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la dernière espèce, il n'y a point, à l'échéance de chacun, de tacite reconduction. (1)

78. Lorsque le bail est résilié par la faute de l'un des contractans, celui-ci doit à l'autre une indemnité, à raison du préjudice qu'il lui cause; et déjà, dans le volume précédent, j'ai fait de nombreuses applications de ce principe, tantôt au preneur, tantôt au bailleur. La quotité des dommages-intérêts varie nécessairement selon les circonstances, et il est impossible d'indiquer toutes les causes qui peuvent exercer de l'influence sur leur fixation. Toutefois, lorsque c'est par la faute du locataire que le bail à loyer est résilié, il y a un élément de dommage qui doit nécessairement et toujours se présenter; c'est le défaut de perception de loyers par le propriétaire, durant le temps qui s'écoule entre le moment de la résiliation du bail et le moment où il reloue sa maison ou son appartement. Il est juste que le locataire indemnise le bailleur de cette perte, c'est-à-dire, qu'il lui paie le prix du bail pendant le temps nécessaire à la relocation. C'est l'obligation que lui impose l'art. 1760, sans préjudice des dommages-intérêts qui ont pu résulter de l'abus.

79. Le temps nécessaire à la relocation, dont parle cet article, ne doit pas s'entendre de tout l'intervalle qui pourrait s'écouler depuis la résiliation, jusqu'au jour où le bailleur aurait effectivement reloué. Ce serait faire peser sur le locataire

(1) Voy. Tome XVIII (IIIo de ma Continuation), no 510.

une responsabilité trop étendue et véritablement injuste. Il doit payer seulement, outre le terme courant, le loyer pour le terme suivant, tel qu'il est fixé par l'usage des lieux. C'est la pensée qu'exprimait M. Mouricault, en disant : « Il est tenu du loyer pendant le temps ordinairement laissé au propriétaire pour s'assurer d'un nouveau locataire. » (1)

8o. Mais si le propriétaire relouait sur-le-champ, si un second locataire succédait immédiatement et sans interruption au premier; celui-ci ne devrait le loyer que jusqu'à la fin de sa jouissance. Il serait aussi déraisonnable qu'inique que le propriétaire perçût deux fois le loyer pour un même terme. La loi veut qu'il soit indemnisé, et non qu'il reçoive le double de ce qui lui est dû.

SECTION III.

Des règles particulières aux baux à ferme.

SOMMAIRE.

81. Comparaison des baux à ferme et des baux à loyer, sous le rapport économique.

82. Etat et condition des colons ou preneurs de biens ruraux, aux différentes époques.

(1) Rapport au Tribunat, Voy. M. Locré, tome XIV, pag. 435; M. Duranton, tome XVII, n° 172.

83. Ce doivent être maintenant les rapports du pre

que

neur et du bailleur d'un héritage rural.

84. Influence de ces considérations sur la solution des questions de droit. La législation doit être étudiée dans son

avenir.

85. Division de cette section.

81. Le louage des maisons et le louage des terres, quoique soumis à certains principes communs, offrent cependant, sous le rapport économique, des différences importantes. Je l'ai déjà dit (1), le fermier d'un domaine rural loue un capital nécessaire au développement de son industrie; le locataire d'une maison ou d'un appartement se procure un objet de première nécessité, sans aucune pensée de spéculation. La législation qui nous régit n'a peutêtre pas assez tenu compte de cette distinction entre les deux sortes de contrats. Elle n'a fait, pour l'un et pour l'autre, que recueillir et constater les règles consacrées par l'ancienne jurisprudence; on devait, je crois, exiger plus des rédacteurs du Code civil. Ils pouvaient laisser subsister, pour les baux à loyer, la loi romaine, telle que l'avaient modifiée la jurisprudence des Parlemens, quelques dispositions des coutumes et la doctrine des auteurs; du moins ils pouvaient se contenter d'y apporter de légères modifications. C'est en effet un contrat, par sa nature, à-peu-près stationnaire; il pourvoit à des besoins que le mouvement social ne change que d'une façon presque imperceptible.

