toujours utile à la reconnaissance du père, en décidant qu'elle ne profite qu'à l'enfant, et qu'elle ne donne aucun droit au père, si elle n'est appuyée de l'aveu de la mère. Au lieu de dire : « La reconnaissance du père seul, non avouée par la « mère, sera de nul effet » on pourra dire « La reconnais«sance du père seul, non désavouée, aura ses effets. » Par là on ménagerait à la mère le moyen de détruire cette reconnaissance; et elle ne nuirait pas à l'enfant, si son véritable père venait le réclamer. On a présenté l'adoption comme un équivalent de la reconnaissance : s'il en est ainsi, il faut s'y borner et ne plus parler de reconnaissance d'enfant; mais s'il y a des différences entre ces deux moyens de donner un état à l'enfant, il faut que la reconnaissance puisse avoir ses effets dans tous les cas. Quand la reconnaissance ne donnerait pas à l'enfant plus d'avantages que l'adoption, elle ne serait pas une institution indifférente, en ce qu'elle établirait des rapports naturels entre son père et lui. Quant aux adulterins, la loi, qui ne présume pas le mal, ne doit les distinguer des autres que lorsque cette qualité d'adultérin est constatée; mais lorsque leur origine n'est pas clairement connue et légalement prouvée, il serait dur de conclure de la déclaration du père qu'il y a lieu de les distinguer des bâtards simples. Le Consul se résume et propose de décider, 1°. Que la reconnaissance du père sera de nul effet, lorsqu'elle sera désavouée par la mère; 2°. Que cette reconnaissance ne donnera pas au père la gestion des biens des enfans. M. PORTALIS dit que la reconnaissance du père seul ne pouvant devenir une preuve de la paternité, il ne suffit pas de décider qu'elle demeure sans effet si elle est désavouée pa la mère; il faut encore que toute personne intéressée puisse la contester, et à cet effet déclarer positivement qu'elle n'est pas une preuve de l'état de l'enfant. M. BOULAY dit que l'objection la plus forte, et à laquelle M. Bérenger n'a pas répondu, est la possibilité que plusieurs se prétendent les pères du même enfant. Que décidera alors le tribunal? M. DEFERMON dit que le législateur ne doit pas raisonner d'après les hypothèses particulières; que le concours de plusieurs réclamans n'empêche pas l'enfant d'avoir un père, et ne doit pas priver ce père du droit de le reconnaître. LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit que la section cède trop au désir d'empêcher les procès en réclamation. Il est possible d'abord qu'un seul réclame l'enfant, et ce sera le cas le plus ordinaire. S'il se présente plusieurs réclamans, l'issue du débat donnera toujours un état à l'enfant. C'est à ce but que doit tendre la loi. Ses dispositions seraient scandaleuses si elles mettaient des enfans nés hors mariage dans une position où ils ne pussent appartenir à personne. Le Consul reprend l'observation qu'il a faite, et l'appuie d'un exemple : Jacques, dit-il, déclare que Joseph est né de lui et de Marie; Marie désavoue cette déclaration. Il n'y a pas de doute que la déclaration de Jacques ne doive demeurer sans effet, parce qu'elle est indivisible. Joseph se pourvoit contre Marie, et prouve qu'il est son fils; elle persiste cependant à soutenir qu'elle n'en est pas la mère, et, par une suite nécessaire, ne déclare point de père; elle est condamnée dans ces circonstances, empêchera-t-on Jacques de revendiquer un enfant de qui la mère ne veut pas indiquer le père? : M. BOULAY dit que l'article n'a pas été rédigé dans cette hypothèse, mais dans celle où la mère avoue son accouchement, et désavoue le père qui se présente. M. DEFERMON dit que l'article parle de l'aveu de la mère, et non de son désaveu. La différence entre les deux choses est tellement marquée, que si le désaveu de la mère peut seul rendre sans effet la reconnaissance du père, il est permis à celui-ci de reconnaître l'enfant, même après la mort de sa mère, si, avant de mourir, elle ne l'a pas désavoué.⚫ M. BOULAY admet l'amendement. M. PORTALIS rappelle l'amendement qu'il a proposé, et qui consiste à donner aux tiers intéressés le droit de contester la reconnaissance du père seul. LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit que cette faculté appartient de droit aux tiers, même dans le cas où la reconnaissance du père est appuyée de l'aveu de la mère. M. REGNIER dit qu'on ne pourrait empêcher l'enfant de réclamer contre la reconnaissance du père. M. PORTALIS répond qu'il ne s'arrête pas à l'enfant ; qu'il va jusqu'à la famille, qui peut avoir intérêt de contester la reconnaissance. Elle perdrait ce droit, si la reconnaissance du père était considérée comme une preuve de la paternité. L'article est adopté, sauf rédaction, avec les amendemens du Premier Consul et celui de M. Portalis. L'article 9 est soumis à la discussion. M. MALEVILLE