comme ayant accepté le don pour le compte des mineurs Daynes, par le seul fait de l'acceptation du dépôt confié à sa garde; qu'il était le mandataire de Delbert et non de ces derniers; que rien n'indique qu'il ait agi pour eux en vertu d'un mandat tacite ou comme negotiorum gestor, puisqu'il n'était pas d'ailleurs dans la classe de ceux auxquels l'art. 935, C. Nap., donne le droit et le pouvoir d'accepter un don fait à un mineur;-Attendu, d'un autre côté, qu'on alléguerait en vain que la remise faite au notaire par la mère des mineurs Daynes de certaines valeurs dont elle était dépositaire, constitue de sa part un acte équivalent à une acceptation dans l'intérêt de ses enfants, puisque rien ne détermine, dans la cause, les caractères, les motifs et le but de cette remise; Attendu, dès lors, que la mission donnée à Couterel, simple mandataire de Delbert jeune, n'était pas accomplie et consommée au moment où Raymond Delbert, tuteur de son frère, interdit depuis le mandat qu'il avait donné, a réclamé, à ce titre, la remise des valeurs confiées audit Couterel; qu'en cet état, il a pu révoquer le mandat qu'il avait donné à ce dernier, et réclamer, aux termes de l'art. 1940, C. Nap., la restitution du dépôt qui lui avait été confié;-Par ces motifs, etc.»>

POURVOI en cassation du sieur Daynes, notamment pour violation des art. 2279, 1372 et 1379, C. Nap., et fausse application des art. 933 et 1119, même Code, en ce que l'arrêt attaqué a annulé le don manuel fait par le sieur Delbert aux enfants Daynes, alors que les valeurs formant l'objet de ce don avaient été déposées par le donateur entre les mains d'un tiers, dans l'intention de se dépouiller actuellement et irrévocablement au profit des donataires, et avec mandat de leur remettre la chose donnée à une époque fixe.

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mineurs puisse être régulièrement acceptée, sous prétexte de gestion d'affaires, par un tiers qui n'a reçu aucun mandat et qui n'est pas au nombre des personnes désignées par l'art. 935, C. Nap., il serait du moins nécessaire, en matière de don manuel, que celui auquel ont été livrées les valeurs que l'on prétend avoir été données les eût reçues avec la pensée d'accepter pour les gratifiés et de dessaisir actuellement et irrévocablement le donateur;-Attendu que, des faits constatés par l'arrêt attaqué, il résulte que le notaire Couterel, en recevant de Pierre Delbert des valeurs que celui-ci lui donnait la commission de remettre aux mineurs Daynes à l'époque de leur majorité, n'agissait au nom de ceux-ci ni comme mandataire exprès ou tacite, ni conime negotiorum gestor; qu'il recevait seulement de Pierre Delbert, son client, un dépôt dont le déposant restait le maître de réclamer la restitution, et un mandat que pouvait toujours révoquer celui qui l'avait donné ;-Attendu qu'en concluant de là que le tuteur de Pierre Delbert, interdit, était fondé à révoquer en son nom le mandat et à réclamer la restitution du dépôt, tant que les valeurs remises se trouvaient entre les mains de Couterel, l'arrêt attaqué n'a violé ni les articles du C. Nap. précités, ni aucune autre loi;-Rejette, etc.

Du 22 mai 1867. Ch. req. MM. Bonjean, prés.; Boucly, rapp.; Savary, av. gén. (concl. conf.); Labordère, av.

CASS.-CIV. 29 juillet 1867.

AVOCATS, STAGE, INSCRIPTION AU TABLEAU, APPEL.

La décision d'un conseil de discipline de l'ordre des avocats qui, à l'expiration du stage d'un licencié en droit, refuse de l'inscrire au tableau et l'élimine même de la liste du stage, est susceptible d'appel devant la Cour impériale (1). (Ordonn. 20 nov. 1822, art. 12, 13, 24 à 28, 30 et 45.)

