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que la loi du 28 pluv. an 8 n'a dérogé aux règles générales de la compétence que pour les dommages aux propriétés, et a laissé aux juridictions ordinaires les dommages aux personnes; Attendu que la demande de Fouassier ne tend ni à interpréter des actes administratifs ni à entraver des travaux publics, et qu'elle ne tend pas non plus à obtenir réparation de dommages à la propriété; - Que cette demande à pour but la réparation d'une faute imputable à des ouvriers, à raison de faits accomplis par eux en dehors des ordres de l'administration, et le dédommagement d'un préjudice causé à la personne du plaignant;-Par ces motifs, infirme lejugement d'incompétence du tribunal civil dù Mans, du 21 août 1866; dit que la justice ordinaire est compétente pour connaître de la demande de Fouassier, et, pour être statué sur les conclusions des parties, renvoie l'affaire devant le tribunal civil du Mans, composé d'autres juges.

que la lanterne n'était pas disposée d'une manière convenable pour éclairer les travaux, et qu'à raison de la situation de la tranchée aux abords de la gare, comme aussi d'un grand nombre de passants ou de voitures qui circulent pendant la nuit dans la rue où elle était ouverte, les précautions prises pour préserver le public de tout danger étaient insuffisantes;-Considérant, dès lors, que la question du procès serait de savoir si, en exécutant un travail public, l'administration municipale du Mans ou les agents qu'elle emploie ont, sans contrevenir à aucun règlement, commis une faute parce qu'ils auraient négligé de prendre les précautions nécessaires pour empêcher que l'exécution de ce travail ne causât un dommage à des tiers; Considérant que le tribunal ne pourrait juger cette question qu'en s'immisçant dans l'examen des actes de l'administration municipale, et que, par conséquent, la réclamation de Fouassier, qui tend à obtenir réparation des conséquences de la faute qu'il impute à cette administration, rentre dans la catégorie de celles qui, aux termes de l'art. 4, § 4, de la loi du 28 pluv. an 8 et de la jurisprudence en cette matière, sont de la compétence du conseil de préfecture; -Par ces motifs, se déclare incompétent, PONT, ACCIDENT, RESPONSABILITÉ, COMPÉrenvoie Fouassier à se pourvoir devant les juges qui doivent en connaître. » Appel par le sieur Fouassier.

ARRÊT.

LA COUR;-Attendu que, le 10 sept. 1865, vers huit heures et demie du soir, Fouassier, se rendant à cheval à la gare du chemin de fer du Mans, est tombé avec son cheval dans une tranchée ouverte sur la voie publique; qu'il a reçu dans cette chute des blessures graves, et qu'il prétend que cet accident lui est arrivé parce que la tranchée n'était pas éclairée où était mal éclairée ;- Attendu que, par son exploit introductif d'instance, ainsi que par ses conclusions devant le tribunal civil du Mans, Fouassier a demande des dommages-intérêts au maire du Mans, comme civilement responsable; qu'il se plaint seulement de la faute des ouvriers employés par la ville, et qu'il ne réclame de réparation que pour ses blessures personnelles;- Attendu que le maire du Mans a décliné la compétence du tribunal civil; Attendu que, par le jugement dont est appel, le tribunal s'est déclaré incompétent en vertu des dispositions de l'art. 4 de la loi du 28 pluv. an 8;-Sur cette question de compétence: Attendu que les dispositions de la loi du 28 pluv. an 8, invoquée par le maire, ont pour but de maintenir la libre action de l'administration, et d'empêcher toute espèce d'entraves à l'exécution des travaux publics; mais que cette loi n'a pas enlevé à la juridiction de droit commun les demandes en dommages-intérêts basées sur des faits qui ne sont pas la conséquence directe des travaux, et qui sont imputables à une faute des ouvriers;-Attendu, en outre,

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Du 22 nov. 1866. C. Angers, ch. civ.
-MM. Métivier, 1er prés.; Lafont, av. gén.
(concl. conf.); Fairé et Guitton aîné, av.

ANGERS 14 juin 1866.

TENCE.