rappelle l'amendement qu'il a proposé, et qui tend à exclure la preuve de la maternité contre une femme mariée. Il ne faut pas, dit-il, que l'intérêt d'enfans nés hors mariage l'emporte sur l'intérêt du mari, et empêche d'autres enfans de naître. M. BERLIER S'oppose à cet amendement : il observe qu'autant il importait, pour prévenir des recherches hasardées et téméraires, d'exiger que la réclamation de l'enfant reposât sur un commencement de preuve par écrit, autant il importe, lorsque ce commencement de preuve existe, de ne dénier en aucun cas une action d'autant plus favorable, qu'elle n'a réellement que des alimens ou l'équivalent pour objet. On craint que cela ne porte le désordre dans les familles : mais il n'est pas question d'y faire entrer un nouveau membre; il ne s'agit que d'une créance alimentaire, aussi sacrée sans doute que toute autre, dont la femme ne serait pas rédimée pour ne l'avoir pas déclarée en se mariant. Si l'on entend, continue M. Berlier, que l'harmonie entre ap. 336 les époux pourra en être altérée, cela se conçoit, supposé que le mari ait ignoré le fait qui motive une telle demande. Ici M. Berlier avance que, malgré la défaveur due à la réticence barbare d'une mère qui aura sacrifié son enfant et trompé son mari, il pourrait convenir d'admettre la proposition de M. Maleville, s'il devait en résulter un effet tel que le voile officieux dont on voudrait couvrir le passé ne pût jamais être levé par d'autres voies. Mais si la loi ferme à l'enfant l'accès des tribunaux, elle ne pourra l'empêcher de se présenter avec son commencement de preuve par écrit, à la porte de sa mère, pour réclamer les droits de la nature; et c'est ce qui arrivera toujours avec l'éclat et l'énergie qu'inspire le sentiment d'une profonde injustice. Or, puisque en pareil cas le silence est inespérable, à quoi peut aboutir le déni de justice qu'on propose de faire à l'enfant? L'honneur de la mère n'y gagnera rien; l'harmonie entre les époux n'en sera pas moins troublée; car c'est le fait et non la demande judiciaire relative à un modique intérêt pécuniaire qui aigrira le mari : ainsi l'on aura offensé la nature sans aucun profit pour la paix du ménage. M. Berlier finit en observant d'ailleurs que, si la crainte qu'on n'exerce une pareille action un jour frappe assez les femmes qui seront dans le cas de la subir pour obvier à leur dissimulation avant le contrat de mariage, celui-ci en deviendra plus pur, parce que les maris sauront mieux avec qui ils s'unissent, ce qui est important dans l'ordre moral. LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit que M. Berlier raisonne dans l'hypothèse où l'enfant serait né avant le mariage; mais il peut être né depuis. M. BERLIER répond que, s'agissant d'une demande en filiation dirigée contre la mère, la nature de cette demande indique un fait antérieur au mariage: car l'enfant né depuis est l'enfant présumé du mariage. Si l'on tentait de lui soustraire son état, ce ne serait plus de simples alimens, mais l'état d'enfant légitimne qu'il serait en droit de réclamer, sauf le désaveu légal du père, que la loi a dû circonscrire dans de très-étroites limites. M. Berlier dit ensuite que l'enfant né depuis le mariage, d'autre que des deux époux, serait un adultérin; mais que cette tache, presque toujours cachée par la mère sous le voile du mariage même, et qui ne peut guère se montrer qu'à l'égard de l'enfant provenu du commerce d'un homme marié avec une femme libre, devra sans doute disparaître de notre législation, qui fera bien d'interdire la reconnaissance des adulterins. Cette prohibition sera dans l'intérêt des enfans; car il vaut mieux leur laisser un état du chef de leur mère, un demi-état, que de leur donner un état infâme. M. Berlier observe, au surplus, que cette question, bonne à agiter en son temps, est étrangère à celle qu'on discute en ce moment. M. REGNAUD (de Saint-Jean-d'Angely) dit que, dans le système de M. Maleville, la loi ne favoriserait que la mère dénaturée : une bonne mère ne se résoudra jamais à laisser ses enfans sans alimens. M. MALEVILLE répond que la mère peut concilier son devoir avec le repos de son mari, et donner en secret des secours à son enfant. M. REGNAUD (de Saint-Jean-d'Angely) objecte que la disposition proposée ne remédierait à rien le mystère de la maternité serait révélé par l'éclat qu'aurait la demande de l'enfant, dût-elle demeurer sans succès. LE PREMIER CONSUL propose de renvoyer ces questions à la section. LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit qu'il importe de convenir d'abord de la marche du projet de loi. Les dispositions relatives à la reconnaissance des enfans doivent être placées à la tête du projet; Les dispositions qui interdisent la recherche de la paternité doivent venir ensuite; |