(1) Par cette importante décision, la Cour de cassation répudie la doctrine qu'elle avait embrassée antérieurement dans ses deux arrêts du 22 mars 1850 (P.1850.1.456.-S.1850.1.97), rendus conformément aux conclusions de M. le procureur général Dupin, lesquels jugeaient de la manière la plus formelle que les décisions des conseils de discipline portant refus d'inscrire un avocat au tableau de l'ordre n'étaient pas susceptibles de recours devant la Cour d'appel, et qu'à cet égard, le conseil de discipline était investi d'un pouvoir discrétionnaire et absolu.-Depuis lors, la Cour suprême n'avait point eu à se prononcer directement sur la question. La maxime que « l'Ordre est maitre de son tableau », avait été, il est vrai, plusieurs fois discutée devant elle, mais dans des espèces toutes spéciales où les décisions des conseils de discipline pouvaient, avec quelque raison, être considérées comme équivalant à de véritables radiations,

a

(Avocats de Vesoul C. Grillon.) Le 23 déc. 1860, le sieur Grillon, licencié en droit, a été admis au stage par le conseil de l'ordre des avocats de Vesoul. En 1864, les trois années de stage exigées pour l'inscription au tableau étant expirées, il a sollicité son inscription; mais, le 23 août 1864, le conseil de discipline a pris une délibération portant que la demande était ajournée jusqu'à ce que Me Grillon eût justifié de l'accomplissement de certaines conditions indiquées dans la délibération. Puis, le 16 déc. 1864, nouvelle délibération qui proroge le stage d'un an. Aucune démarche n'a été faite par Me Grillon pour obtenir son inscription à l'expiration de ce nouveau délai; mais il est resté inscrit sur le tableau des stagiaires et a continué à plaider jusqu'au mois d'août 1866. Le 16 de ce mois, le conseil de discipline a pris une délibération par laquelle, considérant que le stage prorogé avait pris fin à partir du 16 déc. 1865, et que, depuis cette époque, Me Grillon n'avait fait aucune diligence pour modifier cette situation exceptionnelle, il a décidé qu'il n'y avait point lieu de maintenir son nom à la suite du tableau pour l'année 1866-1867.-Me Grillon, au reçu de cette délibération, a renouvelé sa demande à fin d'inscription au tableau, et provoqué une nouvelle réunion du conseil afin d'y statuer. En même temps, et pour le

parce qu'il s'agissait d'avocats ayant déjà une sorte de possession d'état en cette qualité. Aussi les arrêts intervenus, s'ils indiquaient une certaine tendance à restreindre la souveraineté du conseil de l'ordre en matière d'inscription au tableau, avaient cependant respecté le principe de cette souveraineté. V. Cass. 6 mars 1860 (P.1860. 358.-S.1860.1.199); 3 juill. 1861 (P.1861. 662.-S.1861.1.594); 16 déc. 1862 (P.1863.217 -S.1863.1.19.); 15 fév. 1864 (P.1864.453.S.1864.1.113). L'arrêt du 6 mars 1860 avait même posé en principe dans ses motifs que les conseils de discipline ont le droit et le pouvoir de statuer souverainement, sans motiver leur décision, à l'égard du stagiaire qui se présente pour être inscrit au tableau et rejeter sa demande. » L'arrêt actuel implique, au contraire, comme nous venons de le dire, l'abandon complet, par la Cour de cassation, de la doctrine qu'avaient sanctionnée ses arrêts de 1850. En effet, si l'on admet avec la Cour que le fait de l'accomplissement du stage, ou même seulement celui de l'admission au stage, crée au profit du stagiaire un droit acquis à l'exercice de la profession, droit dont il ne peut plus être privé que par la voie de la radiation prononcée disciplinairement, il est clair que l'Ordre cesse d'être maître absolu de son tableau, si ce n'est en ce qui concerne l'admission au slage. Encore fautil observer que, dans ces derniers temps, on a été plus loin encore à cet égard. Ainsi, un arrêt de la Cour de Douai du 25 juill. 1866, rapporté suprà, pag. 551, a refusé aux conseils de discipline le droit de statuer souverainement, même en ma

cas où la délibération du 16 août 1866 ne serait pas rapportée, il l'a déférée, par voie d'appel, à la Cour de Besançon.