L'autorité judiciaire est seule compétente pour statuer sur l'action en responsabilité civile dirigée contre le concessionnaire d'un pont, à raison du dommage causé par un accident imputable au mauvais entretien de ce pont, lorsque, d'ailleurs, le concessionnaire n'excipe d'aucun acte administratif pouvant couvrir la négligence qui lui est reprochée, et que la contestation ne peut donner licu à aucun recours contre l'administration (1). (L. 28 pluv. an 8, art. 4.)

Il n'importe que l'action soit fondée sur une clause du cahier des charges qui impose au concessionnaire l'obligation d'entretenir le pont en bon état, si cette clause, claire et précise, ne nécessite aucune interprétation (2).

(1) V. dans le même sens, Paris, 19 mai, et Angers, 22 nov. 1866 qui précèdent, et les renvois. Quant à la règle que les entrepreneurs de travaux publics ne peuvent réclamer le bénéfice de la compétence exceptionnelle établie par l'art. 4 de la loi du 28 pluv. an 8, en vertu de leur seule qualité d'entrepreneur, V. Caen, 2 août 1864 (P.1865.324.-S.1865.2.47), et la note. Adde Cass. 25 avril 1866 (P. 1866.651. 1866.1.258); MM. Sourdat, de la Responsab., t. 2, n. 718; Dufour, Droit admin., t. 7, n. 325; Christophle, Trav. pub., t. 2, n. 491; Serrigny, Compét. admin., t. 2, n. 721.

S.

(2) Il est certain que les tribunaux ordinaires ont compétence pour faire l'application des actes administratifs invoqués devant eux, toutes les fois qu'ils sont assez clairs pour se passer d'interprétation. V. Cass. 25 avril 1866 précité.—

(Séguin C. Damy.) ARRÊT. LA COUR ;-Attendu qu'il paraîtrait résulter des documents produits au procès, notamment de l'expertise ordonnée par le président du tribunal d'Angers, ainsi que de l'enquête édifiée, que l'accident du 4 juin 1864 n'est arrivé que par suite de la rupture de douze poutrelles du pont de Châlonnes et du mauvais état des planches qui les recouvraient-Que ces poutrelles étaient pourries, échauffées, en bois noueux; Que le jugement dont est appel constate que déjà quelques heures avant l'accident un craqueinent extraordinaire s'était produit dans le tablier au point de la rupture, fait qui aurait dû attirer l'attention des employés du pont; que ce jugement déclare que la rupture du tablier a été causée par le mauvais état des bois, qu'elle n'a pas été déterminée par une surcharge;-Attendu, en conséquence, que, d'après la demande, les conclusions d'audience et les termes du jugement, ce serait à la négligence des entrepreneurs que cet accident devrait être imputé; qu'ils n'auraient pas, suivant les intéressés, entretenu le tablier du pont conformément aux dispositions de l'art. 4 du cahier des charges, ainsi conçu : « Le pont et les abords construits par l'adjudicataire seront constamment entretenus en bon état dans toutes leurs parties; » Que cet est clair et précis dans ses prescriptions, et qu'il ne nécessite aucune interprétation par l'autorité qui a dressé ce cahier des charges; que les appelants ne peuvent se mettre à l'abri d'aucun acte administratif les ayant sés à agir ainsi qu'ils l'ont fait et pouvant couvrir la négligence qu'il s'agit d'apprécier, et dont les suites sont l'objet du litige; Attendu que cette négligence, si elle est reconnue, n'a point eu lieu, dans tous les cas, au cours d'exécution de travaux publics; qu'elle constitue uniquement l'omission de remplir une obligation strictement imposée aux concessionnaires du pont; - Que s'ils peuvent à bon droit invoquer en justice leur qualité d'entrepreneurs de travaux publics qu'ils conservent encore après l'achèvement de ces travaux, ils ne peuvent prétendre qu'il

Mais il y aurait excès de pouvoir de la part d'un tribunal qui, sous prétexte d'appliquer un acte administratif qu'il déclarerait suffisamment clair, se livrerait, en réalité, à son interprétation: Cass. 27 fév. 1855 (P.1856.1.90.-S. 1855.1. 801).

