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obstacle de fait à son exercice. Si cet obstacle disparaît, la servitude pourra de nouveau être exercée; car elle n'était pas éteinte, elle sommeillait seulement. Pourvu toutefois, comme le dit notre article, que l'obstacle disparaisse avant l'expiration du délai de trente ans. Autrement la servitude serait définitivement éteinte par le non-usage conformément à l'article 706.

2o Confusion.

1365. « Toute servitude est éteinte lorsque le fonds à qui elle est due, et › celui qui la doit, sont réunis dans la même main » (art. 705). La confusion, d'une manière générale, est la réunion sur la même tête de deux qualités incompatibles. En matière de servitude, elle a lieu lorsque le propriétaire du fonds dominant acquiert la propriété du fonds servant, ou réciproquement. Par application de la règle Nemini res sua servit, la servitude se trouve alors éteinte.

Mais la confusion peut cesser par la séparation ultérieure des deux fonds; la servitude revivra-t-elle en pareil cas? On distingue si la confusion, cesse avec effet rétroactif (ex tunc) ou sans effet rétroactif (ex nunc).

Si la confusion cesse avec effet rétroactif, la servitude revit, ou mieux elle est considérée comme n'ayant jamais été éteinte; car la confusion, qui avait amené son extinction, est censée n'avoir jamais existé. Ainsi le propriétaire du fonds dominant achète le fonds servant. Il y a confusion, et par suite extinction de la servitude. Mais voilà que la vente est résolue pour défaut de paiement du prix. La servitude revivra, ou mieux elle sera censée n'avoir jamais été éteinte; car la vente qui avait produit la confusion est considérée comme non avenue; elle disparaît avec effet rétroactif par suite de la résolution, et avec elle la confusion qui en était la conséquence.

Au contraire, si la confusion cesse sans effet rétroactif, la servitude ne revivra pas. C'est ce qui arriverait, si le propriétaire du fonds dominant, après avoir acheté le fonds servant, le revendait à un tiers.

Dans ce dernier cas cependant, si la servitude était continue et apparente, elle serait maintenue par destination du père de famille (arg., art. 692 ct 693). Il suffirait même qu'elle fût apparente, si le titre constatant la séparation des deux fonds était représenté et ne contenait rien de contraire à son maintien (art. 694, supra, n° 1359).

3o Non-usage pendant trente ans.

1366. « La servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans », dit l'article 706. La loi suppose que le propriétaire du fonds dominant a renoncé à son droit, lorsqu'il est resté pendant un aussi long délai sans l'exercer.

Bien que ce motif n'existe qu'au cas de non-usage volontaire, notre disposition devrait être appliquée même au cas de non-usage forcé, car la loi ne distingue pas. Il y a non-usage forcé, lorsqu'un obstacle de fait invincible s'oppose à l'exercice de la servitude, comme si la source grevée de la servitude de puisage vient à se tarir. Trente ans de non-usage forcé entraîneraient donc l'extinction de la servitude, aussi bien que trente ans de non-usage volontaire. L'article 704 ne permet guère d'en douter; car il ne fait revivre la servitude éteinte par l'impossibilité d'user qu'autant

que l'usage en redevient possible avant l'expiration du délai de trente ans. Aussi cette solution, qui trouve d'ailleurs un point d'appui dans les travaux préparatoires de la loi, est-elle consacrée par la jurisprudence et admise par les auteurs, sauf quelques dissidences. D'ailleurs le propriétaire du fonds dominant peut conjurer la prescription, dont il est menacé par le non-usage auquel il est condamné, en obtenant du propriétaire du fonds servant une reconnaissance volontaire ou judiciaire de la servitude.

1367. Toutes les servitudes quelles qu'elles soient, continues ou discontinues, apparentes ou non, positives ou négatives, sont susceptibles de s'éteindre par le non-usage; tandis que les servitudes, qui sont à la fois continues et apparentes, peuvent seules être acquises par la prescription. Et toutefois les servitudes continues périssent plus difficilement par le non-usage que les servitudes discontinues. En effet aux termes de l'article 707: « Les trente ans commencent à courir, selon » les diverses espèces de servitudes, ou du jour où l'on a cessé d'en jouir, » lorsqu'il s'agit de servitudes discontinues, ou du jour où il a été fait » un acte contraire à la servitude, lorsqu'il s'agit de servitudes conti» nues» (art. 707).