Le 12 oct. 1866, le conseil de l'ordre, par une nouvelle délibération, sans indiquer du reste de motifs personnels d'exclusion contre Me Grillon, et considérant seulement << que l'ordre des avocats est maître de son tableau; que ce principe doit surtout recevoir son application lorsqu'il s'agit d'un avocat stagiaire dont l'état n'est que provisoire et incomplet,» décide : 1° en tant que de besoin, que Me Grillon a cessé d'être avocat stagiaire au barreau de Vesoul; 2° que sa demande à fin d'inscription au tableau est rejetée.

Me Grillon a interjeté appel de cette seconde délibération; et, le 8 nov. 1866, est intervenu un arrêt de la Cour de Besançon ainsi conçu: - « Considérant qu'il y a connexité et dès lors lieu de joindre les deux appels; Sur les fins de non-recevoir : Considérant que si les stagiaires n'ont pas des prérogatives aussi étendues que les avocats inscrits au tableau, ils n'en sont pas moins, comme ces derniers, avocats, et que, tenus, en cette qualité, à certains devoirs, ils ont aussi des droits auxquels protection est due par la justice; qu'ils ont notamment la faculté de plaider; que, d'après l'art. 31 de l'ordonnance du 20 nov. 1822, le titre et le caractère d'avocat sont attachés, pour les uns comme pour les autres, à leur réception

tière d'inscription au stage; d'autres arrêts, sans se prononcer positivement sur cette question qui ne leur était pas soumise, semblent cependant l'avoir préjugée en ce sens dans leurs motifs, en contestant, d'une manière absolue, l'applicabilité actuelle de la maxime invoquée par les conseils de discipline. V. Alger, 24 fév. 1862 (P.1862.497.-S. 1862.2.102); Agen, 12 mai 1862 (P.1863.223. -S.1863.2.18), et Dijon, 2 fév. 1866 (P.1866. 474.-S.1866.2.116).- Bien que la thèse contraire à la souveraineté des conseils rallie, comme on le voit, un certain nombre d'autorités, nous n'en croyons pas moins, quant à nous, ainsi que nous l'avons déjà exprimé plusieurs fois, que la doctrine opposée, qui est du reste celle de tous les auteurs, doit être préférée en principe et à part quelques cas exceptionnels dans lesquels l'avocat pourrait être considéré comme ayant une espèce de droit acquis à son inscription, et où, par suite, le refus d'inscription prendrait le caractère d'une radiation.-V. au surplus les observations qui accompagnent plusieurs des arrêts cités plus haut, notamment celui de la Cour de cassation du 3 juill. 1861 et celui de la Cour d'Alger du 24 fév. 1862. Adde conf. MM. Mollot, Prof. d'avocat, 2° édit., t. 1, p. 326 et suiv.; Leberquier, le Tableau des av.; Derouet, Rev. prat., t. 8, p. 231 et 285; Mais V. aussi, comme rentrant dans la doctrine de l'arrêt ici recueilli, le rapport de M. le conseiller d'Oms lors de l'arrêt du 3 juill. 1861, et les conclusions de M. le 1er avocat général de Raynal rapportées avec l'arrêt du 16 déc. 1862.

