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tirer sur les lieux; on doit dire qu'il n'y a, parmi les habitans de la commune usagère, que ceux qui représentent les colons originaires. et qui font partie de la population cultivatrice, que le propriétaire de la forêt soit tenu de compter comme parties prenantes dans l'exercice du droit d'usage, parce que ce droit est une servitude-réelle qui, n'étant attachée qu'aux fonds et en faveur de leur culture, ne peut être exercée que par ceux qui les détiennent et les cultivent.

On ne pourrait le décider autrement sans aller contre l'intention et les vues du fondateur, et sans donner au droit d'usage une extension indéfinie dont sa nature de servitude repousse toute idée.

On blesserait la foi du contrat et l'on contreviendrait à l'intention et aux vues du fondateur qui n'avait voulu que favoriser l'agriculture dans le lieu, sans porter sa pensée sur des établissemens dont le but n'a aucun rapport direct aux besoins du sol et qui était loin d'être dans la prévoyance des parties contrac

tantes.

On donnerait au droit d'usage une extension indéfinie et incompatible avec son caractère de servitude foncière, puisqu'on le détacherait du fonds pour le convertir en un usage personnel à l'avantage de tous ceux qui viendraient exercer dans la commune des fonctions ou professions étrangères au besoin du sot.

5177. Quoique l'exercice du parcours ou la distribution du bois qui doivent avoir lieu au profit des

habitans d'une commune usagère et cultivatrice, soient sans cesse susceptibles de variations journalières ou annuelles, néanmoins le montant ou la somme de l'usage doit avoir un maximum qu'on ne puisse dépasser, parce que le fonds assujetti ne doit pas être arbitrairement épuisé et devenir inutile entre les mains de son maître. Or, ce maximum existe et il est fixé par la nature des choses, parce qu'un territoire quelconque ne peut toujours fournir qu'aux travaux d'un certain nombre d'habitans occupés à sa culture. Passé ce nombre il n'y a plus d'usagers; c'est donc là qu'il faut s'arrêter.

CHAPITRE LXXXIII.

Des Droits qui restent au propriétaire dans la forêt grevée d'usage.

3178. NOUS

ous venons de voir, dans le chapitre qui précède, quelle peut être l'étendue des droits des usagers: l'ordre naturel des choses paraît exiger que nous examinions réciproquement ici quels sont les droits qui restent encore au propriétaire.

En parcourant les livres où il est question du droit d'usage dans les forêts, on y trouve que certains auteurs ont dit, et que d'autres ont répété après eux, qu'on doit regarder comme règle, en cette matière, que les usagers ne peuvent jamais avoir, dans la forêt

grevée de leurs usages, des droits aussi étendus que ceux du propriétaire.

Cette proposition, mise en avant comme une maxime générale, n'est pas seulement irréfléchie elle est absurde.

Qu'on dise, si l'on veut, que les droits du propriétaire sont communément, ou beaucoup, plus souvent, d'une estimation prépondérante sur ceux de l'usager, cela sera juste; mais énoncer comme une maxime, que, quelle que soit l'étendue des droits des usagers, ceux du, propriétaire doivent encore être d'une valeur supérieure, c'est nécessairement là une proposition absurde.

les

Et en effet, il est possible que la forêt usagère soit de peu d'étendue et peu productive; tandis que d'autre part il est possible aussi que le droit d'usage s'applique généralement à tous genres de produits du fonds, et qu'il soit dû à un grand nombre d'usagers comme quand il appartient à une commune très-populeuse ; il peut donc arriver qu'en profitant de tous les fruits, ou de tout le produit de la forêt, les usagers n'y trouvent pas même de quoi satisfaire à leurs besoins, c'est-à-dire qu'ils n'y trouvent pas même le paiement entier de ce qui leur est dû; et dès-lors n'y a-t-il pas une étrange aberration à affirmer, comme maxime générale, que les droits du propriétaire doivent toujours être prépondérans, lorsqu'il est possible qu'il ne lui reste à lui-même qu'un simple droit d'usage sur les fruits, avec la nue propriété d'un sol grevé a perpétuité d'un droit de jouissance au profit d'autres personnes ?

Ce n'est point ainsi qu'on raisonnait dans le droit romain. Lorsqu'on a légué à quelqu'un le droit d'usage sur un fonds, dit le jurisconsulte Paul, l'usager a le droit d'en prendre annuellement les fruits jusqu'à concurrence de ce qui est nécessaire à ses besoins [c'est aussi ce que veut notre code (630)]: et ce droit lui est acquis, quoique de cette manière il puisse absorber entièrement les fruits d'une terre médiocre; comme celui qui n'a que l'usage d'un esclave ou d'une maison peut s'en servir de manière à en avoir la jouissance entière sans qu'il en reste rien d'utile pour le propriétaire. Fundi usu legato, licebit usuario et ex penu, quod in annum duntaxat sufficiat, capere; licèt medioeris prædii eo modo fructus consumantur : quia et domo et servo ita uteretur, ut nihil alii fructuum nomine superesset (1).

La proposition que nous combattons n'était pas non plus regardée, au Parlement de Paris, comme l'expression de la vérité, en fait d'usage dans les forêts, lorsque cette cour, par arrêt du 7 septembre 1540, prononçant sur un règlement d'usages entre dame Diane de Poitier, duchesse de Valentinois, comme tutrice de ses enfans, et les habitans des paroisses de Crocq, Azy et autres, usagers dans la forêt de Roseul, ordonna que ceux-ci seraient maintenus dans le droit de percevoir, pour leurs usages, sur le produit de cette forêt, jusqu'à concurrence

(1) L. 15, ff. de usu et. habitat., lib. 7, tit, 8.

de quatorze parts sur quinze dans les bois taillis, et de trente-neuf sur quarante dans les arbres futaies; et que d'autre part cette dame serait seulement maintenue « en possession et saisine

de couper ou faire couper en ladite forêt, » la quinzième partie des bois taillis, et la quarantième partie des autres bois de ladite » forêt (1). » C'est en vain qu'on voulut réclamer de nouveau dans la cause au pétitoire; c'est en vain que Diane de Poitier voulut, pour ses enfans seigneurs et maîtres du fonds, donner à cet arrêt une interprétation extensive, au préjudice des habitans de la seigneurie: malgré tous ses efforts; malgré toute la faveur d'un grand nom; malgré les grandes considérations qui se rattachaient alors à son crédit, une magistrature plus grande encore sut faire pencher la balance et la maintenir du côté des faibles, parce que c'est là qu'était la justice en conséquence, par un nouvel arrêt de la même cour, du 27 mars 1541, il fut ordonné qu'en exécution du précédent, « ladite de Poitier, » esdits noms, pourra chacun an, couper en > ladite forêt du Roseul la quinzième partie des » bois taillis, et la quarantième partie des bois » de haute futaie d'icelle forêt, et sans qu'elle » puisse prendre le bois de haute futaie étant » entre les taillis pour bois taillis, et le bois » taillis étant entre le bois de haute futaie, » pour bois de haute futaie. (2)

(1) Voy. dans le recueil de FILLEAU, part. 2, tit. 8, chap. 3 in fin., pag. 367; et chap. 10 in fin., p. 380. (2) Voyez ibidem, pag. 381.

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