L'exercice de la servitude discontinue supposant le fait actuel et incessamment renouvelé de l'homme, du jour où ce fait ne se produit plus, du jour par exemple où l'homme ne passe plus s'il s'agit d'une servitude de passage, la servitude cesse d'être exercée et par suite la prescription extinctive commence à courir. Il n'en pouvait être de même pour les servitudes continues, qui s'exercent d'elles-mêmes, sans le fait actuel de l'homine, comme la servitude d'égout des toits, d'aqueduc... Elles ne cessent de s'exercer que lorsqu'il a été accompli (par le propriétaire du fonds servant ou par tout autre, lex non distinguit) quelque acte contraire à l'exercice de la servitude, tel que la rupture des tuyaux de conduite s'il s'agit d'une servitude d'aqueduc; et c'est alors seulement que la prescription peut commencer à courir.

1368. C'est une question très-discutée que celle de savoir si une servitude peut s'éteindre par la prescription de dix à vingt ans, conformément à l'article 2265, lorsque le fonds servant est possédé comme libre de servitude par un tiers détenteur qui a juste titre et bonne foi. Dans le sens de l'affirmative, on invoque l'ancien Droit (coutume de Paris, art. 186 et 144) et la loi du 14 brumaire an VII (chap. II, art. 35). On invoque ensuite l'article 2180-4°, qui déclare l'usucapion de l'article 2265 applicable aux priviléges et hypothèques, et qui semble devoir être étendu par analogie aux servitudes. Enfin à l'argument tiré de l'article 706, qui ne parle que du nonusage pendant trente ans, on répond qu'il existe un texte tout semblable pour l'usufruit (art. 617), et que cependant on reconnaît en général que l'usufruit peut être éteint par la prescription de dix à vingt ans (supra, no 4203).

Malgré ces raisons, nous préférons la solution contraire qui triomphe en doctrine et en jurisprudence. En effet l'article 2264 dispose que : « Les règles de la prescription, sur des objets autres que ceux mentionnés dans le présent titre, sont expliquées dans les titres qui leur sont propres ». Or, en ce qui concerne les servitudes, l'article 706 fixe à trente ans le délai de la prescription. Donc la prescription ne pourra

amais avoir lieu que par ce laps de temps. Si l'on décide autrement pour l'usufruit nalgré le texte de l'article 617 qui, lui aussi, dispose que l'usufruit s'éteint par le ion-usage pendant trente ans, cela tient à ce que le détenteur, en possédant l'imeuble comme propriétaire, en possède par cela même l'usufruit, ce qui lui permet 'acquérir cet usufruit par la prescription de dix à vingt ans. Mais pour une serviude il n'y a rien de semblable; le possesseur de l'immeuble évidemment ne l'a pas xercée, ni par conséquent acquise par prescription; il ne peut donc être question ue de l'extinction de la servitude par le non-usage, et ce non-usage doit durer trente ns aux termes de l'article 706. Quant à l'article 2180 il est tout à fait spécial aux riviléges et hypothèques, et ne peut être étendu par analogie au cas qui nous ccupe.

1369. Pour prévenir l'extinction de la servitude par le non-usage, le ropriétaire du fonds dominant n'a pas besoin de l'exercer par lui-même; suffit qu'elle soit exercée en son nom, par exemple par un fermier ou ar des ouvriers, ou même au nom du fonds par quelqu'un qui le rerésente, par exemple par un usufruitier ou un possesseur même de ía uvaise foi. La loi fait une application de ce principe dans l'article 709 Si l'héritage en faveur duquel la servitude est établie, appartient à plusieurs par indivis, la jouissance de l'un empêche la prescription à l'égard de tous ».

En usant de la servitude, en effet, l'un quelconque des copropriétaires u fonds dominant l'a conservée pour le fonds lui-même, et par conséuent pour tous ceux qui ont un droit dans le fonds. Il en est ainsi noneulement lorsque l'exercice de la servitude est indivisible, comme s'il 'agit d'une servitude de passage, mais aussi lorsqu'il est susceptible de ivision comme si la servitude consiste dans le droit de puiser cent hecolitres d'eau par an à une source.

comme

L'article 710 va plus loin; il dispose que: « Si parmi les copropriétaires il s'en trouve un contre lequel la prescription n'ait pu courir, un mineur, il aura conservé le droit de tous les autres ». 'idée qui paraît ressortir de ce texte est que le droit conservé par un des copropriétaires, est conservé pour tous, et ainsi entendu l'artile 710 cadre parfaitement avec celui qui précède.