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(1) La question est controversée. V. conf. à la solution ci-dessus, Lyon, 15 mars 1826 (P. chr. -S.joint à Cass. 17 mars 1829.); Cass.3 mars 1834 (P. chr. S.1834.1.220); 17 déc. 1844 (P. 1845.1.241.-S.1845.1.5), et 1er juill. 1857 (P. 1858.490. S. 1857.1.743); MM. Goujet et Merger, Dict. de dr. comm., v° Lettre de change, n. 362; Mimerel, Rev. crit., t. 8, p. 294, et t. 12, p. 118.-En sens contraire, Cass. 10 nov.

est ici question d'apprécier un acte administratif, double condition requise pour déterminer la compétence des tribunaux administratifs aux termes de l'art. 4 de la loi du 28 pluv. an 8 (Cass. 16 fév. 1855, P.1857.93; 23 fév. 1856, Bull. crim. n° 82; 30 avril 1856, P.1858.1029.-S.1858.1.442);-Attendu que, dans l'espèce qui lui est soumise, la Cour n'a point à craindre de s'immiscer dans une affaire qui ne serait pas de son ressort; que l'administration publique n'est ni directement ni indirectement intéressée dans la contestation, qui ne peut donner lieu contre elle à aucun recours; Que les tribunaux administratifs doivent juger uniquement les affaires qui leur sont formellement attribuées par une loi spéciale; que les autres appartiennent à la juridiction ordinaire ;-Attendu que l'ordre des juridictions doit être scrupuleusement observé; - Par ces motifs, rejette l'exception d'incompétence proposée, etc. Du 14 juin 1866. C. Angers, Ch. civ. MM. Bourcier, prés.; Merveilleux-Duvignaux, av, gén. ; Fairé et Cubain, av.

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PARIS 19 novembre 1866.

COUDAŠÍ PLETTRE DE CHANGE, PERTE.

L'acte de protestation que l'art. 153, C. comm., prescrit au porteur qui a perdu une lettre de change et qui veut conserver tous ses droits contre les endosseurs, doit, à peine de nullité, étre précédé de l'ordonnance du juge (1).

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Cette règle ne reçoit exception que dans le de dispositions édictées par les art. 150 et suiv., C. comm., pour le cas de perte d'une lettre de change, sont applicables dans tous les cas où le propriétaire de la lettre de change est dans l'impossibilité de la représenter, par exemple dans le cas où, la lettre de change ayant été envoyée à l'acceptation, le tiré la retenue frauduleusement et a ensuite disparu.

(Allard C. Tassel et autres.)

› Un jugement du tribunal de commerce de la Seine, du 2 juin 1866, l'avait ainsi décidé

1828; Toulouse, 29 avril 1829; MM. Dageville, Comment. C. comm., t. 1, p. 429; Pardessus, Dr. comm., t. 1, n. 423; Nouguier, Lettres de change, t. 1, n. 571; Alauzet, Comment. C. comm., t. 2, n. 925; Bédarride, Lettres de change, t. 2, n. 428; Demangeat, sur Bravard, Dr. commerc., t. 3, p. 386, note.

(2) Il est évident que la force majeure, faisant exception aux règles ordinaires, doit dispenser de l'ordonnance du juge et même de la protestation; c'est, en effet, un point généralement admis. V. Cass. 17 déc. 1844 et 1er juill. 1857, cités à la note qui précède; MM. Goujet et Merger, ubi suprà; Mimerel, id. Il n'y difficulté, ainsi que le dit M. Alauzet, n. 924, qu'en dehors de cette hypothèse.