(1) Tome XVIII (IIIo de ma Continuation), no 405.

Mais, pour les baux à ferme, il y avait une autre mission à remplir. Cette espèce de convention a des caractères essentiellement différens aux différentes époques.

82. A-peu-près tous les colons étaient, chez les Romains, des espèces d'esclaves (i); ils furent remplacés par les serfs, sous l'empire de la féodalité (2). Plus tard, lorsqu'il y eut des fermiers dégagés des liens du servage, presque toujours il resta, dans leurs rapports avec les propriétaires, que du temps

(1) Voy. Cod. tit. de agricolis et censitis et colonis. Sans doute le contrat de louage même pour des héritages ruraux pouvait intervenir entre personnes d'égale condition; mais la plupart du temps, la culture était confiée à des esclaves qui payaient une certaine rede.. vance au maître. « La population rurale dans tout l'empire romain, dit M. Sismondi, était divisée en deux classes: les colons libres et les esclaves, qui différaient bien plus de nom que par des droits réels. Les premiers cultivaient la terre, moyennant des redevances fixes, payables le plus souvent en nature; mais comme une distance prodigieuse les séparait de leurs maîtres, qu'ils relevaient immédiatement de quelque esclave favori ou de quelque affranchi, que leurs plaintes n'étaient point écoutées, et que les lois ne leur donnaient aucune garantie, leur condition était devenue toujours plus dure, les redevances qu'on exigeait d'eux toujours plus ruineuses; et si dans l'accablement de leur misère ils prenaient le parti de s'enfuir, abandonnant leur champ, leur maison, leur famille; s'ils allaient demander un refuge à quelque autre propriétaire, les constitutions des empereurs avaient établi des procédures sommaires par lesquelles on pouvait les réclamer et les saisir partout où on les trouvait. Tel était le sort des cultivateurs libres. Histoire de la chute de l'empire romain. (2) Vinnius, ad Inst. lib. 1, tit. 3, dit : in hisce et plerisque aliis christiani orbis provinciis, quamvis nulli amplius servi sint, reperiuntur tamen adhuc homines conditionis adscriptitia, sive rusticani glebæ addicti et quasi proprii illius loci, cui adscripti sunt... et il ajoute, Christin. latinis colonis eos comparat., dec. 86, n° 18. Voy, aussi les notes d'Heineccius.

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de Pothier on nommait encore seigneurs d'héritages, des traces de leur ancien état. En 1789, beaucoup de baux à ferme renfermaient des élémens féodaux, et ceux même, qui étaient purs de tout mélange semblable, conservaient l'empreinte du caractère qu'ils avaient eu dans l'origine.

83. Depuis cette époque, l'exploitation de la terre n'a plus été, ou du moins ne doit plus être considérée que comme une branche d'industrie. Les relations du propriétaire au fermier sont évidemment celles du capitaliste à l'emprunteur industriel. Sans doute, il ne faut pas perdre de vue que le capital prêté ou loué est immobilier; le législateur doit remarquer cette nuance et en tenir compte. Mais tout en exerçant une certaine influence sur ses déterminations, elle ne peut ôter au contrat le caractère essentiel que je lui ai attribué, le dérober au mouvement imprimé à l'activité industrielle, et le soustraire à l'empire des dispositions légales qui régissent les transactions entre les détenteurs de capitaux et ceux qui se le procurent, par des emprunts, ou des associations en commandite.

Les baux emphytéotiques ont été instinctivement imaginés pour rendre possible et utile l'exploitation des terres; et quelles qu'aient été, aux différentes époques, les entraves que l'influence des institutions politiques contemporaines a opposées à l'activité des preneurs; on ne peut s'empêcher de reconnaître que les emphytéoses ont éminemment favorisé le développement de l'industrie agricole; qu'elles renfermaient le germe et pré

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