Les dispositions des articles 709 et 710 ne sont écrites qu'en vue de indivision existant entre les copropriétaires d'un même fonds. Elles essent donc de s'appliquer après le partage de ce fonds. Il n'y a lus désormais aucun lien entre les divers propriétaires, et il pourra rriver que l'un perde par le non-usage la servitude attachée à son ›nds tandis que l'autre ou les autres l'auront conservée.

1370. « Le mode de la servitude peut se prescrire comme la servitude même, et de la même manière » (art. 708).

Cette disposition signifie que l'étendue d'une servitude peut se trouer diminuée, lorsque l'usage qu'on en fait pendant trente ans est plus estreint que celui auquel on a droit. La servitude est alors éteinte en

partie par le non-usage. Ainsi celui qui a le droit de passage en char rette comme à pied, et qui ne passe qu'à pied pendant trente ans, ne peut plus désormais passer autrement.

L'étendue d'une servitude pourrait-elle être augmentée par la prescription? En d'autres termes peut-on acquérir par la prescription un mode d'exercice de la servitude plus avantageux que celui auquel on a droit? Cette question à laquelle notre article paraît étranger, car il est placé dans la section qui traite de l'extinction des servitudes et il s'agit ici d'une acquisition, doit être résolue d'après les principes généraux. Or ils nous conduisent à une distinction. S'agit-il d'une servitude continue et apparente? La prescription, qui peut faire acquérir la servitude elle-même (art. 690), peut à plus forte raison faire acquérir un mode d'exercice plus avantageux de cette même servitude. Ainsi celui auquel son titre donne droit d'avoir trois fenêtres sur l'héritage voisin, et qui pendant trente ans en a possédé quatre, aura acquis par prescription le droit de conserver la quatrième. S'agit-il au contraire d'une servitude discontinue ou non apparente? La prescription sera aussi impuissante à fonder un mode d'exercice plus avantageux de la servitude qu'elle le serait à fonder la servitude elle-même (arg., art. 691). Ainsi celui qui a le droit de passer à pied seulement ne pourra pas acquérir par la prescription de trente ans le droit de passer à cheval ou en voiture.

La prescription peut donc modifier en moins le mode d'exercice de toutes les servitudes, mais elle ne peut modifier en plus que celui des servitudes continues et apparentes. Il pourra résulter de là que le propriétaire du fonds dominant, pour avoir changé le mode d'exercice de la servitude, perde au bout de trente ans de cet exercice irrégulier son droit tout entier. Ainsi j'ai le droit de conduire dans un fonds par un aqueduc l'eau d'une source qui prend naissance dans le fonds voisin. Je n'établis pas l'aqueduc ou je le détruis après l'avoir établi, et pendant trente ans je vais puiser de l'eau à la source; j'aurai perdu la servitude d'aqueduc par la prescription et je n'aurai pas acquis la servitude de puisage qui est discontinue.

4o Causes d'extinction non prévues par la section IV.

1371. Aux causes d'extinction des servitudes énumérées ici par la loi il y a lieu d'ajouter :

1o L'arrivée du terme fixé par les parties, lorsque la servitude a été constituée pour un certain temps seulement, ce qui sera rare.

2o L'avénement de la condition résolutoire, lorsque la servitude a été constituée sous une semblable condition.

3o La résolution rétroactive du droit qu'avait le constituant sur le fonds grevé de la servitude. On applique la règle Resoluto jure dantis resolvitur jus accipientis.

4° La renonciation à la servitude faite par le propriétaire du fonds dominant. Cette renonciation peut être expresse ou tacite.

Elle n'est opposable aux tiers, qui ont acquis des droits réels sur l'héritage dominant, que par la transcription de l'acte qui la constate (loi du 23 mars 1855, art. 2-2°).

5o Enfin, les servitudes s'éteignent par l'expropriation pour cause d'utilité publique du fonds servant; sauf indemnité juste et préalable pour le propriétaire de l'héritage dominant (loi du 3 mai 1841, art. 21, 23 et 39).

FIN DU TOME PREMIER

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