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en ces termes : - Attendu qu'Allard demande à divers endosseurs qui le précèdent, et contre lesquels il prétend avoir conservé son recours, le remboursement d'une lettre de change impayée dont il se prétend aujourd'hui porteur;-Qu'il appuie sa demande, premièrement, d'un acte de constat de refus de paiement, dressé le lendemain de l'échéance contre les tirés, qui avaient disparu de leur domicile sans lui avoir restitué le titre déposé chez eux à l'acceptation; deuxièmement, d'une autorisation du juge d'en poursuivre le remboursement; Mais at

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tendu que la loi détermine les devoirs du porteur; qu'elle lui prescrit, après le refus de paiement, de faire faire un protêt, ou, s'il a adiré le titre, un acte de protestation dans des conditions qu'elle indique ; Que l'acte dressé à la requête d'Allard ne remplit pas toutes les conditions édictées pour l'un ou pour l'autre de ces actes; Qu'en effet, si on le considère comme protêt, il ne contient pas la transcription littérale du titre, les endos, les recommandations, et n'a pas été fait au domicile des besoins; - Que si on le considère comme acte de protestation, il a été suivi et non précédé, comme il eût dû et pu l'être, d'ailleurs, de l'autorisation du juge ;Que, ne remplissant pas ces conditions essentielles, il ne vaut donc ni comme protêt, ni comme protestation ; Attendu qu'aux termes de la loi rien ne peut dispenser de ces actes, et qu'aucun autre ne peut les suppléer; Qu'il s'ensuit que, faute de s'être conformé aux prescriptions de la loi, Allard a perdu tout recours contre les endosseurs, et doit être déclaré non recevable en sa demande. >

Appel par le sieur Allard.

ARRÊT.

LA COUR ; Considérant qu'aux termes des dispositions du Code de commerce, le propriétaire d'une lettre de change qui a perdu son titre et ne peut conséquemment accomplir à son échéance les formalités prescrites dans les cas ordinaires pour conserver ses droits contre les endosseurs, doit se pourvoir par requête devant le président du tribunal de commerce, qui, après avoir vérifié sur les livres du requérant son droit à la propriété du titre et exigé la garantie d'une caution, lui délivre une ordonnance l'autorisant à faire un acte dit de protestation, au moyen duquel le propriétaire de la lettre de change perdue conserve son recours par la notification qu'il en doit faire aux tireurs et endosseurs dans les formes et les délais prescrits pour la signification des protêts ordinaires; que les termes, et mieux encore le but et l'esprit des art. 152 et 153, C. comm., démontrent jusqu'à l'évidence que l'ordonnance du magistrat doit précéder l'acte de protestation, puisqu'elle a précisément pour objet de suppléer le titre qui ne peut être représenté, et d'autoriser, en connaissance

Qu'en

de cause, à faire la protestation, qui, faute de ce préalable obligé, ne constitue qu'un acte sans fondement, sans caractère légal et sans valeur ; Que des termes de l'art. 153, disposant que l'acte de protestation doit être notifié dans les formes du protêt, il suit encore que le premier doit contenir la transcription de l'ordonnance du président, comme le second doit contenir celle de la lettre de change qu'elle remplace; - Considérant que les sommations et protestations notifiées par Allard lors de l'échéance de la lettre de change dont il s'agit au procès, n'ayant pas été précédées de l'ordonnance du président, ainsi qu'il vient d'être dit, sont atteintes d'une nullité radicale, dont elles n'ont pu être relevées par une ordonnance tardivement sollicitée plus de vingt jours après les délais accordés pour l'obtenir et la signifier;-Considérant qu'on ne saurait s'arrêter à l'objection de l'appelant, tirée de ce qu'il ne s'agit pas, dans l'espèce, d'un effet perdu, adiré, mais d'un effet retenu frauduleusement par le débiteur principal qui avait disparu; effet, dans ce dernier cas aussi bien que dans celui d'une lettre de change adirée, le propriétaire du titre est hors d'état d'agir par les voies ordinaires, puisque la preuve de sa propriété lui fait défaut ; Que, dans l'impuissance de notifier un protêt valable, il est contraint, par la force de l'analogie et de la raison, de recourir oux formalités prescrites par les art. 152 et 153, applicables dans le cas où le propriétaire de la lettre de change, n'ayant plus la possession de son titre, peut dire qu'au moment où il est forcé d'agir pour sauver ses droits, ce titre est perdu pour lui; que l'art. 175, C. comm., vient encore à l'appui de cette interprétation des art. 152 et 153; qu'il n'admet, en effet, que deux hypothèses, celle de la présence ou de l'absence du titre et des fonds; en conséquence, que nul acte de la part du porteur de la lettre de change ne peut suppléer l'acte de protêt hors les cas prévus par les art. 150 et suiv. touchant la perte de la lettre de change; Considérant que la force majeure qui aurait empêché le propriétaire d'agir pourrait seule le mettre à l'abri de la déchéance encourue par l'inobservation des formalités prescrites par les articles précités, mais que rien de semblable ne se rencontre dans l'espèce ;Adoptant, au surplus, les motifs des premiers juges, etc.; Confirme, etc.