par les Cours impériales et à leur prestation de serment; que la condition des stagiaires n'est pas réglée exclusivement par les dispositions du titre 3 de l'ordonnance précitée; qu'ils sont, au contraire, soumis à l'ensemble des mesures de discipline édictées dans le titre 2, notamment par les art. 16 et suiv.; que, dès lors, le droit d'interjeter appel des décisions disciplinaires, sauf les restrictions légales, leur est nécessairement ouvert comme aux avocats inscrits; · Que l'appel est de droit commun et ne peut être dénié qu'à ceux auxquels une loi spéciale le refuse expressément; que l'art. 24 de l'ordonnance de 1822, seul texte invoqué par les intimés, loin d'avoir voulu attribuer au conseil de discipline une omnipotence absolue, n'a eu en vue qu'une dérogation à l'art. 29 du décret du 14 déc. 1810 et une interdiction du droit d'appel au cas de censure ou de simple réprimande; qu'il a laissé ce droit intact dans les autres cas, notamment dans celui de l'interdiction à temps, et à plus forte raison définitive, qui resulterait de l'élimination pure et simple de la liste des stagiaires; que cette élimination, en privant l'avocat admis au stage, après justification de son aptitude, de l'exercice de sa profession, lui enlève un droit acquis et brise sa carrière; que la durée de trois ans de stage prescrite par l'art. 30 n'est qu'un minimum et une condition préalable à l'inscription au tableau, sans qu'il doive en résulter une élimination de plein droit par le seul fait de la non-inscription immédiate au tableau; qu'à l'expiration de cette période, l'avocat peut ne pas être inscrit sans cesser d'être stagiaire; qu'une élimination du stage, combinée avec un refus d'inscription au tableau, constitue manifestement une radiation déguisée qui ne saurait être prononcée sans aucun recours par les conseils de discipline; que si l'avocat ainsi exclu définitivement d'un barreau auquel il appartient demande en appel à être maintenu au nombre des stagiaires, son maintien sur la liste ne serait que la reconnaissance de son droit et ne pourrait être confondu avec la prorogation de stage autorisée par l'art. 32 comme mesure de discipline;-Qu'il suit de là que l'appel de l'avocat Grillon contre la délibération du 16 août dernier est recevable; qu'il en est de même à l'égard de celui qu'il a formé contre la décision du 12 oct. suivant, laquelle a refusé de l'inscrire au tableau ; que les deux délibérations se rattachent à une seule et même combinaison, qui était son exclusion définitive de l'ordre des avocats; qu'il n'est pas allégué d'autres motifs pour justifier le refus d'inscription que la souveraineté des avocats à l'égard de leur tableau ; Considérant que cette prétention exorbitante aboutirait, si elle était établie, à enlever tout recours à l'avocat victime de l'arbitraire ou de

la passion ; qu'elle porterait atteinte à la liberté professionnelle consacrée par notre droit public; qu'en autorisant des exclusions sans limites et sans contrôle, elle pourrait

donner lieu, surtout dans des barreaux peu nombreux, à de graves abus au profit de quelques privilégiés et à d'injustes persécutions; mais qu'elle ne s'appuie sur aucune disposition légale, si ce n'est sur l'art. 45 de l'ordonnance de 1822, qui a maintenu, il est vrai, les anciens usages, mais seulement en ce qui touche l'exercice de la profession d'avocat; que d'ailleurs, le prétendu usage invoqué par les intéressés n'est nullement établi, notamment dans cette province; qu'anciennement, l'inscription au tableau n'avait pour objet que de créer un lien de confraternité entre les avocats et n'était point une condition essentielle pour l'exercice de leur profession; qu'en tout cas, cet usage serait aujourd'hui incompatible avec l'art. 4 de l'ordonnance du 27 août 1830, qui permet à l'avocat inscrit au tableau dé plaider librement et sans autorisation devant toutes les Cours et tous les tribunaux de l'Empire; Considérant, au surplus, qu'il est établi que l'appelant exerce habituellement depuis près de six années la profession d'avocat; qu'il a un droit incontestable résultant de sa prestation de serment, de sa réception comme avocat par la Cour, de son admission au stage et des travaux auxquels il s'est livré, et que les mesures prises à son égard, en lui fermant la carrière qu'il s'est régulièrement ouverte, ont pour résultat son expulsion de l'ordre et équivalent à une radiation ;— Qu'à tous égards les deux appels sont recevables; Considérant que les intimés se bornent à proposer la non-recevabilité des appels et ne concluent pas au fond; Considérant, à cet égard, que l'avocat admis au stage est investi d'un droit qu'il ne saurait perdre par le seul fait de l'accomplissement du délai imparti par la loi comme minimum de la durée du stage; Que l'avocat Grillon n'a pas cessé d'être domicilié à Vesoul, d'y tenir son cabinet ouvert à ses clients, de fréquenter avec assiduité les audiences et de plaider habituellement au criminel et au civil; que le conseil de discipline n'a pu se méprendre sur son intention de continuer à exercer sa profession; que le motif mis en avant et combiné avec le refus de l'inscrire au tableau n'est pas sérieux et n'a été qu'un prétexte pour lui en ôter les moyens et le priver d'un état qu'il suit régulièrement; Considérant que la seconde délibération du 12 oct. suivant est dénuée, en fait comme en droit, de tout motif admissible; que son seul but est d'exclure arbitrairement un avocat ayant rempli tous ses devoirs professionnels, en possession depuis plusieurs années et dans l'exercice régulier d'un droit acquis; qu'elle constitue un excès de pouvoirs ;) 1 Considérant qu'aucun reproche n'est même articulé contre l'avocat Grillon au point de vue du

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caractère, de la moralité et de la dignité, qu'exige l'exercice de la profession d'avocat ; qu'il remplit toutes les conditions voulues pour être inscrit au tableau, et qu'il est en droit d'exercer sa profession au même titre

et dans les mêmes conditions que les autres avocats du siége; que cette inscription lui a été injustement refusée; Par ces motifs, rejette les fins de non-recevoir proposées; Dit que l'avocat Grillon a été éliminé sans motifs et sans droit, comme stagiaire, et rayé de l'inscription à la suite du tableau, sans être en même temps inscrit à la première partie du tableau; Dit que le conseil de discipline, tout en maintenant son élimination comme stagiaire et la radiation du 16 août 1866 de son nom à la suite du tableau, a refusé injustement son inscription audit tableau; - Enjoint au conseil de discipline de l'ordre des avocats de Vesoul, en la personne de son bâtonnier, d'inscrire immédiatement Me Emile Grillon, comme avocat, au tableau de l'ordre, sans restriction ni condition; faute de quoi le présent arrêt lui tiendra lieu de cette inscription et sera transcrit dans le délai de trois jours, à partir de sa signification, sur le registre de l'ordre des avocats de Vesoul. >>

FOURVOI en cassation par le bâtonnier de l'ordre des avocats, pour excès de pouvoir et violation des art. 12, 13 et 22 de l'ordonnance du 20 nov. 1822, en ce que l'arrêt attaqué a décidé que la délibération qui élimine un avocat stagiaire de la liste dressée à la suite du tableau des avocats, et celle qui refuse d'admettre sur ce tableau un stagiaire dont le stage est terminé, sont susceptibles d'appel.

La thèse du pourvoi, a-t-on dit, est celleci: Pour l'admission d'un licencié au stage, pour la prolongation du stage imparfait et pour l'inscription ou le refus d'inscription d'un stagiaire au tableau même, le conseil de l'ordre a un pouvoir souverain d'appréciation, en ce qu'il s'agit de conditions morales, de qualités personnelles et individuelles. Par conséquent, il ne saurait y avoir ici ni droit d'appel pour le candidat refusé, ni pouvoir de réformation par une Cour d'appel. Cette thèse s'appuie sur les anciens usages, sur les règlements qui les ont maintenus et sur la jurisprudence même de la Cour suprême. L'omnipotence du conseil, à cet égard, existait de plein droit, dès l'origine, lorsque les avocats d'un barreau ne formaient qu'une société libre, qu'une confrérie ou réunion d'hommes ayant étudié les lois pour défendre devant le juge ses justiciables, car alors la formation d'un rôle ou tableau des confrères était même facultative. Ce pouvoir fut virtuellement maintenu, avec plénitude pour le refus d'admission par les règlements de l'autorité publique qui vinrent donner au barreau la consécration d'une institution judiciaire avec ses garanties. L'ordonnance de 1327 et l'arrêt de règlement de 1344, rendant obligatoire la formation du tableau et son dépôt, pour qu'il fût connu des magistrats ainsi que du public, firent dépendre-l'exercice de la profession d'avocat d'une inscription personnelle, avec stage préparatoire comme noviciat. Or, aucun rèANNÉE 1867.-7° LIVR.