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qu'il a épousée, à prouver à quelle époque | son erreur a cessé (1). (C. Nap., 181.)

(Bazy et Meyron.)

En 1856, le sieur Bazy épousa une personne qui fut désignée ainsi qu'il suit, dans l'acte de mariage: «Catherine Nassiet, fille légitime de Arnaud Nassiet et de Jeanne Basserot, sa veuve, ici présente. » Le 14 août 1864, la dame Bazy mourut après avoir institué le sieur François Meyron pour son légataire universel. - Jugement qui, sur la demande du sieur Bazy, ordonne, contradictoirement avec le sieur Meyron, la licitation des immeubles dépendant de la communauté. Ces immeubles furent vendus, et les parties étaient déjà devant le notaire liquidateur, lorsque Bazy, le 31 juill. 1865, fit assigner Meyron devant le tribunal de Bordeaux, pour voir déclarer nul, comme entaché d'erreur et de fraude, le mariage contracté le 28 mai 1856 entre lui et la fille naturelle de Louise Nassiet, ayant pris le nom de Catherine, etc.; voir déclarer qu'il n'avait existé aucune communauté entre lui et ladite fille de Louise Nassiet; voir annuler la procédure en partage, etc. Bazy expliquait qu'il avait tout récemment appris par hasard comment son mariage n'avait été qu'une indigne mystification; que Catherine Nassiet, dont l'acte de naissance avait été produit devant le maire de Bordeaux en 1856, était mariée depuis 1836 avec François Peyroux; qu'elle était veuve depuis le 24 mai 1857, et qu'elle habitait la commune de Mimbaste; que son état civil avait été usurpé par la femme qui avait figuré dans l'acte civil du 28 mai 1856; que cette femme paraissait n'être autre qu'une enfant naturelle née à Misson, le 17 oct. 1812, de Louise Nassiet, sœur ainée de Catherine; que cette enfant avait reçu le nom de Marie sous lequel était connue la femme que le sieur Bazy avait épousée. Le sieur Meyron opposa à cette demande une fin de non-recevoir tirée de ce que le sieur Bazy ne précisait pas l'époque à laquelle il aurait découvert l'erreur dont il se plaignait, d'où il résultait que l'on ne pouvait savoir s'il se trouvait encore ou non dans le délai imparti par l'art. 181, C. Nap., pour l'exercice, en pareil cas, de l'action en nullité.

(1) V. conf., MM. Duranton, t. 2, n. 277; Demolombe, t. 3, n. 262; Zachariæ, édit. Massé et Vergé, t. 1, § 127, note 7, p. 207; Glasson, du Consent. des époux au mariage, n. 155. Ces auteurs citent à l'appui de leur doctrine un arrêt de cassation du 26 juill. 1825 et un arrêt de Besançon du 1er mars 1827, décidant que, sur une demande en nullité ou rescision d'une convention, à cause d'erreur, si le défendeur oppose la prescription de dix ans, et si le demandeur réplique que la prescription n'a pu courir que du jour où l'erreur a été reconnue, en ce cas, c'est au demandeur à prouver quel jour l'erreur a été dé

couverte.

7 mars 1866, jugement du tribunal de Bordeaux qui admet la fin de non-recevoir proposée.

Appel par le sieur Bazy.

ARRÊT.