glement n'a jamais dénié aux avocats réunis, ni aux représentants de l'ordre, leur droit de refus vis-à-vis de ceux qui désiraient devenir leurs confrères. Dans l'usage, le tableau se formait et se déposait de la manière qu'indique en ces termes l'Histoire des avocats, par Boucher d'Argis: « Lorsque le tableau est arrêté dans l'assemblée des anciens et des députés, le bâtonnier le porte au parquet de MM. les gens du roi, qui le vérifient, et après qu'il a été paraphé par eux, le batonnier le porte au greffe, où il en est fait registre. » Ainsi, c'étaient les représentants de l'ordre qui inscrivaient au tableau les confrères admis; si quelqu'un réclamait contre un refus, il pouvait en appeler à l'assemblée générale de l'ordre; mais il n'y avait même pas besoin d'homologation par le Parlement, car le ministère public intervenait seul, et c'était parce qu'il fallait certifier au greffe la qualité des chefs de l'ordre présentant le tableau ainsi que celle des personnes inscrites. Dans ces conditions, quoique tout cela fût obligatoire et que déjà la profession d'avocat fût réputée d'ordre public, l'Ordre constitué conservait le pouvoir d'appréciation vis-à-vis des candidats, parce qu'on ne pouvait le contraindre à donner les priviléges de la confraternité, parmi lesquels est celui d'avoir, sans récépissé, communication du dossier de l'avocat adverse. Tel était l'usage suivi, non-seulement au Parlement de Paris, dont la juridiction embrassait la moitié de la France, mais aussi dans les autres ressorts, à part des exceptions ne concernant guère que des siéges inférieurs et aussi les questions de radiation qui ne s'élèvent pas ici. Voilà comment les avocats étaient maîtres de leur tableau, selon l'usage traditionnel, et sans aucun règlement contraire. Ceci est attesté par plusieurs auteurs; c'était aussi affirmé par M. le procureur général Dupin, dans la discussion qui précéda les arrêts de la Cour de cassation en 1850 (V. ad notam).

On oppose des exemples qui seraient contraires, et qu'on dit exclusifs de la généralité nécessaire pour un usage faisant loi. Mais d'abord, on doit écarter ceux qui concernaient la radiation disciplinaire. Ce qui motivait alors l'intervention du Parlement, c'était une raison qu'on trouve dans cette observation de Denizart: « Lorsque, dans le cours d'une année, un avocat fait une faute grave qui exige qu'on le raye sans délai du tableau, le bâtonnier et les anciens, après que la radiation a été prononcée, se rendent à la grand'chambre et exposent le fait et les motifs de la radiation. Sur quoi il intervient un arrêt qui porte que tel sera et demeurera rayé du tableau des avocats étant au greffe de la Cour. La nécessité de cet arrêt vient de ce que le greffier peut seul effectuer une radiation sur un acte déposé dans son greffe, et qu'il faut un arrêt qui l'y autorise. » On le voit, il s'agissait d'un cas de radiation immédiate sur un tableau déposé, avec homologa

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tion nécessaire pour la forme, et nullement d'un simple refus d'admission comme au cas actuel. En second lieu, s'il y avait quelques usages exceptionnels dans certains siéges inférieurs, ce ne sont certes pas ces exceptions qu'a entendu faire prévaloir l'ordonnance de 1822, dont le ministre rédacteur a proclamé qu'il s'était inspiré surtout des traditions de l'ancien barreau de Paris. Dans le temps intermédiaire, il y avait le décret réglementaire de 1810, rendu en exécution de la loi organique sur les écoles de droit. Quoique moins favorable à l'indépendance des conseils de discipline, il avait des dispositions qui suffiraient à la thèse du pourvoi. Après avoir prescrit la formation du tableau et dit que ceux qui y seront inscrits « forment seuls l'ordre des avocats,» puis exigé un serment et ensuite un stage préparatoire, ce règlement disait, art. 23: «Le conseil de discipline portera une attention particulière sur les mœurs et la conduite des jeunes avocats qui feront leur stage; il pourra, dans le cas d'inexactitude habituelle ou d'inconduite notoire, prolonger d'une année la durée de leur stage, et même refuser l'admission au tableau.» Voilà le pouvoir expressément proclamé. Est-ce sauf appel? Nulle part on ne l'a dit; tandis qu'un texte spécial, l'art. 29, admettait l'appel contre toute condamnation disciplinaire. Le refus d'admission n'avait même pas besoin d'être motivé, parce que ce refus était moins judiciaire qu'administratif, suivant la jurisprudence fondée par l'arrêt de Parisdu 8 mars 1814, où on lit: «Considérant que l'ordre des avocats ne doit aucun compte des motifs du refus d'admission sur le tableau à ceux qui se présentent pour y être placés... » — Ce pouvoir administratif existe mieux encore dans l'économie de l'ordonnance de 1822, qui est la charte constitutionnelle du barreau. Le ministre de la justice disait dans son rapport au roi : «J'ai rassemblé près de moi des magistrats blanchis dans l'exercice du barreau... J'ai interrogé des jurisconsultes pleins de savoir et d'expérience, en qui vivent encore toutes les traditions qui leur ont été transmises dans leur jeunesse. J'ai recueilli leurs vœux et j'ai médité leurs conseils.» Le préambule de l'ordonnance a proclamé la volonté de rétablir les prérogatives affaiblies, « d'attacher à la juridiction de l'ordre une autorité et une confiance fondées sur la déférence et sur le respect que l'expérience des anciens leur donne le droit d'exiger.» Les textes euxmêmes placent parmi les attributions administratives celles-ci : « Art. 13. Le conseil de discipline statue sur l'admission au stage des licenciés en droit qui ont prêté le serment d'avocat; sur l'inscription au tableau des avocats stagiaires après l'expiration de leur stage. Art. 14. Les conseils de discipline surveillent les mœurs et la conduite des avocats stagiaires.-Art. 32. Les conseils de discipline pourront, selon les cas, prolonger la durée du stage.-Art. 33. Les avocats

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| stagiaires ne feront point partie du tableau.»> Enfin l'article 45 déclare maintenir les usages observés dans le barreau relativement aux droits et aux devoirs des avocats dans l'exercice de leur profession, ce qui n'exclut pas les rapports respectifs des stagiaires et du conseil de l'ordre.-La Cour de cassation a établi elle-même la distinction du pouvoir administratif et du pouvoir disciplinaire, d'abord dans l'arrêt du 3 mars 1840 (P.1840. 1.251. - S.1840.1.211), puis dans celui du 22 janv. 1850 (V. ad notam). Si la Cour a depuis, dans plusieurs affaires, admis l'appel contre les décisions du conseil de discipline, c'est parce que, dans ces affaires, il n'y avait eu radiation ou l'équivalent contre un avocat ayant atteint la plénitude des droits de l'avocat inscrit. Ainsi tradition, règlements, jurisprudence, tout consacre le pouvoir souverain du conseil de l'ordre pour les refus d'inscription première, tandis qu'il y a droit d'appel dans tous les cas d'exclusion d'un avocat déjà inscrit.

Contre ces autorités importantes, quelles sont les raisons de l'arrêt?-On parle de liberté professionnelle, on invoque la loi de 1791, d'après laquelle chacun peut exercer la profession de son choix, en observant les règlements de police. Mais il s'agit au procès d'une profession libérale, très-différente des professions industrielles, d'un état qui fait participer à l'administration de la justice et pour l'exercice duquel sont légalement imposées des conditions spéciales. Outre le diplôme et le serment, il faut un stage ou noviciat comme épreuve ; et surtout pour l'admission au tableau, on exige avec raison des sentiments éprouvés de délicatesse parfaite, de dignité personnelle, de moralité professionnelle, qui naturellement emportent un examen intime. Les juges naturels à cet égard sont ceux qui ont été placés à la tête de l'ordre par l'ordre entier, les membres élus, ses représentants, qui sont presque tous des anciens et tous honorables. Il y a là toutes garanties. De plus, le conseil étant renouvelé chaque année, et le refus ou ajournement ne faisant pas chose jugée, la demande pourra être reproduite devant les nouveaux membres. L'objection n'est donc pas plus grave que celle qu'on présentait autrefois lorsqu'on disait que la profession d'avocat est d'ordre public et ne saurait être interdite pour ceux qui l'exercent. Elle n'a de valeur que pour les avocats ayant droit acquis par l'admission à un tableau après stage.On soutient surtout que l'appel est de droit commun. C'est vrai pour la justice ordinaire, qui d'ailleurs admet elle-même le dernier ressort pour un grand nombre de jugements. Mais les institutions spéciales qui comportent des attributions administratives ont leurs règles particulières. Pour toute corporation d'officiers publics ayant une chambre syndicale, il est de règle générale qu'elle prononce souverainement en tout ce qui est d'ordre ou de discipline intérieure ; et l'ex

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