-

LA COUR; En ce qui concerne la fin de non-recevoir puisée dans le défaut de justification, par le demandeur en nullité, de l'époque à laquelle il aurait découvert l'erreur dont il se plaint: Attendu que l'action en nullité de mariage pour cause d'erreur dans la personne, ouverte par l'art. 180, C. Nap., à l'époux induit en erreur, est, par l'art. 181, déclarée non valable toutes les fois qu'il y a eu cohabitation continuée pendant six mois depuis que l'erreur a été reconnue par ledit époux ; qu'il ne suffit donc pas au demandeur en nullité, pour que son action puisse être accueillie, de prouver l'existence de l'erreur au moment même de la célébration; qu'en effet, la loi ne fonde à son profit aucune présomption que cette erreur se soit continuée postérieurement; que, dès lors, quand on lui oppose l'exception de la non-recevabilité par expiration du délai légal, et qu'il excipe à son tour de la suspension de ce délai pour cause de continuation de l'erreur, il devient demandeur en ce dernier point; que, par suite, c'est à lui-même à justifier qu'elle s'est réellement prolongée jusqu'en dedans des six mois qui ont précédé la fin de la cohabitation, et à prouver, en établissant la date même de la découverte, que l'action a été intentée dans les conditions de recevabilité auxquelles elle est soumise; Attendu que, lorsqu'il introduit cette action après plus de six mois de cohabitation continuée depuis le mariage, il affirme évidemment, non pas seulement qu'il y a eu erreur au moment même de la célébration, mais virtuellement aussi que le vice durait encore après cette époque, puisque, sans cela, il serait forcé de reconnaître la tardiveté de sa demande; qu'il lui incombe donc de démontrer, dans toute son étendue, la vérité de son affirmation; Attendu que, si, en principe général, le défendeur au principal devenu demandeur dans l'exception, assume, quant à la justification de celle-ci, tout le fardeau de la preuve, cette règle ne peut être étendue, sans restriction, au cas où, comme ici, il s'agit d'abord de rattacher à l'échéancé d'une forclusion son point de départ pris par la loi dans un fait intime essentiellement personnel à l'époux demandeur en nullité, et dont le secret, facile pour lui à conserver lorsqu'il y aurait intérêt, serait, au contraire, presque toujours impénétrable pour l'autre époux, et à fortiori pour les héritiers de celui-ci; que l'art. 488, C. proc. civ., quoique édicté dans une autre matière, fournit à cet égard, par son texte formel, de très-utiles inductions; Attendu, d'ailleurs, que, même en ce cas, le défendeur qui se prévaut de l'exception n'est point, en réalité, dispensé

de la preuve, puisque la nullité n'est pas couverte par la simple cessation de l'erreur, mais seulement par la cohabitation continuée ultérieurement pendant six mois; que la preuve de ce dernier fait, véritable fondement de l'exception, reste, quand il est nié, à la charge du défendeur à la nullité, le demandeur n'étant astreint qu'à rendre cette preuve possible, en lui fournissant un objectif déterminé par des faits démontrés, et non par de simples allégations; Attendu, en fait, que Bazy, demandeur en nullité de son mariage, n'établit en aucune façon la date à laquelle aurait été découverte l'erreur où il prétend avoir été induit par son conjoint; que la reproduction dans les actes de décès de sa belle-mère et de sa femme des mêmes noms usurpés par elle dans l'acte de mariage, sa propre participation avec le légataire universel de sa femme à l'inventaire des valeurs de la société d'acquêts, la demande par lui faite en liquidation et partage de la communauté, la licitation des immeubles en dépendant, tous faits indiqués par lui comme prouvant qu'il n'a été détrompé qu'après la mort de sa femme, et, par conséquent, après la cessation de la cohabitation, ne sont nullement incompatibles avec la reconnaissance antérieure de son erreur; qu'ils peuvent, au contraire, se concilier très-bien avec elle et s'être produits comme la conséquence naturelle, soit des autres faits qui les avaient précédés, soit d'un calcul de Bazy, soit même de son ignorance relativement aux effets de la nullité qu'il invoque aujourd'hui ; - Attendu, dès lors, que la demande en nullité de son mariage, introduite par Bazy après une cohabitation continuée pendant plus de six mois depuis la célébration, prolongée même pendant près de huit ans jusqu'à la mort de son épouse, sans justification par lui de l'époque à laquelle son erreur aurait cessé, n'est pas faite dans les conditions de recevabilité déterminées par la loi; - Par ces motifs, confirme.

Du 20 fév. 1867. C. Bordeaux, Ch. réunies. MM. Raoul Duval, 1er prés.; Jorant, 1er av. gén.; de Sèze père et Vaucher, av.

(1) V. conf., Cass. 21 nov. 1865 (1.1866.5. S.1866.1.5), et les autorités en sens divers citées en note; adde, comme consacrant implicitement la même solution, Cass. 14 mai 1866 (S. 1866.1.297. P.1866.778); Cons. d'Etat, 12 juill. 1866; Follin (P. adm.), et 15 déc. 1866 (P. adm.-S. 1867.59).

(2) C'est la conséquence naturelle du principe que le lit des fleuves et rivières comprend tous les terrains que les eaux couvrent sans débordement. V. sur l'application de ce principe aux atterrissements formés sur les bords d'un cours d'eau, Cass. 8 déc. 1863 (P.1864.525.-S.1864.1.29),

GRENOBLE 25 juillet 1866.

1. COURS D'EAU, DELIMITATION, INDEMNITÉ, COMPÉTENCE. 2o ALLUVION, ILES, PRE>>SCRIPTION, ATTERRISSEMENTS, PROPRIÉTÉ.

1. S'il appartient à l'autorité administra tive de déterminer souverainement, dans un intérêt général, les limites des fleuves et rivières navigables, les tribunaux civils sont seuls compétents pour statuer sur les demandes en indemnité formées par les riverains qui se prétendent propriétaires de terrains compris dans la délimitation (1), (LL. 22 déc. 1789, sect. 3, art. 2; 13-20 août 1790, t. 2, art. 5; C. Nap., 544.)

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Et ces riverains sont fondés à réclamer und une indemnité même pour les portions de la berge qui n'ont été comprises dans la délimitation qu'à la suite d'un affaissement qui les a entraînées dans le lit du fleuve.

2° Les iles qui se forment dans les fleuves el rivières navigables ne deviennent prescriptibles contre l'Etatqu'à partir du moment où elles ont acquis la hauteur et la solidité nécessaires pour se trouver à l'abri des plus fortes caux dans les crues normales; c'est à ce e moment seulement qu'elles passent du domaine public dans le domaine de l'Etat (2). (C. Nap., 560 et 2227.)

L'art. 563, C. Nap., n'est pas applicable au cas où, par suite du déplacement de l'un des courants qui longent une ile, des atterrissements se sont formés d'une manière successive sur la rive de l'ile et sur la rive continentale; cet article ne prévoit que le cas où un fleuve s'est formé un nouveau cours en abandonnant son ancien lit.-Les atterrissements ainsi formés ne peuvent donc être réclamés par les propriétaires de l'île ou des fonds riverains en compensation des érosions occasionnées par la crue des eaux dans le bras où le courant s'est porté. (C. Nap., 556, 561 et 560.)

Pour qu'un atterrissement puisse être at tribué au propriétaire du fonds riverain, il ne suffit isolément ni de sa hauteur, même au-dessus des hautes eaux, ni de sa solidité, ni d'une simple adhérence à la rive; il faut de plus, et quelle que soit d'ailleurs sa forme verticale ou inclinée vers le fleuve, une vé. ritable incorporation à la motte ferme, de

et la note. Adde Dijon, 5 mai 1865 (P.1865. 831.-S.1865.2.195).-Du reste, plusieurs auteurs enseignent que l'on ne peut considérer comme ile ou ilot que le terrain que les eaux entourent complétement et laissent à sec lorsqu'el les sont à leur plus grande élévation. V. MM. Perrin et Rendu, Dict. des constr., n. 2387; Garnier, Régime des eaux, t. 1, n. 265. On voit qu'en admettant cette définition, il ne peut y avoir de difficulté pour ne faire commencer la prescription qu'à l'époque désignée par l'arrêt que nous rapportons, la prescription ne pouvant courir avant l'existence de l'île.

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